Deux ou trois idées pour la prochaine révolution


Texte inédit | Ballast

Est-il encore utile de cri­ti­quer l’ordre du monde ? On aurait des rai­sons d’en dou­ter. Pour peu qu’on ouvre les yeux, tout est net. Plus dif­fi­cile est d’i­ma­gi­ner la suite : par quoi rem­pla­cer — en France, déjà — le pou­voir pré­si­den­tiel, sa loi capi­ta­liste et par­le­men­taire, ses forces armées lar­ge­ment fas­ci­sées ? Nous avons, dans cette optique, régu­liè­re­ment par­lé des pro­jets de socié­té com­mu­na­liste, éco­so­cia­liste, com­mu­niste liber­taire, orwel­lien et frio­tiste. Sur la base des expé­riences de trans­for­ma­tion sociale que l’Europe a connues, le phi­lo­sophe, éco­no­miste, psy­cha­na­lyste et mili­tant Cornelius Castoriadis — figure cen­trale de l’or­ga­ni­sa­tion Socialisme ou Barbarie — a ima­gi­né, à par­tir des années 1950, à quoi pour­rait concrè­te­ment res­sem­bler une socié­té qui met­trait fin à la mise au pas des popu­la­tions. S’il refu­sait toute pers­pec­tive uto­piste, il n’en croyait pas moins que le mou­ve­ment pour le mou­ve­ment ne suf­fi­sait pas : mieux vaut avoir deux ou trois idées claires sur l’ho­ri­zon dési­ré. Cette socié­té socia­liste et éco­lo­gique (qu’il a éga­le­ment appe­lée « socié­té auto­nome » ou « socié­té juste ») ins­ti­tue­ra enfin la démo­cra­tie. ☰ Par Victor Cartan


Le monde de Castoriadis — les Trente Glorieuses, la guerre froide, un PCF à plus de 20 %, les agri­cul­teurs repré­sen­tant un sixième de l’emploi, une forte crois­sance indus­trielle et le fax — n’est plus le nôtre. La pro­po­si­tion cas­to­ria­dienne pour­rait pour­tant, dans ses grandes lar­geurs et à la condi­tion évi­dente de l’ac­tua­li­ser, ren­con­trer nombre des ques­tion­ne­ments et des com­bats de notre époque. « Tout se passe comme si les idées de Castoriadis, res­tées mar­gi­nales durant toute sa vie, avaient fini par irra­dier l’espace public », notait même le pro­fes­seur de phi­lo­so­phie Philippe Caumières, auteur d’un récent ouvrage consa­cré à sa pen­sée. L’Union sovié­tique et ses alliés incar­naient en son temps l’op­po­si­tion domi­nante au capi­ta­lisme. Castoriadis, briè­ve­ment par­ti­san du trots­kysme (puis cri­tique de ce der­nier), n’a eu de cesse de dénon­cer l’im­pos­ture du « socia­lisme réel », c’est-à-dire stalinien1. Le socia­lisme qu’il a défen­du répon­dait donc, pour une large part, à sa cap­ture bureau­cra­tique et tota­li­taire : l’im­por­tant était de for­mu­ler à nou­veaux frais une pro­po­si­tion socia­liste détaillée. En 1964, dans son étude « Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire sous le capi­ta­lisme moderne », il décla­rait ain­si : « Tout ce qui a exis­té et existe comme forme ins­ti­tuée au mou­ve­ment ouvrier — par­tis, syn­di­cats, etc., — est irré­mé­dia­ble­ment et irré­vo­ca­ble­ment fini, pour­ri, inté­gré dans la socié­té d’ex­ploi­ta­tion. Il ne peut pas y avoir de solu­tions mira­cu­leuses, tout est à refaire au prix d’un long et patient tra­vail2. »

La démocratie n’est pas « représentative »

« La France ne doit pas être une démo­cra­tie, mais un régime repré­sen­ta­tif3 », avan­çait Emmanuel-Joseph Sieyès en sep­tembre 1789. L’homme, dépu­té, a tra­vaillé à la rédac­tion de la pre­mière consti­tu­tion fran­çaise. Le pro­pos pour­ra dérou­ter le lec­teur contem­po­rain tant les esprits ont été accli­ma­tés à l’i­dée que la démo­cra­tie repose, pré­ci­sé­ment, sur l’i­dée de repré­sen­ta­tion et de scru­tins éta­tiques. Rien n’est moins vrai. La repré­sen­ta­tion est une idée moderne. Dans l’Athènes clas­sique des Ve et IVe siècles avant notre ère, le per­son­nel des organes de gou­ver­ne­ment était tiré au sort : Conseil des Cinq-Cents, Tribunal du Peuple et la qua­si tota­li­té des magistrats4. Aristote assu­rait que l’é­lec­tion était oli­gar­chique, Montesquieu que le suf­frage élec­tif était de nature aris­to­cra­tique et Rousseau que les Anglais étaient des esclaves qui se croyaient libres au motif qu’ils se conten­taient d’é­lire occa­sion­nel­le­ment les membres du Parlement. Au cours d’une confé­rence don­née à New York en avril 1982, Castoriadis pou­vait donc rap­pe­ler que « la repré­sen­ta­tion est un prin­cipe étran­ger à la démo­cra­tie. Et cela ne souffre guère la dis­cus­sion. Dès qu’il y a des repré­sen­tants per­ma­nents, l’au­to­ri­té, l’ac­ti­vi­té et l’i­ni­tia­tive poli­tiques sont enle­vées au corps des citoyens5 ».

