Quand les Young Patriots s’alliaient aux Black Panthers


Traduction inédite pour le site de Ballast

Chicago, 1969. Pour contrer le maire de la ville — un élu démo­crate homo­phobe qui répri­mait les oppo­sants à la guerre du Viêtnam et don­nait l’ordre d’abattre tout émeu­tier afro-amé­ri­cain —, faire face aux vio­lences poli­cières et œuvrer à l’émancipation quo­ti­dienne des classes popu­laires, une coor­di­na­tion inédite se mit en place : la Rainbow Coalition. Elle repo­sait prin­ci­pa­le­ment sur les Black Panthers, les Young Patriots et les Young Lords. Autrement dit, des Noirs, des Blancs et des Latinos alliés contre le sys­tème capi­ta­liste et raciste. Face à la menace que repré­sen­tait un tel mou­ve­ment, le pou­voir ne tar­da pas à répondre : le socia­liste Fred Hampton, ini­tia­teur de la Rainbow Coalition, était exé­cu­té quelques mois plus tard par le FBI et la police. Hy Thurman fut l’un des cofon­da­teurs de la Young Patriots Organization : ori­gi­naire du Tennessee et enfant d’une famille d’ouvriers agri­coles, il s’était ren­du à Chicago, ado­les­cent, dans l’espoir d’y trou­ver la « Terre pro­mise »… En 2020, il a publié ses sou­ve­nirs, Revolutionary Hillbilly. Dans cet entre­tien que nous tra­dui­sons, le mili­tant revient sur la nais­sance de la trop brève coa­li­tion « arc-en-ciel ».


Comment en êtes-vous venu à faire par­tie de l’organisation des Young Patriots ?

Je me suis d’abord impli­qué dans les Good Fellows, auprès des per­sonnes qui ont ensuite créé les Young Patriots. Mon frère, Tex, était l’un des lea­ders des Peace Makers, un gang de rue qui est deve­nu ensuite les Good Fellows, puis les Young Patriots — avant de faire par­tie, enfin, de la Rainbow Coalition. Nous avons fon­dé les Young Patriots en 1968, dans le quar­tier d’Uptown, à Chicago, pour aider à mettre fin aux diverses oppres­sions aux­quelles les rési­dents étaient confron­tés au quo­ti­dien. Et, aus­si, pour don­ner aux pauvres une voix afin de com­battre la machine oppres­sive de haine clas­siste et raciste du maire de l’époque, Richard J. Daley. La com­mu­nau­té d’Uptown était prin­ci­pa­le­ment com­po­sée de migrants blancs pauvres du Sud qui ont com­men­cé à migrer vers le Nord peu après la Seconde Guerre mon­diale afin de trou­ver du tra­vail et d’échapper aux griffes de la pau­vre­té, pour, fina­le­ment, se voir pris dans des condi­tions mons­trueuses — elles étaient, à plu­sieurs égards, pires que celles qu’ils avaient connues dans le Sud. D’après leurs esti­ma­tions, en dix ans, plus de 70 000 Sudistes ont fran­chi les portes d’Uptown. À un moment don­né, jusqu’à 40 000 d’entre eux ont essayé de s’y enra­ci­ner dans l’espoir de gagner leur vie.

Ça pour­rait sur­prendre cer­tains lec­teurs que la bru­ta­li­té poli­cière soit si répan­due dans un quar­tier blanc.

« Daley uti­li­sait la police comme son gang per­son­nel. Ils étaient auto­ri­sés à faire valoir leur propre inter­pré­ta­tion de la loi. »

Daley uti­li­sait la police comme son gang per­son­nel. Ils étaient auto­ri­sés à faire valoir leur propre inter­pré­ta­tion de la loi en même temps qu’ils exer­çaient leurs fonc­tions de police. Il sem­blait aus­si que tout poli­cier dont on iden­ti­fiait qu’il avait des com­por­te­ments de psy­cho­pathe, ou qu’il ne pou­vait s’intégrer dans les quar­tiers de la classe moyenne de la ville, était affec­té à Uptown, South et West Side, et dans les quar­tiers pauvres de Chicago, comme les quar­tiers lati­nos. Ils n’hésitaient pas à vous tirer des­sus, à vous tor­tu­rer ou à vous battre. Les femmes et les jeunes filles n’échappaient pas non plus à leur com­por­te­ment pervers.

