Mathieu Rigouste : « Les violences de la police n’ont rien d’accidentel »


Entretien inédit | Ballast

Le direc­teur de la Police natio­nale s’est ému de l’ap­pel lan­cé par Libération, il y a deux jours de cela, qui exhor­tait à l’exem­pla­ri­té de celle-ci : « Lorsqu’ils com­mettent des actes contraires à la loi ou à la déon­to­lo­gie, [les poli­ciers] sont sanc­tion­nés judi­ciai­re­ment et/ou admi­nis­tra­ti­ve­ment », lan­ça-t-il sans cil­ler. Théo L. : 22 ans, vio­lé au moyen d’une matraque poli­cière en février 2017. Adama Traoré : 24 ans, asphyxié par des gen­darmes en juillet 2016. Rémi Fraisse : 21 ans, tué par un tir de gre­nade offen­sive en octobre 2014. Trois noms — on pour­rait bien sûr étendre la liste — volon­tiers repeints en « bavures » : de regret­tables cas indi­vi­duels, iso­lés, fina­le­ment excep­tion­nels. Le socio­logue Mathieu Rigouste, auteur d’État d’ur­gence et busi­ness de la sécu­ri­té, se porte en faux : la police et les forces de l’ordre doivent être ana­ly­sées en tant que sys­tème, cadre et struc­ture, et non plus consi­dé­rées comme une somme d’a­gents auto­nomes et plus ou moins « bons » ou « méchants », « répu­bli­cains » ou « hon­nêtes ». Entretien avec ce par­ti­san liber­taire de l’« auto­dé­fense populaire ».


Vous ana­ly­sez la dimen­sion struc­tu­relle de la logique sécu­ri­taire, dans la France d’au­jourd’­hui. Les débats sur les vio­lences poli­cières masquent sou­vent cette dimen­sion : ils se concentrent, émo­tion­nel­le­ment, sur les indi­vi­dus qui forment le corps poli­cier afin d’ex­pli­quer ces violences…

Ces consi­dé­ra­tions émo­tion­nelles évitent de pen­ser les struc­tures de la vio­lence d’État, les aspects sys­té­miques et sys­té­ma­tiques, et donc d’attaquer le pro­blème à la racine. C’est pour ça qu’elles sont pro­duites et mises en cir­cu­la­tion de façon indus­trielle par l’éducation natio­nale, les grands médias, la classe diri­geante, les nou­velles tech­no­lo­gies du diver­tis­se­ment et la plu­part des ins­ti­tu­tions char­gées de la légi­ti­ma­tion des domi­na­tions. De larges pans des classes domi­nées intègrent ces appa­reils de dépo­li­ti­sa­tion. Et les ins­ti­tu­tions média­tiques et idéo­lo­giques tournent à plein régime pour légi­ti­mer la police. Du fait divers aux des­sins ani­més, des séries poli­cières aux jour­naux télé­vi­sés, on dif­fuse des sto­ry­tel­lings dans les­quels les poli­ciers « nous défendent » et tuent en toute légi­ti­mi­té. L’intense tra­vail de pro­duc­tion d’une « culture anti­ter­ro­riste » a dif­fé­rents effets. Il semble qu’il ren­force les mys­ti­fi­ca­tions domi­nantes auprès des strates sociales domi­nées les plus pri­vées de moyens de construc­tion d’une pen­sée auto­nome et contra­dic­toire. Mais il émerge aus­si des cultures de cri­tique radi­cale dans tous les lieux qui subissent de plein fouet la police et son monde. La lutte, la grève, la révolte sont autant de situa­tions au cours des­quelles l’ordre des dis­cours domi­nants peut être rom­pu col­lec­ti­ve­ment et par les­quelles on peut apprendre ensemble à pen­ser les racines des oppres­sions. On peut cri­ti­quer les réac­tions émo­tion­nelles mais je crois qu’on ferait mieux de construire des moyens d’auto-éducation col­lec­tive et popu­laire pour enquê­ter, se for­mer et pro­pul­ser des pen­sées critiques.

Votre thèse de socio­lo­gie a débou­ché sur l’ou­vrage L’Ennemi inté­rieur — La généa­lo­gie colo­niale et mili­taire de l’ordre sécu­ri­taire dans la France contem­po­raine : que teniez-vous à mettre en évidence ?