« La popu­la­tion détient-elle le pou­voir ? non. Contrôle-t-elle le gou­ver­ne­ment ? non. Conçoit-elle les lois ? non. »

La démo­cra­tie, c’est la sou­ve­rai­ne­té du peuple, et « être sou­ve­rain c’est l’être vingt-quatre heures sur vingt-quatre6 ». Être repré­sen­té est une « insulte7 » faite à toute citoyen­ne­té authen­tique. Face à la camé­ra de Chris Marker, Castoriadis ajou­tait en 1989 :

Chez les Modernes, l’idée de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive va de pair avec ce qu’il faut bien appe­ler une alié­na­tion du pou­voir, une autoex­pro­pria­tion du pou­voir, c’est-à-dire la popu­la­tion dit : « Pendant cinq ans, je n’ai rien à faire sur le plan poli­tique, j’ai choi­si 548 per­sonnes qui vont s’occuper de mes affaires, dans le cadre de la Constitution, avec cer­taines garan­ties, etc. » Le résul­tat, c’est que pen­dant ces cinq ans, les citoyens ne sont pas actifs, ils sont passifs.

Nous ne vivons pas en démo­cra­tie mais sous un « régime d’o­li­gar­chie libé­rale8 ». La popu­la­tion détient-elle le pou­voir ? non. Contrôle-t-elle le gou­ver­ne­ment ? non. Conçoit-elle les lois ? non. A‑t-elle son mot à dire sur la pro­duc­tion des tech­no­lo­gies ? non. Maîtrise-t-elle la façon dont s’or­ga­nise le tra­vail au quo­ti­dien ? non. Il convient dès lors de tour­ner la page du par­le­men­ta­risme et, par la révo­lu­tion, de bâtir une socié­té auto­nome et socia­liste — une socié­té auto-orga­ni­sée, auto-gou­ver­née, qui crée­ra et diri­ge­ra elle-même ses ins­ti­tu­tions, offrant de la sorte « un sens à la vie et au tra­vail des hommes9 ».

Le « socialisme » : mais encore ?

« Socialisme, je ne sais plus ce que ça veut dire », confiait fin 2021 le phi­lo­sophe et éco­no­miste Frédéric Lordon à la revue Ballast — pour lui pré­fé­rer le terme de « com­mu­nisme ». Il est vrai : « socia­lisme » est équi­voque. C’est qu’il ren­voie de nos jours à trois pro­po­si­tions dis­tinctes, toutes opérantes.

[Gilet jaune frappé par les forces de l'ordre, Paris, novembre 2018 | Cyrille Choupas]

Un : au pro­jet matri­ciel, his­to­rique, glo­bal et inter­na­tio­nal d’op­po­si­tion au mode de pro­duc­tion capi­ta­liste et, paral­lè­le­ment, à l’é­di­fi­ca­tion d’une socié­té débar­ras­sée de toute forme d’op­pres­sion. Le com­mu­nard Élisée Reclus énon­çait ain­si, dès 1884, qu’on ne sau­rait réa­li­ser l’i­déal socia­liste en des­ti­nant « à la mort tous nos sem­blables qui portent museau10 », autre­ment dit en conti­nuant d’at­ten­ter à la vie ani­male ; la com­mu­narde Paule Minck notait, neuf ans plus tard, qu’« avec [l’i­dée socia­liste] marche l’émancipation de la femme11 » ; l’é­cri­vain James Baldwin pré­ci­sait, un siècle après, que le « socia­lisme authen­tique » signi­fiait « l’éradication de ce que nous appe­lons le pro­blème racial12 ». Réduire le socia­lisme à ses seules pro­prié­tés éco­no­miques n’a, par­tant, aucun sens. L’introducteur fran­çais du terme, Pierre Leroux13, l’a­vait d’ailleurs défi­ni d’une manière pour le moins englo­bante au XIXe siècle : le socia­lisme est « la doc­trine qui ne sacri­fie aucun des termes de la for­mule : Liberté, Égalité, Fraternité, mais qui les conci­lie­ra tous14 ». De la matrice socia­liste — ce « noyau cen­tral » — ont émer­gé, comme autant de branches, l’a­nar­chisme, le com­mu­nisme et la social-démo­cra­tie. Deux : dans la confi­gu­ra­tion mar­xiste-léni­niste, le terme « socia­lisme » a ser­vi à dési­gner une étape tran­si­toire. Il est deve­nu la phase qui suc­cè­de­ra au capi­ta­lisme et pré­lu­de­ra à l’ère finale com­mu­niste. Un « stade par­ti­cu­lier », théo­ri­sait Lénine dans L’État et la Révolution, « la pre­mière phase de la socié­té com­mu­niste ». Pour autant, on ne trouve « chez Marx lui-même rien qui res­semble à une telle oppo­si­tion entre socia­lisme et com­mu­nisme : comme nombre de ses contem­po­rains, Marx uti­lise l’un ou l’autre de ces termes indif­fé­rem­ment et les traite comme des syno­nymes15 ». Trois : le socia­lisme des par­tis du même nom, qui, dans le monde entier, s’en sont récla­més depuis la divi­sion du mou­ve­ment ouvrier en deux grands blocs : ceux qui ont tenu à conser­ver « la vieille mai­son » (ain­si que l’a vou­lu Blum lors du congrès de Tours) et ceux qui ont ral­lié le com­mu­nisme triom­phant au len­de­main de la révo­lu­tion bol­che­vik de 1917.

