Une revue, quarante numéros. Le premier a paru en 1949, tandis que la guerre d’Indochine battait son plein ; le dernier en juin 1965, peu de temps avant que Franco ne forme, en Espagne, son dixième gouvernement. Le monde était coupé en deux blocs et un petit groupe d’intellectuels, de militants et d’ouvriers — né au sein de la section française de la IVe Internationale et notamment porté par le philosophe Cornelius Castoriadis — proposait une alternative au capitalisme et au stalinisme. Sous le nom de Socialisme ou Barbarie (une formulation empruntée à Rosa Luxemburg, qui l’avait elle-même empruntée à Engels), l’organisation et sa publication éponyme allaient s’éloigner du trotskysme pour prôner, deux décennies durant, l’instauration du socialisme démocratique via la coordination révolutionnaire de Conseils de travailleurs. Le socialisme ou la barbarie : si les coordonnées politiques ont bien sûr changé, l’alternative, face aux périls écologique, capitaliste et fasciste actuels, pourrait être difficilement mieux posée1. Une porte d’entrée en 26 lettres.
Base : « Cette démocratie directe indique toute l’étendue que la décentralisation de la société socialiste sera capable de réaliser. Mais, en même temps, il faudra qu’elle résolve le problème de l’intégration de ces unités de base dans la société totale, qu’elle réalise la centralisation sans laquelle la vie d’une nation moderne s’effondrerait aussitôt. Ce n’est pas la centralisation comme telle qui conduit dans la société moderne à l’aliénation politique, à l’expropriation du pouvoir au profit de quelques-uns. C’est la constitution d’appareils séparés et incontrôlables, ayant la centralisation comme tâche exclusive et spécifique. » (Pierre Chaulieu [C. Castoriadis], « Sur le contenu du socialisme [II] », SoB, n° 22, juillet-septembre 1957)
Chine : « [E]n les soumettant à une domination totalitaire sans fissure et en dépossédant les paysans de la faculté d’organiser eux-mêmes leur vie et leurs activités dans la Commune, les maîtres du peuple chinois n’ont fait que pousser jusqu’à l’extrême ce que Marx dénonçait dès l’époque du Manifeste comme l’essence même du rapport d’oppression capitaliste : la déshumanisation du prolétaire que l’aliénation réduit à l’état d’une simple force de travail nécessaire à la réalisation du processus productif. » (Pierre Brune [Pierre Souyri], « La Chine à l’heure de la perfection totalitaire », SoB, n° 29, décembre 1959-février 1960)
Discipline : « La discipline est devenue un automatisme, chaque homme est son propre gendarme, chaque homme contrôle son application au travail, sa conformité aux normes : le système est parfait, il n’y a plus de conflits, les voix s’estompent et les bureaux ressemblent à des cathédrales, tant les gestes sont suaves, et les sentiments pieux. Mais chassée des gestes, chassée de la pensée consciente, l’indiscipline réapparaît ailleurs. Sous la discipline apparente, sous l’adhésion des individus aux fins et aux méthodes, sous leur conscience, vit et prospère un refus fondamental de tout cela, un refus si profond qu’il semble concerner non ces tâches, mais toute tâche, non cette discipline mais toute espèce de discipline et de règle, non cette réalité, mais toute réalité. » (S. Chatel [Sébastien de Diesbach], « Hiérarchie et gestion collective », SoB, n° 37, juillet-septembre 1964)
École : « La classe ouvrière ne peut se reconnaître dans les principes mis en avant par les partisans de la laïcité : la liberté de conscience, la République, l’unité nationale ne sont que des mots pour les travailleurs. D’autre part, dans l’école publique, les ouvriers qui l’ont fréquentée ne se rappellent pas avoir reçu un enseignement bien enrichissant ; elle représente pour eux l’antichambre de l’usine, et non un instrument d’émancipation. Ils y ont surtout appris l’histoire de la classe dominante et non la leur, une morale conventionnelle faite du respect de la société établie, une discipline qui rappelle celle de l’usine. Pour eux, l’école fait partie des choses sur lesquelles ils n’ont aucune prise, comme l’administration, les chemins de fer, la construction des logements, comme leur travail lui-même : personne ne leur demande leur avis ou, si on le leur demande, c’est sur des détails et pour la forme. » (M.V. [Martine Vidal], « La laïcité de l’école publique », SoB, n° 28, juillet-août 1959)
