La Nouvelle Métisse : paroles de Gloria Anzaldúa


Texte paru dans le n° 9 de la revue papier Ballast (juin 2020)

L’autrice et poé­tesse Gloria Anzaldúa, figure du fémi­nisme chi­ca­na, est née en 1942 sur la ligne de démar­ca­tion entre le Mexique et les États-Unis. Habiter la fron­tière — et donc les conflits sociaux, lin­guis­tiques et nar­ra­tifs qui s’y logent : elle n’a jamais ces­sé de tra­vailler cette idée. Son ouvrage Borderlands/la Frontera: the New Mestiza, paru en 1987, a fait date : pour ce qu’il disait autant que pour la manière avec laquelle il le disait (croi­sant ain­si essai, fic­tion, poé­sie et récit auto­bio­gra­phique1). Anzaldúa est issue du monde ouvrier texan — celui des tra­vailleuses et des tra­vailleurs agri­coles chi­ca­nos. Elle y a fait ses pre­mières armes et cri­tiques mili­tantes. C’est forte de cet ancrage qu’elle a inves­ti l’es­pace uni­ver­si­taire, s’a­van­çant, dès le début des années 1980, comme « queer ». Un déca­lage per­pé­tuel. Pour Anzaldúa, la fron­tière est une peau et, dans sa pen­sée, un outil à même d’ai­gui­ser ce que le socio­logue afro-amé­ri­cain W.E.B Du Bois théo­ri­sait, dès le début du XXe siècle, sous la notion de « double conscience ». Comment, en somme, tra­duire depuis le Nord l’ex­pé­rience des mino­ri­tés héri­tières de l’es­cla­vage ou du colo­nia­lisme ? Nous lui avons consa­cré une série de publi­ca­tions à l’é­té 2020. Nous publions aujourd’­hui son por­trait. ☰ Par Maya Mihindou


Sous le ciel d’acier
Je suis ce point noir qui marche
Vers les rives de la chance
Lhasa de Sela

Des fleurs plan­tées tout autour des habi­ta­tions : dans des pneus, des pots, des boîtes de conserve, des vieilles chaus­sures. Des mai­sons de cou­leur rose et vio­lette dans un décor aride, et d’autres, trem­blantes, en planches de bois, en taule. Des ani­maux : un pou­lailler, des chèvres atta­chées aux arbres, un che­val qui mor­dille sa bar­rière. Et une mère qui menace sa fille : « Si tu fonces davan­tage… » Gloria n’a pas le droit de s’amuser en plein soleil. Elle doit même por­ter un bon­net pour tra­vailler aux champs — c’est qu’il ne fau­drait pas, la peau par trop mate, qu’on la prenne pour une « sale Mexicaine ». Cela, c’est encore sa mère qui le dit. Mais voi­là qu’un jour l’enfant rem­place le bon­net par un som­bre­ro. « Il me fau­dra au moins trente ans pour me défaire de l’idée qu’être blanc vaut mieux qu’être brun de peau. Quelque chose que beau­coup de gens de cou­leur ne désap­pren­draient jamais », écri­ra l’adulte que cet enfant deviendra.

Silueta

« Enjambant les trois cultures et leurs sys­tèmes de valeurs, la mes­ti­za subit une lutte de la chair, une lutte des fron­tières, une guerre inté­rieure. »

Dans la val­lée du Río Grande qui la voit gran­dir, la petite aux che­veux bruns sait bien que son corps n’est pas un allié. Il lui a « déro­bé son enfance », écri­ra-t-elle. Du sang, trop tôt, coule chaque mois d’entre ses cuisses : sa mère lui impose de ne rien dire — pas même à sa plus proche sœur — et lui apprend à s’en cacher tout en gai­nant sa poi­trine de petite femme de six ans. « J’étais tota­le­ment alié­née par cette par­tie de mon corps », dira-t-elle encore. Des doc­teurs se veulent ras­su­rants : en trou­vant un mari, ce mal « psy­cho­lo­gique » gué­ri­ra. En réa­li­té, il s’agit d’une forme d’endométriose alors mal nom­mée. La honte et le secret bien gar­dé de cette sil­houette pré­coce vont lais­ser des traces sur sa crois­sance ; ils conso­li­de­ront tou­te­fois sa sen­si­bi­li­té à l’injustice et son empa­thie pour les per­sonnes dif­fé­rentes, ou tenues pour telles. À neuf ans, Gloria connaît ses pre­mières émo­tions sen­suelles — avec une cou­sine. « On a su ensuite qu’elle était dyke [les­bienne]. Il m’a fal­lu attendre long­temps pour com­prendre que je l’étais aus­si, et pour­quoi je l’avais atti­rée ! »