L’usage que Castoriadis a fait de ce terme a évo­lué au fil des ans. Dans les pages de Socialisme ou Barbarie, l’é­co­no­miste a d’a­bord repris à son compte la confi­gu­ra­tion mar­xiste-léni­niste en ques­tion. La socié­té socia­liste qu’il a ébau­chée tout au long des années 1950 — et syn­thé­ti­sée dans l’ou­vrage Le Contenu du socia­lisme en 1979 —, c’é­tait donc l’or­ga­ni­sa­tion sociale qui naî­trait de la pro­chaine révo­lu­tion, bri­se­rait le régime de l’ex­ploi­ta­tion mais conti­nue­rait de souf­frir des sco­ries du monde ancien. Ce n’é­tait pas l’ère, encore loin­taine, pour le moment indes­crip­tible, du com­mu­nisme enfin réa­li­sé (autre­ment dit, dans le dia­lecte mar­xiste en vigueur, « l’a­bon­dance maté­rielle et le plein déve­lop­pe­ment des capa­ci­tés humaines », l’a­vè­ne­ment de « l’homme total » et la dis­pa­ri­tion de l’État). Sa rup­ture avec le mar­xisme consom­mée au milieu des années 1960, Castoriadis a défi­ni­ti­ve­ment aban­don­né ce sché­ma. Jusqu’à sa mort, il a par­lé plus volon­tiers de « socié­té auto­nome » — les mots de « socia­lisme » et de « com­mu­nisme », qu’on les tienne pour syno­nymes ou non, ayant été, selon lui, défi­gu­rés par l’ex­pé­rience stalinienne.

« Réduire le socia­lisme à ses seules pro­prié­tés éco­no­miques n’a, par­tant, aucun sens. »

Nous incli­nons à pen­ser, avec le phi­lo­sophe trots­kyste Daniel Bensaïd, que « Les mots de l’émancipation ne sont pas sor­tis indemnes des tour­ments du siècle pas­sé. On peut en dire, comme des ani­maux de la fable, qu’ils n’en sont pas tous morts, mais que tous ont été gra­ve­ment frap­pés. Socialisme, révo­lu­tion, anar­chie même, ne se portent guère mieux que com­mu­nisme ». On pour­rait même ajou­ter que le signi­fiant « auto­no­mie », en plus de se confondre avec le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire né en Italie, est, depuis quelques décen­nies, inces­sam­ment mobi­li­sé par l’i­ma­gi­naire libé­ral et mana­gé­rial. « On n’invente pas un nou­veau lexique par décret. Le voca­bu­laire se forme dans la durée, à tra­vers usages et expé­riences », pour­sui­vait Bensaïd, cri­tique de Castoriadis et mili­tant convain­cu de la dura­bi­li­té du terme « com­mu­nisme » face à « l’im­monde capi­ta­lisme ». Nous ne tran­che­rons pas la ques­tion ici. Notons que nous uti­li­se­rons dans ce texte le terme « socia­lisme » dans le sens que Castoriadis lui a long­temps don­né, à savoir « abo­li­tion de l’ex­ploi­ta­tion16 » — libre à cha­cun d’y lire simul­ta­né­ment « auto­no­mie » (« le socia­lisme est […] le pro­jet de l’ins­ti­tu­tion d’une socié­té auto­nome17 »). Notons enfin que l’é­co­no­miste décrois­sant Serge Latouche, auteur de Cornelius Castoriadis ou l’au­to­no­mie radi­cale, a sou­te­nu en 2014 que la poli­tique cas­to­ria­dienne conduit, dans « les condi­tions his­to­riques actuelles18 », à l’é­co­so­cia­lisme.

Qui fera la révolution ?

Castoriadis a ini­tia­le­ment dési­gné le pro­lé­ta­riat, et plus encore les ouvriers de l’in­dus­trie, comme l’ac­teur cen­tral du pro­ces­sus révo­lu­tion­naire. C’est à lui qu’il reve­nait d’en finir avec la tyran­nie du pro­fit. Sa posi­tion, on l’a dit, évo­lua — en même temps que le capi­ta­lisme. Les années 1970 ont mar­qué le début de « la dés­in­dus­tria­li­sa­tion de la France » et, avec elle, la baisse du nombre d’ou­vriers (en 2021, l’INSEE indi­quait que, pour la pre­mière fois, la part de cadres dans la popu­la­tion « active » dépas­sait celle des ouvriers, tom­bée à 19,2 %). C’est pour­quoi Castoriadis avan­ça qu’il ne sau­rait adve­nir de révo­lu­tion vic­to­rieuse sans créer un trait d’u­nion entre les tra­vailleurs manuels, les sala­riés du ter­tiaire et les intel­lec­tuels. Le capi­ta­lisme a trans­for­mé l’im­mense majo­ri­té des indi­vi­dus en exé­cu­tants sala­riés, dont le tra­vail est par­cel­laire, alié­nant, muti­lant et absurde. Dans le numé­ro 35 de Socialisme ou Barbarie, on pou­vait lire : « Le mou­ve­ment ouvrier, en tant que mou­ve­ment orga­ni­sé de classe contes­tant de façon expli­cite et per­manente la domi­na­tion capi­ta­liste, a dis­pa­ru. » Castoriadis a posé une nou­velle cou­pure : non plus les déten­teurs des moyens de pro­duc­tion et les pro­lé­taires sans pro­prié­té face à la bour­geoi­sie, mais ceux qui exé­cutent face à ceux qui dirigent. La révo­lu­tion, enten­due comme « période d’ac­ti­vi­té intense et consciente des masses19 », est ce moment par­ti­cu­lier où le grand nombre se sai­sit enfin « de toutes les affaires com­munes de la socié­té20 », où, en un temps bref, la socié­té enclenche sa refon­da­tion struc­tu­relle. Elle est, telle qu’il l’a défi­nie en 1989 au cours d’une dis­cus­sion consa­crée à la Révolution fran­çaise — pre­mière expé­rience à ses yeux d’au­to-ins­ti­tu­tion expli­cite dans l’his­toire de l’hu­ma­ni­té —, « cette réins­ti­tu­tion par l’ac­ti­vi­té col­lec­tive et auto­nome du peuple, ou d’une grande par­tie de la socié­té21 ». 