Focal : « Cette notion [de socialisme] est le centre privilégié, le point focal qui nous permet d’organiser toutes les perspectives et de tout revoir d’un œil neuf. Sans elle, tout devient chaos, constatation fragmentaire, relativisme naïf, sociologie empirique. […] Il n’y a pas de critique, il n’y a même pas d’analyse de la crise du capitalisme possible en dehors d’une perspective socialiste. Une telle critique ne pourrait en effet s’appuyer sur rien — à moins que ce ne soit sur une éthique, que vingt-cinq siècles de philosophie ne sont parvenus ni à fonder, ni même à définir. Toute critique présuppose qu’autre chose que ce qu’elle critique est possible et préférable. Toute critique du capitalisme présuppose donc le socialisme. » (Pierre Chaulieu [C. Castoriadis], « Sur le contenu du socialisme [III] », SoB, n° 23, janvier-février 1958)
Général de Gaulle : « Lorsqu’une époque n’a pas ses grands hommes, elle les invente, et il est tellement essentiel pour la société française que de Gaulle soit un grand homme d’État qu’une sorte de conspiration inconsciente se fait sentir jusque chez les adversaires du régime pour préserver le mythe. Pire que le conte d’Andersen, reconnaître que le Roi est nul serait insupportable parce que ce serait reconnaître la nullité de tout l’univers politique et de soi-même. Les échecs ont beau s’accumuler, par eux et à cause d’eux se constitue une entité de Gaulle à part et au-dessus de tous les actes du régime, qui échappe à la critique et même à l’appréciation. On juge inadéquat, faux, stupide, catastrophique tout ce que de Gaulle fait de particulier — le Général en général est toujours préservé. » (Jean Delvaux, « Crise du gaullisme et crise de la gauche
», SoB, n° 33, décembre 1961-férvier 1962)
Histoire : « Le prolétariat et la bourgeoisie, dit-on, ne sont que des personnifications de catégories économiques
— l’expression est dans le Capital —, le premier celle du travail salarié, la seconde celle du capital. Leur lutte n’est donc que le reflet d’un conflit objectif, celui qui se produit à des périodes données entre l’essor des forces productives et les rapport de production existants. Comme ce conflit résulte lui-même du développement des forces productives, l’Histoire se trouve pour l’essentiel réduite à ce développement, insensiblement transformée en un épisode particulier de l’évolution de la nature. En même temps qu’on escamote le rôle propre des classes, on escamote celui des hommes. » (« L’expérience prolétarienne », SoB, n° 11, novembre-décembre 1952)
[Patrick Henry Bruce]
Indépendance : « Peu à peu les paysans [algériens] étendent non seulement l’importance du maquis, mais son sens. Le combat est une reconquête de la terre natale. Le djebel redevient le terroir. Le sol et l’homme conspirent. En se voulant Algérien, le paysan reprend possession du pays, de lui-même. Cette reconquête se met à l’échelle de la spoliation subie : les institutions traditionnelles, la communauté de famille, de village, de langue sont versées au creuset de la lutte, elles en sont un instrument ou une dimension, mais pas plus, parce qu’elles ne peuvent, à elles seules, apporter une riposte commensurable à l’agression française ; celle-ci a créé la nation en creux, en négatif. Il ne s’agit pas de restaurer la civilisation dans son état précapitaliste, mais d’instaurer des rapports matériels et sociaux acceptables par tous. Ceux-ci sont symbolisés en vrac par le thème de l’Algérie indépendante. » (Jean-François Lyotard, « L’Algérie évacuée », SoB, n° 34, mars-mai 1963)
Jeunesse : « La rupture entre les générations et la révolte des jeunes dans la société moderne sont sans commune mesure avec le conflit des générations
d’autrefois. Les jeunes ne s’opposent plus aux adultes pour prendre leur place dans un système établi et reconnu ; ils refusent ce système, n’en reconnaissent plus les valeurs. La société contemporaine perd son emprise sur les générations qu’elle produit. La rupture est particulièrement brutale s’agissant de la politique. […] Le mouvement révolutionnaire pourra donner un sens positif à l’immense révolte de la jeunesse contemporaine et en faire le ferment de la transformation sociale s’il sait trouver le langage vrai et neuf qu’elle cherche, et lui montrer une activité de lutte efficace contre ce monde qu’elle refuse. » (« Recommencer la révolution », SoB, n° 35, janvier-mars 1964)
