Texte de Kurdsihquestion traduit par Ballast
Il serait fautif de réduire le Rojava à une expérience anarchiste — une brigade internationale spécifiquement libertaire a d’ailleurs été fondée il y a peu en réaction, notamment, à la présence de faucilles et de marteaux sur les drapeaux. Plusieurs traditions gravitent bel et bien autour du Confédéralisme démocratique porté par le PKK, le PYD et les unités majoritairement kurdes du nord de la Syrie. Un reporter américain, communiste, s’est rendu sur place et revient sur un point ô combien polémique : l’implication de son pays dans le processus révolutionnaire qui s’y déploie. Le secrétaire états-unien adjoint aux affaires européennes et eurasiennes a récemment décrit les relations entre Washington et le Rojava, dans le cadre de la lutte menée de concert contre Daech, comme « temporaires, transactionnelles et tactiques ». Realpolitik assumée de part et d’autre ou dindons de la farce socialiste ? C’est ce que l’auteur a voulu savoir. Nous traduisons son analyse — fût-ce sa charpente idéologique différente de la nôtre — afin de contribuer aux débats francophones. ☰ Par Marcel Cartier
L’activiste kurde Hawzhin Azeez a lancé : « Les YPJ [Unités de protection de la femme] — écrit Becky1, cette féministe
Son doigt fracasse le bouton anti-impérialiste
occidentale — auraient dû choisir une décapitation digne, des viols collectifs et le massacre de toutes les femmes, des Kurdes et des peuples de la Syrie du Nord plutôt que d’accepter les armes des impérialistes crasseux afin de se défendre contre Daech !!!point d’exclamation
dans le but de mettre en relief son opinion, tandis qu’elle prend une délicate gorgée de son Fraise à la crème de soja Frappuccino avant de recommencer à tapoter sur son iPad 7. Je les aurais soutenues sans aucun doute, alors ! Mais certainement plus maintenant !
Elle toise la serveuse mexicaine qui lui apporte sa commande — un cheesecake au camembert, à la myrtille et au mascarpone — et l’interrompt dans son analyse politique révolutionnaire de la Syrie. Dehors, la pluie tombe à verse. Becky est confortablement assise, tout à son aise, dans quelque coin de son café Starbucks. Elle ignore brièvement son iPhone, qui tout à coup sonne pour lui rappeler de changer l’heure de son cours de « hot yoga » afin qu’il ne se télescope pas avec la nomination de son caniche au Salon du chien. Puis conclut son statut, accompagné d’un sourire d’autosatisfaction en coin, par cette phrase : L’esclavage dans les rues de Raqqa et d’Alep, même sexuel, aurait mieux valu que les armes des impérialistes ! C’est le genre de féminisme que je soutiens, pour les femmes arabes, musulmanes, noires et indigènes du monde !
»
« Après tout, le soutien nord-américain aux groupes liés ou proches de l’extrémisme salafiste et wahhabite n’a strictement rien de nouveau. »
Cela rassemble au paradoxe de tous les paradoxes. Les États-Unis et leurs alliés occidentaux sont engagés dans une guerre impitoyable et implacable contre le gouvernement syrien de Damas, celui-là même qui vit ces soi-disant « défenseurs de la démocratie et de la liberté » soutenir l’une des plus ignobles et réactionnaires organisations terroristes que la planète ait comptée dans l’histoire récente. Il y a peu, le président Donald Trump est, pour la première fois, intervenu militairement contre les forces gouvernementales syriennes : un barrage de missiles de croisière ayant pour effet d’aider les groupes qui opèrent dans le sillage idéologique d’al-Qaïda, au nord-ouest du pays. Mais, non, cela n’est pas le paradoxe ultime. Après tout, le soutien nord-américain aux groupes liés ou proches de l’extrémisme salafiste et wahhabite n’a strictement rien de nouveau — n’oublions jamais l’appui des États-Unis aux « moudjahidins » en Afghanistan, dans les années 1980. Ce qui s’avère autrement plus paradoxal est que les États-Unis apportent leur soutien militaire à une organisation, située au nord de la Syrie, qui non seulement n’est pas réactionnaire, mais affirme en plus être socialiste et féministe, tout en nourrissant des liens idéologiques avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK — ce même PKK était, du reste, en guerre avec la deuxième plus grande armée de l’OTAN, la Turquie, depuis plus de trois décennies.