[Sêal (à gauche) : combattante kurde engagée dans la révolution du Rojava, 2014 | Loez]

Ce n’est donc plus à une classe seule de conduire la révo­lu­tion. Encore moins à une avant-garde — à laquelle il crut un temps. Les lea­ders auront en revanche toute leur place : Castoriadis tenait leur dis­pa­ri­tion pour une « posi­tion hypo­crite et fausse22 », à l’ins­tar du théo­ri­cien com­mu­na­liste Murray Bookchin23 (Castoriadis l’a lu : une ana­lyse croi­sée de leurs tra­vaux, sou­vent conti­gus, reste à écrire). Dans un entre­tien accor­dé fin 1978 à un jour­nal ita­lien, il s’est oppo­sé à l’i­dée qu’exis­tait un « sujet de la révo­lu­tion ». « C’est toute la socié­té qui est concer­née par la révo­lu­tion24 », pré­ci­sait-il, sou­cieux d’in­té­grer les reven­di­ca­tions fémi­nistes et étu­diantes contem­po­raines. Un an plus tard, il se fai­sait plus pré­cis : 90 à 95 % de la popu­la­tion est concer­née par la pers­pec­tive révo­lu­tion­naire. En 1988, il pous­sait d’un cran : « La trans­for­ma­tion de la socié­té exige aujourd’hui la par­ti­ci­pa­tion de toute la popu­la­tion, et toute la popu­la­tion peut être ren­due sen­sible à cette exi­gence — à part peut-être 3 à 5 % d’individus incon­ver­tibles25. » On ima­gine Frédéric Lordon le priant de ne pas aller plus loin : « [L]e pro­blème — le ver­rou poli­tique — ce sont les 10 % » (autre­ment dit : le « bloc bourgeois »).

Esquisse de la société future

Regrettons-le : Castoriadis n’a pas suf­fi­sam­ment pen­sé la manière dont le pou­voir éta­tique pour­rait être mis à bas. S’il a indi­qué que les domi­nants n’a­ban­donnent jamais « paci­fi­que­ment » le pou­voir et qu’on ne peut ima­gi­ner « éli­mi­ner toute vio­lence de la vie poli­tique26 », il ne pou­vait être ques­tion, pour lui, d’ap­pré­hen­der la révo­lu­tion sur le mode de la guerre civile ou de l’« effu­sion de sang27 ». Ni table rase, ni ter­reur. « On ne peut pas sau­ver l’hu­ma­ni­té mal­gré elle, et encore moins contre elle28 », expo­sait-il dans son article « La révo­lu­tion devant les théo­lo­giens », condam­nant par ailleurs la vio­lence « ter­ro­riste » de l’ex­trême gauche grou­pus­cu­laire. Tout en pen­sant qu’il était « absurde de subor­don­ner29 » la tota­li­té de l’ac­ti­vi­té révo­lu­tion­naire au jour J de la prise du pou­voir, Castoriadis, ardent défen­seur de l’é­du­ca­tion col­lec­tive à la citoyen­ne­té, s’est mon­tré plus loquace quant à la socié­té qui pour­rait naître de la pro­chaine révo­lu­tion. Il sera ques­tion, rien de moins, d’une « muta­tion anthro­po­lo­gique30 ». Si cette esquisse de socié­té future a paru dans les années 1950, l’é­co­no­miste et phi­lo­sophe l’a réédi­tée en 1979 puis fait savoir au cours d’un entre­tien mené avec avec La Revue du MAUSS, trois ans avant sa mort, qu’il pro­po­sait tou­jours la même « des­crip­tion du régime démo­cra­tique31 » à venir : en dépit des inflexions de l’au­teur, on ne sau­rait dou­ter que ce fut là le pro­jet de sa vie.

« Castoriadis récu­sait tou­te­fois la notion d’u­to­pie. Il n’en­ten­dait pas des­si­ner l’a­ve­nir radieux sur un coin de table. »

Castoriadis récu­sait tou­te­fois la notion d’u­to­pie. Il n’en­ten­dait pas des­si­ner l’a­ve­nir radieux sur un coin de table : aucune recette n’existe ; rien ne garan­tit le suc­cès de la révo­lu­tion ; l’é­chec, même, est fort pro­bable, mais mieux vaut rater que n’a­voir rien ten­té. C’est fort des expé­riences révo­lu­tion­naires menées par les popu­la­tions d’Europe32 qu’il s’est per­mis d’a­van­cer quelques pistes concrètes. Une sorte de syn­thèse. Les cités athé­niennes, la Commune de Paris, la Russie des années 1917–18, l’Allemagne de 1919, l’Espagne de 1936 et la Hongrie de 1956 consti­tuaient autant de points d’ap­pui, d’exemples ou de modèles.

Quelle architecture générale ?

Si le mar­xisme n’é­tait plus, selon lui, en mesure de contri­buer à l’é­di­fi­ca­tion d’une telle socié­té auto-ins­ti­tuée et auto-orga­ni­sée, Castoriadis n’a jamais été anar­chiste pour autant33. Le pou­voir ne dis­pa­raî­tra pas. En aucun cas. Reste à l’en­vi­sa­ger en révo­lu­tion­naire, en démocrate34. Tout col­lec­tif humain est affaire de lois et d’ins­ti­tu­tions, sauf à condam­ner la socié­té au « règne du pur désir35 » — donc au meurtre. L’organisation géné­rale de la socié­té future appa­raît sous sa plume de façon extrê­me­ment minu­tieuse. Résumons-la à trop grands traits.