Il faut se repré­sen­ter le Texas des années 1950. Un célèbre moteur de recherche en ligne donne à voir des cha­peaux de cow-boys, des las­sos, des voi­tures et des flingues. C’est un peu court, sans doute, mais c’est cette mémoire que l’État nous aura léguée. Gloria gran­dit à la fron­tière, phy­sique, entre le Mexique et les États-Unis. « Bercée dans une culture, prise en sand­wich entre deux cultures, enjam­bant les trois cultures et leurs sys­tèmes de valeurs, la mes­ti­za [métisse] subit une lutte de la chair, une lutte des fron­tières, une guerre inté­rieure2 » La ségré­ga­tion raciale est la loi du pays. L’école où Gloria étu­die, à Edinburg, est anglo­phone : elle côtoie ain­si des per­sonnes blanches. Dans les classes avan­cées, elle est la seule Chicana3. Si l’on rabaisse celles et ceux qui parlent espa­gnol, la native d’Harlingen n’en excelle pas moins. Son pre­mier livre, c’est à son père qu’elle le doit, qu’il a ache­té quelques cen­times : un wes­tern dans lequel « les femmes de ménage, les méchants et les pros­ti­tuées étaient tous mexi­cains ». Mais Gloria sait qu’au Texas, les pre­miers cow-boys sont majo­ri­tai­re­ment chi­ca­nos. Elle sait aus­si que ce sont les anglos4 qui ont détruit le ranch de sa grand-mère. Son père, ouvrier agri­cole, comp­te­ra dans sa construc­tion. Il l’aidera à sai­sir, plus tard, ce qu’être un « macho » peut réel­le­ment signi­fier dans sem­blable contexte — « Être assez fort pour nous pro­té­ger et nous sou­te­nir finan­ciè­re­ment ma mère et nous, tout en étant capable de mon­trer de l’amour », ana­ly­se­ra-t-elle dans son livre Borderlands/La Frontera. « Le macho d’aujourd’hui a des doutes sur sa capa­ci­té à nour­rir et à pro­té­ger sa famille. Son machisme est une adap­ta­tion à l’oppression, à la pau­vre­té et la faible estime de soi5. » Mais la chair de cet homme va être frap­pée par la tôle d’une voi­ture alors que Gloria n’a que 14 ans ; quatre bouches, après lui, res­tent à nourrir.

[Maya Mihindou]

Alors, quand elle n’est pas à l’école ou qu’elle ne lit pas, elle passe son temps libre et ses étés cour­bée dans les champs de pas­tèque et de maïs, dans les fermes de grands pro­prié­taires, par­fois sous les nuages de pes­ti­cides qui lacèrent les yeux nus de sa mère, de ses grands-parents et de ses cadets. Gloria aime por­ter des bottes et des pan­ta­lons d’homme ; la macho­na — gar­çon man­qué — s’assied et dis­cute avec les employés de la ferme de leurs condi­tions de tra­vail. Toute sa jeu­nesse, elle par­ti­cipe ain­si aux réunions de mou­ve­ments chi­ca­nos et de tra­vailleurs agri­coles, qui émergent dans le sud des États-Unis. « Les Chicanos igno­raient qu’ils étaient un peuple jusqu’en 1965, quand César Chávez6 et les ouvriers des fermes se sont unis, quand I am Joaquin a été publié7 et que le par­ti de la Raza Unida s’est for­mé au Texas8. » Ce texte est un long poème et son auteur, un ancien boxeur pro­fes­sion­nel né dans le Colorado : « Je suis Joaquín / Zapotec / Mestizo / Español. J’ai été cette révo­lu­tion san­glante / Le vain­queur / Le vain­cu / J’ai tué / Et j’ai été tué. »

La Frontera

« C’est là mon foyer. Ce mince fil de bar­be­lés. Ce lieu de sépa­ra­tion entre deux pays sera la base maté­rielle de l’identité et de la pen­sée de Gloria Anzaldúa. »

Là-bas, la fron­tière est liquide — un fleuve de plus de trois mille kilo­mètres et deux rives : Río Grande, côté éta­su­nien ; Río Bravo, côté mexi­cain. Au terme d’années de conflits san­glants, ce long bras d’eau devint, à la faveur de quelque décret, la fron­tière dite « natu­relle » entre les deux pays. Cette année 1848 a tran­ché la citoyen­ne­té des uns et des autres, par­fois issus d’une même famille. Les colons anglos ont récu­pé­ré plus de la moi­tié du ter­ri­toire de leur voi­sin9 et expro­prié les terres les plus fécondes — celles des pre­mières nations encore en place, comme celles des grands pro­prié­taires mexi­cains, heu­reux d’échanger leur natio­na­li­té pour mieux tirer pro­fit de l’exploitation légale des esclaves… La fron­tière a sépa­ré des vil­lages entiers ; aujourd’hui encore, ils se font face en miroir le long des deux rives. Des visages simi­laires, des pay­sages, une eau com­mune et une langue : l’espagnol. À l’ouest, un mur de sépa­ra­tion fer­mé comme un poing se dresse à présent.