« Toute pen­sée de l’é­man­ci­pa­tion ne peut être éla­bo­rée que col­lec­ti­ve­ment, par les pre­mières et pre­miers concer­nés, avec les alliés qu’elles et ils se choisissent. »

Il s’a­gis­sait d’a­na­ly­ser la construc­tion des figures de l’en­ne­mi inté­rieur dans la pen­sée mili­taire fran­çaise, depuis la guerre d’Algérie jus­qu’au milieu des années 2000. En sui­vant l’é­vo­lu­tion de la figure de l’im­mi­gré post-colo­nial dans les archives de l’Institut des hautes études de la Défense natio­nale, cette recherche a per­mis de mon­trer com­ment une doc­trine mili­taire et colo­niale de ter­reur d’État — la doc­trine de la guerre (contre)-révolutionnaire — avait pu conti­nuer à évo­luer dans l’ar­mée fran­çaise et ins­pi­rer la restruc­tu­ra­tion de la « pen­sée de défense et de sécu­ri­té » dans les états-majors mili­taires et poli­ciers, poli­tiques et éco­no­miques durant toute la Ve République. J’y ai for­mu­lé l’hy­po­thèse plus large que la guerre colo­niale consti­tuait une matrice de l’ordre sécu­ri­taire, un réper­toire fon­da­men­tal des restruc­tu­ra­tions du pou­voir dans l’ère contem­po­raine. Depuis, je m’in­té­resse plus géné­ra­le­ment au déve­lop­pe­ment du capi­ta­lisme sécu­ri­taire, c’est-à-dire à la pro­gres­sion conti­nue du mar­ché du contrôle, qui per­met d’a­bor­der — me semble-t-il — de nom­breux aspects des bou­le­ver­se­ments en cours dans les formes de l’impérialisme.

Qu’est-ce qui avait moti­vé votre démarche et votre métho­do­lo­gie dans ce long travail ?

Je vois mon tra­vail d’en­quête comme une sorte d’ar­ti­sa­nat ; je fabrique des outils pour et au tra­vers des luttes sociales afin de les mettre à dis­po­si­tion des divers ate­liers où des mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion éla­borent leurs propres armes. Je signe ces recherches pour qu’on puisse venir me deman­der des comptes, mais les réflexions qui les struc­turent sont construites col­lec­ti­ve­ment, au cœur même des luttes aux­quelles je prends part. Et je crois que toute pen­sée de l’é­man­ci­pa­tion ne peut être éla­bo­rée que col­lec­ti­ve­ment, par les pre­mières et pre­miers concer­nés, avec les alliés qu’elles et ils se choi­sissent. Ce sujet est venu de lui-même. J’ai gran­di à Gennevilliers, une ban­lieue ouvrière — enfin, de moins en moins, car la « gauche plu­rielle » y mène un pro­ces­sus de « réno­va­tion urbaine » intense depuis le début des années 1990 — où les classes popu­laires, en grande par­tie issues de la colo­ni­sa­tion, se débattent entre misère éco­no­mique et sociale, police, pri­son, racisme, sexisme et autres formes de mépris poli­tique. Je ne savais pas trop bien pour­quoi j’é­tais arri­vé jus­qu’à la fac, alors je m’y suis employé à ana­ly­ser les méca­nismes de conju­gai­son de ces domi­na­tions, dans l’i­dée de piller des savoirs et de construire des outils pour se libé­rer collectivement.

[Cyrille Choupas | Ballast]

À l’oc­ca­sion de Nuit Debout et des mani­fes­ta­tions contre la loi El Khomri, les centres urbains — alors plu­tôt peu­plés de popu­la­tions blanches et des classes dites moyennes —, ont expé­ri­men­té la bru­ta­li­té des répres­sions poli­cières, bien connue par les habi­tants des quar­tiers popu­laires depuis des décen­nies. Faut-il être per­son­nel­le­ment tou­ché par un phé­no­mène pour lut­ter contre ? Comment faire pros­pé­rer cette lutte au-delà des per­sonnes qui le subissent directement ?

On ne per­çoit jamais aus­si bien la pro­fon­deur d’une condi­tion que lors­qu’on l’ex­pé­ri­mente, que la plu­part des condi­tions sociales ne se choi­sissent pas et que c’est encore bien dif­fé­rent d’ex­pé­ri­men­ter une situa­tion par choix ou par néces­si­té. Mais les médias indé­pen­dants et les luttes contre les vio­lences poli­cières pro­pulsent des moyens d’a­na­lyse, des idées et des pra­tiques, des pen­sées et des faits qui bous­culent les réa­li­tés per­çues dans dif­fé­rentes classes sociales et ter­ri­toires. Il s’a­gi­rait peut-être de réus­sir à mieux coor­don­ner, à mieux asso­cier toutes ces pla­te­formes. Il semble pri­mor­dial que les pre­miers et pre­mières concer­nés par chaque régime de domi­na­tion trouvent ensemble les moyens de s’u­nir et de s’au­to-orga­ni­ser. La ques­tion des alliances en découle. Et il existe une infi­ni­té de pos­si­bi­li­tés d’in­ter­sec­tions per­met­tant aux luttes, aux formes d’or­ga­ni­sa­tion et d’au­to­no­mie et aux mou­ve­ments de libé­ra­tion de se ren­con­trer pour s’en­trai­der. Je crois que c’est dans ces com­bats com­muns que des groupes ayant des expé­riences dif­fé­rentes peuvent ten­ter d’as­so­cier leurs histoires.

