Pour une lecture féministe du déni climatique, avec Cara New Daggett


Entretien inédit | Ballast

Alors que l’hé­mi­sphère Nord vit encore une cani­cule his­to­rique, le ministre de l’Agriculture affirme serei­ne­ment que les tem­pé­ra­tures sont « assez nor­males pour un été ». Ces der­niers mois, en France, on prend un air tan­tôt bon­homme, tan­tôt répres­sif ; le but est le même : mettre au pas les mou­ve­ments éco­lo­gistes. Aux États-Unis, on se sou­vient du « coal rol­ling », cette pra­tique de cli­ma­to-néga­tion­nistes consis­tant à tra­fi­quer son pick-up pour qu’il dégage le plus de fumée et brûle le plus pos­sible d’es­sence : une manière d’af­fi­cher leur détes­ta­tion des éco­lo­gistes et leur amour aux éner­gies car­bo­nées, sur fond de viri­lisme. Une illus­tra­tion, par­mi d’autres, de ce que la pro­fes­seure en sciences poli­tiques Cara New Daggett nomme « pétro­mas­cu­li­ni­té ». Les édi­tions Wildproject ont récem­ment tra­duit plu­sieurs de ses textes dans un ouvrage du même nom. L’autrice déplie une ana­lyse éco­lo­gique et fémi­niste des éner­gies, décor­tique le « mythe fos­sile » en reliant la domi­na­tion patriar­cale et les pétro-cultures. Nous l’a­vons interviewée.


Vous contes­tez ce que vous appe­lez le « mythe fos­sile » et insis­tez sur la dimen­sion poli­tique de l’énergie — son déve­lop­pe­ment et son uti­li­sa­tion. Pourquoi est-ce si important ?

Le mythe fos­sile raconte que l’es­pèce humaine a tou­jours vou­lu plus d’éner­gie et, qu’au fil du temps, elle a déve­lop­pé des tech­no­lo­gies éner­gé­tiques pour répondre à ce besoin. D’après ce mythe, le désir d’une crois­sance éner­gé­tique illi­mi­tée se per­pé­tue­ra à l’a­ve­nir, en espé­rant que les humains conti­nue­ront à décou­vrir des éner­gies plus éco­lo­giques pour répondre à cette demande. Le mythe fos­sile raconte la tran­si­tion entre les éner­gies comme une his­toire d’a­mé­lio­ra­tion tech­no­lo­gique conti­nue, où les tran­si­tions se pro­duisent après l’ar­ri­vée de tech­no­lo­gies supé­rieures. Par consé­quent, la poli­tique éner­gé­tique a ten­dance à être tech­no­cra­tique : les déci­deurs poli­tiques consi­dèrent qu’il s’a­git de sub­sti­tuer une tech­no­lo­gie éner­gé­tique à une autre.

C’est un mythe pour au moins deux rai­sons. Premièrement, le désir d’une crois­sance éner­gé­tique illi­mi­tée n’est pas un trait uni­ver­sel de la nature humaine ; les peuples et civi­li­sa­tions ont échan­gé, créé et pros­pé­ré de bien des façons sans faire de l’in­ten­si­fi­ca­tion infi­nie des éner­gies une prio­ri­té. Deuxièmement, cer­taines tran­si­tions éner­gé­tiques ont, par le pas­sé, été impul­sées par le pou­voir autant que par la tech­no­lo­gie. L’Histoire montre qu’au moins deux chan­ge­ments impor­tants de sources d’éner­gie — l’a­gri­cul­ture céréa­lière et les éner­gies fos­siles — ont été moti­vés par la volon­té de domi­na­tion, qui a joué un rôle impor­tant, voire pri­mor­dial. En d’autres termes, l’a­gri­cul­ture céréa­lière et les éner­gies fos­siles n’é­taient pas néces­sai­re­ment supé­rieures aux sys­tèmes éner­gé­tiques exis­tants en termes de puis­sance, d’ef­fi­ca­ci­té ou de coût, mais elles favo­ri­saient la cen­tra­li­sa­tion du pou­voir dans la hié­rar­chie poli­tique. Il est donc impor­tant de contes­ter le mythe fos­sile car le défi éner­gé­tique aujourd’­hui n’est pas seule­ment de savoir quel type d’éner­gie les gens uti­lisent, mais aus­si en quelle quan­ti­té et à quelles fins. Ces ques­tions-là — pour qui et pour quoi — sont poli­tiques : il s’a­git de répar­tir l’éner­gie en fonc­tion de valeurs cultu­relles concer­nant la vie et le bien-être. Ajouter des pan­neaux solaires et des éoliennes ne contri­bue pas néces­sai­re­ment à la jus­tice, à la sou­te­na­bi­li­té ou au bien-être.