« C’est là mon foyer. Ce mince fil de bar­be­lés. » Ce lieu de sépa­ra­tion entre deux pays sera la base maté­rielle de l’identité et de la pen­sée de Gloria Anzaldúa. Une fron­tière se recon­naît aisé­ment à ses postes de police et, dès l’enfance, la Chicana a su qu’il ne fal­lait pas cou­rir près du fleuve en pré­sence de « la migra10 ». « No cor­ran, ne cou­rez pas, ils vont pen­ser que vous venez de l’autre côté », lan­çait sa tante dans sa jeu­nesse. Mais, un jour, l’un des leurs a cou­ru. « Terrifié à l’idée d’être attra­pé. Il ne pou­vait pas par­ler anglais, ne pou­vait pas leur dire que sa famille était amé­ri­caine depuis cinq géné­ra­tions. Sin papeles. » Il n’avait pas pris avec lui son cer­ti­fi­cat de nais­sance. « La migra l’a emme­née sous nos yeux », se sou­vien­dra Anzaldúa. Le jeune homme fut envoyé à Guadalajara par avion, sans un sou ; il dut ren­trer chez lui à pied.

[Maya Mihindou]

Chaque lieu de pas­sage génère, en dehors de l’économie cal­cu­lée des États, ses logiques com­mer­ciales, ses tra­fics de pas­sage, ses pré­da­tions. Les coyotes et les pros­ti­tuées encadrent les bar­rières. Les colons espa­gnols avaient jeté les pre­miers les popu­la­tions autoch­tones d’Amérique à la fron­tière de leurs cultures en leur inter­di­sant l’usage de leurs langues et de leurs rites ; l’anglais impé­rial impose le même méca­nisme aux métis his­pa­no­phones. Au Texas, on parle dès lors une langue qua­li­fiée de « sau­vage », que l’école tente de domp­ter : fabri­quée à la col­li­sion de l’espagnol, du náhuatl et de l’anglais. « Somos los del español defi­ciente. Nous sommes votre cau­che­mar lin­guis­tique », assè­ne­ra Anzaldúa, « parce que nous par­lons avec des langues de feu, nous sommes crucifié·es […]. Racialement, cultu­rel­le­ment et lin­guis­ti­que­ment somos huér­fa­nos, nous sommes orphe­lins11. » Dans ce frot­te­ment, la langue cabos­sée conti­nue de s’inventer — de se créo­li­ser, pour le dire comme Édouard Glissant12 : « La créo­li­sa­tion régit l’imprévisible par rap­port au métis­sage ; elle crée dans les Amériques des micro­cli­mats cultu­rels et lin­guis­tiques abso­lu­ment inat­ten­dus. »

« Au Texas, on parle dès lors une langue qua­li­fiée de sau­vage, que l’école tente de domp­ter : fabri­quée à la col­li­sion de l’espagnol, du náhuatl et de l’anglais. »

Se plient ain­si, à la fron­tière, plu­sieurs ima­gi­naires, tous liés à l’autre côté, l’autre ver­sant, la porte close : une cor­dillère de mémoires per­dues. Que signi­fie, alors, être un·e Mexicain·e soustrait·e de sa patrie ? Une iden­ti­té raciale rat­ta­chée à une âme col­lec­tive. « Ces rébel­lions que nous, Mexicains, avons dans le sang, sur­gissent comme des rivières qui débordent dans mes veines. » L’identité chi­ca­na tient du métis­sage entre les colons espa­gnols et les pre­miers habi­tants déci­més, majo­ri­tai­re­ment aztèques. Autrement dit, à échelle mytho­lo­gique, entre le conqué­rant Hernán Cortés et Malinalli, « la Malinche », la femme indi­gène ven­due par son propre peuple puis, deve­nue poly­glotte, vue comme média­trice, traî­tresse, putain et mère du pre­mier enfant mes­ti­zo du Mexique. Après la Conquête vint le Nord, anglo­phone. Et les bar­be­lés. Pour les Chican@s en pos­ses­sion de la fameuse Green Card13, il arrive que la conver­sa­tion avec leur longue his­toire se recouvre du fin plas­tique de l’oubli : nombre d’entre eux se mettent à regar­der d’un œil sus­pi­cieux les clan­des­tins del otro lado qui passent la frontière.

De vieilles femmes s’acharnent sûre­ment à trans­mettre les mythes d’Aztlán, ceux des vain­queurs et des vain­cus, le nom des résistant·es ; pro­tègent les chants de la Virgen de Guadalupe et de la Llorona. D’autres, comme la grand-mère aux yeux bleus de Gloria Anzaldúa, aux ori­gines euro­péennes, s’efforcent de faire oublier cette iden­ti­té embar­ras­sante et guettent le des­tin des nou­veaux-nés : une peau claire, guë­ra, s’en sor­ti­ra peut-être dans les contours du siècle. Mais una prie­ta, mar­quée de la tache sombre des « Indiens » demeure, à cet ins­tant de l’histoire humaine, une malédiction.