Khrouchtchev : « Le P.C.F. n’accepte donc pas la version Khrouchtchev [rapport de 1956 dénonçant les crimes staliniens et le culte de la personnalité, ndlr]. Mais son propre essai d’interprétation est un modèle de confusion. En premier lieu, il est remarquable que la Déclaration ne conteste nullement la validité des critiques faites par Khrouchtchev à Staline (déportations de peuples entiers, assassinats et tortures, etc…) : elle se contente de dire que ce dernier ne peut être seul responsable. Par ailleurs, le Bureau politique continue d’attribuer une importance décisive à l’action de Staline pendant la révolution et la guerre civile, alors que Khrouchtchev explique dans son rapport qu’il était pratiquement inconnu des masses avant 1924 et que des publications officielles comme la Pravda et la revue Questions d’Histoire ont rappelé son influence négative pendant toute une partie de la Révolution de 1917 et montré comment il avait inventé lui-même après-coup son rôle éminent dans la guerre civile. » (Alberto Vega, « Le P.C.F. après le XX° Congrès », SoB, n° 19, juillet-septembre 1956)
Lutte : « Toutes les révolutions jusqu’ici ont été vaincues ou ont dégénéré. Faut-il en déduire que l’on doit abandonner la lutte révolutionnaire ? Défaite des révolutions et dégénérescence des organisations expriment, chacune à son niveau, un même fait : la société établie sort provisoirement victorieuse de sa lutte avec le prolétariat. Veut-on en conclure qu’il en sera toujours ainsi, il faut alors être logique et se retirer sous sa tente. » (Paul Cardan [C. Castoriadis], « Prolétariat et organisation » [I], SoB, n° 27, avril-mai 1959)
Marxisme : « [S]i nous nous considérons comme marxistes, nous ne pensons nullement qu’être marxiste signifie faire par rapport à Marx ce que les théologiens catholiques font par rapport aux Écritures. Être marxiste signifie pour nous se situer sur le terrain d’une tradition, poser les problèmes à partir du point où les posaient Marx et ses continuateurs, maintenir et défendre les positions marxistes traditionnelles aussi longtemps qu’un nouvel examen nous aura persuadés qu’il faut les abandonner, les amender ou les remplacer par d’autres correspondant mieux à l’expérience ultérieure et aux besoins du mouvement révolutionnaire. » (« Socialisme ou Barbarie », SoB, n° 1, mars-avril 1949)
National : « Or, s’il est vrai que le patriotisme ne décroît que dans la mesure où la lutte des classes ronge le mythe de la communauté nationale, il est encore plus vrai que son contraire — l’internationalisme — ne peut pas surgir spontanément dans la classe ouvrière. L’internationalisme suppose un degré de conscience politique qui n’est pas automatiquement donné par l’expérience quotidienne du travailleur dans l’entreprise. Il a toujours été le produit des organisations ouvrières révolutionnaires. La dégénérescence des partis et syndicats traditionnels et la disparition simultanée du sentiment internationaliste devaient rendre la solidarité entre les travailleurs des pays avancés et les masses colonisées extrêmement difficile, et d’autant plus difficile que le mouvement anti-impérialiste avait — et ne pouvait ne pas avoir — un caractère fortement national
. » (« La révolte des colonisés », SoB, n° 31, décembre 1960-février 1961)
[Patrick Henry Bruce]
Ouvriers : « Il n’y a pas d’un côté les préoccupations matérielles des ouvriers et, de l’autre, les préoccupations intellectuelles des intellectuels. Les idées universelles ne sont pas le privilège des intellectuels. Les ouvriers sont irrésistiblement poussés à voir plus loin que leurs intérêts immédiats
, ils cherchent une conception générale, une interprétation globale du monde et de la société. Comment expliquer autrement l’accaparement de la culture bourgeoise par les ouvriers, leur adhésion aux grands courants politiques ? Mais cette tendance des ouvriers se heurte à un obstacle insurmontable : la division entre la culture et la vie réelle, qui est le trait fondamental de la société capitaliste à cet égard. Tout début de culture révolutionnaire passera par un début de suppression de cette division. » (Daniel Mothé, « Les ouvriers et la culture », SoB, n° 30, avril-mai 1960)
