Castoriadis ou l’autonomie radicale


Texte paru dans le n° 1 de la revue Ballast (hiver 2014)

Penseur tout-ter­rain, colosse d’é­ru­di­tion, révo­lu­tion­naire un temps trots­kyste — mais toute sa vie par­ti­san de la démo­cra­tie directe, notam­ment au tra­vers des Conseils ouvriers —, Cornelius Castoriadis nous donne du grain à moudre. Mais plus qu’à la simple réflexion, c’est avant tout à l’ac­tion poli­tique qu’in­vite cet intel­lec­tuel d’o­ri­gine grecque dis­pa­ru en 1997. Sa théo­rie vit, en ce qu’elle pousse à se posi­tion­ner, à sor­tir du cadre exi­gu des lieux com­muns pour mieux rompre avec les ins­ti­tu­tions héri­tées du capi­ta­lisme et faire adve­nir, qui sait ?, une véri­table socié­té libre et éga­li­taire, c’est-à-dire auto­nome. ☰ Par Galaad Wilgos


Nous ne relè­ve­rons pas le défi. Impossible, en quelques pages, de syn­thé­ti­ser la pen­sée ency­clo­pé­dique de celui qu’Edgar Morin qua­li­fiait de « titan de la pen­sée, énorme, hors norme ». À la fois phi­lo­sophe, psy­cha­na­lyste (1973–1997), éco­no­miste (à l’OCDE de 1948 à 1970), direc­teur d’études à l’EHESS (1980–1995) et même — on l’oublie trop sou­vent — musi­co­logue, ce citoyen fran­çais d’origine grecque ne se résume tou­te­fois pas à un cer­veau sur pattes : il a aus­si bien trem­pé sa plume dans son encrier que ses chaus­sures dans la boue. Militant intel­lec­tuel ou intel­lec­tuel mili­tant, sa vie a été défi­nie par la poli­tique, au sens noble du terme — vie de la Cité, de la polis. Nous n’aborderons pas l’angle plus anthro­po­lo­gique, épis­té­mo­lo­gique ou pure­ment phi­lo­so­phique de ses idées — notam­ment son concept le plus célèbre d’ima­gi­naire1 — afin d’examiner plus en détail leur ver­sant poli­tique et révolutionnaire.

Paradoxe de sa pos­té­ri­té : à la fois impor­tante et mécon­nue. Nous n’étudierons pas non plus les rai­sons qui, par­ti­cu­liè­re­ment dans les milieux dits « contes­ta­taires », ont pous­sé à négli­ger celui qui fut pour­tant l’un des plus grands pen­seurs du XXe siècle — car, comme, le rap­pelle le phi­lo­sophe décrois­sant Jean-Claude Michéa, « à la séquence Lukács - École de Francfort - Socialisme ou BarbarieHenri LefebvreInternationale situa­tion­niste, on a vu très vite suc­cé­der (cette évo­lu­tion a été par­ti­cu­liè­re­ment nette dans le milieu uni­ver­si­taire où la lutte pour les places est tou­jours très vive) la séquence Althusser – Bourdieu – Foucault – Deleuze – Derrida2. » Serait-ce car sa pen­sée ne s’est jamais confor­mée aux dogmes domi­nants de la pen­sée intel­lec­tuelle, qu’ils fussent struc­tu­ra­listes, post­mo­der­nistes ou néo­li­bé­raux ? Toujours est-il qu’il fut l’un des rares dans son camp à trai­ter ce « freu­do-mar­xo-nietz­schéisme » hégé­mo­nique, dans les rangs uni­ver­si­taires et « radi­caux », de « n’importe quoi »…

Postérités

« Militant intel­lec­tuel ou intel­lec­tuel mili­tant, sa vie a été défi­nie par la poli­tique, au sens noble du terme — vie de la Cité, de la polis. »

Cornelius Castoriadis a frayé avec les plus grands de son époque : proche ami de l’historien Pierre Vidal-Naquet — qui par­lait avec lui d’égal à égal de la Grèce antique, après l’avoir admi­ré sur un plan poli­tique —, il a fon­dé la désor­mais légen­daire orga­ni­sa­tion Socialisme ou Barbarie (SoB), avec Claude Lefort, et aurait influen­cé la pen­sée de Debord (adhé­rant for­mel à SoB, d’après cer­tains). Sa pos­té­ri­té intel­lec­tuelle a cela d’étrange qu’elle couvre une bien vaste par­tie de l’arc phi­lo­so­phi­co-poli­tique, de gauche à droite3. Marque de fabrique d’un pen­seur hété­ro­doxe : sa récu­pé­ra­tion fou­traque. Et si des auteurs éco­lo­gistes, anar­chistes4 ou répu­bli­cains ont pu être séduits par l’œuvre du phi­lo­sophe, cela n’est en rien lié à son carac­tère éven­tuel­le­ment brouillon : elle se situe bien dans la lignée d’un « conseillisme fran­çais » — ce cou­rant aty­pique effa­cé des his­to­rio­gra­phies domi­nantes. Si l’on suit le socio­logue Manuel Cervera-Marzal, le conseillisme, « bien mal connu et assez peu étu­dié, se situe quelque part entre le léni­nisme et l’anarchisme. Explicitement révo­lu­tion­naire, il s’éloigne cepen­dant du léni­nisme par sa sévère cri­tique de la bureau­cra­tie et il se dis­tingue de l’anarchisme par son refus du spon­ta­néisme. Dans une recherche inces­sante de conci­lia­tion entre démo­cra­tie et effi­ca­ci­té, entre radi­ca­li­té et prag­ma­tisme, le conseillisme prend pour réfé­rences his­to­riques les Conseils d’ouvriers et de pay­sans nés en Russie en 1905 et en février 1917, lors de la révo­lu­tion alle­mande de 1918–1919, à Turin la même année et à Budapest en 1956. Anton Pannekoek et Rosa Luxemburg consti­tuent les deux théo­ri­ciens incon­tour­nables de ce cou­rant, aux­quels il fau­drait ajou­ter ensuite des pen­seurs tels que Oskar Anweiler, Karl Korsch et Maximilien Rubel ».