Patlache

C’est au sein de la lutte des Chicanos qu’elle fait face au sexisme et à l’homophobie. « À cette époque, j’ai sen­ti que le mou­ve­ment man­quait quelque chose : il ne s’attaquait pas à l’oppression des femmes », racon­te­ra Gloria Anzaldúa au cours d’un entre­tien accor­dé en 1995. « C’était un mou­ve­ment natio­na­liste très impor­tant pour les Chicanos, sem­blable au mou­ve­ment des droits civils. En tant qu’entité natio­nale, nous essayions de pro­té­ger la culture, la race. Mais pour moi, c’était plus comme si nous essayions de pro­té­ger la par­tie mas­cu­line de la culture5. » Elle éprouve une sen­sa­tion de déca­lage. Se sent par­tiel­le­ment étran­gère à sa propre com­mu­nau­té, qui vou­drait faire de l’homme le centre. Elle se sent proche des iden­ti­tés à la fois mas­cu­lines et fémi­nines, mita y mita, hybrides. Une vieille insulte anglaise employée dans les milieux ouvriers, « queer » (tor­du, per­vers), poli­ti­sée par l’under­ground gay éta­su­nien à par­tir des années 1950, tombe sous sa main. Son éty­mo­lo­gie pointe l’idée de trans­ver­sa­li­té : Anzaldua la fait sienne, puis la pro­longe au cœur de la Frontière… Sa mère l’observe, entre gêne et fier­té. « L’étroite vie dans les ranchs a com­men­cé à m’irriter. Et ce rôle tra­di­tion­nel des femmes était une selle que je ne vou­lais pas por­ter. » La jeune femme est la pre­mière de sa famille à pour­suivre des études — à l’université Texas-Pan American puis à celle d’Austin.

[Maya Mihindou]

« J’ai gran­di entre deux cultures, la mexi­caine — avec une influence indi­gène forte — et l’anglo, fai­sant par­tie du groupe colo­ni­sé sur nos propres ter­ri­toires, écri­ra Anzaldúa. Je suis à che­val sur cette fron­tière texane et mexi­caine, et sur d’autres, tout le temps. Ce n’est pas un ter­ri­toire confor­table où vivre, dans ce lieu de contra­dic­tions. La haine, la colère et l’exploitation sont les reliefs les plus visibles de ce pay­sage. » C’est avec ce bagage qu’elle avance dans les études. Elle com­prend qu’elle ne peut rete­nir les concepts uni­ver­si­taires dans le cadre dic­té par l’institution raciste et mono­cul­tu­relle. Validant un cur­sus d’anglais, elle pla­ce­ra, un temps, son espoir dans l’enseignement public et l’aide à la sco­la­ri­sa­tion d’enfants de migrants. « Ce n’est qu’en res­tant flexible qu’elle [la métisse] peut déployer la psy­ché hori­zon­ta­le­ment et ver­ti­ca­le­ment. » Gloria Anzaldúa puise libre­ment dans les mythes de quoi affi­ner les contours de son iden­ti­té fron­ta­lière, laquelle conteste l’appartenance à un seul sys­tème de connais­sances, un seul sexe, une seule langue. « À l’intérieur de nous comme de la culture chi­ca­na, les valeurs com­munes à la culture blanche attaquent celles de la culture mexi­caine. Et c’est conjoin­te­ment qu’elles attaquent les valeurs de la culture indi­gène. Inconsciemment, on le vit comme une attaque contre soi-même, ses croyances, comme une menace qu’il fau­drait contre-atta­quer. » Elle fera dès lors de la notion náhuatl de « nepant­la » un espace de tra­ver­sée, à l’entre-deux de ce qui est et de ce qui advient, dans lequel le sujet expé­ri­mente la perte de repères, la rup­ture vio­lente avec les repré­sen­ta­tions binaires, mais aus­si la créa­ti­vi­té et la trans­for­ma­tion — cet état pas­sa­ger, elle le nomme « Coatlicue », du nom d’une déesse aztèque repré­sen­tée avec deux têtes de ser­pent col­lées front contre front. Ces concepts spi­ri­tuels, grains de sable dans les rouages ana­ly­tiques occi­den­taux, doivent per­mettre d’imaginer une troi­sième voie, un monde de trans­for­ma­tion révo­lu­tion­naire en charge de dépas­ser la fron­tière pour accueillir les sujets aux mémoires encas­trées les unes dans les autres — où les nepant­le­ras, les pas­seuses, seraient des sen­ti­nelles. Ils poli­tisent et poé­tisent son dis­cours. « Espérons que la main gauche, celle de l’obscurité, de la fémi­ni­té, de la pri­mi­ti­vi­té, puisse dévier la main droite indif­fé­rente et ration­nelle de sa route sui­ci­daire… » Ce lieu uto­pique, plus inclu­sif, elle le nom­me­ra « El Mundo Zurdo », le « monde gau­cher ». Elle ne ces­se­ra de le refor­mu­ler au gré de ses écrits et de ses entretiens.