Vous avez donc entre­pris une « lec­ture fémi­niste du déni cli­ma­tique », en oppo­si­tion à ce que vous appe­lez la « pétro­mas­cu­li­ni­té »…

« Le mythe fos­sile raconte la tran­si­tion entre les éner­gies comme une his­toire d’amélioration tech­no­lo­gique continue. »

Lorsque la notion de genre appa­raît dans l’é­la­bo­ra­tion des poli­tiques envi­ron­ne­men­tales, il est géné­ra­le­ment ques­tion des femmes, de la manière dont elles sont repré­sen­tées ou subissent des pré­ju­dices. Ces ques­tions sont impor­tantes, mais les fémi­nistes consi­dèrent l’i­né­ga­li­té de genre comme un pro­blème. Les fémi­nistes apportent une com­pré­hen­sion plus pro­fonde de la façon dont le genre et la sexua­li­té ren­forcent la domi­na­tion, sur les per­sonnes et le monde non humain. La vision occi­den­tale moderne du monde est construite sur des dua­li­tés : l’es­prit et le corps, l’hu­main et l’a­ni­mal, le blanc et le noir, le civi­li­sé et le pri­mi­tif, le mas­cu­lin et le fémi­nin. Dans l’Occident moderne, ces dua­li­tés reflètent un sys­tème de valeurs où le pre­mier terme est l’i­déal, et le second l’ex­cep­tion, le dif­fé­rent, l’in­fé­rieur. Le pou­voir est jus­ti­fié en réfé­rence à ces pre­miers termes. Le genre et la sexua­li­té inter­viennent dans nombre de ces dua­li­tés, le qua­li­fi­ca­tif subor­don­né étant sou­vent fémi­ni­sé, signe d’un besoin de contrôle par le haut. Il en résulte que la subor­di­na­tion des femmes, en tant que per­sonnes consi­dé­rées comme plus proches de la nature et de la repro­duc­tion, et la volon­té de contrô­ler une nature chao­tique, se retrouvent liées l’une à l’autre.

Il s’a­git d’une pro­blé­ma­tique plus large concer­nant la phi­lo­so­phie occi­den­tale moderne et le capi­ta­lisme, mais elle per­met aux fémi­nistes de com­prendre com­ment les ordres patriar­caux occi­den­taux sont liés à la vio­lence éco­lo­gique. La culture occi­den­tale consi­dère que la nature est en dehors de la civi­li­sa­tion humaine et qu’elle peut être amé­lio­rée par le contrôle anthro­pique [humain, ndlr]. Les acti­vi­tés asso­ciées à la repro­duc­tion, qu’il s’a­gisse du rôle de la forêt dans le cycle du car­bone ou du tra­vail du care consis­tant à nour­rir, soi­gner et aider les com­mu­nau­tés sont natu­ra­li­sées — et même sacra­li­sées — tout en étant déva­lo­ri­sées et consi­dé­rées comme des res­sources gra­tuites dis­po­nibles pour la pro­duc­tion capi­ta­liste. Le chan­ge­ment cli­ma­tique montre que ce grand pro­jet occi­den­tal n’est pas sou­te­nable, mais de nom­breux groupes, notam­ment des mou­ve­ments de droite, ne veulent pas renon­cer à ce mode de vie, qui implique à la fois la domi­na­tion mas­cu­line et la maî­trise de la nature. C’est ce que révèle une lec­ture fémi­niste du déni cli­ma­tique. La poli­tique de droite aux États-Unis sou­tient les éner­gies fos­siles et se montre éga­le­ment anti-fémi­niste. Ces posi­tions sont sou­vent consi­dé­rées comme dis­tinctes, l’une por­tant sur la famille tra­di­tion­nelle et le foyer, l’autre sur l’é­co­no­mie. Mais elles sont liées.

[Extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)]

De quelle façon, exactement ?

La pétro­mas­cu­li­ni­té est une expres­sion du pou­voir gen­ré qui nous montre jus­te­ment à quel point elles sont reliées. La mas­cu­li­ni­té se mani­feste de mul­tiples façons et n’est pas intrin­sè­que­ment des­truc­trice sur le plan éco­lo­gique. Mais il y a une rela­tion entre un type de mas­cu­li­ni­té domi­nante aux États-Unis et les éner­gies fos­siles : la pétro­mas­cu­li­ni­té, donc. Ce type de mas­cu­li­ni­té domi­nante asso­cie le modèle de l’homme idéal aux pétro­cul­tures éta­su­niennes, à ces croyances sur le tra­vail, la pro­duc­ti­vi­té et l’u­sage inten­sif d’éner­gie comme pra­tique de pou­voir. En voyant le lien entre les mas­cu­li­ni­tés domi­nantes et les éner­gies fos­siles, il est plus facile de com­prendre la défense pas­sion­née des éner­gies fos­siles à droite. Les éner­gies fos­siles ne sont pas seule­ment une res­source qui donne du pou­voir et du pro­fit à un État ou une entre­prise — bien que ce soient des élé­ments cruciaux…

Que sont-elles d’autre ?