Nous voyons là le carac­tère dif­fi­ci­le­ment clas­sable d’un tel cou­rant de pen­sée. Castoriadis en est un exemple presque arché­ty­pal : à la fois géné­reux dans ses incli­na­tions liber­taires et dis­ci­pli­né dans ses incli­na­tions répu­bli­caines (un répu­bli­ca­nisme repris par les dis­ciples de Lénine, bien sou­vent fami­liers du jaco­bi­nisme, comme l’atteste un intel­lec­tuel tel que Régis Debray), il peut tout aus­si bien dési­rer la dis­pa­ra­tion de l’État et, dans le même para­graphe, en appe­ler au pou­voir et aux ins­ti­tu­tions (car « du pou­voir dans une socié­té, il y en a tou­jours eu et il y en aura tou­jours », et la démo­cra­tie est « auto-ins­ti­tu­tion expli­cite et conti­nuée » de la socié­té par elle-même)… Comme il peut concep­tua­li­ser jusqu’à l’obsession l’autonomie tout en dénon­çant l’individualisme des anar­chistes, « signe exté­rieur d’une inca­pa­ci­té à pen­ser le social5 ». L’une des expli­ca­tions de cet « entre-deux » per­ma­nent est pro­ba­ble­ment à cher­cher dans son par­cours intellectuel.

[Nicolas de Staël]

« Rester marxiste ou révolutionnaire »

Karl Marx a tenu une place impor­tante dans le che­mi­ne­ment de la pen­sée de Cornelius Castoriadis. C’est par là qu’il fut intro­duit à la lutte et sa décou­verte du mar­xisme est conco­mi­tante à celle de la phi­lo­so­phie. Cette der­nière eut cepen­dant rai­son du pre­mier : c’est bien par cri­tique révo­lu­tion­naire qu’il se sépa­ra défi­ni­ti­ve­ment de toutes les formes de mar­xisme exis­tantes, comme de Marx lui-même, afin de déve­lop­per une pen­sée sin­gu­lière et radi­cale. Rompre, mais non le renier ni le dia­bo­li­ser — il sut conser­ver de la pen­sée mar­xienne tout ce qu’elle dis­po­sait de plus fécond : le Marx liber­taire, celui de l’émancipation des tra­vailleurs par eux-mêmes et de la lutte des classes (il ne fut pour­tant pas de ceux, non plus, qui cher­chèrent chez le phi­lo­sophe alle­mand une cri­tique du mar­xisme, iro­ni­sant d’ailleurs à l’occasion sur qui res­sas­sait, par psit­ta­cisme gré­gaire, sa célèbre phrase à pro­pos du mar­xisme6. L’œuvre de Marx contient les germes de ce qui se fera de pire comme de meilleur en son nom plus tard — Castoriadis l’accabla des reproches qu’avaient déjà for­mu­lés, depuis de nom­breuses décen­nies, des révo­lu­tion­naires non mar­xistes tels que Simone Weil ou Albert Camus. L’auteur du Capital aurait à ses yeux intro­duit dans le mou­ve­ment ouvrier des élé­ments de la pen­sée bour­geoise qui ne s’y trou­vaient pas aupa­ra­vant : idéo­lo­gie du Progrès, his­to­ri­cisme, aveu­gle­ment par rap­port au déve­lop­pe­ment de la Technique (voire ado­ra­tion, dans son aspect pro­duc­ti­viste), scien­tisme et éco­no­mi­cisme (tout décou­le­rait de l’économie). Mais, plus que tout, c’est la contra­dic­tion entre l’idéal de lutte des classes et sa théo­rie du Capital que Castoriadis poin­ta du doigt. Marx, que d’aucuns tiennent pour le plus fervent, le plus achar­né, voire le pre­mier pen­seur et adepte de la lutte des classes7, ne l’a tout sim­ple­ment pas pris en compte dans son plus grand texte : « C’est en effet comme des purs et simples objets qu’ouvriers et capi­ta­listes appa­raissent dans Le Capital. Ils n’y sont que les ins­tru­ments aveugles et incons­cients réa­li­sant par leurs actes ce que les lois éco­no­miques imposent. Si l’économie doit deve­nir une méca­nique de la socié­té il faut qu’elle ait affaire à des phé­no­mènes régis par des lois objec­tives, indé­pen­dantes de l’action des hommes et des classes. On abou­tit ain­si à un énorme para­doxe : Marx, qui a décou­vert la lutte des classes, écrit un ouvrage monu­men­tal ana­ly­sant le déve­lop­pe­ment du capi­ta­lisme, ouvrage d’où la lutte des classes est abso­lu­ment absente8. » Ainsi, selon lui, le pen­seur réi­fie­rait jusqu’à l’extrême le pro­lé­ta­riat, pri­son­nier à la fois de l’Histoire et de ses lois économiques.

