2023 s’achève. Et elle s’achève dans un bain de sang largement autorisé par les gouvernements du Nord. La rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés vient de déclarer : « Le risque de génocide se matérialise de plus en plus : cela devient évident y compris quand on écoute les discours des politiques et militaires israéliens qui demandent l’éradication des Palestiniens de Gaza. » Après avoir rallié avec armes et bagages le pouvoir d’extrême droite israélien, Macron a donc fini par se rendre à l’évidence : un cessez-le-feu. Ainsi a-t-il appelé. Ainsi Netanyahu l’a-t-il remercié pour l’attention qu’il porte, dans les faits, à la « sécurité » de son pays. Tout et son contraire, comme toujours. Le pouvoir français entend toutefois « repartir sur 2024 avec une nouvelle ère et un nouvel élan« . Ne doutons pas que son peu de goût pour gagner l’estime de la population s’en trouvera inchangé. Jeter, quatre mois durant, le pays dans la rue pour défendre ses retraites : fait ; jeter, une semaine durant, les quartiers populaires dans la rue pour dénoncer la mise à mort policière d’un mineur : fait. Restait à refuser de renouveler l’agrément d’Anticor, association spécialisée dans la lutte contre la corruption : voilà qui est fait. La rage. Cette année 2023, nous avons publié une centaine d’articles (certains d’entre eux s’écoutant également) : nous en sélectionnons douze.
« On a pris l’usine » : trois semaines de blocage en Occitanie
De janvier à juin 2023, des millions de personnes ont défilé dans les rues contre la réforme des retraites. Personne n’en voulait, le pouvoir excepté : « la démocratie ». En Normandie et dans les Bouches-du-Rhône, des raffineries ont été bloquées ; en région parisienne, des incinérateurs. Un peu partout, des barrages ont été mis en place pour empêcher des nœuds logistiques de fonctionner comme ils avaient l’habitude de fonctionner. On s’est mobilisé même là où on ne s’y attendait pas. En Lozère, département le moins peuplé du pays, une dizaine d’agents ont occupé pendant trois semaines leur usine hydro-électrique. Le but : peser, à la mesure de leurs moyens, sur l’économie nationale. Une manière de dire que « même dans les petites vallées, les endroits les plus reculés, les gens sont vent debout contre cette réforme ». Nous avons été à leur rencontre.
Grégory, ouvrier-cordiste : s’organiser, se défendre et se bagarrer
Au mois de mars, le PDG du groupe Jarnias, spécialisé dans les travaux en hauteur, pérorait sur un plateau : « On est au sommet de l’Aiguille du Midi, au sommet de la Tour Eiffel, au sommet des grandes cheminées industrielles… On a l’habitude de dire qu’on rend accessible l’inaccessible. » Pendant longtemps, l’unique syndicat vers lequel un cordiste pouvait se tourner était une structure patronale, qui fédère et défend les entreprises de travaux sur corde, et non leurs travailleurs. Depuis fin 2018, l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires souhaite pallier cette carence. Dans un village des Cévennes, nous avons rencontré Grégory Molina, membre et fondateur de l’association. Sur la table qui nous sépare, il y a un enregistreur, deux verres, un carnet et un livre sur les morts au travail — « saine lecture », commente sobrement le cordiste. Récit d’un quotidien fait de débrouille, de chantiers et de lutte.
Entretien avec Cara New Daggett : pour une lecture féministe du déni climatique
Les États-Unis nous ont offert le « coal rolling » : des climato-négationnistes qui trafiquent leur pick-up pour qu’il dégage le plus de fumée et brûle le plus possible d’essence. Une manière d’afficher leur détestation des écologistes et leur amour aux énergies carbonées, sur fond, bien sûr, de virilisme. Une illustration de ce que la professeure en sciences politiques Cara New Daggett nomme « pétromasculinité ». Les éditions Wildproject ont traduit cette année plusieurs de ses textes dans un ouvrage du même nom. L’autrice y déplie une analyse écologique et féministe des énergies, décortique le « mythe fossile » et relie la domination patriarcale et les pétro-cultures. « On explique aux gens qu’ils peuvent soit avoir une société technologiquement avancée, soit retourner à une forme de vie primitive, comme si ces options étaient les seules existantes. » Nous l’avons interviewée.
Sport et féminisme : rencontre entre une sociologue et une handballeuse
En 2021, on dénombrait plus de 14 millions de Français et de Françaises licenciés d’une fédération sportive. Derrière le foot viennent le tennis, l’équitation, le golf, le basket, le judo, le handball. C’est sans compter tous ceux, toutes celles qui marchent, courent et pédalent, qui soulèvent des poids et dansent dans une salle sans qu’on ne les recense. En tout, deux tiers de la population déclare avoir une activité physique régulière. Béatrice Barbusse a été handballeuse, puis l’une des premières présidentes d’un club de sport collectif masculin. Elle est aussi sociologue et autrice du Sexisme dans le sport. Amina Tounkara est la gardienne de but de l’équipe de handball de deuxième division de Noisy-le-Grand. À 24 ans, elle est aussi la fondatrice de l’association Hand’Joy, qui vise à favoriser l’accès au sport des jeunes filles dans les quartiers populaires. Sport et féminisme, un rendez-vous manqué ?
En plein cœur : Souheil, Nahel et les autres
Mohammed Kenzi : « Laisser une trace, témoigner, ne pas oublier »
Deux ou trois idées pour la prochaine révolution
Guillaume Goutte : « Nous n’avons plus les outils nécessaires à la construction d’une grève générale »
Une lettre ukrainienne de solidarité avec le peuple palestinien
Le 6 février 2023, deux séismes d’amplitude 7,7 et 7,6 ont dévasté plus d’une dizaine de grandes villes et leurs alentours à l’est de la Turquie. Les 14 millions d’habitants de la région sont majoritairement kurdes et une partie importante de la population alévie de Turquie y vit. Fin février, deux nouveaux tremblements ont eu lieu à Hatay et Malatya. Les bilans officiels ont font état de 56 000 morts. 2 millions de personnes ont été jetés à la rue. Mais la catastrophe est autant naturelle que politique : l’État turc a fait montre de son incompétence en tardant à déployer ses équipes de secours — des milliers de victimes auraient pu être évitées. À l’inverse, une immense vague de solidarité populaire s’est levée. Et c’est dans la ville de Diyarbakır qu’elle s’est le mieux organisée. Aux côtés du Parti démocratique des peuples (HDP), la confédération des syndicats du service public KESK a, dès le premier jour, été à l’œuvre afin de gérer les aides reçues et l’afflux de bénévoles. Photoreportage.
Nastassja Martin : « Où commence le vivant et où s’arrête-t-il ? »
Quand la classe ouvrière écrit
[2022 : faire face]
[2021 : la montée des périls]
[2020 : colères déconfinées]
[2019 : vent debout]
Photographie de bannière : Stéphane Burlot