Vous étiez pré­sent sur le pla­teau de l’é­mis­sion « Ce soir ou jamais », en mai 2016 : la com­pa­rai­son avec les vio­lences poli­cières aux États-Unis n’a ali­men­té qu’une pos­ture de mini­mi­sa­tion. Le fait que le débat se réduise à une ques­tion de degrés de vio­lence n’empêche-t-il pas toute ana­lyse critique ?

« La rhé­to­rique du c’est pire ailleurs est une méthode clas­sique de délé­gi­ti­ma­tion de la critique. »

La rhé­to­rique du « c’est pire ailleurs » est une méthode clas­sique de délé­gi­ti­ma­tion de la cri­tique qui sug­gère « soyez contents, fer­mez-la et sinon, cas­sez-vous ailleurs », sous-enten­du « ren­trez chez vous ». Mais c’est aus­si tou­jours l’oc­ca­sion de mon­trer que les puis­sances impé­ria­listes par­tagent des struc­tures com­munes, notam­ment dans la manière dont la police, la pri­son, les médias et les auto­ri­tés œuvrent par des formes indus­trielles de coer­ci­tion à main­te­nir des modèles de socio-apar­theid. Bien enten­du le champ média­tique est struc­tu­ré pour empê­cher ces cri­tiques d’être for­mu­lées clai­re­ment. On peut s’en indi­gner : c’est une réac­tion spon­ta­née lorsque, pour de nom­breuses rai­sons, on a inté­gré les pro­pa­gandes d’État sur la « liber­té d’ex­pres­sion » et celle des médias. Mais cette indi­gna­tion empêche sou­vent de com­prendre que l’en­semble du champ média­tique est orga­ni­sé dans le but de légi­ti­mer le fais­ceau des autres ins­ti­tu­tions. Tenter de par­ler aux classes domi­nées à tra­vers l’ins­ti­tu­tion média­tique est un véri­table champ de bataille. Je crois que nous avons inté­rêt à nous auto-for­mer col­lec­ti­ve­ment à la prise de parole publique, afin que que chacun.e, depuis sa condi­tion d’op­pres­sion et ses pra­tiques de résis­tance, puisse for­mu­ler et par­ta­ger la com­plexi­té de sa propre pen­sée cri­tique. Pour cela, je pense qu’il faut là encore se doter de struc­tures d’au­to­no­mi­sa­tion visant la créa­tion et le par­tage de savoirs émancipateurs.

Les débats sur la vio­lence poli­cière, milieux mili­tants com­pris, glissent sou­vent sur la ques­tion de la néces­si­té d’un corps poli­cier dans une socié­té donnée… 

… C’est un débat fon­da­men­tal : il s’im­pose for­cé­ment si on s’in­té­resse à la vio­lence d’État. Est-ce une dérive qu’on peut cor­ri­ger pour en « reve­nir » à un « État de droit » ? Ou est-ce la fonc­tion de la police d’être vio­lente ? Et, dans ce cas-là, faut-il remettre en cause toute la socié­té qui la pro­duit ? Quoi qu’il en soit, à tra­vers ce débat émergent des posi­tions com­munes, des lignes de consen­sus mais s’y déli­mitent aus­si des lignes de ten­sions et de rup­tures qui per­mettent de construire des alliances et de dési­gner des cibles com­munes, notam­ment de cir­cons­crire les col­la­bo­ra­teurs de la vio­lence d’État qui se pré­sentent en alliés. Pour main­te­nir une socié­té auto­ri­taire et inéga­li­taire, il faut la légi­ti­mer — cela s’ob­tient par de l’i­déo­lo­gie, du diver­tis­se­ment, de l’a­mé­na­ge­ment des dési­rs mais aus­si par de la coer­ci­tion. Les vio­lences que la police dis­tri­bue n’ont rien d’ac­ci­den­tel mal­gré ce que les médias domi­nants et la classe poli­tique matraquent dans leurs dis­cours. On peut entrer en lutte contre les vio­lences poli­cières de dif­fé­rentes manières, mais on en vient presque for­cé­ment à per­ce­voir le carac­tère sys­té­ma­tique de ces vio­lences d’État. Il s’a­git de se doter d’ou­tils pour car­to­gra­phier cette méca­nique. On découvre alors que les vio­lences poli­cières font sys­tème pour main­te­nir l’ordre social. Par exemple, si de nou­velles pra­tiques ne viennent pas direc­te­ment « d’en haut », elles peuvent émer­ger depuis les poli­ciers en ser­vice. Elles remontent alors par­fois lors­qu’elles per­durent et peuvent être vali­dées, ins­ti­tuées ou tolé­rées, si leur impact ne s’é­carte pas des objec­tifs géné­raux de chaque strate de pou­voir à l’in­té­rieur et au-des­sus de l’ins­ti­tu­tion poli­cière. La police est struc­tu­rée comme une machine à pro­duire et dis­tri­buer de la vio­lence pour main­te­nir l’ordre social, éco­no­mique et poli­tique — elle est réglée, de manière ration­nelle et bureau­cra­tique. Dès lors, elle dys­fonc­tionne régu­liè­re­ment et peut être sabotée.