Dans Le Capital, l’ouvrier semble être une mar­chan­dise amorphe, une vic­time des ten­dances struc­tu­relles du capi­ta­lisme. Celles-ci condui­raient iné­luc­ta­ble­ment à la misère géné­ra­li­sée, par une inten­si­fi­ca­tion de la concur­rence entre tra­vailleurs, dou­blée d’une baisse du salaire des tra­vailleurs, pro­duc­trices de vio­lence et, in fine, d’une révo­lu­tion mon­diale. Or ce serait croire que les deux valeurs de la théo­rie mar­xiste — à savoir la valeur d’échange (le reve­nu horaire d’un tra­vailleur) et la valeur d’usage (sa pro­duc­ti­vi­té horaire) — seraient exté­rieures à la volon­té des tra­vailleurs et de leur rap­port de force. Le patron pour­rait extraire de la moelle ouvrière autant qu’il le vou­drait, à l’instar d’un vul­gaire com­bus­tible. Pourtant, « la force de tra­vail ne peut jamais deve­nir mar­chan­dise pure (mal­gré les efforts du capi­ta­lisme). Il n’y a pas de valeur d’échange de la force de tra­vail déter­mi­née par des fac­teurs « objec­tifs », le niveau des salaires est essen­tiel­le­ment déter­mi­né par les luttes ouvrières for­melles et infor­melles. Il n’y a pas de valeur d’usage défi­nie de la force de tra­vail, la pro­duc­ti­vi­té est l’enjeu d’une lutte inces­sante dans la pro­duc­tion dont l’ouvrier est un sujet actif autant que pas­sif9 ». La lutte des classes est ce qui défi­nit l’évolution du capi­ta­lisme : elle est l’action spon­ta­née (au sens éty­mo­lo­gique : fait de soi-même) et auto­nome du pro­lé­ta­riat, quo­ti­dienne comme ponc­tuelle. C’est elle qui per­met à la classe ouvrière de ne pas som­brer dans l’exploitation abso­lue, mais qui, de ce fait, sert aus­si au sau­ve­tage du capi­ta­lisme — d’où la néces­si­té de ne jamais se conten­ter, tou­jours selon Castoriadis, de l’augmentation du salaire ou de la dimi­nu­tion du temps de tra­vail, néces­saires mais cer­tai­ne­ment pas suf­fi­santes. Telle est la contra­dic­tion réelle et finale du capi­ta­lisme : sa des­truc­tion des capa­ci­tés d’autonomie de la classe ouvrière, sans les­quelles il ne pour­rait pour­tant pas sur­vivre et pro­gres­ser. Injonction para­doxale du capi­ta­lisme : devoir être ima­gi­na­tif, en per­ma­nence, alors que les condi­tions s’y opposent10.

La Grèce antique : germes de la contestation future

« C’est bien par cri­tique révo­lu­tion­naire qu’il se sépa­ra défi­ni­ti­ve­ment de toutes les formes de mar­xisme exis­tantes, comme de Marx lui-même. »

Si l’on connaît Castoriadis aujourd’hui, outre ses obser­va­tions cin­glantes de la socié­té contem­po­raine, c’est prin­ci­pa­le­ment pour ses ana­lyses de la Grèce antique. Sa dis­tan­cia­tion par rap­port au mar­xisme amor­ce­ra un élan de plus en plus vigou­reux vers cette der­nière, et plus par­ti­cu­liè­re­ment l’Athènes démo­cra­tique dans sa période glo­rieuse — des réformes de Solon et Clisthène, jusqu’à sa défaite au cours de la bataille du Péloponnèse en 404. Ses réflexions feront l’objet de plu­sieurs sémi­naires, réunis dans Ce qui fait la Grèce, où il aborde à la fois les ori­gines de la démo­cra­tie athé­nienne (remon­tant jusqu’à la for­ma­tion des cités, ain­si qu’aux sou­bas­se­ments de la mytho­lo­gie), ses pos­tu­lats phi­lo­so­phiques, son idéal, ses ins­ti­tu­tions et son ima­gi­naire. C’est en allant se res­sour­cer à cette période et cet endroit de l’Antiquité, en « enquê­teur phi­lo­sophe », qu’il trou­ve­ra de nou­velles bases à son socia­lisme révo­lu­tion­naire, de nom­breuses confir­ma­tions de ses intui­tions et les racines d’un nou­veau pro­jet d’autonomie pour aujourd’hui. Et s’il se posi­tionne d’emblée en faveur de la concep­tion « ancienne » de la démo­cra­tie, ce n’est jamais en oubliant que le pro­lé­ta­riat a été sou­vent bien plus loin que les Athéniens dans cet idéal. La démo­cra­tie athé­nienne ne consti­tue pas, à ses yeux, un modèle à imi­ter ; en revanche, elle nour­rit en elle des « germes » sur les­quels tous les acquis de la civi­li­sa­tion occi­den­tale — de la démo­cra­tie aux droits de l’Homme — reposent.