Leur extrac­tion et leur uti­li­sa­tion sont éga­le­ment liées aux iden­ti­tés et au natio­na­lisme. Les hommes blancs consi­dèrent la Terre comme un ensemble de res­sources qu’ils doivent contrô­ler et améliorer.

Selon vous, une étape clé pour dépas­ser cet ordre patriar­cal est d’« iden­ti­fier nos besoins éner­gé­tiques ». Dans un monde de pro­duc­tion et de consom­ma­tion de masse, com­ment y par­ve­nir démocratiquement ?

Tout d’a­bord, il est utile de rap­pe­ler que la consom­ma­tion de masse ne répond pas à une demande pré­exis­tante et que des sommes consi­dé­rables sont consa­crées à la créa­tion de cette demande ! Le consu­mé­risme de masse sert évi­dem­ment les inté­rêts des entre­prises, mais il a aus­si un rôle poli­tique. La consom­ma­tion de masse a ser­vi de stra­té­gie pour conte­nir les reven­di­ca­tions des tra­vailleurs, et ce pour pré­ser­ver le capi­ta­lisme de la contes­ta­tion popu­laire. C’était par­ti­cu­liè­re­ment évident dans l’ac­cé­lé­ra­tion du consu­mé­risme éta­su­nien d’a­près-guerre, qui était consi­dé­ré comme un rem­part impor­tant contre le com­mu­nisme. Il ne s’a­git donc pas d’une simple ques­tion d’offre et de demande, comme si la demande était une don­née naturelle.

« La consom­ma­tion de masse a éga­le­ment ser­vi de stra­té­gie pour conte­nir les reven­di­ca­tions des tra­vailleurs, et ce pour pré­ser­ver le capi­ta­lisme de la contes­ta­tion populaire. »

Ensuite, sur la façon d’i­den­ti­fier les besoins en éner­gie d’une com­mu­nau­té, il n’y aura pas de réponse unique et uni­ver­selle qui s’ap­plique à tout le monde. Dans le monde actuel, un grand nombre de per­sonnes a besoin de plus d’éner­gie. Dans le même temps, beau­coup de gens consomment trop d’éner­gie mais peinent à s’en sor­tir, car ils vivent dans des socié­tés très inéga­li­taires comme les États-Unis. De solides tra­vaux sur la décrois­sance montrent que le niveau de consom­ma­tion d’éner­gie éta­su­nien est bien plus éle­vé que ce qui est néces­saire pour vivre digne­ment. En outre, il n’existe pas de rela­tion linéaire entre l’éner­gie et le bien-être, tout comme il n’y en a pas entre le reve­nu et le bien-être. Jusqu’à un cer­tain point, davan­tage d’éner­gie et de reve­nus amé­liorent la qua­li­té de vie. Mais au-delà de ce seuil — et les Étasuniens l’ont lar­ge­ment dépas­sé —, il appa­raît que le bien-être a ten­dance à stag­ner, même si la consom­ma­tion d’éner­gie aug­mente. Dans cette pers­pec­tive, la ques­tion de savoir com­ment iden­ti­fier les besoins col­lec­tifs en matière d’éner­gie com­mence par recon­naître ce dés­équi­libre actuel entre les besoins pla­né­taires et la manière dont l’éner­gie est pro­duite et fournie.

Et ensuite ?

L’étape sui­vante consis­te­rait à défi­nir des moyens de mieux répondre aux besoins de la com­mu­nau­té, plu­tôt que de déve­lop­per des éner­gies qui servent avant tout les pro­fits des inves­tis­seurs. Ça nous amène à un troi­sième point essen­tiel, à savoir que la démo­cra­tie éner­gé­tique implique non seule­ment des pro­ces­sus de prise de déci­sion démo­cra­tique, mais aus­si la démo­cra­ti­sa­tion de la pro­prié­té et du contrôle des sys­tèmes éner­gé­tiques ain­si que des maté­riaux et des tech­no­lo­gies qui les com­posent. Davantage de sys­tèmes éner­gé­tiques devraient être déte­nus col­lec­ti­ve­ment. Au lieu de ça, la plu­part des pro­jets solaires et éoliens sont envi­sa­gés comme des inves­tis­se­ments finan­ciers réa­li­sés sur la base d’une dette pri­vée et conçus pour offrir un retour sur inves­tis­se­ment ren­table aux inves­tis­seurs, ce qui ne fait qu’exa­cer­ber la recherche d’une crois­sance continue.

[Extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)]

Vous écri­vez à ce pro­pos que « la pro­prié­té publique et démo­cra­tique des sys­tèmes éner­gé­tiques est le dis­po­si­tif le plus à même d’assurer leur jus­tice et leur via­bi­li­té ». Entre la pro­prié­té publique et la pro­prié­té pri­vée, la gauche cri­tique a his­to­ri­que­ment mis l’accent sur la socia­li­sa­tion des moyens de pro­duc­tion : est-ce une option que vous met­tez de côté ?