[Cyrille Choupas | Ballast]

Mais la cri­tique est absurde si elle sert à asseoir des pos­tures hau­taines de milieux poli­tiques radi­caux, par­fois bien iso­lés des classes popu­laires et des mondes qui subissent la féro­ci­té de l’État. On peut mettre en cause l’exis­tence de la police, de l’État et de toute forme de domi­na­tion, mais c’est en che­mi­nant entre opprimé.e.s, notam­ment dans les luttes pour la sur­vie et pour une vie digne, qu’on peut créer des formes de soli­da­ri­té réelles qui ouvrent sur des cri­tiques vrai­ment radi­cales parce qu’elles découlent de pra­tiques col­lec­tives asso­ciées à ces réa­li­tés. À par­tir de là, on peut com­men­cer à ima­gi­ner pou­voir se débar­ras­ser des ins­ti­tu­tions qui nous pour­rissent la vie plu­tôt que de cher­cher à les réfor­mer. Ce qui importe vrai­ment, je crois, c’est que la cri­tique soit menée hori­zon­ta­le­ment, qu’elle émerge d’en bas, de constats réels issus de la confron­ta­tion au monde et pas qu’elle soit assé­née depuis des posi­tions de prin­cipes sur­plom­bantes. Si quel­qu’un avait la recette de l’é­man­ci­pa­tion, ça se sau­rait ! Il y a plein de révo­lu­tion­naires dans les classes popu­laires, dont une par­tie qui s’i­gnore. Dans les quar­tiers comme ailleurs, tout le monde a une conscience poli­tique ; notre pro­blème réside plu­tôt dans le fait que l’État réus­sit à empê­cher l’au­to-orga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naire des opprimé.e.s. Je crois en la néces­si­té de construire ce mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, mais je pense qu’il passe par des soli­da­ri­tés concrètes face aux galères de la vie avant de tra­cer de grandes pers­pec­tives théoriques.

Lénine appe­lait à rem­pla­cer la police bour­geoise par « une milice popu­laire » de tous les citoyens de 15 à 65 ans, invo­quant une « réforme dic­tée par toute la marche de la révo­lu­tion ». Quel type d’or­ga­ni­sa­tion cela pour­rait-il don­ner, aujourd’­hui, si un régime éman­ci­pa­teur venait à prendre le pou­voir en France ?

« Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire qui cherche à prendre le pou­voir d’État s’en­gage dans une restruc­tu­ra­tion tou­jours plus bureaucratique. »

Le Lénine de L’État et la Révolution appe­lait à se débar­ras­ser de l’État, mais en pre­nant le pou­voir pour faire un « État socia­liste », qui devrait dis­pa­raître ensuite. Or il nous a démon­tré par la pra­tique l’er­reur de cette stra­té­gie. Après le ren­ver­se­ment de l’État tsa­riste par l’in­sur­rec­tion popu­laire en février, le par­ti bol­ché­vique prend effec­ti­ve­ment l’État en octobre 1917. Il convoque le « pou­voir des Soviets » tout en refer­mant le moment révo­lu­tion­naire. Une bureau­cra­tie se remet alors en place autour d’une admi­nis­tra­tion, d’une police, d’une armée, qui accom­pa­gne­ront le déve­lop­pe­ment d’un capi­ta­lisme d’État puis d’un impé­ria­lisme russe, après la res­tau­ra­tion des classes domi­nantes. L’enchevêtrement his­to­rique du pou­voir et de la guerre met en œuvre un phé­no­mène de « concur­rence mimé­tique » au cœur de la lutte des classes. Cette dyna­mique tra­verse les modèles de contre-révo­lu­tion et de contre-insur­rec­tion. Il s’a­git de pous­ser un mou­ve­ment d’é­man­ci­pa­tion qui devient mena­çant, à entrer en concur­rence avec l’État pour la prise du pou­voir. En l’a­me­nant à employer des armes et des tech­niques simi­laires, des moyens et des cibles sem­blables, on le dirige fina­le­ment vers des formes iden­tiques à celles de l’État. La contre-insur­rec­tion tente paral­lè­le­ment d’é­li­mi­ner les forces de libé­ra­tion pour lais­ser sur­gir les concur­rences auto­ri­taires sus­cep­tibles de com­man­der le mou­ve­ment de l’in­té­rieur. Au point que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire qui cherche à prendre le pou­voir d’État s’en­gage dans une restruc­tu­ra­tion tou­jours plus bureau­cra­tique qui per­met­tra de res­ti­tuer une domi­na­tion de classe, si l’an­cien régime est ren­ver­sé. Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire qui s’en­gage dans cette voie com­mence géné­ra­le­ment à pour­suivre des « enne­mis inté­rieurs » en son propre sein, à créer des struc­tures « de sécu­ri­té » pour cela.