Jetons quelques ins­tants notre regard en arrière.

Athènes, comme toute la Grèce antique, c’est avant tout Homère. Homère, que tout citoyen devait connaître par cœur, dans lequel bai­gnaient tous les Grecs dès la nais­sance, explique en par­tie l’origine de la « sai­sie ima­gi­naire pre­mière du monde par les Grecs ». Certes, il est sur­pre­nant de voir men­tion­né l’auteur de l’Illiade et l’Odyssée dans un texte à pro­pos de la démo­cra­tie : c’est évi­dem­ment une éthique aris­to­cra­tique et guer­rière qui trans­pa­raît à tra­vers ces deux récits, ô com­bien dif­fé­rents cepen­dant (l’Odyssée étant par bien des aspects plus démo­cra­tique). Les héros sont des indi­vi­dus, des rois ; la masse ne mérite au mieux que les coups de sceptre mépri­sants d’Ulysse. Pourtant, c’est là que les signi­fi­ca­tions, qui don­ne­ront nais­sance, plus tard, à la poli­tique et à la phi­lo­so­phie, prennent essor. Pour Castoriadis, repre­nant d’ailleurs Platon, Homère est un « poète tra­gique » : « Tout ce que disent la mytho­lo­gie et les poèmes homé­riques prend son point de départ dans une com­pré­hen­sion du monde comme incom­pré­hen­sible, du monde comme chaos, comme se créant sur fond de chaos et à par­tir de la deve­nant en par­tie cos­mos, c’est-à-dire ordre, uni­vers ordon­né, dans lequel alors la com­pré­hen­sion de l’incompréhensible reprend plei­ne­ment ses droits, parce que le cos­mos lui-même n’a au départ aucun sens dans l’acception humaine et anthro­po­lo­gique du terme11. »

[Nicolas de Staël]

Ce qui per­met­tra aux Grecs d’inventer la phi­lo­so­phie et la démo­cra­tie, c’est avant tout la concep­tion du monde comme asen­sé, comme n’ayant pas de sens. L’ordre sur­git du chaos — au sens de néant, de vide — mais le monde, ordon­né en appa­rence, vit aus­si et tou­jours sur un chaos ins­ti­tuant — au sens de désordre, cette fois. L’ordre du monde n’a donc pas de sens pour l’homme : « Il dicte l’aveugle néces­si­té de la genèse et de la nais­sance, d’une part, de la cor­rup­tion et de la catas­trophe […] de l’autre. » Cette vision implique deux choses prin­ci­pales, impor­tantes quant à l’idée de liber­té. Premièrement, si l’origine est chao­tique, c’est qu’il n’y a pas de sens trans­cen­dan­tal : le sens, la norme ou la loi ne découlent pas de textes sacrés, de lois divines ou même de lois éter­nelles du mar­ché. Deuxièmement, s’il y a cepen­dant ordre, c’est donc que le monde est pen­sable et modi­fiable — les deux étant inti­me­ment liés. Est pos­sible, alors, la créa­tion simul­ta­née de la phi­lo­so­phie et de la démo­cra­tie. L’un des thèmes majeurs de Castoriadis est le sui­vant : la phi­lo­so­phie et la démo­cra­tie ne sont pas oppo­sées et l’une ne pré­cède pas l’autre ; la ques­tion de l’antériorité de l’une ou de l’autre est du même res­sort que l’éternelle ques­tion de l’œuf et de la poule. En cela, il s’éloigne quelque peu de la concep­tion de l’historien Vernant, qui déclare que « la rai­son grecque est fille de la Cité ». De fait, la pen­sée cri­tique ne peut s’envisager sans l’existence d’une col­lec­ti­vi­té édu­quant ses membres à pen­ser de manière auto­nome. Pas de réel libre-exa­men chez un être né dans une socié­té cloi­son­née et struc­tu­rée jusqu’aux mœurs par la tra­di­tion. Néanmoins, la cité démo­cra­tique elle-même ne peut s’envisager sans cet esprit cri­tique : com­ment une col­lec­ti­vi­té pour­rait-elle déli­bé­rer de ses propres lois, sans avoir au préa­lable remis en ques­tion les fon­de­ments de la loi (qu’ils soient liés à la tra­di­tion, aux dieux, ou à Dieu) ? L’interrogation expli­cite et illi­mi­tée est au fon­de­ment de cet ima­gi­naire : mise et remise en ques­tion des ins­ti­tu­tions comme de ce qu’il faut pen­ser. Les deux inter­agis­sant l’une avec l’autre, en sym­biose, mais aus­si en ten­sion — celle de l’autonomie indi­vi­duelle par rap­port à l’autonomie col­lec­tive, et celle de la cri­tique conti­nue par rap­port à la néces­si­té d’un ordre stable.