Pions : « Je désire pouvoir, avec tous les autres, savoir ce qui se passe dans la société, contrôler l’étendue et la qualité de l’information qui m’est donnée. Je demande de pouvoir participer directement à toutes les décisions sociales qui peuvent affecter mon existence, ou le cours général du monde où je vis. Je n’accepte pas que mon sort soit décidé, jour après jour, par des gens dont les projets me sont hostiles ou simplement inconnus, et pour qui nous ne sommes, moi et tous les autres, que des chiffres dans un plan ou des pions sur un échiquier et qu’à la limite, ma vie et ma mort soient entre les mains de gens dont je sais qu’ils sont nécessairement aveugles. » (Paul Cardan [C. Castoriadis], « Marxisme et théorie révolutionnaire », SoB, n° 38, octobre-décembre 1964)
Questions : « Toute société jusqu’ici a essayé de donner une réponse à un nombre limité de questions fondamentales : qui sommes-nous, comme collectivité ? que sommes-nous, les uns pour les autres ? où et dans quoi sommes-nous ? que voulons-non, que désirons-nous, qui est ce qui nous manque ? La société doit définir son identité
; son articulation ; le monde, ses rapports à lui et aux objets qu’il contient ; ses besoins et ses désirs. Sans la réponse
à ces questions
, sans ces définitions
, il n’y a pas de monde humain, pas de société et pas de culture — car tout resterait chaos indifférencié. » (Paul Cardan [C. Castoriadis], « Marxisme et théorie révolutionnaire », SoB, n° 40, juin-août 1965)
République : « Babeuf ne se fait aucune illusion sur les solutions partielles. Dès 1787, il prévoyait la révolution et après l’expérience de Thermidor [chute de Robespierre, ndlr], il comprend la nécessité d’une seconde révolution qui établira une république plébéienne : Je distingue deux partis diamétralement opposés, je crois assez que tous deux veulent la république, l’un la désire bourgeoise et aristocratique, l’autre toute populaire et démocratique
écrit-il dans un numéro du Tribun du Peuple. Cette république populaire et démocratique
établira l’égalité de l’instruction et l’égalité des subsistances. » (Jean Léger, « Babeuf et la naissance du communisme ouvrier », SoB, n° 2, mai-juin 1949)
Ségrégation : « Un siècle après la guerre civile qui a abouti à l’abolition de l’esclavage, l’égalité raciale reste un mot sans réalité dans la démocratie
américaine. La ségrégation raciale est la règle dans tous les États du Sud des États-Unis : écoles, universités, églises, moyens de transport, bars, cafés, restaurants, cinémas tenus par les Blancs refusant d’admettre les Noirs, qui sont d’ailleurs privés en fait de droits politiques dans tous ces États, puisqu’on ne trouve inscrits sur les listes électorales que le dixième ou le cinquième des électeurs noirs qui y auraient droit. Cette situation, qui fait de la Constitution des États-Unis et de son quatorzième amendement, établissant l’égalité raciale, un chiffon de papier, et qui crée des problèmes explosifs dans tous les États-Unis, le capitalisme américain n’arrive pas à la régler. » (« Les luttes des Noirs américains », SoB, n° 33, décembre 1961-férvier 1962)
Théorie : « Le fameux adage : sans théorie révolutionnaire, pas d’action révolutionnaire
, doit en effet être compris dans toute son ampleur et dans sa véritable signification. Le mouvement prolétarien se distingue de tous les mouvements politiques précédents, aussi importants que ceux-ci aient pu être, par ce qu’il est le premier à être conscient de ses objectifs et de ses moyens. Dans ce sens, non seulement l’élaboration théorique est pour lui un des aspects de l’activité révolutionnaire, mais elle est inséparable de cette activité. » (« Socialisme ou Barbarie », SoB, n° 1, mars-avril 1949)
URSS : « L’URSS n’est pas, ou, disons mieux, l’URSS ne peut plus paraître un monde à part
, une enclave dans le monde capitaliste, un système imperméable aux critères forgés à l’approche du capitalisme. La confiance ou la haine aveugle qu’elle a inspiré aux uns et aux autres, la paralysie idéologique dont elle a frappé l’avant-garde révolutionnaire pendant trente ans ne peuvent indéfiniment résister aux solides discours des nouveaux dirigeants qui, poussés par la nécessité, font apercevoir la parenté profonde de tout système moderne d’exploitation. Un rideau de fer autrement important que celui qui empêchait la circulation des hommes et des marchandises est tombé : c’est le rideau tissé par l’imagination des hommes, le rideau au travers duquel l’URSS métamorphosée paraissait échapper à toute loi sociale. Société sans corps, toujours confondue avec la pure Volonté de Staline (infiniment bonne ou méchante), elle a suscité le plus étrange délire collectif de notre temps. » (Claude Lefort, « Le totalitarisme sans Staline », SoB, n° 19, juillet-septembre 1956)