J’avais ten­té de racon­ter, dans une pré­face au Manuel du gué­rillé­ro urbain, com­ment un « com­plexe de Marighella » répond au « com­plexe de Salan » (contre-gué­rillé­ro deve­nu gué­rillé­ro OAS puis enne­mi inté­rieur de l’État gaul­liste), dont Carl Schmitt parle dans sa Théorie du par­ti­san. Car Marighella — révo­lu­tion­naire bré­si­lien à la tête de l’Armée de libé­ra­tion natio­nale — affirme effec­ti­ve­ment qu’il faut for­mer des ser­vices de ren­sei­gne­ment inté­rieurs à la gué­rilla, char­gés de pur­ger les sup­po­sés infil­trés. Ces ser­vices devront, dit-il, consti­tuer les états-majors poli­ciers fon­da­teurs du nou­vel État, lors­qu’il sera conquis. Il nous montre, mal­gré lui, qu’en cher­chant à prendre l’État, l’ALN est entrée en concur­rence mimé­tique avec l’ap­pa­reil bureau­cra­tique et a com­men­cé à lui res­sem­bler en pré­pa­rant les formes du pro­to-État, c’est-à-dire la fin du pro­ces­sus révo­lu­tion­naire et la res­tau­ra­tion des sys­tèmes de domi­na­tions. L’ALN a fina­le­ment été écra­sée et le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire bré­si­lien a sur­vé­cu en pre­nant des formes bien plus hori­zon­tales. La contre-insur­rec­tion pro­pulse la « concur­rence mimé­tique » en accom­pa­gnant la fas­ci­na­tion de ses uni­tés les plus féroces pour « l’en­ne­mi (inté­rieur) ». Ainsi, des mili­taires en sont venus à faire de la (contre-)guérilla en se pas­sion­nant pour les théo­ries révo­lu­tion­naires. Et des baqueux [membres de la BAC, bri­gade anti-cri­mi­na­li­té, ndlr] s’ha­billent en Ünkut (la marque de Booba), copient le lan­gage et les codes de la rue, adoptent des pra­tiques et des pos­tures « mafieuses » ou, même, depuis peu, ren­versent les slo­gans et cer­taines pra­tiques du mou­ve­ment contre la loi Travail et son monde (manifs sau­vages, de nuit, cagoulées…).

[Cyrille Choupas | Ballast]

Comme nous le montrent au quo­ti­dien les peuples révo­lu­tion­naires du Chiapas ou du Rojava, la révo­lu­tion est un mou­ve­ment conti­nu qui ne peut pas pas­ser par la reprise en main des formes de la domi­na­tion, dont l’État fait par­tie. Et même si les langues colo­niales les appellent par­fois « polices com­mu­nau­taires », ce sont des formes d’au­to­dé­fense popu­laire col­lec­tives qui sont expé­ri­men­tées et non « une police » comme appa­reil d’État, ni même « de la police » comme dis­po­si­tif de pou­voir. En revanche, comme on l’ob­serve dans cer­taines régions du Mexique et dans dif­fé­rentes confi­gu­ra­tions his­to­riques, des « auto­dé­fenses popu­laires » qui ne sont pas direc­te­ment et conti­nuel­le­ment l’ex­pres­sion d’un mou­ve­ment de libé­ra­tion col­lec­tive, qui ne seraient pas l’in­car­na­tion quo­ti­dienne du peuple en armes, semblent condam­nées à voir resur­gir leur affi­lia­tion à des sys­tèmes mafieux et para-éta­tiques — et donc à se trans­for­mer en police. Je crois donc que la locu­tion « régime éman­ci­pa­teur » est pié­gée et inopé­rante parce qu’elle pour­rait lais­ser croire à des manières d’é­man­ci­per les gens et à des formes d’État assi­mi­lables à de l’au­to­no­mie popu­laire. L’Histoire nous démontre en per­ma­nence que, si per­sonne ne se libère tout seul, per­sonne ne libère les autres non plus. Les formes éta­tiques qui se sont décla­rées « gou­ver­ne­ment du peuple, par le peuple, pour le peuple » ont géné­ra­le­ment démon­tré, au contraire, la colo­nia­li­té du pou­voir cen­tra­li­sé. L’expression « se gou­ver­ner soi-même » uti­li­sée au Chiapas notam­ment, est une tra­duc­tion en espa­gnol qui tra­hit en fait les expres­sions indi­gènes aux­quelles elle ren­voie, les­quelles ne parlent pas de « bon gou­ver­ne­ment » mais plu­tôt de « bonne manière de faire les choses ». Et pour­tant l’ex­pres­sion « buen gobier­no » fait sens dans tout le Mexique, même auprès des anar­chistes, dans sa manière d’être uti­li­sée pour dési­gner jus­te­ment des formes d’au­to­no­mi­sa­tion populaires.