La démocratie comme moyen et comme fin

Ces réflexions sur le chaos ins­ti­tuant sont insé­pa­rables de celles que Castoriadis a pro­duites sur la vision de la mort chez les Grecs. Celle-ci repose de part en part sur une concep­tion tra­gique de la vie. Dans l’univers homé­rique, en dépit de ce que l’on pour­rait croire en admi­rant les nom­breux sacri­fices des héros, la vie est consi­dé­rée comme le plus grand bien. Les héros ne s’envoient pas à la mort en ima­gi­nant un para­dis des guer­riers, tel le Valhalla chez les Nordiques, ou le Paradis dans sa concep­tion chré­tienne : ils savent vis­cé­ra­le­ment, pro­fon­dé­ment, qu’il n’y a plus rien après la mort — ou alors une situa­tion pire que la pré­cé­dente. Telle est la luci­di­té de Homère, dépei­gnant le monde des morts gou­ver­né par Hadès comme un monde où tous, du plus humble arti­san au plus grand des héros, ne sont que des ombres flot­tantes, qui ne savent rien et ne se rap­pellent de rien. « Rien pour moi ne vaut la vie », ce n’est pas la phrase d’un couard mais de l’irréductible Achille, au Chant IX de l’Illiade. Ce même Achille qui, dans ce monde, n’est plus qu’un esprit sans mémoire ni gran­deur, et qui répond à Ulysse, dans le Chant X de l’Odyssée, pré­fé­rer la vie d’un ouvrier misé­rable à un règne par­mi les morts. Tout cela par­ti­cipe du para­digme pro­pre­ment imma­nent de l’imaginaire grec : oui, les dieux existent et appa­raissent régu­liè­re­ment dans le monde des humains, mais leur irres­pon­sa­bi­li­té, ain­si que leur propre sou­mis­sion à des lois qui les dépassent, aident à la res­pon­sa­bi­li­sa­tion de l’Homme.

« No socie­ty, only indi­vi­duals and fami­lies : le libé­ra­lisme est pro­pre­ment cyclo­péen, c’est-à-dire mons­trueux aux yeux d’un Grec ancien. »

Il n’y a pas, dans le poly­théisme athé­nien d’origine homé­rique12, de Dieu unique et tout-puis­sant, ori­gine et fin de tout ; il n’y a pas non plus de concep­tion du pêché : l’hubris, comme déme­sure, ne découle pas de la vio­la­tion de lois ins­crites dans le marbre, mais d’une limite incon­nue à tous. Les dieux ne maî­trisent pas le des­tin des vivants, la mort est une fin — en plus de pou­voir être choi­sie : les condi­tions sont réunies pour que les hommes puissent prendre en main leurs propres affaires. La mort est un point final à l’existence humaine, et pour­tant cela ne pousse pas les indi­vi­dus au déses­poir ; au contraire, cela les incite à se mobi­li­ser et à agir sur leur réa­li­té concrète. Comment expli­quer cela ? Par l’existence de la Cité, comme lieu à la fois de vie et de per­ma­nence. Pour le citoyen athé­nien, l’unique moyen de vaincre la mort est de lais­ser une trace dans la mémoire col­lec­tive de la com­mu­nau­té — géné­ra­le­ment par le choix de sa propre mort. Le kleos (la gloire) et le kudos (la renom­mée) indiquent alors la voie à suivre et l’aspiration de tous : en ser­vant la Cité, par la poli­tique ou la guerre, on peut atteindre la renom­mée, qui est une gloire immé­diate et pré­sente, et la gloire éter­nelle, qui est l’apanage des meilleurs. Ces aspi­ra­tions sont per­mises par l’existence d’un espace public lié à la créa­tion de la polis, en charge de per­mettre la recon­nais­sance de ces mérites et leur conti­nua­tion dans le temps ; sa dis­pa­ri­tion récente peut expli­quer que les modèles de nos contem­po­rains ne soient plus que ces « stars qui sont là le temps d’une sai­son, puis dis­pa­raissent ». La Cité est donc pro­duc­trice de sens. L’homme est zoon poli­ti­kon, selon Aristote. Expression dif­fi­ci­le­ment tra­dui­sible, car la langue fran­çaise dis­tingue social et poli­tique — là où, en grec ancien, la Cité est à la fois socié­té orga­nique et com­mu­nau­té poli­tique. Tout homme vit en socié­té, mais, de sur­croît, la socié­té la plus humaine est la socié­té démo­cra­tique, c’est-à-dire celle où tous par­ti­cipent à la chose publique. Est mons­trueuse toute forme de socié­té qui ne pos­sède ni lois ni assem­blées déli­bé­ra­tives, est mons­trueux tout indi­vi­du qui ne vit pas en socié­té : ain­si des Cyclopes, qui res­semblent à s’y méprendre au paran­gon libé­ral de l’individu ne se sou­ciant que de lui-même et de sa famille, ne vivant avec per­sonne. No socie­ty, only indi­vi­duals and fami­lies : le libé­ra­lisme est pro­pre­ment cyclo­péen, c’est-à-dire mons­trueux aux yeux d’un Grec ancien.