Faire de l’éner­gie un bien public et com­mun est tout à fait en adé­qua­tion avec la pen­sée de gauche sur la socia­li­sa­tion des moyens de pro­duc­tion. Mais je m’in­té­resse aus­si à la manière dont la pro­prié­té publique de l’éner­gie peut contri­buer à remettre en ques­tion la quête d’une crois­sance infi­nie. Les mou­ve­ments socia­listes ont aus­si par­fois épou­sé la crois­sance et l’ac­cé­lé­ra­tion, sans for­cé­ment faire preuve d’une grande sen­si­bi­li­té éco­lo­gique… Lorsque le déve­lop­pe­ment de l’éner­gie est pri­vé, il implique sou­vent une dette finan­cia­ri­sée. Cette dette porte des inté­rêts et impose que le sys­tème éner­gé­tique la rem­bourse et génère un pro­fit — ce qui crée une dépen­dance à l’é­gard de la crois­sance et de l’ex­pan­sion. L’avantage de la pro­prié­té publique de l’éner­gie et d’un finan­ce­ment public non lucra­tif est que l’éner­gie peut être déve­lop­pée pour le bien éco­lo­gique d’une com­mu­nau­té, et non comme une mar­chan­dise à ren­ta­bi­li­ser. La démar­chan­di­sa­tion de l’éner­gie rend pos­sible la décroissance.

Vous citez l’his­to­rienne et acti­viste fémi­niste Shannon E. Bell et le socio­logue Richard York, qui qua­li­fient l’expression de « tran­si­tion éner­gé­tique » de « fal­la­cieuse », car, dans l’Histoire, les nou­velles sources d’énergie se sont addi­tion­nées aux pré­cé­dentes et ne les ont pas rem­pla­cées. Mais vous uti­li­sez aus­si l’expression de « tran­si­tion éner­gé­tique » dans plu­sieurs de vos articles : pour­riez-vous clarifier ?

Il m’ar­rive d’employer cette expres­sion parce qu’elle est pré­do­mi­nante et qu’il peut être utile d’a­voir un lan­gage par­ta­gé pour trai­ter d’un pro­blème. Bell et York s’op­posent à l’i­dée que la tran­si­tion soit la sub­sti­tu­tion d’une éner­gie par une autre, et montrent que les tran­si­tions opé­rées depuis le XIXe siècle ont sur­tout consis­té en l’a­jout de nou­velles éner­gies au modèle d’une crois­sance géné­rale de la consom­ma­tion éner­gé­tique. Cet argu­ment va à l’en­contre de l’i­dée reçue selon laquelle il suf­fi­rait d’a­jou­ter des éner­gies solaire et éolienne pour « tran­si­tion­ner » vers un sys­tème éner­gé­tique durable, sans qu’au­cun effort ne soit fait pour sor­tir des éner­gies fos­siles ou s’at­ta­quer à la sur-consom­ma­tion. La notion de tran­si­tion peut res­ter utile dans la mesure où on la consi­dère comme une construc­tion sociale, qu’on peut remettre en cause. La tran­si­tion est un moyen pour les gens de don­ner un sens à l’Histoire et au chan­ge­ment en sug­gé­rant une trame pour décrire un flux com­plexe d’in­te­rac­tions. J’ai par­fois enten­du ou uti­li­sé des expres­sions telles que « tour­nant éner­gé­tique » ou « trans­for­ma­tion éner­gé­tique » qui, au-delà de la sub­sti­tu­tion, sou­lignent la néces­si­té de chan­ge­ments sociaux et éco­no­miques plus radicaux.

« On explique aux gens qu’ils peuvent soit avoir une socié­té tech­no­lo­gi­que­ment avan­cée, soit retour­ner à une forme de vie pri­mi­tive, comme si ces options étaient les seules existantes. »

D’un autre côté, l’i­dée de tran­si­tion est popu­laire parce que l’ex­pé­rience de la vie dans le capi­ta­lisme moderne tar­dif est pleine de chan­ge­ments. C’est en quelque sorte la nature ou le carac­tère du capi­ta­lisme : on le voit par la pro­duc­tion constante de crises et les appels récur­rents à la dis­rup­tion et à l’in­no­va­tion, qu’on retrouve chez les capi­ta­listes comme chez beau­coup de leurs détrac­teurs. Ça vaut donc le coup de se mon­trer pru­dent et de réflé­chir plus avant sur la tran­si­tion enten­due ain­si. Est-il tou­jours judi­cieux d’op­po­ser aux crises et aux rup­tures capi­ta­listes d’autres types de rup­tures spec­ta­cu­laires ? Le voca­bu­laire de la tran­si­tion peut s’a­vé­rer nui­sible lors­qu’on uti­lise un sen­ti­ment d’ur­gence pour pas­ser outre des exi­gences de jus­tice ou pour écar­ter des pro­jets qui peuvent sem­bler trop lents, trop petits ou expérimentaux.