Le fait que le Parti de l’union démocratique (PYD) et ses composantes armées, les Unités de protection du peuple et les Unités de protection de la femme (YPG et YPJ), mènent une véritable révolution sociale en plein milieu du chaos syrien ne fait pas l’ombre d’un doute. Le mois que j’ai passé à voyager à travers les zones qu’ils contrôlent fut plus que largement suffisant pour me convaincre du caractère unique de cette expérience révolutionnaire, qui dépasse l’imagination et présente une large dimension démocratique et socialiste. J’ai été constamment impressionné par ce que j’y ai vu : des structures communalistes aux coopératives, des organisations de femmes aux florissantes académies culturelles et artistiques. L’honnêteté et la franchise du mouvement vis-à-vis des nombreuses contradictions qui surgissent lors d’un processus de transformation radicale de la société m’ont frappé. Je peux aussi affirmer que, pour la première fois de ma vie et malgré tous les voyages que j’ai effectués dans des pays qui s’engagèrent, à divers degrés, dans la construction du socialisme (le Venezuela, Cuba ou la Corée du Nord), j’ai touché du doigt l’existence d’une société profondément vivante, démocratique et populaire, que j’avais toujours imaginé pouvoir — et devoir — naître un jour.
Pourtant, le sentiment d’une ultime contradiction ne m’a jamais vraiment quitté. Elle me perturbait. Je ne savais que faire de ce que les YPG/J nomment une « coopération militaire tactique » avec les États-Unis. Comme quiconque ayant atteint la maturité politique après avoir usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école du marxisme révolutionnaire et de l’anti-impérialisme, on m’avait appris à considérer avec la plus grande méfiance tout ce qui venait, de près ou de loin, du Pentagone ou de la CIA — il y a de bonnes raisons à cela. Les États-Unis n’ont, de fait, pas pour habitude de soutenir les véritables révolutions qui ont lieu aux quatre coins de la planète… Après avoir convenu que le projet porté par le Rojava relevait bel et bien d’une authentique révolution sociale — au sein de ce que j’ai longtemps tenu pour une opération de changement de régime, soutenue par les États-Unis, contre un gouvernement, celui de Damas, ayant refusé de jouer selon les règles du néolibéralisme mondialisé —, j’ai désespérément ressenti le besoin d’obtenir des réponses à mes questions : est-ce que les YPG/J ne font qu’utiliser les États-Unis ? Les États-Unis ne font-ils qu’utiliser les YPG/J ? Ces Kurdes n’aident-ils pas, objectivement, de façon notable l’impérialisme américain si l’on prend du recul ? L’impérialisme américain soutiendrait-il sciemment, complexité de la guerre oblige, un processus révolutionnaire socialiste ? Ou bien la vérité se situe-t-elle quelque part entre les deux ? Y a-t-il des éléments de réponse dans chacune des réponses possibles, ou bien n’est-il pas possible, aujourd’hui, d’avoir de réponse claire ? Mieux : mes questions, même pertinentes, seraient-elles le reflet d’un statut privilégié ou de préjugés occidentaux ?
Pendant et après Kobané
« L’impérialisme des États-Unis aiderait-il sciemment, complexité de la guerre oblige, un processus révolutionnaire socialiste ? »
Ce fut lors de l’étape finale de l’avancée des YPG/J à Kobané, début 2015, que la coalition américaine consentit in fine — sous l’énorme pression internationale — à appuyer les forces kurdes au moyen de frappes aériennes afin de repousser Daech. Depuis, les États-Unis n’hésitent jamais à affirmer combien important fut leur rôle dans la libération de Kobané — mes rencontres avec les combattants des YPG/J, dans cette même ville, m’ont toutefois permis d’apprendre qu’ils ne voient pas tout ceci de la même façon ! Leur sentiment général ? De la colère, contre les États-Unis, à qui ils reprochent de n’être pas intervenus plus tôt et d’avoir fermé les yeux sur les souffrances du peuple aux mains de Daech. Cela suffit à les convaincre que leur intervention n’a servi que leurs propres objectifs géostratégiques, sans constituer un véritable soutien des YPG/J. Les mots de l’activiste et universitaire kurde Dilar Dirik2 sont très éclairants sur ce point. Elle a récemment écrit un article, dans les colonnes de ROAR, intitulé « La démocratie radicale : la ligne de front contre le fascisme »3 ; il soulève la question de l’incapacité d’une partie importante de la gauche occidentale à soutenir les YPG/J, en particulier à la