Partant, il est clair que la démo­cra­tie devient bel et bien un idéal. Mieux encore : loin de rat­ta­cher celle-ci à un modèle ou des ins­ti­tu­tions, Castoriadis la consi­dère avant tout comme un état d’esprit et un mou­ve­ment, c’est-à-dire : l’état où les citoyens prennent conscience qu’ils sont la source de leurs propres lois et peuvent donc les chan­ger consciem­ment, d’une part ; le mou­ve­ment en tant que pro­ces­sus per­ma­nent de lutte et d’action pour chan­ger les ins­ti­tu­tions, d’autre part. La démo­cra­tie appa­raît, en pra­tique, à par­tir du moment où « la com­mu­nau­té des citoyens — le dèmos — pro­clame qu’elle est abso­lu­ment sou­ve­raine (auto­no­mos, auto­di­kos, auto­té­lés : elle se régit par ses propres lois, pos­sède sa juri­dic­tion indé­pen­dante, et se gou­verne elle-même) » et où elle affirme « l’égalité poli­tique (le par­tage égal de l’activité et du pou­voir) de tous les hommes libres ». Égalité pas­sive devant la loi, mais aus­si active devant la par­ti­ci­pa­tion géné­rale aux affaires poli­tiques : la socié­té incite, par ses lois, ses normes et ses moeurs, tout le monde à la par­ti­ci­pa­tion poli­tique. Celle-ci « éduque l’homme », pour reprendre le célèbre pro­verbe de Simonide. Par la par­ti­ci­pa­tion poli­tique active, le plus modeste des pay­sans ou des rameurs pou­vait atteindre une poli­ti­sa­tion et un niveau intel­lec­tuel inégalés.

[Nicolas de Staël]

La démo­cra­tie athé­nienne, enfin, se dis­tingue au moins par cinq points dif­fé­rents. Premièrement, en tant que démo­cra­tie directe, elle nie le carac­tère démo­cra­tique du repré­sen­tant. À Athènes, il y a l’Ecclésia, assem­blée légis­la­tive consti­tuée de tous les citoyens poten­tiels ; la bou­lè, conseil de 500 citoyens tirés au sort afin de jouer le rôle de « filtre » de l’assemblée ; les tri­bu­naux, qua­si uni­que­ment consti­tués de jurys tirés au sort ; les magis­tra­tures exé­cu­tives simples, tirées elles aus­si au sort comme, par ailleurs, les magis­tra­tures suprêmes (les pry­tanes), dont le chef des pry­tanes (sorte de pré­sident de la République, per­son­ni­fi­ca­tion de la Cité habi­li­tée à accep­ter ou refu­ser une pro­po­si­tion de loi por­tée à l’assemblée) est, encore une fois, tiré au sort par­mi eux. S’il n’y a pas pré­sence directe, le tirage au sort est le moyen de choi­sir démo­cra­ti­que­ment un citoyen pour un poste poli­tique. Deuxièmement, en découle une concep­tion de l’élection comme fon­ciè­re­ment aris­to­cra­tique. On élit les meilleurs, c’est pour­quoi les experts, en démo­cra­tie, sont élus. Le stra­tège, chef de guerre, est élu non par ses pairs mili­taires, mais bien par le peuple tout entier : voi­ci com­ment les ins­ti­tu­tions grecques tentent d’empêcher l’émergence d’une « exper­to­cra­tie ». Le meilleur juge du spé­cia­liste n’est autre que l’utilisateur, et non, à l’inverse des Modernes, ses pairs spécialistes.

Troisièmement, la polis, comme com­mu­nau­té poli­tique dis­po­sant d’institutions, ne dis­pose, en revanche, pas d’un État. Ce mot n’existe pas en grec ancien : les cités grecques étaient a‑étatiques. L’opposition n’est donc pas entre socié­té civile et État, mais entre les Athéniens vivants et la per­sonne morale consti­tuée des Athéniens « pérennes et imper­son­nels ». Ce sont les esclaves, super­vi­sés par des citoyens, qui s’occupent ain­si des taches tech­ni­co-admi­nis­tra­tives (archives, police, etc.). Quatrièmement, la sou­ve­rai­ne­té illi­mi­tée de la Cité, poten­tiel­le­ment hubris­tique, a pour corol­laire son auto­li­mi­ta­tion : « La néces­si­té de cette auto­li­mi­ta­tion est clai­re­ment recon­nue par les lois athé­niennes : il existe des pro­cé­dés car­ré­ment poli­tiques, comme cette ins­ti­tu­tion étrange et fas­ci­nante qu’est la gra­phê para­no­môn, c’est-à-dire l’accusation par un citoyen d’un autre citoyen parce que celui-ci aurait fait adop­ter par l’Assemblée une loi illé­gi­time (réflé­chis­sons sur les abîmes qu’ouvre cette clause). » Cinquièmement, enfin, la démo­cra­tie, si l’on suit tou­jours Castoriadis, n’est pas juste une fin en soi. Reprenant la célèbre orai­son funèbre de Périclès, dont il pro­pose sa propre tra­duc­tion, il déclare que « l’objet de l’institution de la polis est, à ses yeux, la créa­tion d’un être humain, le citoyen athé­nien, qui existe et qui vit dans et par l’unité de ces trois élé­ments : l’amour et la pra­tique de la beau­té, l’amour et la pra­tique de la sagesse, le sou­ci et la res­pon­sa­bi­li­té du bien public, de la col­lec­ti­vi­té, de la polis13. »

Quel avenir pour l’idéal révolutionnaire ?

Nulle volon­té savante dans ce long détour.