Le cou­rant tech­no­cri­tique est pour par­tie lié à l’histoire des mou­ve­ments éco­lo­gistes. Toutefois, dans la pré­face de Pétromasculinité, l’his­to­rienne Fanny Lopez met en garde qu’« une branche de la mou­vance tech­no­cri­tique » repose sur une « idéo­lo­gie anti-indus­trielle [pro­cé­dant à] une essen­tia­li­sa­tion des corps. Il existe un obs­cu­ran­tisme tech­no­cri­tique qui repose sur une féti­chi­sa­tion du corps natu­rel, valide, viril, dou­blé de pos­tures trans­phobes et mas­cu­li­nistes, eugé­nistes, racistes ». Êtes-vous d’accord ?

Il y a éga­le­ment une ten­dance qui part du prin­cipe que le fémi­nisme ou les mou­ve­ments éco­lo­gistes sont hos­tiles à la tech­no­lo­gie, et qui les oppose aux éco-moder­nistes, les­quels pensent que les inno­va­tions tech­no­lo­giques vont per­mettre aux socié­tés humaines de se déve­lop­per sans qu’il n’y ait d’im­pacts éco­lo­giques néfastes. On explique aux gens qu’ils peuvent soit avoir une socié­té tech­no­lo­gi­que­ment avan­cée, soit retour­ner à une forme de vie pri­mi­tive, comme si ces options étaient les seules exis­tantes. Comme Fanny Lopez l’é­crit, l’as­so­cia­tion du fémi­nisme avec les posi­tions tech­no­cri­tiques repose en outre sur un essen­tia­lisme du genre, selon lequel les femmes, en tant que corps natu­rels, seraient le revers d’une oppo­si­tion binaire avec les machines ou les arte­facts tech­no­lo­giques. Au lieu de ça, dans nos tra­vaux avec Christine Labuski et Shannon Bell sur des sys­tèmes éner­gé­tiques fémi­nistes, nous consi­dé­rons la tech­no­lo­gie de manière plus géné­rale. Les tech­no­lo­gies ne sont pas seule­ment des outils sou­mis au contrôle humain. Les tech­no­lo­gies sont des outils qui façonnent le monde. Elles émergent des cultures et des idées des gens de façon conco­mi­tante avec d’autres pro­ces­sus et arte­facts qui sont néces­saires à leur fonc­tion­ne­ment — ce que des uni­ver­si­taires appellent des « sys­tème socio-tech­no­lo­giques ». Un exemple célèbre est celui du train, qui a entraî­né tout un ensemble d’hor­loges, de gares, d’in­dus­tries, de rythmes, d’a­mé­na­ge­ments urbains et de nou­velles cultures — c’é­tait bien plus que le seul train.

[Extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)]

La manière dont les tech­no­lo­gies émergent et s’in­tègrent dans nos vies est à la fois un pro­ces­sus social et maté­riel. C’est très dif­fé­rent de l’i­dée selon laquelle des génies indi­vi­duels inven­te­raient des choses dans un acte de créa­tion poli­ti­que­ment neutre. Ce qui nous importe est de com­prendre ce qu’il y a de poli­tique dans ce pro­ces­sus. À qui et à quoi servent les sys­tèmes socio-tech­niques ? Qui les détient, à qui pro­fitent-ils et où sont les pos­si­bi­li­tés pour les contes­ter ? L’enjeu n’est pas de s’op­po­ser à quelque chose qui s’ap­pel­le­rait « tech­no­lo­gie » mais de s’op­po­ser au déve­lop­pe­ment de la tech­no­lo­gie pour des inté­rêts pri­vés ou l’ar­mée. À l’in­verse, nous aime­rions voir plus de tech­no­lo­gies déve­lop­pées avec et par les com­mu­nau­tés qu’elles engagent, humaines comme autres qu’­hu­maines. Si on part du prin­cipe que la tech­no­lo­gie fabrique de nou­veaux mondes, alors les pro­ces­sus de déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique devraient por­ter une plus grande atten­tion aux nui­sances qui en découlent et en rendre compte. Il suf­fit de regar­der une nou­velle tech­no­lo­gie comme l’IA pour consta­ter que c’est le contraire qui se pro­duit, en termes de res­pon­sa­bi­li­té ou de pro­ces­sus démocratique.

Le Green New Deal est débat­tu dans la gauche éco­lo­giste, tout en étant aus­si cri­ti­qué pour ses limites. Le phi­lo­sophe fran­çais Paul Guillibert le qua­li­fiait de « néo-key­né­sia­nisme vert » parce qu’il s’agirait « d’une tran­si­tion au sein du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste entre dif­fé­rents sec­teurs de l’économie grâce au pou­voir d’État [plu­tôt] que d’une véri­table réso­lu­tion poli­tique des crises cli­ma­tiques et éco­lo­giques ». Il ajoute que « les pro­jets de type Green New Deal [en dis­cus­sion] sup­posent des poli­tiques impé­ria­listes et néo­co­lo­niales ». Qu’en pensez-vous ?