suite de l’appui aérien des États-Unis au cours de la deuxième bataille de Kobané : « L‘image publique des forces armées du Rojava a brusquement changé aux yeux des sections de la gauche après la libération de Kobané. Bien que ce fût indéniablement une bataille historique, remportée par une communauté organisée et grâce au pouvoir de femmes libres, la sympathie généralisée dont elles bénéficiaient s’est effondrée dès l’instant où les forces au sol ont reçu le soutien aérien de la coalition sous commandement américain. Après avoir longtemps figuré au nombre des victimes les plus lésées de l’impérialisme au Moyen-Orient, les Kurdes et leurs voisins n’ont vraiment plus besoin d’être davantage éclairé à propos des fléaux de l’empire. Les massacres et les génocides perpétrés par des forces impérialistes, agissant en collaboration, sont encore dans les mémoires. Les visions dogmatiques du monde et les critiques simplistes et bornées ne fournissent aucune réponse aux personnes qui se battent pour leur vie, sur le terrain. Plus important encore : elles ne sauvent aucunes vies. »
Un soutien militaire — mais non politique
Il y a aujourd’hui plus de deux ans que les fascistes [de Daech, ndlr] ont été chassés de Kobané. Les États-Unis continuent de soutenir les forces kurdes ainsi que leur parapluie militaire étendu, les Forces démocratiques syriennes (SDF) — au début du mois de mai [2017], l’administration Trump a donné le feu vert pour l’envoi d’armes lourdes. Les Forces démocratiques comptent nombre de milices arabes qui se battent elles aussi pour la mise en place de structures démocratiques, inspirées par les succès des administrations pluri-ethniques et des Communes mises en place au Rojava. Les États-Unis n’ont pas fait que se mettre à fournir les Forces démocratiques en armes lourdes : on dénombre près de 1 000 hommes des Forces spéciales américaines opérant à leurs côtés sur le terrain, en plus d’un déploiement de Marines. Ces troupes, qui combattent au sein des Forces démocratiques syriennes, ne sont-elles que les acteurs de la contre-révolution sur lesquels ont parié les États-Unis, compte-tenu de l’effondrement des troupes de l’Armée syrienne libre, que la Turquie semble à tout prix vouloir ressusciter ? On ne peut fournir de réponse définitive à cette question, mais il est important de noter que, si les États-Unis soutiennent militairement l’avancée des Forces démocratiques syriennes sur Raqqa, la capitale de Daesh, sous la bannière de l’opération La colère de l’Euphrate, Washington a tout entrepris pour maintenir le PYD — le bras politique des YPG/J — loin de la table des négociations lors des pourparlers de paix de Genève. En outre, le système fédéral mis en place par le PYD et le Mouvement pour une société démocratique (TEV-DEM) du Rojava n’ont reçu aucune sorte de soutien, pas plus qu’une once de considération de la part des États-Unis qui, constamment, ont souligné que le « fédéralisme ad hoc » n’est pas encouragé par Washington.
La Russie a volontiers pris le contrepied de la position états-unienne sur le Rojava. Alors que Moscou est généralement considéré comme le bras militaire épaulant le gouvernement baasiste [d’el-Assad, ndlr], ces mêmes Russes ont, récemment, proposé l’établissement d’une nouvelle constitution pour la Syrie — basée, au moins en partie, sur la fédéralisation préconisée par le PYD et leur réflexion sur le caractère multiethnique du pays (suggérant en l’occurrence de changer le nom du pays de « République arabe syrienne » en « République syrienne »). La Russie a également préconisé l’inclusion du PYD dans la troisième série de pourparlers de Genève — une proposition battue en brèche par les États-Unis. En outre, le premier bureau du PYD ouvert à l’étranger le fut à Moscou, en février 2016, et ce fut l’État russe qui facilita les pourparlers entre le gouvernement syrien et le PYD au sujet d’un règlement du conflit susceptible de déboucher sur la paix entre les forces en présence. Depuis peu, la Russie s’est engagée à travailler militairement avec les YPG/J, à établir dans la ville d’Afrin à la fin du mois de mars [2017] une base destinée à entraîner les forces des unités kurdes et les Forces démocratiques syriennes, et d’y créer, enfin, une zone-tampon pour empêcher les forces turques de les attaquer. Il semblerait que Moscou ait misé sur eux, après le succès durable des forces militaires, du projet politique et de l’endurance du Rojava.