« La culture est faite par ceux qui détiennent le pou­voir — les hommes. Les hommes façonnent les règles et les lois ; les femmes les trans­mettent. »

« La culture est faite par ceux qui détiennent le pou­voir — les hommes. Les hommes façonnent les règles et les lois ; les femmes les trans­mettent. » En 1977, elle s’installe en Californie pour se concen­trer sur l’écriture. Quatre ans plus tard, elle coor­donne avec Cherríe Moraga14 un recueil de fémi­nistes de cou­leur, This Bridge Called My Back [« Ce pont appe­lé mon dos »]. Un ouvrage cho­ral, mêlant poé­sies, témoi­gnages, essais et œuvres d’art. La décen­nie pré­cé­dente a fait de la poé­sie un souffle cen­tral dans les luttes fémi­nistes radi­cales : des femmes chi­ca­nas, asia­tiques et noires s’y avancent, jurant qu’au sein des luttes sociales, leurs his­toires et leurs mémoires se trouvent prises en étau entre les hommes de leur com­mu­nau­té et les fémi­nistes blanches. « Je regarde les femmes blanches rape­tis­ser devant mes yeux, perdre la flui­di­té de leurs argu­ments, de leur assu­rance, mar­quer des pauses gênées au mot race, au mot cou­leur. […] Je ne peux plus conti­nuer à uti­li­ser mon corps comme un pont à fou­ler pour faire le lien15 », témoigne Moraga en intro­duc­tion. Cet ouvrage est le pre­mier à s’avancer de la sorte au car­re­four de la race, de la classe, du genre et des sexua­li­tés ; il fera date.

« Ces poé­tesses exa­minent les oppres­sions et puisent dans des réserves d’expériences et de tra­di­tions qui ont jusqu’alors rare­ment péné­tré la lit­té­ra­ture16 », ana­ly­se­ra la poé­tesse et acti­viste les­bienne Jan Clausen. « À leur tour de connaître l’énergie de la colère qui se libère. » Réédité à plu­sieurs reprises mais jamais, à ce jour, tra­duit en langue fran­çaise, il se veut une réponse radi­cale à la mise sous silence et à l’appropriation des récits et des savoirs des pen­seuses de couleur.

En 1987, Anzaldúa publie l’essai Borderlands/La Frontera : The New Mestiza, écrit en alter­nant anglais et espa­gnol. Il sera son livre le plus impor­tant ; elle a 45 ans. À l’origine, ce devait être un recueil de poé­sie… Son vécu se trans­forme, au fil des cha­pitres, en une expé­rience poli­tique, poé­tique, théo­rique et spi­ri­tuelle. Elle y déploie la conscience de la « Nouvelle Métisse » et inter­roge : « Qu’a‑t-elle héri­té exac­te­ment de ses ancêtres ? Ce poids sur son dos — quel est le bagage de la mère indienne, le bagage du père espa­gnol, celui de l’Anglo ? » Il est dif­fi­cile, pour­suit-elle, de faire la dif­fé­rence entre ce dont on hérite, les acquis et ce qui a été impo­sé par la force. « Elle met l’Histoire dans le tamis, elle trie et elle jette les men­songes, elle regarde les forces […]. Cette mesure est une rup­ture consciente avec toutes les tra­di­tions oppres­sives de toutes les cultures et reli­gions. Elle fait connaître cette rup­ture, elle pro­duit des traces de la lutte. Elle réin­ter­prète l’Histoire et, avec de nou­veaux sym­boles, elle forme de nou­veaux mythes. » Anzaldúa invite à une alliance entre les per­sonnes de cou­leur, les femmes et les queers — un terme qu’elle pri­vi­lé­gie à « les­bienne » et « gay ». « Il y a une rai­son pour laquelle le mes­ti­zo [métis] et le queer existent à ce moment de l’Histoire et à cet endroit du conti­nuum de l’évolution », avance-t-elle. « Nous sommes un mélange qui prouve que le sang ne consti­tue qu’une même trame. »

[Maya Mihindou]

Être en per­ma­nence en état de tra­duc­tion d’un monde à l’autre ; sen­tir en soi la trans­for­ma­tion et le deuil induit par ce mou­ve­ment, mais aus­si l’obsession de construire des cadres neufs, celle des siècles à répa­rer, d’un dénoue­ment ima­gi­naire ; appar­te­nir à la « com­mu­nau­té des ébran­lés17 » : autant de rêves qu’Anzaldúa assume d’endosser en sa qua­li­té de média­trice. « Le corps de la métisse est une inter­sec­tion. Elle est pas­sée du sta­tut de chèvre sacri­fi­cielle à celui de prê­tresse offi­ciant à la croi­sée des che­mins. » En poli­ti­sant le métis­sage, elle entend faire des inter­stices exis­tants de plus larges ter­ri­toires où habi­ter et lut­ter. Son Mundo Zurdo invite à rem­pla­cer le deuil par l’utopie. Une manière d’acter que les des­cen­dants de la colo­ni­sa­tion et de l’esclavage se trouvent désor­mais au fon­de­ment de ques­tion­ne­ments qui remettent en pers­pec­tive les lieux de savoir. « Vivre entre les cultures conduit à voir dou­ble­ment, d’abord du point de vue d’une culture, puis de celui d’une autre. Voir de deux ou plu­sieurs pers­pec­tives rend ces cultures trans­pa­rentes. Retiré du centre, vous aper­ce­vez la mer dans laquelle vous avez été immer­gé mais dont vous étiez incons­cient, ne voyant plus le monde de la façon dont vous étiez condi­tion­né pour le voir. »