[Rassemblement Nuit debout, Paris, 2016 | Stéphane Burlot]

D’abord, il y aura par­tout la créa­tion de Conseils — dans l’en­tre­prise, l’u­sine, l’a­te­lier ou le site agri­cole. Chaque Conseil sera com­po­sé de délé­gués élus et révo­cables à tout ins­tant : ce seront autant de cel­lules de base (des « créa­tions orga­niques de la lutte du pro­lé­ta­riat36 »). Pour un col­lec­tif de tra­vail de 5 à 10 000 tra­vailleurs, on pour­ra comp­ter 30 à 50 délé­gués par Conseil. L’ensemble des Conseils sera coor­don­né par l’Assemblée cen­trale des délé­gués des Conseils (1 000 à 2 000 délé­gués), laquelle dési­gne­ra en son sein un Conseil cen­tral, c’est-à-dire le gou­ver­ne­ment révo­lu­tion­naire (ou « Gouvernement des Conseils », com­po­sé d’une dizaine de membres rota­tifs). Les déci­sions se pren­dront de bas en haut — des Conseils au Conseil. La décen­tra­li­sa­tion sera ins­tau­rée par­tout où cela sera pos­sible, arti­cu­lant éche­lons régio­naux et natio­naux ; une forme de cen­tra­li­sa­tion, de pou­voir cen­tral, demeu­re­ra donc — sans quoi, insis­tait-il, tout s’ef­fon­dre­ra dans le cadre d’une socié­té moderne. Le Conseil cen­tral, conçu comme une force d’expres­sion de la base, devra répondre de ses faits et gestes devant l’Assemblée ; il coor­don­ne­ra seule­ment ce qui doit l’être natio­na­le­ment et exé­cu­te­ra les déci­sions urgentes. Il rem­pla­ce­ra, en somme, l’an­cien État — lequel, pen­sait Castoriadis, n’est pas une construc­tion éter­nelle : il faut détruire l’État en tant qu’il est un « appa­reil bureau­cra­tique sépa­ré de la socié­té et la domi­nant37 » (la cité grecque était, arguait-il, une col­lec­ti­vi­té poli­tique, non un État). Ce réseau struc­tu­rel devra être éta­bli dans les plus brefs délais : cette sta­bi­li­té ins­ti­tu­tion­nelle sera essen­tielle à la pour­suite de la révo­lu­tion. Les séances de l’Assemblée et du Gouvernement pour­ront être retrans­mises à la télé­vi­sion et à la radio : les délé­gués révo­cables seront ain­si pla­cés sous le contrôle per­ma­nent de la popu­la­tion. Le socia­lisme repo­se­ra donc sur « la coopé­ra­tion ver­ti­cale et hori­zon­tale38 », en un double cou­rant permanent.

Quelle économie ?

Les capi­ta­listes se ver­ront expro­priés et l’é­co­no­mie sera en par­tie pla­ni­fiée. Un mar­ché conti­nue­ra d’exis­ter, mais un mar­ché socia­liste : sup­pres­sion de toutes les posi­tions de mono­pole et d’o­li­go­pole ; cor­res­pon­dance entre les prix des biens et les coûts sociaux réels ; sou­ve­rai­ne­té des consom­ma­teurs (les­quels déci­de­ront des biens qui seront pro­duits). La mon­naie ne sera pas abo­lie non plus (« en tant qu’u­ni­té de valeur et de moyen d’é­change, la mon­naie est une grande inven­tion, une grande créa­tion de l’hu­ma­ni­té39 », avan­çait-il fin 1989).

Quel travail ?

« La décen­tra­li­sa­tion sera ins­tau­rée par­tout où elle pour­ra l’être, arti­cu­lant les éche­lons régio­naux et natio­naux ; une forme de cen­tra­li­sa­tion, de pou­voir cen­tral, demeu­re­ra toutefois. »

L’activité pre­mière des humains, c’est le tra­vail. La révo­lu­tion don­ne­ra donc aux tra­vailleurs la pos­si­bi­li­té de contrô­ler ce qui occupe une part sub­stan­tielle de leur exis­tence : la sépa­ra­tion entre direc­tion et exé­cu­tion sera dépas­sée. Les direc­tions seront des­ti­tuées, le « mar­ché du tra­vail » sera abo­li et les tra­vailleurs fixe­ront eux-mêmes, col­lec­ti­ve­ment, les nou­velles normes de tra­vail — conçu comme espace de créa­tion et non d’as­ser­vis­se­ment. Le temps de tra­vail quo­ti­dien sera réduit et les salaires seront main­te­nus (au titre de « reve­nus »), mais décré­tés iden­tiques, du chi­rur­gien au conduc­teur de train. « Aucune jus­ti­fi­ca­tion, autre que l’ex­ploi­ta­tion, ne peut fon­der l’exis­tence d’une hié­rar­chie des salaires40 » : il suf­fi­ra de quelques années pour habi­tuer les men­ta­li­tés. Dans les années 1970, Castoriadis, rap­porte son bio­graphe François Dosse, s’est mon­tré « pas­sion­né par l’ex­pé­rience auto­ges­tion­naire des ouvriers de chez Lip41 ».

Quelles forces armées ?

L’ordre oli­gar­chique ne tient que par sa puis­sance de feu. Tout mou­ve­ment éman­ci­pa­teur fut, est et sera, de fac­to, confron­té aux ques­tions poli­cière et mili­taire — de la Commune de Paris à l’in­sur­rec­tion spar­ta­kiste, de la rébel­lion zapa­tiste au sou­lè­ve­ment chi­lien. Rappelons trois chiffres élo­quents : la France compte actuel­le­ment quelque 150 000 hommes et femmes enga­gés dans la Police natio­nale, 100 000 dans la gen­dar­me­rie et plus de 110 000 dans l’ar­mée de terre. « Si les gens sont encore en poste dans les minis­tères, que notre pré­sident est encore en poste, c’est grâce à [nous]. Et per­sonne ne le dit », confiait jus­te­ment un CRS en 2019 au len­de­main de la révolte des gilets jaunes. Contemporain de Mai 68 et du ren­ver­se­ment mili­taire de Salvador Allende, Castoriadis ne pou­vait bien sûr pas igno­rer ce point de pre­mière impor­tance. La police sera donc dis­soute puis trans­for­mée en des « déta­che­ments de tra­vailleurs armés dési­gnés à tour de rôle42 ». Chaque Conseil sera loca­le­ment res­pon­sable de ses forces de « police ». L’armée natio­nale sera elle aus­si dis­soute, au pro­fit d’u­ni­tés locales de tra­vailleurs en armes. Ce qui, logis­ti­que­ment, néces­si­te­ra une forme de cen­tra­li­sa­tion sera assu­ré par l’Assemblée cen­trale des Conseils : chaque Conseil tien­dra un contin­gent à la dis­po­si­tion de cette der­nière. Le pays socia­liste se sépa­re­ra, en sus, de son arse­nal nucléaire.