Des ennemis idéologiques
« Nous savons qu’une fois leurs objectifs stratégiques atteints, ils nous abandonneront. »
Il n’est pas nécessaire de chercher au-delà d’un élémentaire et pragmatique instinct de survie pour expliquer pourquoi les YPG/J acceptent la coopération militaire avec les États-Unis — ce que quelques guerriers occidentaux du clavier et autres militants du fauteuil rejettent, ai-je entendu, sous couvert de la formule, fort simpliste, de « danse avec le diable ». Après tout, pourquoi des socialistes révolutionnaires feraient-ils équipe avec les États-Unis, sauf à, bien sûr, n’être en rien des révolutionnaires ? Mes observations m’ont conduit à estimer que ces forces sont, de facto, réellement révolutionnaires. Tout au long de mon séjour, j’ai été obsédé par l’idée de détecter des opinions divergentes dans les rangs des YPG ou des organisations politiques sur la manière d’appréhender cette coopération avec les États-Unis — dans le cadre de l’opération Inherent Resolve, menée contre Daech. Que font-ils, ces radicaux, des motivations de Washington, que ce soit sous l’administration de Barack Obama ou celle de Donald Trump, lorsqu’ils travaillent côte à côte avec eux ? Ainsi que je l’avais mentionné dans un précédent article sur les différentes tendances présentes au sein de la politique kurde, un commandant YPG, Cihan Kendal, a déclaré au début de l’année que « l’Amérique voudrait nous avoir comme principal allié, mais ils savent que ce n’est pas possible : sur le plan militaire, il nous arrive de collaborer, mais, idéologiquement, nous sommes ennemis.» C’est une opinion que Cihan Kendal m’a répétée lorsque je l’ai rencontré au nord de la Syrie. Il m’a dit : « Nous sommes engagés dans une révolution démocratique, mais cette révolution est aussi dirigée par un parti socialiste, donc, bien sûr, il s’agit d’une révolution socialiste. Dès lors, naturellement, c’est quelque chose que les États-Unis ne vont jamais soutenir. »
Un autre commandant YPG que j’ai rencontré à Kobané n’a pas mâché ses mots : « Il y a ceux qui disent que parce que nous collaborons tactiquement avec les États-Unis, il ne s’agit pas d’une véritable révolution. Mais, dites-moi, comment sommes-nous censés vaincre Daech et défendre notre révolution sans armes lourdes ? Nous savons qu’ils vont nous donner des armes pour prendre Raqqa mais, dans le même temps, ils ne veulent pas que nous gouvernions Raqqa à notre manière. Nous savons qu’une fois leurs objectifs stratégiques atteints, ils nous abandonneront. » Quelques jours plus tard, j’ai eu la chance de rencontrer un autre idéologue, impressionnant, qui se révéla, avec ses camarades, posséder une connaissance très approfondie de l’histoire des mouvements révolutionnaires. Au mur, derrière lui, un portrait d’Abdullah Öcalan [leader emprisonné du PKK et théoricien du Confédéralisme démocratique, revendiqué par le Rojava, ndlr]. Dessous, un autre de Vladimir Ilitch Lénine parlant aux masses de Petrograd en 1917. Désignant le portrait de Lénine, il me dit : « Lui, c’est un homme qui, il y a un siècle, accepta de monter dans un train blindé de l’État allemand impérialiste pour rentrer en Russie et mener la révolution bolchevik. Devons-nous aujourd’hui le considérer comme un agent de l’impérialisme allemand ? » Savoir si cette comparaison est vraiment pertinente est une question en soi, mais le point soulevé par le commandant a fait mouche. Il m’a également assuré, avec une clarté sans appel : « Nous ne sommes pas des pions ni des marionnettes des États-Unis. Nous sommes des révolutionnaires avant tout. »
Des ultra-gauchistes opportunistes ou d’authentiques révolutionnaires ?