« Une manière d’acter que les des­cen­dants de la colo­ni­sa­tion et de l’esclavage se trouvent désor­mais au fon­de­ment de ques­tion­ne­ments qui remettent en pers­pec­tive les lieux de savoir. »

La métisse, « prise dans le feu croi­sé des camps enne­mis » tan­dis qu’elle porte « les cinq races sur [s]on dos », nage dans ce nou­vel élé­ment « extra­ter­restre » où la race n’est plus glo­ri­fiée, ni la sexua­li­té ou le genre : elle est en capa­ci­té de se trans­for­mer, tou­jours, à par­tir de nou­velles don­nées ; elle s’éloigne des anciennes dicho­to­mies « racines de la vio­lence », de l’injonction à la traî­trise comme à celle du culte de l’État-nation. « La Nouvelle Mestiza s’en sort en déve­lop­pant une tolé­rance pour les contra­dic­tions, une tolé­rance pour l’ambiguïté. » C’est qu’il importe avant tout de ne pas aban­don­ner le regard du ser­pent, près du sol, ni la dis­tance de l’aigle : « La rigi­di­té signi­fie la mort ».

Be a crossroads

Un temps, Gloria Anzaldúa envi­sage d’être artiste. Mais l’écriture est son centre autant qu’« un pro­ces­sus dou­lou­reux », nous raconte l’u­ni­ver­si­taire Camille Back, spé­cia­liste de l’écrivaine. Un déchi­re­ment, avoue l’intéressée. « C’est comme si on tra­vaillait quelque chose en moi. L’écriture essaie de mettre en ordre cer­taines expé­riences, mais avant de pou­voir les mettre en ordre, elle doit me démon­ter. Quand j’écris, j’ai l’impression d’être celle qui est démem­brée et remem­brée. » Écrire pour se reti­rer du regard et du joug du domi­nant, pour déco­lo­ni­ser, pour intro­duire dans l’être, dirait Fanon, « un rythme propre, appor­té par les nou­veaux hommes, un nou­veau lan­gage, une nou­velle huma­ni­té ». Et pous­ser les murs et col­lec­ter les traces de l’Histoire à l’écart des monu­ments des vainqueurs.

[Maya Mihindou]

Si l’université l’a ouverte aux études fémi­nistes et l’a connec­tée à la jeu­nesse queer de l’époque, elle a éga­le­ment été pour elle un lieu de frus­tra­tion, comme étu­diante puis ensei­gnante. Ses tra­vaux, for­mel­le­ment peu conven­tion­nels, s’y virent déni­grés. Elle y affron­ta deux réa­li­tés contra­dic­toires : l’invisibilité des Chicanas et l’absorption de leurs savoirs par les fémi­nistes de la classe moyenne et les his­to­riens. Anzaldúa s’y sen­tit muse­lée. « Il arri­vait que nous soyons seule­ment deux Chicanas à l’université. Cela m’a for­cée à me défi­nir clai­re­ment afin que ça ne soit pas des fémi­nistes blanches qui le fassent. » En ces hauts lieux de la connais­sance, elle empor­ta avec elle ses com­mu­nau­tés, y impo­sa son bagage lin­guis­tique en recou­rant au code-swit­ching18 pra­ti­qué par les Latinos et les Chicanos. C’est que, sor­tie de sa condi­tion ouvrière, il lui impor­tait de créer des res­sources pou­vant éga­le­ment s’adresser aux siens : elle refuse de sacri­fier sa langue sen­sible au pro­fit de la langue intel­lec­tuelle et neutre que serait, alors, l’anglais.

« Les Chican@s doivent recon­naître les contri­bu­tions poli­tiques et artis­tiques de leurs queers. Écoute, peuple, ce que dit ta jotería (ce que disent tes pédés !) »

Le corps d’une femme brune ou d’une femme noire entrant à l’université dans les années 1960 et 1970 n’a rien d’anodin. Ce sont des corps sans archives, des alté­ri­tés mar­quées par des réa­li­tés mémo­rielles qui ne se nomment pas encore dans ces espaces à majo­ri­té mas­cu­line et blanche. Et quand elles le sont, nom­mées, on en refuse la com­plexi­té ou la méthode. « Ils/elles occupent l’espace théo­rique et, bien que leurs théo­ries visent à don­ner des pos­si­bi­li­tés de s’émanciper, bien sou­vent elles désem­puis­santent et néo­co­lo­nisent. […] Leurs théo­ries limitent la manière dont nous envi­sa­geons le fait d’être queer11 » Tout se bous­cule, alors, pour celles et ceux que l’Histoire a cari­ca­tu­rés, niés et bâillon­nés : la néces­si­té se fait jour de nom­mer un sys­tème dans lequel on est immer­gé, de témoi­gner, d’échanger, de créer, de déplier les mémoires pour réécrire le pas­sé de manière cho­rale. Puis de fabri­quer des outils, de ravi­tailler la pro­duc­tion théorique.