Quelle Justice ?

Chaque Conseil dis­po­se­ra d’un tri­bu­nal de pre­mière ins­tance. Des règles com­munes régi­ront l’en­semble des Conseils et l’Assemblée cen­trale garan­ti­ra, en cas d’ap­pel, les droits indi­vi­duels. Les juge­ments devront viser « la réédu­ca­tion du délin­quant et sa réin­té­gra­tion dans le milieu social43 ». Si un indi­vi­du repré­sente une menace réelle pour autrui, il sera pris en charge par des ins­ti­tu­tions « péda­go­giques » ou « médi­cales » (en lieu et place des pri­sons actuelles). 

[Le sous-commandant Galeano/Marcos au caracol zapatiste La Realidad, en 2014 | DR]

Et maintenant ?

La ques­tion stra­té­gique, long­temps occul­tée, est de retour.

Un simple pas­sage en librai­rie en atteste44. La plus fameuse des inter­ro­ga­tions poli­tiques, « Que faire ? », reprend chaque jour des cou­leurs. Si l’on a pu pré­sen­ter, non sans argu­ments, Castoriadis comme un tenant du conseillisme fran­çais — la figure de proue de Socialisme ou Barbarie a d’ailleurs briè­ve­ment cor­res­pon­du avec Anton Pannekoek, théo­ri­cien du com­mu­nisme de Conseils —, force est de consta­ter qu’il ne s’est pas expli­ci­te­ment récla­mé de cette tra­di­tion révo­lu­tion­naire, tom­bée de nos jours dans « un oubli qua­si sys­té­ma­tique45 ».

C’est que, pour Castoriadis, il n’é­tait pas affaire de résur­rec­tion (pas­sé pré­ca­pi­ta­liste, révo­lu­tion avor­tée ou écra­sée) mais de pleine créa­tion. En clair : l’au­to­no­mie totale — indi­vi­duelle et col­lec­tive — n’est jamais adve­nue dans l’his­toire humaine. Disparu en 1997, c’est-à-dire trois ans après le sou­lè­ve­ment zapa­tiste (auquel il n’a, à notre connais­sance, jamais consa­cré aucun écrit), le pen­seur n’a pu assis­ter aux occu­pa­tions de places des années 2010 (Occupy Wall Street, Mouvement 15‑M, Nuit debout), au « Printemps arabe », à la révo­lu­tion com­mu­na­liste conduite au Rojava (sur la base du confé­dé­ra­lisme démo­cra­tique, doc­trine néo­so­cia­liste intro­duite par le PKK et pour par­tie ins­pi­rée des tra­vaux de Bookchin) ni au sou­lè­ve­ment spon­ta­né des gilets jaunes (« nous met­tons en place les nou­velles formes d’une démo­cra­tie directe », pro­cla­mait un de leurs appels). On ne doute pas qu’il aurait sui­vi ces évé­ne­ments avec inté­rêt : tous, pour dif­fé­rents qu’ils soient, ont por­té haut l’exi­gence démo­cra­tique. Les coor­don­nées du mou­ve­ment pour l’é­man­ci­pa­tion sont aujourd’­hui tout autres : l’URSS fait figure de carte pos­tale jau­nie ; le libé­ra­lisme est mas­si­ve­ment désa­voué et l’abs­ten­tion n’en finit pas de croître ; le risque fas­ciste, que Castoriadis écar­tait à la fin de sa vie, est à pré­sent mani­feste (l’é­lec­tion pré­si­den­tielle de 2022 ayant, on s’en sou­vient, accor­dé une place cen­trale à la ques­tion de la « guerre civile » et de l’hy­po­thé­tique dépla­ce­ment for­cé de popu­la­tions). Castoriadis n’a pas assis­té, non plus, au récent retour du signi­fiant « com­mu­nisme » — on ne doute pas qu’il aurait dis­cu­té les vues de ses par­ti­sans avec la pas­sion que ses contem­po­rains lui ont connue.

Le krach éco­lo­gique rebat les cartes : Castoriadis l’a­vait de longue date anti­ci­pé. Le réfor­misme est impuis­sant face à l’ur­gence et aux défis vitaux. Une rup­ture radi­cale, macro­sco­pique et ins­ti­tu­tion­nelle s’im­pose aux yeux des plus clair­voyants : l’autre nom de la révo­lu­tion. Or, on le sait : pas de révo­lu­tion viable sans théo­rie révo­lu­tion­naire. Les expé­riences locales, molé­cu­laires et inter­sti­tielles, aus­si admi­rables soient-elles, sont vouées à l’é­chec : un îlot ne peut rien face à la puis­sance de feu du pou­voir éta­tique (les ZAD tombent et tom­be­ront les unes après les autres et on a vu, il y a peu, que l’ordre oli­gar­chique est prêt à tuer pour défendre un trou dans le sol). Les prises de pou­voir élec­to­rales, fussent-elles de gauche radi­cale, sont inféo­dées au bon vou­loir de la finance et du capi­tal industriel46. L’orthodoxie léni­niste ne répond plus aux attentes de l’é­poque et, plus encore, des jeunes géné­ra­tions. La pro­po­si­tion cas­to­ria­dienne, en ce qu’elle déjoue la ver­ti­ca­li­té cen­tra­li­sa­trice et la mar­gi­na­li­té ter­ri­to­riale, gagne donc à être réexa­mi­née — un maillage éga­li­taire local, une coor­di­na­tion natio­nale démo­cra­tique, une acces­si­bi­li­té popu­laire cer­taine. Elle n’est pas une feuille de route, seule­ment un sup­port pos­sible, avec d’autres, à l’é­la­bo­ra­tion d’une pen­sée-action de masse. « Comment on s’or­ga­nise main­te­nant47 ? », deman­dait Castoriadis quelques mois avant sa mort. « Socialisme ou Barbarie » : jamais, en tout cas, cette pro­po­si­tion n’a sem­blé plus à propos.