« Les ins­ti­tu­tions poli­cières et judi­ciaires se repro­duisent his­to­ri­que­ment en assu­rant le main­tien de l’ordre pyra­mi­dal de la société. »

Quel que soit le nom qu’on donne aux formes réelles d’au­to­dé­fense et d’au­to-orga­ni­sa­tions, la logique de police, de gou­ver­ne­ment et de ges­tion s’a­bo­lit en même temps que les classes et les rap­ports de domi­na­tion, à tra­vers le pro­ces­sus révo­lu­tion­naire. Il ne peut exis­ter d’é­man­ci­pa­tion que par la trans­for­ma­tion des condi­tions réelles d’exis­tence au quo­ti­dien, par la mise en com­mun et l’au­to­no­mi­sa­tion concrète des classes domi­nées. Tandis que la contre-insur­rec­tion tente de nous ren­fer­mer sur la guerre et la mise en dépen­dance, de nous pous­ser à faire la guerre pour la gagner, et à nous trans­for­mer en reflet du pou­voir, nous cher­chons à déstruc­tu­rer l’an­cien sys­tème et à construire autre chose. Dans l’in­ters­tice des monstres, la répres­sion oblige le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire à se défendre. Le champ de bataille impose la guerre. Mais si le mou­ve­ment de libé­ra­tion choi­sit de se struc­tu­rer pour prendre l’État, il com­mence à creu­ser sa propre tombe… Mais, dans les fis­sures du vieux monde, émergent par­tout des résis­tances et des formes d’au­to-orga­ni­sa­tions qui nous invitent à pen­ser la révo­lu­tion comme un mou­ve­ment sans fin, un mou­ve­ment de lutte contre toutes les formes de domi­na­tion, un mou­ve­ment en auto-construc­tion per­ma­nente de nou­velles formes de vie émancipatrices.

Le conti­nuum entre police et jus­tice est régu­liè­re­ment tra­cé : est-on dans une logique d’ins­ti­tu­tions qui défendent leur pré car­ré au sein de l’État ou d’une alliance de ces ins­ti­tu­tions avec les gou­ver­ne­ments qui se succèdent ?

Ce sont deux logiques qui coexistent réel­le­ment et ne sont pas contra­dic­toires. Les ins­ti­tu­tions poli­cières et judi­ciaires se repro­duisent his­to­ri­que­ment en assu­rant le main­tien de l’ordre pyra­mi­dal de la socié­té. Elles sont inti­me­ment liées notam­ment parce qu’elles par­tagent la pro­duc­tion de l’in­car­cé­ra­tion de masse et les aspects répres­sifs du socio-apar­theid. Michel Foucault avait sûre­ment rai­son d’ob­ser­ver que la Justice ayant de plus en plus besoin de la police, elle lui est de plus en plus subor­don­née. Mais aucune ins­ti­tu­tion n’est pour autant homo­gène ni mono­li­thique. Chacune est un champ de bataille où des frac­tions se font concur­rence tout en cher­chant à pro­té­ger leur mar­ché com­mun. Pour autant, les états-majors poli­ciers et judi­ciaires par­tagent le même sys­tème d’in­té­rêts et de pri­vi­lèges, avec des frac­tions des classes diri­geantes et pos­sé­dantes. Mes recherches ont ten­dance à obser­ver que la police et la jus­tice sont struc­tu­rées par des logiques internes de champs, des logiques externes entre champs en même temps que par des logiques trans­ver­sales de classes et de strates.

[Cyrille Choupas | Ballast]

Une par­tie de la popu­la­tion, mili­tants syn­di­caux com­pris, s’é­tait insur­gée contre les « cas­seurs ». Les oppo­si­tions entre « bons et mau­vais mani­fes­tants » et l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la part des gou­ver­nants ont-ils alors affai­bli le mouvement ?