Ainsi de l’auto­his­to­ria-teo­ria éla­bo­rée par Anzaldúa dans La Prieta puis dans Borderlands/La Frontera : The New Mestiza. Cette méthode emprunte au monde aca­dé­mique de quoi éri­ger une colonne ver­té­brale en pui­sant dans l’anthropologie, la socio­lo­gie, l’histoire et les études fémi­nistes, tout en y mêlant témoi­gnages, arts, poé­sie et mytho­lo­gie. Une « théo­rie dans la chair », avancent Camille Back et Paola Bacchetta19 : « créer une poli­tique née par néces­si­té11 », résu­mait Anzaldúa. Pour rendre com­pré­hen­sible un rap­port au monde éclai­ré par de mul­tiples soleils, éloi­gner les dis­cours qui glissent dans l’entonnoir des iden­ti­tés fixes. Laisser mon­ter à la sur­face les résis­tances : ce livre est une réponse à la sur­di­té du monde blanc et du mou­ve­ment chi­ca­no (« Les Chican@s doivent recon­naître les contri­bu­tions poli­tiques et artis­tiques de leurs queers. Écoute, peuple, ce que dit ta jotería (ce que disent tes pédés !) »).

[Maya Mihindou]

Face à une assem­blée, en mars 1993, la fémi­niste fait montre de luci­di­té : son tra­vail est per­çu par le milieu uni­ver­si­taire comme de la « sous-théo­rie » — alors que la pen­sée de Foucault, de Derrida ou de Butler serait de « haut niveau ». « Le fait d’être acces­sible n’est pas avan­ta­geux à l’université », iro­nise-t-elle au micro. Pourtant, elle aura lar­ge­ment contri­bué à faire entrer dans les lieux de savoir les théo­ri­sa­tions chi­ca­nas sur le mes­ti­zaje, d’un point de vue anti­co­lo­nial. Camille Back rap­pelle en sus que ses écrits reco­dant la ques­tion queer à l’aune de la Frontière, dès 1987, ont été pillés et silen­ciés par l’historiographie fémi­niste aca­dé­mique, à l’instar d’autres fémi­nistes de cou­leur. Il faut dire, pour­suit l’u­ni­ver­si­taire, que la dimen­sion spi­ri­tuelle de ses tra­vaux, sou­vent pas­sée sous le tapis ana­ly­tique, déran­geait l’institution.

Ma robe est suspendue là-bas

« La Frontera nous hante. Celle qui noue, hier comme aujourd’hui, les deux Amériques et dur­cit l’Europe fer­mée aux conti­nents qu’elle enva­hit naguère. »

« Pour écrire, elle avait besoin de rituels et de beau­coup de soli­tude. Elle dis­sé­mi­nait des petits objets dans les coins de sa mai­son : des petits ani­maux en terre, une paire de bottes en métal, une vir­gen de Guadalupe… », nous dévoile aujourd’hui Camille Back. La cher­cheure est par­tie à la ren­contre de cer­taines de ses connais­sances et a retrou­vé sa trace, post­hume, à la fron­tière mexi­ca­no-éta­su­nienne ; elle pu même rap­por­ter quelques textes non publiés. Les pes­ti­cides avaient tué l’un des chiens aimés de Gloria alors qu’elle était enfant. En 1992, à 50 ans, elle est diag­nos­ti­quée dia­bé­tique − une mala­die cer­tai­ne­ment liée à ces mêmes pro­duits. Elle dis­pa­raît en 2004, en Caroline du Nord, alors qu’elle achève son doc­to­rat : il lui sera accor­dé après sa mort. Ses der­nières années, elle les a vécues chi­che­ment — d’ateliers d’écriture en tickets de ration­ne­ment. Et les amis généreux.

« J’écris en com­mu­nau­té, même lorsque je suis assise seule dans ma chambre. » Écrire, comme l’exilée cubaine Ana Mendieta ne ces­sa de tra­cer les contours de son propre corps, en pleine nature, avec de la poudre à canon, en y met­tant du feu, de la glace, des fleurs et du sang.

Écrire, comme ne ces­sa de peindre l’artiste d’Europe et du Mexique aux sour­cils de cor­beau, Frida Kahlo, qui pei­gnait sa robe indi­gène au des­sus de New York ; et cette autre pein­ture : Las Dos Fridas, une femme en robe de mariée cor­se­tée fai­sant face à son double, en robe tehua­na, les jambes ouvertes, l’air pro­vo­quant. Toutes deux reliées par un cœur et par le sang. Gloria Anzaldúa est née quatre ans après ce tableau.