« Vers la fin de sa vie, quelque peu désa­bu­sé, Cornelius Castoriadis consta­tait avec amer­tume que la socié­té cou­rait à sa perte. »

Cornelius Castoriadis n’était pas exac­te­ment un phi­lo­logue, ni un his­to­rien, encore moins un tra­duc­teur expert. Son but, en s’immergeant dans la réa­li­té antique, était d’y trou­ver des rai­sons de croire à une alter­na­tive concrète à la tiède domi­na­tion du libé­ra­lisme occi­den­tal, et sur­tout d’agir en faveur d’un tel chan­ge­ment, pro­pre­ment révo­lu­tion­naire. Sa pen­sée est une for­mi­dable troi­sième voie à de nom­breuses dicho­to­mies inopé­rantes, fac­tices, voire erro­nées : gauche/droite (cli­vage qu’il cri­ti­quait déjà dans les années 1950, et qu’il décla­ra caduc vers la fin de sa vie), pou­voir étatique/absence de pou­voir, individu/société, théorie/pratique, socié­té civile/État, rationnel/irrationnel (« l’homme, cet ani­mal fou dont la folie a engen­dré la rai­son », disait-il), déterminisme/ liber­té, idéalisme/matérialisme, universalisme/relativisme, etc. Prenant à la fois pour ins­pi­ra­tion l’Athènes antique et démo­cra­tique et la Commune de Paris de 1871, les Soviets russes de février 1917 et les Conseils hon­grois de 1956, les auteurs anciens (Homère, les Tragiques, Thucydide, Aristote, etc.) et les modernes (Rousseau, Marx, Bakounine, Freud, etc.), ce pen­seur hybride dis­pose d’un pied dans chaque époque, enra­ci­né dans ce qu’elles ont de plus fer­tiles. En ce sens, on pour­rait le qua­li­fier de répu­bli­cain liber­taire, ou de liber­taire répu­bli­cain, pui­sant autant à la source répu­bli­caine des ins­ti­tu­tions antiques qu’à la source liber­taire des ins­ti­tu­tions révolutionnaires.

Gare, cepen­dant, aux dog­ma­tiques et aux dévots de la Révolution. La pen­sée cas­to­ria­dienne, si elle se carac­té­rise par un fil conduc­teur, démontre un refus radi­cal des modèles, des imi­ta­tions et de tous les déter­mi­nismes qui peuvent en être issus. Son mépris des « uto­pies » est pro­por­tion­nel à son atta­che­ment au renou­vel­le­ment per­ma­nent de la théo­rie révo­lu­tion­naire. Le mar­xisme a per­du son inté­rêt au moment où il ne devint plus qu’une accu­mu­la­tion d’interprétations autistes de Marx, inca­pables de se trans­for­mer, de prendre acte des nou­veau­tés de l’époque et des nou­velles formes de contes­ta­tion popu­laire. La théo­rie n’a en effet, à ses yeux, de sens qu’en tant que praxis, à savoir « ce faire dans lequel l’autre ou les autres sont visés comme êtres auto­nomes et consi­dé­rés comme l’agent essen­tiel du déve­lop­pe­ment de leur propre auto­no­mie ». Vers la fin de sa vie, quelque peu désa­bu­sé, Cornelius Castoriadis consta­tait avec amer­tume que la socié­té cou­rait à sa perte. Montée de l’insignifiance, Une socié­té à la dérive, « Le déla­bre­ment de l’Occident » ou encore « Contre le confor­misme géné­ra­li­sé », autant de titres déses­pé­rés et alar­mants qui com­posent ses publi­ca­tions les plus tar­dives. L’individu se pri­va­tise et ne se contente plus que de l’accumulation de mar­chan­dises, d’un « ona­nisme consom­ma­tion­niste de masse », tout en déli­rant sur fond de fan­tasme de (pseudo-)maîtrise (pseudo-)rationnelle illi­mi­tée du monde.

[Nicolas de Staël]

C’est à ce moment, après les nom­breux désastres envi­ron­ne­men­taux qui jalonnent le XXe siècle, qu’il prit conscience de la por­tée révo­lu­tion­naire de l’écologie : comme réac­ti­va­tion de l’autolimitation — qui est insé­pa­rable de l’autonomie — et, donc, comme reprise de l’idéal de liber­té remon­tant aux Grecs anciens. L’Histoire le prouve : celle-ci n’est jamais finie, ni même iné­luc­table. Le vieux fond grec est remon­té en Europe, plus tard, et la réa­li­té se méta­mor­pho­sa. Rien n’est donc éter­nel, le chan­ge­ment est pos­sible, le déses­poir rési­gné est futile.

Dans un de ses der­niers entre­tiens, accor­dé à Daniel Mermet, il dira fina­le­ment : « Je pense que nous devrions être les jar­di­niers de cette pla­nète. Il fau­drait la culti­ver. La culti­ver comme elle est et pour elle-même. Et trou­ver notre vie, notre place rela­ti­ve­ment à cela. Voilà une énorme tâche. Et ça pour­rait absor­ber une grande par­tie des loi­sirs des gens, libé­rés d’un tra­vail stu­pide, pro­duc­tif, répé­ti­tif, etc… […] Je crois que c’est Périclès qui dit ça aux Athéniens : Si vous vou­lez être libres, il faut tra­vailler. Vous ne pou­vez pas vous repo­ser. Vous ne pou­vez pas vous asseoir devant la télé. Vous n’êtes pas libres quand vous êtes devant la télé. Vous croyez être libres en zap­pant comme un imbé­cile, vous n’êtes pas libres, c’est une fausse liber­té. Ce n’est pas seule­ment l’âne de Buridan qui choi­sit entre deux tas de foin. La liber­té, c’est l’activité. Et la liber­té, c’est une acti­vi­té qui en même temps s’autolimite, c’est-à-dire sait qu’elle peut tout faire mais qu’elle ne doit pas tout faire14. »