[Patrick Henry Bruce]
Volonté : « Le socialisme sera la suppression de l’aliénation en tant qu’il permettra la reprise perpétuelle, consciente et sans conflits violents, du donné social, en tant qu’il restaurera la domination des hommes sur les produits de leur activité. La société capitaliste est une société aliénée en tant qu’elle est dominée par ses propres créations, en tant que ses transformations ont lieu indépendamment de la volonté et de la conscience des hommes (y compris de la classe dominante), d’après des quasi lois
exprimant des structures objectives indépendantes de son contrôle. » (Pierre Chaulieu [C. Castoriadis], « Sur le contenu du socialisme [I] », SoB, n° 17, juillet-septembre 1955)
Washington : « L’interaction de ces deux problèmes, l’économique et le colonial, est évidente. Également évidente est la détérioration de la situation du capitalisme français sur le plan des rapports de force internationaux qui résulta de son incapacité à mettre dans son économie un ordre quelconque et à liquider à temps l’expédition coloniale la plus coûteuse et la plus absurde de son histoire. Incapable de résoudre ses propres problèmes, il s’enfonça dans la vassalisation vis-à-vis des Américains, les dollars mendiés à Washington bouchant péniblement les trous creusés dans le budget et la balance des paiements extérieurs par la guerre d’Indochine, le gaspillage, la fraude et le maintien de taux de profit excessifs. » (Pierre Chaulieu [C. Castoriadis], « Mendès-France : velléités d’indépendance et tentative de rafistolage « , SoB, n° 15–16, octobre-décembre 1954)
XIXe siècle : « Dans une société de classe, et en tout cas dans la société capitaliste libérale
du XIXe siècle, la fonction ultime de l’État c’est de garantir par le monopole légal de la violence le maintien des rapports sociaux existants. En ce sens, Lénine avait raison en reprenant l’expression d’Engels d’affirmer contre les réformistes de son époque que l’État n’était rien de plus que les détachements spécialisés d’hommes armes et les prisons
. […] La concentration du capitalisme en même temps que sa crise, l’intégration croissante de tous les domaines de la vie sociale et le besoin correspondant de les soumettre taus au contrôle de la classe dominante ont amené depuis cette époque une extension énorme de l’appareil d’État, de ses fonctions, de sa bureaucratie. L’État n’est plus simplement un appareil de coercition qui s’est élevé au-dessus
de la société ; il est la pièce centrale du mécanisme quotidien du fonctionnement de la société […]. » (Pierre Chaulieu [C. Castoriadis], « Sur le contenu du socialisme [II] », SoB, n° 22, juillet-septembre 1957)
Yeux : « Lorsque le 6 août 1945 éclata la bombe d’Hiroshima, non seulement ce fut la première manifestation de l’antagonisme n° 1 du monde d’après guerre, celui entre les Américains et les Russes, mais encore ce fut clairement, aux yeux du monde entier stupéfait, la naissance et l’affirmation de l’arme dominante de demain. Toute la stratégie de la guerre qui venait de se terminer se trouvait d’un seul coup reléguée au musée de l’Histoire. » (Philippe Guillaume, « La bombe H et la guerre apocalyptique », SoB, n° 15–16, octobre-décembre 1954)
Zin zin : « On entend le zin zin rythmé de la brosse sur les ferrures et les clocs des pièces qui tombent dans la caisse de gauche. C’est toujours au début, que ce soit le matin ou le soir, qu’ils en mettent un coup. Ils ne parlent pas. Ils travaillent. Ils travaillent comme le patron voudrait qu’ils travaillent durant leur sept heures cinq (le matin) de travail productif effectif (huit heures, moins quarante minutes, y compris les dix minutes de tolérance, de repas et moins quinze minutes de nettoyage). Rien ne compte en ce moment que le travail. […] Il n’y a pas de nuits et il n’y a pas de jours dans cet univers. Il y a l’équipe. Du matin ou du soir. » (Ph. Guillaume, « Dix semaines en usine », SoB n° 31, décembre 1960-février 1961)
Illustration de bannière : Patrick Henry Bruce
- En 1979, Castoriadis avançait, dans l’avant-propos de son ouvrage Le Contenu du socialisme, qu’il aimait désormais mieux mobiliser, pour parler de la même chose, la notion d’autonomie plutôt que celle de socialisme — un signifiant à ses yeux trop marqué, alors, par l’échec soviétique.↑
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