À l’heure des grands incen­dies et des iden­ti­tés qui se glacent, la Frontera nous hante. Celle qui noue, hier comme aujourd’hui, les deux Amériques et dur­cit l’Europe fer­mée aux conti­nents qu’elle enva­hit naguère. En 2006, alors que le gou­ver­ne­ment de George W. Bush bâtis­sait un mur de sépa­ra­tion d’avec le Mexique, Borderlands était cen­su­ré dans plu­sieurs éta­blis­se­ment de l’Arizona. Entre la haine iden­ti­taire du métis­sage, en vogue quinze ans plus tard, et sa célé­bra­tion libé­rale et publi­ci­taire, comme illu­soire contre-pied, ten­dons l’oreille : la métisse chi­ca­na, pat­lache, fille d’ouvriers et poé­tesse nous apprend à débor­der les « bles­sures sacrées » pour habi­ter son Mundo Zurdo.


L’autrice tient à remer­cier Camille Back, pour leurs échanges, du col­lec­tif Un cul, deux chaises. Ainsi que Françoise Vergès et Nadia Yala Kisukidi, dont les entre­tiens ont été dif­fu­sés sur le pré­sent site.
Illustration de ban­nière : Maya Mihindou
Photographie de vignette : Annie F. Valva


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  1. « Les auto­his­teo­rias sont des actes d’é­cri­ture de soi, d’en­co­dage de son exis­tence ain­si que de l’his­toire de son peuple. […] En tant qu’auteur·es, nous sommes des typo­graphes qui impri­mons les mar­quages des sub­jec­ti­vi­tés que nous avons-nous-mêmes créés sur les sur­faces des planches, de nos corps, en ajou­tant un revê­te­ment (un autre maté­riau) sur la sur­face tout comme nous aurions cou­su une parure sur un col­lier ; nous sommes des car­to­graphes qui car­to­gra­phions nos pay­sages colo­ni­sés tout en nous confron­tant à ce que Monique Wittig appelle la néces­si­té his­to­rique de nous consti­tuer en tant que sujets indi­vi­duels de notre his­toire. […] La réécri­ture, la ré-éla­bo­ra­tion des auto­his­teo­rias est une forme de résis­tance poli­tique néces­saire à la sur­vie de soi et de sa culture. » Gloria Anzaldúa, 1989.[]
  2. « La conscience de la Mestiza. Vers une nou­velle conscience », Les Cahiers du CEDREF, 18 | 2011, p. 75–96. Traduction de Paola Bacchetta et Jules Falquet.[]
  3. Chicano, au fémi­nin Chicana : étasunien·ne d’origine mexi­caine.[]
  4. C’est ain­si que les Chican@s dési­gnent les représentant·es de la culture blanche éta­su­nienne.[]
  5. Traduction de P. Bacchetta et J. Falquet.[][]
  6. Originaire de Californie et fils d’une famille mexi­caine, il est une figure syn­di­cale majeure de la lutte pay­sanne. Végétarien et chré­tien, il prô­nait la non-vio­lence comme méthode d’action.[]
  7. En 1967, en anglais et en espa­gnol.[]
  8. Ce par­ti chi­ca­no a vu le jour en 1970.[]
  9. Comprenant l’actuelle Californie, l’Utah, le Nouveau-Mexique et le Texas.[]
  10. La Police des fron­tières.[]
  11. Traduction de Camille Back.[][][]
  12. Dans les pages de son Introduction à une poli­tique du divers, en 1995.[]
  13. Carte de résident per­ma­nent aux États-Unis.[]
  14. Poétesse et dra­ma­turge fémi­niste chi­ca­na.[]
  15. Préface de This Bridge Called My Back, par Cherríe L. Moraga, tra­duc­tion de Diane Koch.[]
  16. Je trans­porte des explo­sifs, on les appelle des mots, intro­duc­tion de Jan Clausen, Cambourakis, 2019.[]
  17. Voir le livre Essais héré­tiques sur la phi­lo­so­phie de l’histoire de Jan Patočka, paru aux édi­tions Verdier en 1999.[]
  18. « La com­mu­ta­tion de codes de l’anglais vers l’espagnol cas­tillan, vers le dia­lecte nord-mexi­cain vers le tex-mex vers un soup­çon de náhuatl, vers un mélange de tous ces élé­ments, reflète ma langue, une nou­velle langue — la langue de la fron­tière. Ici, à la jonc­tion des cultures, les langues se pol­li­nisent. » Traduction de Camille Back.[]
  19. Reprenant le terme d’Anzaldúa et Moraga.[]

REBONDS

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☰ Lire la série de publi­ca­tions « Les iden­ti­tés de fron­tières de Gloria Anzaldúa », juin 2020
☰ Lire notre article « Audre Lorde : le savoir des oppri­mées », Hourya Bentouhami, mai 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Patrick Chamoiseau : « Il n’y a plus d’ailleurs », février 2019
☰ Lire notre tra­duc­tion « Femmes, noires et com­mu­nistes contre Wall Street — par Claudia Jones », décembre 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Eryn Wise : « Nous vivons un moment his­to­rique », décembre 2016


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Maya Mihindou

Illustratrice et autrice franco-gabonaise.

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