Illustration de ban­nière : Nicolas de Staël


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  1. Voir L’Institution ima­gi­naire de la socié­té, 1975. Rappelons que, pour lui, toute socié­té repose à la fois sur une dimen­sion « ensem­bliste-iden­ti­taire » (déter­mi­niste, uti­li­taire, fonc­tion­nelle et ration­nelle, où 2+2 = 4 et où tout être humain doit man­ger pour sur­vivre) et une dimen­sion pro­pre­ment « ima­gi­naire », vec­trice de signi­fi­ca­tions, irré­duc­tible à une ratio­na­li­té cal­cu­la­trice et créa­trice de nou­veau­té (la démo­cra­tie, par exemple, est l’émergence d’une signi­fi­ca­tion ima­gi­naire nou­velle : l’autonomie).[]
  2. Conversation avec Jean-Claude Michéa, À contre­temps, n° 31, juillet 2008.[]
  3. Songeons à Serge Latouche, théo­ri­cien de la décrois­sance (qui a signé un livre sur Castoriadis aux édi­tions Le Passager clan­des­tin), à Jean-Claude Michéa, socia­liste décrois­sant et ancien membre du Parti com­mu­niste (qui a pré­fa­cé un ouvrage d’entretien entre Christopher Lasch et Cornelius Castoriadis), à Marcel Gauchet, répu­bli­cain libé­ral, à Zygmunt Bauman, socio­logue de la moder­ni­té liquide, ou encore à Alain de Benoist, fon­da­teur de la Nouvelle Droite.[]
  4. Alternative liber­taire ou Offensive liber­taire et sociale lui ont consa­cré des articles géné­ra­le­ment posi­tifs.[]
  5. Pour une ana­lyse plus fouillée du rap­port entre Castoriadis et l’anarchisme, lire : Jean-Louis Prat, « Castoriadis et l’anarchisme », Revue du MAUSS per­ma­nente, 1er octobre 2009.[]
  6. « Ce que l’on appelle mar­xisme en France est certes un article tout spé­cial, au point que Marx a dit à Lafargue : Ce qu’il y a de cer­tain, c’est que moi je ne suis pas mar­xiste. », Friedrich Engels, Lettre à Bernstein, 1882.[]
  7. Qui exis­tait pour­tant déjà dans l’œuvre d’un Machiavel, dans les théo­ries des pre­miers socia­listes et dans les réflexions des tra­vailleurs subis­sant la révo­lu­tion indus­trielle.[]
  8. Cornelius Castoriadis, « Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire dans le capi­ta­lisme moderne », 1960, dans Id., Capitalisme moderne et révo­lu­tion, U.G.E, 1979, p. 102.[]
  9. Cornelius Castoriadis, « Recommencer la révo­lu­tion », dans L’Expérience du mou­ve­ment ouvrier, T. 2, Paris, UGE, « 10–18 », 1974, p. 318.[]
  10. Exemple typique : le ven­deur par télé­phone, som­mé de vendre sa came­lote, donc de faire preuve d’inventivité, tout en devant répé­ter les sem­pi­ter­nelles phrases dic­tées par son employeur. Aboutissement absurde de la logique de sépa­ra­tion des pro­ces­sus de direc­tion des méca­nismes d’exécution ; la base est char­gée d’obéir ser­vi­le­ment aux erreurs de la tête, décon­nec­tée du réel.[]
  11. Cornelius Castoriadis, Ce qui fait la Grèce. 1. D’Homère à Héraclite. Séminaires 1982–1983. La créa­tion humaine II, 2004, p. 55.[]
  12. Castoriadis note au pas­sage que des cou­rants prô­nant l’accession à l’immortalité ou à la divi­ni­té ont tou­jours exis­té. L’orphisme et le pytha­go­risme, cou­rants mys­tiques, en sont les exemples les plus connus. Or, s’il est pos­sible d’atteindre ces états extra­or­di­naires, à quoi bon se pré­oc­cu­per des affaires de la com­mu­nau­té poli­tique ? Il n’est pas sur­pre­nant, dès lors, qu’ils fussent apo­li­tiques voire anti­po­li­tiques, et qu’ils demeu­rèrent mino­ri­taires, avant de se popu­la­ri­ser après la chute d’Athènes et la déca­dence de la cité antique.[]
  13. Cornelius Castoriadis, Domaines de l’Homme, Les car­re­fours du laby­rinthe 2, Seuil, 1986, pp. 299–305.[]
  14. Cornelius Castoriadis, Là-bas si j’y suis, 25 novembre 1996.[]

REBONDS

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Galaad Wilgos

Étudiant en sciences politiques et ancien vice-président du Cercle du libre examen à l'Université libre de Bruxelles. Socialiste décroissant, antilibéral intégral et démocrate radical.

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