Aux États-Unis, la régle­men­ta­tion liée aux inves­tis­se­ments et pro­grammes publics impor­tants ne va même pas aus­si loin qu’un néo-key­né­sia­nisme vert. Les mou­ve­ments pour le cli­mat aux États-Unis, comme Sunrise et les oppo­sants au Dakota Access Pipeline, ont réus­si à faire du chan­ge­ment cli­ma­tique une prio­ri­té pour le par­ti démo­crate, et il faut s’en réjouir. De nom­breux mou­ve­ments pour le cli­mat ont aus­si deman­dé à ce que la légis­la­tion cli­ma­tique soit liée à des poli­tiques sociales — notam­ment en matière de san­té, d’é­du­ca­tion, de loge­ment et de petite enfance — mais ces pro­grammes sociaux plus vastes ont rapi­de­ment été aban­don­nés lors de récentes négo­cia­tions. Au lieu de ça, la légis­la­tion cli­ma­tique adop­tée par l’ad­mi­nis­tra­tion Biden (un pro­jet de loi sur les infra­struc­tures, sur la réduc­tion de l’in­fla­tion, le Build Back Better Plan) a été consi­dé­ra­ble­ment réduite et repose prin­ci­pa­le­ment sur la poli­tique fis­cale qui vise à favo­ri­ser l’ac­ti­vi­té du sec­teur pri­vé. Cette légis­la­tion consi­dère le chan­ge­ment cli­ma­tique comme une oppor­tu­ni­té de crois­sance pour le sec­teur pri­vé, et comme une occa­sion pour res­tau­rer le « lea­der­ship » des États-Unis en matière d’in­dus­trie verte. Elle contient éga­le­ment bon nombre de mesures en faveur des éner­gies fos­siles. Les pro­jets de loi ne remettent aucu­ne­ment en cause la volon­té de crois­sance infi­nie du PIB, et encore moins le néolibéralisme.

« De nom­breux pro­jets de Green New Deal ne s’at­taquent pas au colo­nia­lisme ni au racisme envi­ron­ne­men­tal, que les États-Unis ne cessent de cautionner. »

Un néo-key­né­sia­nisme vert remet­trait poten­tiel­le­ment en ques­tion le néo­li­bé­ra­lisme, mais pas la crois­sance en géné­ral. Par ailleurs, de nom­breux pro­jets de Green New Deal ne s’at­taquent pas au colo­nia­lisme ni au racisme envi­ron­ne­men­tal, que les États-Unis (et d’autres États puis­sants) ne cessent de cau­tion­ner, même si l’ad­mi­nis­tra­tion Biden a pris quelques mesures pour remé­dier à l’in­jus­tice envi­ron­ne­men­tale his­to­rique. Ça a ren­du cer­tains mou­ve­ments pour le cli­mat méfiants à l’é­gard du pou­voir de l’État — à juste titre. Dans le même temps, des efforts ont été faits pour ima­gi­ner un Green New Deal qui confron­te­rait davan­tage le capi­ta­lisme glo­bal et le colo­nia­lisme, mais ces idées sont bien plus radi­cales que la plu­part des pro­jets de Green New Deal. Un bon exemple est le livre de Max Ajl, inti­tu­lé A People’s Green New Deal, qui pro­pose une alter­na­tive anti-impé­riale et inter­na­tio­nale au Green New Deal. Comme le montre ce livre, l’i­dée d’un Green New Deal a consti­tué un ter­rain pro­pice à la contes­ta­tion poli­tique et, en ce sens, il est impor­tant de res­ter atten­tif aux occa­sions qui pour­raient se pré­sen­ter dans ces immenses chan­ge­ments menés par l’État. De mul­tiples voix et acteurs sont néces­saires pour à la fois dénon­cer vigou­reu­se­ment les insuf­fi­sances de ces plans, tout en tirant par­tie de toute marge de manœuvre supplémentaire.

L’historien des sciences et des tech­niques Jean-Baptiste Fressoz, fran­çais lui aus­si, a récem­ment affir­mé que « l’inertie du sys­tème éner­gé­tique à l’échelle mon­diale est un phé­no­mène réel, tita­nesque, qu’il faut pen­ser à sa juste hau­teur et affron­ter de face. […] Sortir du car­bone est encore plus dif­fi­cile que sor­tir du capi­ta­lisme ». Êtes-vous d’accord avec lui ?