Photographie de ban­nière : mobi­li­sa­tion contre la réforme des retraites, 2023 | Stéphane Burlot


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  1. Voir Dominique Frager, Socialisme ou Barbarie. L’Aventure d’un groupe (1946–1969), Éditions Syllepse, 2021.
  2. Paul Cardan [Cornelius Castoriadis], « Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire sous le capi­ta­lisme moderne », Socialisme ou Barbarie, n° 33, décembre 1961-février 1962, p. 82.
  3. Emmanuel-Joseph Sieyès, « Sur l’organisation du pou­voir légis­la­tif et la sanc­tion royale », in Les Orateurs de la Révolution fran­çaise. Les Constituants, tome I, Gallimard, 1989, p. 1025.
  4. Voir David Van Reybrouck, Contre les élec­tions, Actes Sud, 2014, pp. 79–82.
  5. Cornelius Castoriadis, « La polis grecque et la créa­tion de la démo­cra­tie », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, tome 2, Seuil, [1986] 1999, p. 361.
  6. Cornelius Castoriadis, « Développement et ration­na­li­té », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit, p. 195.
  7. Cornelius Castoriadis, Démocratie et rela­ti­vi­sime. Débat avec le MAUSS, Mille et une nuits, 2010, p. 99.
  8. Cornelius Castoriadis, « Tiers Monde, tiers-mon­disme, démo­cra­tie », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 133.
  9. Cornelius Castoriadis, « Le conte­nu du socia­lisme, II », Le Contenu du socia­lisme, op. cit., pp. 105–106.
  10. Lettre à Richard Health [1884], Les Grands textes, Flammarion, 2014.
  11. Réunion publique du 5 mai 1893, dans Alain Dalotel, Paule Minck. Communarde et fémi­niste, 1839–1901, Syros, 1981.
  12. Conversations with James Baldwin, University Press of Mississippi, 1989 [nous tra­dui­sons].
  13. Si le mot « socia­lisme » appa­raît vrai­sem­bla­ble­ment en France dans les pages du numé­ro 12 de la revue chré­tienne Le Semeur, le 23 novembre 1831, sous la plume d’Alexandre Vinet, phi­lo­sophe, his­to­rien et théo­lo­gien, c’est bien à Leroux que l’on doit sa popu­la­ri­sa­tion. Il l’emploiera, quant à lui, deux ans plus tard.
  14. Pierre Leroux, « Doctrine de l’Humanité. D’une reli­gion natio­nale ou du Culte », Revue sociale, ou, Solution paci­fique du pro­blème du pro­lé­ta­riat, Numéros 1–11, A. Boussac, 1846, p. 137.
  15. Franck Fischbach, « Marx et le com­mu­nisme », Actuel Marx, vol. 48, n° 2, 2010, pp. 12–21.
  16. Cornelius Castoriadis, « Développement et ration­na­li­té », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 199. Ou bien, plus ample­ment : « Le socia­lisme vise à don­ner un sens à la vie et au tra­vail des hommes, à per­mettre à leur liber­té, à leur créa­ti­vi­té, à leur posi­ti­vi­té, de se déployer, à créer des liens orga­niques entre l’in­di­vi­du et son groupe, entre le groupe et la socié­té, à récon­ci­lier l’homme avec lui-même et avec la nature. » (« Le conte­nu du socia­lisme, II », Le Contenu du socia­lisme, op. cit., pp. 105–106.). Ou encore : « La socié­té socia­liste c’est l’or­ga­ni­sa­tion par les hommes eux-mêmes de tous les aspects de leurs acti­vi­tés sociales ; son ins­tau­ra­tion entraîne donc la sup­pres­sion immé­diate de la divi­sion de la socié­té en une classe de diri­geants et une classe d’exécutants. » (Ibid., p. 112.) Ou encore : « Le socia­lisme sera la sup­pres­sion de l’aliénation en tant qu’il per­met­tra la reprise per­pé­tuelle, consciente et sans conflits vio­lents, du don­né social, en tant qu’il res­tau­re­ra la domi­na­tion des hommes sur les pro­duits de leur acti­vi­té. » (Cornelius Castoriadis, « Sur le conte­nu du socia­lisme, I », Socialisme ou Barbarie, n° 17, juillet-sep­tembre 1955, p. 95).
  17. Cornelius Castoriadis, « Transition », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 23.
  18. Serge Latouche, Cornelius Castoriadis ou l’au­to­no­mie radi­cale, Le Passager clan­des­tin, 2014, p. 18.
  19. Cornelius Castoriadis, « Ce que signi­fie le socia­lisme », in Le Contenu du socia­lisme, op. cit., p. 214.
  20. Ibid.
  21. Cornelius Castoriadis, « L’idée de révo­lu­tion », in Le Monde mor­ce­lé. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 202.
  22. Cornelius Castoriadis, Une socié­té à la dérive. Entretiens et débats 1974–1997, Seuil, [2005] 2011, p. 223.