Je n’ai pas per­çu d’in­sur­rec­tion de la popu­la­tion géné­rale contre les « cas­seurs ». Le mou­ve­ment a com­men­cé sur des bases habi­tuelles quant aux formes ins­ti­tuées et inof­fen­sives de mobi­li­sa­tion. Mais c’est en rejoi­gnant les pos­si­bi­li­tés de formes offen­sives, auto­nomes et libres du cor­tège de tête, que des strates très diver­si­fiées des classes popu­laires et de la petite-bour­geoi­sie en voie de pré­ca­ri­sa­tion ont pu se confron­ter dif­fé­rem­ment aux ques­tions des maté­riels de pro­tec­tion phy­sique, de pro­tec­tion de son ano­ny­mat et aux pra­tiques de sabo­tage. Je crois que c’est ce qui a per­mis de fis­su­rer la figure d’en­ne­mi inté­rieur for­gée par les appa­reils média­ti­co-poli­ciers. Des cen­taines, par­fois des mil­liers de pré­caires et de per­sonnes issues de strates pri­vi­lé­giées, des jeunes des centres-villes et d’autres de ban­lieue, des ados et des vieux, des tra­vailleuses syn­di­quées ou non, des chô­meurs et des lycéennes se sont auto-orga­ni­sés col­lec­ti­ve­ment à tra­vers le cor­tège de tête mais aus­si dans de mul­tiples blo­cages et occu­pa­tions. Tous ont par­ti­ci­pé à cette forme de lutte digne et joyeuse dans laquelle il était légi­time d’at­ta­quer des banques, des agences immo­bi­lières, des maga­sins de luxe… Du coup, la figure du déglin­go qui vient tout péter parce qu’il est, au choix, selon le ter­ri­toire à répri­mer, « un voyou eth­nique » ou un « gau­chiste anti­flic », a été consi­dé­ra­ble­ment fra­gi­li­sée. Tout cela a eu des impacts aus­si sur ce grand retour de la classe ouvrière au devant de la scène poli­ti­co-média­tique mais aus­si de la culture popu­laire. À l’in­té­rieur de la CGT, depuis plu­sieurs grands mou­ve­ments, des bases s’au­to­no­misent face à leur bureau­cra­tie. Comme le monde ouvrier en géné­ral, elles n’ont pas par­ti­cu­liè­re­ment peur de l’emploi de la contre-attaque et des pra­tiques d’ac­tion et de démo­cra­tie directes y trouvent de nou­veaux échos. Le sabo­tage est peut-être l’une des formes de contre-attaque les mieux par­ta­gées dans l’his­toire par le mou­ve­ment ouvrier, les mou­ve­ments révo­lu­tion­naires, les résis­tances anti­fas­cistes et anti­co­lo­nia­listes, les luttes des pri­son­niers et celles des esclaves. Je crois en la diver­si­té stra­té­gique. On peut conce­voir des puzzles de luttes, de tac­tiques et de cibles dont la diver­si­té brouille les capa­ci­tés de pré­vi­sion du contrôle et mul­ti­plie les pro­ba­bi­li­tés de défaillance des méca­niques ins­ti­tu­tion­nelles. On peut réus­sir à asso­cier les luttes auto­nomes et for­ger des com­pli­ci­tés pour que les tac­tiques se ren­forcent les unes les autres plu­tôt que de se gêner ou de se faire concurrence.

Que faire des poli­ciers mili­tant dans des syn­di­cats de gauche ? Comment abor­der la fameuse ques­tion des « contra­dic­tions internes » de la police ?

« On peut conce­voir des puzzles de luttes, de tac­tiques et de cibles dont la diver­si­té brouille les capa­ci­tés de pré­vi­sion du contrôle. »

Plutôt que de véri­tables contra­dic­tions, il y a de la concur­rence interne dans la police, des lignes d’op­po­si­tion pour son com­man­de­ment et des fric­tions à sa tête. Il existe aus­si des conflits entre strates sociales domi­nantes et domi­nées dans la pro­duc­tion du tra­vail poli­cier. La syn­di­ca­li­sa­tion des ins­ti­tu­tions poli­cières et car­cé­rales est struc­tu­relle ; elle per­met à l’État de gérer la « grogne » per­ma­nente de ses agents en contexte sécu­ri­taire, c’est-à-dire en situa­tion de mobi­li­sa­tion inten­sive. Elle per­met éga­le­ment, comme d’autres bureau­cra­ties syn­di­cales, de main­te­nir l’ordre social et poli­tique à l’in­té­rieur d’une cor­po­ra­tion. Les diri­geants de ces syn­di­cats peuvent conti­nuer leurs car­rières direc­te­ment dans les hautes strates de l’État comme dans les pré­fec­tures, ou pan­tou­fler dans le pri­vé, notam­ment dans l’in­tel­li­gence éco­no­mique ain­si que dans le « conseil et l’au­dit », pour les indus­triels. À la marge de cette syn­di­ca­li­sa­tion struc­tu­relle, il y a quelques mino­ri­tés « de gauche » dont le mili­tan­tisme consiste géné­ra­le­ment à en appe­ler à un modèle répu­bli­cain mytho­lo­gique qui aurait été tra­hi et qu’il fau­drait réta­blir, mais aus­si à deman­der « plus de moyens » pour ce « ser­vice public ». L’expression poli­ti­co-média­tique de ces « syn­di­cats de gauche » tente de faire croire à une plu­ra­li­té de dis­cours et au mythe de la plu­ra­li­té démo­cra­tique jus­qu’à l’in­té­rieur des ins­ti­tu­tions d’État. Mais elle per­met aus­si de légi­ti­mer cer­taines stra­té­gies d’État par­fois en contra­dic­tions avec les reven­di­ca­tions des syn­di­cats de police majo­ri­taires. Dans la réa­li­té, l’État conjugue tou­jours des poli­tiques « de gauche » et « de droite », des formes de hard et de soft power, des dis­po­si­tifs de conquête des cœurs et des esprits, des moyens bio­po­li­tiques et des dis­po­si­tifs d’é­cra­se­ment nécro et thanatopolitiques.