Je suis d’ac­cord sur le fait que l’am­pleur du pro­blème de l’éner­gie est colos­sal et qu’il néces­site une trans­for­ma­tion radi­cale qui va au-delà de chan­ge­ments tech­no­lo­giques. Les éner­gies car­bo­nées, ou les éner­gies fos­siles, sont pro­fon­dé­ment inté­grées dans les struc­tures pla­né­taires et les cultures modernes, ain­si que dans les réseaux éoliens et solaires émer­gents, en termes de pro­duc­tion, de trans­port et d’ex­trac­tion. Je refor­mu­le­rais peut-être l’af­fir­ma­tion en disant que les éner­gies fos­siles rendent plus dif­fi­cile la sor­tie du capi­ta­lisme, dans la mesure où une très grande par­tie de la vie quo­ti­dienne est basée sur la consom­ma­tion mas­sive d’éner­gie. Par consé­quent, je ne sau­rais sépa­rer l’éner­gie et le capi­ta­lisme pour savoir lequel est le plus dif­fi­cile à remettre en ques­tion. Les éner­gies fos­siles sont liées au capi­ta­lisme, et les deux doivent être dépas­sés conjointement.

[Extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)]

Théoriquement, je sup­pose qu’on pour­rait ima­gi­ner un capi­ta­lisme décar­bon­né, bien que ce soit peu pro­bable compte tenu de la situa­tion actuelle. Cependant, même un hypo­thé­tique capi­ta­lisme post-car­bone res­te­rait hau­te­ment extrac­ti­viste, avec une pro­duc­tion maté­rielle inten­sive qui serait à la fois non viable et injuste. Ce rap­port extrac­ti­viste à la Terre, comme un réser­voir de res­sources illi­mi­tées et de corps assu­jet­tis à mettre au tra­vail, a lui-même été ampli­fié et ali­men­té par les pétro-cultures, par les rela­tions que les impé­ria­listes euro­péens ont nouées avec les machines fonc­tion­nant à l’éner­gie fos­sile. C’est pour­quoi je consi­dère la trans­for­ma­tion éner­gé­tique comme un chan­ge­ment cultu­rel et poli­tique aus­si bien que comme chan­ge­ment d’éner­gie à pro­pre­ment par­ler — un chan­ge­ment dans la manière dont l’ac­ti­vi­té, le tra­vail, et l’éner­gie sont éva­lués et répartis.

Ces der­nières années, l’écoféminisme a gagné en visi­bi­li­té. De quel œil voyez-vous ça ?

Il y a cinq ans, je n’u­ti­li­sais pas le terme « éco­fé­mi­nisme » dans mes propres tra­vaux, bien que je me sen­tais proche de nom­breuses autres ten­dances fémi­nistes. Cet évi­te­ment vient de ma for­ma­tion ini­tiale, où j’en­ten­dais beau­coup de cari­ca­tures des pre­mières pen­sées éco­fé­mi­nistes de la part d’u­ni­ver­si­taires âgés qui qua­li­fiaient l’é­co­fé­mi­nisme d’es­sen­tia­liste, asso­ciant de façon sim­pliste les femmes à la Terre-Mère. Ça sem­blait être un reproche cou­rant au début des années 2000. J’admets avoir d’a­bord sou­vent accep­té ces cari­ca­tures sans faire mes propres lec­tures ou sans vrai­ment y réflé­chir… Aujourd’hui, je m’in­ter­roge sur la poli­tique qui sous-tend la volon­té d’ef­fa­cer les tra­vaux éco­fé­mi­nistes, dont une grande par­tie reje­tait expli­ci­te­ment l’es­sen­tia­lisme de genre. En lisant pour la pre­mière fois des tra­vaux éco­fé­mi­nistes anté­rieurs, comme Maria Mies, j’ai été frap­pée par l’a­cui­té et la per­ti­nence de cer­taines de ces cri­tiques du capi­ta­lisme patriar­cal, et par l’aide qu’elles m’au­raient appor­tée si je les avais connues plus tôt ! Je réflé­chis à pré­sent aux avan­tages stra­té­giques qu’il y a à dif­fu­ser un terme tel qu’é­co­fé­mi­nisme, et à ce que l’on peut apprendre en renouant avec ces penseuses.

« Je m’in­ter­roge sur la poli­tique qui sous-tend la volon­té d’ef­fa­cer les tra­vaux écoféministes. »

Bien qu’il s’a­gisse d’une réflexion plus per­son­nelle, je me demande ce qui se passe dans le monde pour que je me sente plus à l’aise, comme beau­coup d’autres, pour me réen­ga­ger dans l’é­co­fé­mi­nisme en ce moment. Peut-être est-ce parce que les milieux pri­vi­lé­giés ne peuvent plus se per­mettre d’é­vi­ter les ques­tions que l’é­co­fé­mi­nisme a his­to­ri­que­ment sou­le­vées, au point que ces autres champs sont désor­mais plus ouverts à la cri­tique du capi­ta­lisme mon­dial, de l’im­pé­ria­lisme et de la miso­gy­nie, bien qu’il ne se réfèrent géné­ra­le­ment pas aux tra­vaux éco­fé­mi­nistes anté­rieurs. De nom­breuses pen­seuses fémi­nistes se mobi­lisent pour dire que ce n’est pas nou­veau. Nous avons beau­coup réflé­chi à la manière dont ces pro­blèmes sont liés. Dans le même temps, j’ai com­men­cé à m’in­quié­ter du « pink washing », de la façon dont les finan­ceurs et les ins­ti­tu­tions pour­raient trou­ver un avan­tage à abor­der la ques­tion du genre et tra­vailler avec le fémi­nisme d’une manière libé­rale, indi­vi­dua­liste, en se foca­li­sant sur la repré­sen­ta­tion des femmes mais en évi­tant les pro­blèmes struc­tu­rels plus dif­fi­ciles liés au capi­ta­lisme et à l’empire, à l’im­pé­ria­lisme. Même si on s’in­quiète de la récu­pé­ra­tion, on a l’im­pres­sion d’être dans un contexte dif­fé­rent, main­te­nant, où l’é­co­fé­mi­nisme n’est pas si faci­le­ment rejeté.