  23. « Il y aura des lea­ders par­tout, chaque fois qu’une lutte sera enga­gée. L’existence de lea­ders conduit-elle néces­sai­re­ment à l’existence d’une hié­rar­chie ? Absolument pas ! Le mot lea­der ne devrait pas nous faire peur au point de ne pas recon­naître que cer­tains indi­vi­dus ont plus d’expérience, de matu­ri­té, de force de carac­tère, etc. que d’autres. […] J’ai énor­mé­ment de dif­fi­cul­tés avec les anar­chistes qui rejettent com­plè­te­ment toute direc­tion. […] Il est tra­gique que les mots avant-garde et lea­der aient été dis­cré­di­tés par la Nouvelle gauche pen­dant les années 1960, à cause des expé­riences du sta­li­nisme et du léni­nisme. Dans bien des révo­lu­tions, ils ont été infi­ni­ment impor­tants ; des lea­ders et des orga­ni­sa­tions déci­dées ont por­té en avant les révo­lu­tions et, en l’absence de telles per­sonnes déci­dées, des révo­lu­tions ont échoué. » Entretien avec Janet Biehl, 12 novembre 1996, Le Municipalisme liber­taire, Éditions Écosociété, 2014.
  24. Cornelius Castoriadis, « Transition », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 29.
  25. Cornelius Castoriadis, « Une exi­gence poli­tique et humaine », Alternatives éco­no­miques, n° 53, jan­vier 1988.
  26. Cornelius Castoriadis, « La révo­lu­tion devant les théo­lo­giens », in Le Monde mor­ce­lé. Les Carrefours du laby­rinthe, tome 3, Seuil, [1990] 2000, p. 223.
  27. Cornelius Castoriadis, Une socié­té à la dérive. Entretiens et débats 1974–1997, op. cit., p. 229.
  28. Cornelius Castoriadis, « La révo­lu­tion devant les théo­lo­giens », in Le Monde mor­ce­lé. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 223.
  29. Cornelius Castoriadis, Une socié­té à la dérive. Entretiens et débats 1974–1997, op. cit., p. 191.
  30. Cornelius Castoriadis, Le Contenu du socia­lisme, op. cit., p. 38.
  31. Cornelius Castoriadis, Démocratie et rela­ti­vi­sime. Débat avec le MAUSS, op. cit., p. 95.
  32. Nous nous accor­de­rons avec Serge Latouche pour sou­li­gner l’eu­ro­cen­trisme hâtif de Castoriadis. Ou, comme le note Niklas Plaetzer : « Cependant, les socié­tés non occi­den­tales — Castoriadis men­tionne le monde isla­mique, la Chine, l’Inde et la Russie — sont res­tées pour lui essen­tiel­le­ment apo­li­tiques. Selon Castoriadis, de grandes par­ties du monde, bien que cultu­rel­le­ment inté­res­santes, ne sont pas le théâtre d’une his­toire poli­tique en tant que telle. » Précisons que, par « poli­tique », Castoriadis enten­dait la mise en ques­tion de l’ins­ti­tu­tion de la socié­té.
  33. Pour s’in­for­mer des rap­ports de Castoriadis à la pen­sée anar­chiste, on lira Jean-Louis Prat, « Castoriadis et l’anarchisme », Revue du MAUSS per­ma­nente, 1er octobre 2009 [en ligne].
  34. On songe là aus­si à Bookchin. « Les anar­chistes conçoivent le pou­voir comme un mal essen­tiel­le­ment malé­fique qui doit être détruit. Proudhon, par exemple, a décla­ré qu’il divi­se­rait et sous-divi­se­rait le pou­voir jusqu’à ce qu’il cesse d’exister.[…] Les révo­lu­tion­naires sociaux, loin d’écarter le pro­blème du pou­voir de leur champ de vision, doivent se deman­der com­ment lui don­ner une forme ins­ti­tu­tion­nelle concrète d’éman­ci­pa­tion. » (Communalism, n° 2, novembre 2002.).
  35. Cornelius Castoriadis, Une socié­té à la dérive. Entretiens et débats 1974–1997, op. cit., p. 196.
  36. Cornelius Castoriadis, « Sur le conte­nu du socia­lisme, II », Le Contenu du socia­lisme, op. cit. p. 113.
  37. Cornelius Castotiadis, « La gauche en 1985 », in Domaines de l’homme. Les Carrefours du laby­rinthe, op. cit., p. 142.
  38. Cornelius Castoriadis, « Le conte­nu du socia­lisme, II », Le Contenu du socia­lisme, op. cit., p. 181.
  39. Cornelius Castoriadis, Une socié­té à la dérive. Entretiens et débats 1974–1997, op. cit., p. 254.
  40. Cornelius Castoriadis, « Sur le conte­nu du socia­lisme, II », op. cit. p. 170.
  41. François Dosse, Castoriadis. Une vie, La Découverte, [2014] 2018, p. 205.
  42. Cornelius Castoriadis, « Sur le conte­nu du socia­lisme, II », op. cit. pp. 188–189.
  43. Ibid., p. 196.
  44. Entre autres exemples : Agir ici et main­te­nant de Floréal Romero, Comment s’organiser ? de Starhawk, Basculements de Jérôme Baschet, Maintenant du Comité invi­sible, Premières mesures révo­lu­tion­naires d’Éric Hazan et Kamo, Stratégies anti­ca­pi­ta­listes pour le XXIe siècle d’Erik Olin Wright, Communisme et stra­té­gie d’Isabelle Garo, Figures du com­mu­nisme de Frédéric Lordon ou encore la réédi­tion du Programme de tran­si­tion de Trotsky aux Éditions communard·e·s.
  45. Manuel Cervera-Marzal, « Miguel Abensour, Cornelius Castoriadis. Un conseillisme fran­çais ? », Revue du MAUSS, vol. 40, n° 2, 2012, pp. 300–320.
  46. Voir Frédéric Lordon, cha­pitre III, Vivre sans ? Institutions, police, tra­vail, argent…, La Fabrique, 2019.
  47. Cornelius Castoriadis, Post-scrip­tum sur l’in­si­gni­fiance. Entretiens avec Daniel Mermet sui­vi de Dialogue, Éditions de l’Aube, 2004, p. 33.

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Victor Cartan

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