Je ne crois pas beau­coup en la défec­tion de poli­ciers par suite de cri­tiques idéo­lo­giques ou d’a­na­lyses socio­lo­giques, ni parce qu’on les aurait appe­lés à « rejoindre les luttes ». La police est jus­te­ment l’ins­ti­tu­tion qui a inven­té des modes de sélec­tion et de domes­ti­ca­tion de ses agents qui lui per­mettent d’é­vi­ter des rup­tures de ce type. Cela consiste à trier et for­mer des agents ayant ten­dance à ren­for­cer leurs convic­tions dans le métier à mesure qu’ils pro­duisent des vio­lences de plus en plus « illé­gi­times » et à mesure qu’ils se confrontent aux colères sociales qui sur­gissent face à leurs vio­lences. J’ai plu­tôt l’im­pres­sion que c’est l’in­ten­si­té, la diver­si­té, la créa­ti­vi­té des luttes sociales qui appro­fon­dissent les lignes de ten­sion et de concur­rence dans la police ain­si qu’entre la police et les autres ins­ti­tu­tions et qui peuvent donc faire aug­men­ter les pro­ba­bi­li­tés de dys­fonc­tion­ne­ments et d’im­puis­sance dans l’ap­pa­reil. Des poli­ciers et des mili­taires ne « rompent les rangs » que lorsque l’État n’est plus capable de leur assu­rer une « sécu­ri­té » mini­male face aux contre-attaques popu­laires. Lorsqu’il ne peut plus légi­ti­mer le degré de vio­lence qu’il leur demande de four­nir. Mais aus­si lors­qu’il n’a plus les moyens de les rému­né­rer assez pour cela. Cela nous ren­voie à la néces­si­té de construire les moyens de la grève géné­rale illi­mi­tée et un mou­ve­ment de libé­ra­tion capable de pro­po­ser un niveau d’or­ga­ni­sa­tion sociale cré­dible, des formes de vie sociale libres, auto­nomes, éga­li­taires et joyeuses qui montrent à l’en­semble des forces en pré­sence que la vie est bien plus digne et pro­met plus de jus­tice sociale du côté des mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion que du côté de leur écrasement.

[Cyrille Choupas | Ballast]

Comme dans de nom­breuses villes de France, un col­lec­tif dénon­çant les vio­lences poli­cières s’est créé à Strasbourg, plus pré­ci­sé­ment autour de l’af­faire du meurtre d’Hocine Bouras, jeune homme abat­tu par un gen­darme lors d’un trans­fè­re­ment le 26 août 2014. Quels moyens d’ac­tion sont les plus per­ti­nents, selon vous, afin que ces col­lec­tifs puissent avoir plus de portée ? 

La construc­tion de leur auto­no­mie est l’axe cen­tral. En se don­nant leurs propres moyens de s’or­ga­ni­ser, de pen­ser et de lut­ter, ces col­lec­tifs peuvent ensuite trou­ver des moyens de s’as­so­cier ou de coopé­rer sur cer­tains plans avec d’autres forces auto-orga­ni­sées. Chaque col­lec­tif a besoin de dif­fé­rents types de sou­tien (argent, lieux de réunion et d’or­ga­ni­sa­tion, pré­sence dans les manifs et ras­sem­ble­ments, médias indé­pen­dants…), et à cha­cun de déter­mi­ner l’aide qu’il veut rece­voir, sa pro­ve­nance ain­si que les fron­tières de ses alliances. Une fois cela admis, je crois qu’on peut s’ac­ti­ver pour mettre en syner­gie des lieux et des col­lec­tifs auto­nomes per­met­tant notam­ment aux luttes des classes les plus popu­laires de pro­fi­ter de ce que le mou­ve­ment liber­taire réus­sit à faire éclore : des lieux et des moyens ain­si que des réper­toires de pra­tiques et d’i­dées liées à l’au­to­no­mi­sa­tion notam­ment. La construc­tion dans les villes et les cam­pagnes, puis un jour dans chaque quar­tier et chaque vil­lage, de comi­tés d’au­to­dé­fense popu­laire face à la police et à toutes les vio­lences d’État peut être un pre­mier mou­ve­ment en direc­tion d’une entraide réelle des luttes contre toutes les formes de domi­na­tions. Nous pou­vons réus­sir à faire coopé­rer avec les luttes d’au­to­dé­fense popu­laire, des lieux auto­nomes de pro­duc­tion ali­men­taire, ves­ti­men­taire, éner­gé­tique, des pro­jets de san­té com­mu­nau­taire et d’é­du­ca­tion popu­laire. Il s’a­gi­rait de mettre en com­mun tous les moyens de bri­ser les mises en dépen­dance qui assurent la repro­duc­tion du sys­tème impérialiste.


Photographies de ban­nière et de vignette : Cyrille Choupas | Ballast


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