La question de savoir comment finira la coopération militaire entre la superpuissance la plus sanguinaire et les révolutionnaires les plus radicaux du monde est loin d’être aujourd’hui réglée ; il serait absurde de croire que les révolutionnaires du mouvement de libération kurde, mouvement fort de quatre décennies d’expérience de lutte contre ces mêmes impérialistes, ont soudainement oublié leurs vices. D’aucuns, au sein de la gauche occidentale, peuvent rejeter d’un revers de la main les YPG/J comme autant d’ultra-gauchistes qui rallient, tout à leur opportunisme, les forces de l’Empire. Cette analyse ne correspond en rien à la réalité. Il est nécessaire de réfléchir plus profondément à ce qu’écrit Dilar Dirk : « Pour les personnes dont les familles ont été massacrées par Daech, la facilité avec laquelle les gauchistes occidentaux ont paru plaider en faveur d’un rejet de l’aide militaire, au profit de notions romantiques telles que la pureté révolutionnaire, était incompréhensible. Pour dire le moins. Ce plaidoyer en faveur d’un anti-impérialisme inconditionnel, détaché de l’existence humaine réelle et des réalités concrètes, est un luxe que seuls ceux qui vivent loin du traumatisme de la guerre peuvent se permettre. Bien conscientes du danger d’être instrumentalisées par les grandes puissances que sont les États-Unis et la Russie pour mieux être abandonnées ensuite, mais coincés entre le marteau et l’enclume, les Forces démocratiques syriennes avaient pour priorité — et elle le demeure — de survivre, d’abord, et de mettre un terme à la plupart des menaces immédiates visant l’existence même de centaines de milliers de personnes à travers les vastes étendues du territoire qu’elles contrôlent. »
De retour en Europe, ces textes m’ont frappé. Il est incroyablement facile — sinon honteux, à certains égards — de s’asseoir dans le confort de nos maisons occidentales et de critiquer la « trahison » d’un mouvement au nom de sa « collaboration » avec l’impérialisme lorsque la vie de tant de personnes est, littéralement, en jeu. Une fois que l’on prend le temps d’enquêter sur le terrain et que l’on voit à quoi les YPG/J sont confrontés — un blocus de la Turquie, de Daech et des nationalistes kurdes bornés du Parti démocratique du Kurdistan, en Irak —, une tout autre image devrait émerger. Le révolutionnarisme et la solidarité de fauteuil, uniquement conditionnés par les notions de « pureté » n’ont aucun sens dans le monde réel. Observer la région — et le monde — comme si cela n’était rien d’autre qu’un jeu d’échecs peut aisément conduire à adopter la politique de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » : une politique profondément viciée et paresseuse, qui peut amener à soutenir des mouvements extrêmement réactionnaires et non pas ceux qui mènent en réalité le type de politique que nous aimerions voir en œuvre dans nos propres pays. Les paroles du n° 2 des commandants YPG, que j’ai rencontré et qui a répondu à mes préoccupations au sujet des États-Unis, ont résonné ô combien en moi lorsque je suis rentré dans mon pays. « Il nous serait bien sûr utile que Trump nous envoie deux Humvees. Cela nous aiderait clairement dans notre lutte contre Daech. Mais souvenons-nous que l’un des F-16 vendus par Trump à la Turquie pourrait anéantir ces véhicules en une seconde. Nous savons de quel côté les États-Unis se situeront s’ils doivent un jour choisir, et ce ne sera pas du nôtre. »
Texte traduit de l’anglais, par Ballast, avec l’aimable autorisation de son auteur (original : « YPG and YPJ : Revolutionists or pawns of the Empire ? », Kurdishquestion, 16 mai 2017)
Photographies de couverture et de vignette : Flickr officiel des YPG
- Il s’agit là d’une figure archétypique, à valeur d’illustration, et non d’une personne précise, ndt.[↩]
- Nous avons traduit l’un de ses articles dans le n° 6 de notre revue papier, paru en mai 2017.[↩]
- « Radical Democracy : The First Line Against Fascism », Dilar Dirik, ROAR Magazine.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre entretien avec Chris Den Hond : « Les Kurdes sont en train d’écrire leur propre histoire », mai 2017
☰ Lire notre entretien « Quelle révolution au Rojava ? » (traduction), avril 2017
☰ Lire notre article « Newroz, entre enthousiasme et incertitudes », Laurent Perpigna Iban, avril 2017
☰ Lire notre entretien « De retour de la révolution du Rojava » (traduction), mars 2017
☰ Lire notre article « Une coopérative de femmes au Rojava », Hawzhin Azeez, janvier 2017
☰ Lire notre article « Assad, étatiser la terreur », Sarah Kilani, janvier 2017
☰ Lire notre entretien avec Patrice Franceschi : « Être un idéaliste réaliste, c’est-à-dire agir », février 2016
☰ Lire notre entretien avec Gérard Chaliand : « Nous ne sommes pas en guerre », décembre 2015
☰ Lire notre carnet de route « Retour en Syrie », Fares et Sarah Kilani, décembre 2016
☰ Lire notre entretien avec Janet Biehl : « Bookchin a été marginalisé », octobre 2015
☰ Lire notre article « Bookchin : écologie radicale et municipalisme libertaire », Adeline Baldacchino, octobre 2015