Vous êtes une membre fon­da­trice du Mayapple Energy Transition Collective. Dites-nous en plus…

En écri­vant avec mes amies et col­lègues, l’an­thro­po­logue Christine Labuski et Shannon Bell, nous avons déci­dé de nous nom­mer Mayapple Energy Transition Collective. Il s’a­gis­sait de décla­rer notre iden­ti­té com­mune d’au­trices et de nous ancrer dans l’en­droit où nous vivons, dans les Appalaches, en Virginie. Mayapple [Podophylle pel­té en fran­çais, ndlr], est une plante qui couvre le sol de la forêt au prin­temps et en été dans ces mon­tagnes. Les plantes poussent à par­tir d’un rhi­zome sou­ter­rain, ce qui signi­fie qu’elles sont reliées en une com­mu­nau­té non-hié­rar­chique, une rela­tion qui nous ins­pire. Nous sommes éga­le­ment fas­ci­nées par ses fleurs et ses fruits, qui appa­raissent sous ses feuilles, très proches du sol. Il est donc dif­fi­cile de voir les fleurs d’en haut, à moins de ralen­tir, de se bais­ser et de prê­ter atten­tion. Les fleurs de mayapple ont une esthé­tique simple qui invite à chan­ger de vitesse et de perspective.

[Extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)]

Quand nous nous sommes mises à tra­vailler ensemble, nous avons com­men­cé par recon­naître enche­vê­tre­ment des ordres patriar­caux et de la vio­lence liée aux éner­gies fos­siles dans l’Occident moderne. Dans nos propres tra­vaux, sépa­ré­ment, nous avions écrit sur les rela­tions entre la mas­cu­li­ni­té hégé­mo­nique et les éner­gies fos­siles. Dès lors, com­ment un mou­ve­ment fémi­niste, qui cherche à ren­ver­ser la domi­na­tion sexuelle et de genre, pour­rait-il éclai­rer les approches de l’éner­gie ? Fidèles à l’es­prit fémi­niste, nous pen­sons qu’il pour­rait y avoir plu­sieurs réponses à cette ques­tion, propres au contexte de chaque com­mu­nau­té. Cependant, une approche fémi­niste de l’éner­gie serait gui­dée par la trans­for­ma­tion des valeurs et un dépas­se­ment des dua­li­tés qui sup­posent une sépa­ra­tion entre le corps et l’es­prit, la rai­son et l’é­mo­tion, le mas­cu­lin et le fémi­nin, les humains et la nature. Ce sont ces valeurs occi­den­tales qui jus­ti­fient l’ex­trac­tion et le contrôle de la repro­duc­tion pour le profit.

Une approche fémi­niste de l’éner­gie remet en ques­tion le rêve d’une éner­gie infi­nie et pas chère, et l’hy­po­thèse selon laquelle elle apporte le bien-être humain (même les extrac­teurs d’éner­gie les plus intran­si­geants savent qu’elle n’ap­porte pas le bien-être éco­lo­gique). Le pro­blème de l’éner­gie n’est pas seule­ment une ques­tion tech­nique de sub­sti­tu­tion d’éner­gie, où la mise en place d’une nou­velle éner­gie résou­drait tout. L’énergie est un pro­blème d’i­né­ga­li­té et d’in­jus­tice, un pro­blème qui néces­site une poli­tique de dis­tri­bu­tion visant le bien-être et la san­té plu­tôt que le pro­fit. Ce qui implique de recon­naître que beau­coup de per­sonnes dans le monde n’ont pas assez d’éner­gie, de loge­ment ou de nour­ri­ture. Dans le même temps, le consu­mé­risme de masse à bas prix, les sys­tèmes ali­men­taires indus­triels et la culture de la voi­ture ne pro­curent pas une vie de qua­li­té ou une bonne san­té pour beau­coup, même dans les pays riches. Il ne s’a­git donc pas seule­ment de réduire la consom­ma­tion d’éner­gie, mais de réflé­chir de manière plus glo­bale à la pos­si­bi­li­té de vivre dignement.


Photographie de ban­nière : extrait de There Will Be Blood | Paul Thomas Anderson (2007)


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