[…] Avec trois autres per­sonnes de Good Fellows, dont une femme, nous avons été arrê­tés par une voi­ture de police de Chicago, avec trois hommes à bord. Nous avons dû sor­tir de notre véhi­cule. Après avoir véri­fié notre iden­ti­té, sans fouiller la voi­ture, le conduc­teur, Bobby McGinnis, a reçu l’ordre de s’asseoir sur le siège arrière de la voi­ture de patrouille tan­dis que le reste d’entre nous a été som­mé de res­ter dehors, dans le froid, où nous pou­vions être obser­vés. Les flics ont dit qu’ils avaient trou­vé un sac de pilules illé­gales dans notre voi­ture. Ils ont dit à Bobby qu’ils allaient « bai­ser la fille » ou que nous irions en pri­son pour pos­ses­sion de drogues, que la voi­ture serait sai­sie comme preuve. Nous avons pris la déci­sion d’essayer d’échapper aux flics et d’aller dans un quar­tier d’Uptown où on savait que d’autres Good Fellows trai­naient et se pré­pa­raient en vue d’une confron­ta­tion. Nous avons réus­si. Les flics nous ont dépas­sés alors que nous entrions dans un res­tau­rant local avec d’autres gars et filles du quar­tier. Ces inci­dents — sans par­ler des autres — avec les flics fas­cistes ont conduit les Peace Makers, JOIN [l’organisation Jobs or Income Now, ndlr] ain­si que d’autres groupes et indi­vi­dus à orga­ni­ser une marche en direc­tion du poste de police de Summerdale, contre la bru­ta­li­té et le meurtre. Deux jours plus tard, le frère d’un paci­fiste a été assas­si­né par les flics et le bureau de JOIN a fait l’objet d’une des­cente : des drogues y avaient été pla­cées pour jus­ti­fier cette action. Ce qui a conduit à l’arrestation de deux étu­diants de Students for a Democratic Society. C’est là que les Peace Makers ont chan­gé de nom pour deve­nir les Good Fellows, et qu’ils ont com­men­cé à se mettre au ser­vice de la communauté.

[Leaders du collectif anti-impérialiste The Weathermen à Chicago, 1969, durant les Days of Rage | David Fenton | Getty Images]

Les ins­ti­tu­tions du pou­voir à Chicago n’étaient donc pas très enthou­siastes à l’idée de rece­voir la sec­tion blanche de la dia­spo­ra sudiste ?

Je veux juste men­tion­ner un autre inci­dent démo­ra­li­sant que j’ai ren­con­tré et sou­li­gner la façon dont les Sudistes étaient per­çus par la police de Chicago. J’avais 17 ans. Je n’étais à Chicago que depuis deux semaines quand deux hommes dans une voi­ture de police m’ont arrê­té sur Sunnyside Avenue, dans Uptown. J’étais seul. Je mar­chais dans la rue quand ils se sont arrê­tés, m’ont menot­té et fait mon­ter à l’arrière de la voi­ture. L’un des poli­ciers a dit qu’il y avait eu beau­coup de cam­brio­lages dans le quar­tier et m’a deman­dé si j’en savais quelque chose et si je pos­sé­dais des outils de cam­brio­lage. Ils ont enten­du mon très fort accent du Sud après que j’ai nié toute connais­sance de ces faits et dit n’avoir aucun outil. Un des flics a dit : « Pas un autre stu­pide péque­naud. Pourquoi vous ne retour­nez pas dans le Sud bai­ser votre mère, vos sœurs, vos cou­sins ou vos chiens, ou tout ce que vous bai­sez là-bas ? Restez en dehors de Chicago. Maintenant, dégage de ma voi­ture. Si je te revois, je ne serai pas aus­si poli. » L’un d’entre eux m’a déta­ché les menottes, face contre terre, les genoux dans le dos, tan­dis que l’autre se tenait debout avec un pied sur le côté de mon visage. Ce ne sont là que deux exemples du com­por­te­ment de la police. Des détails ont été écrits sur d’autres actes per­fides. Les meurtres, les extor­sions, les vols et les innom­brables actes de vio­lence étaient mon­naie cou­rante. Plusieurs membres des Peacemakers et des Good Fellows ont été assas­si­nés par les flics de Chicago.

« Ça n’a pas aidé les migrants du Sud, en matière de tra­vail, à obte­nir des emplois décents. Ça a créé les condi­tions de la haine de classe. »

Le chô­mage, les condi­tions de vie dans les tau­dis, la dis­cri­mi­na­tion en matière de loge­ment, la réno­va­tion urbaine, la haine de classe, le racisme, le manque de soins de san­té, la mal­nu­tri­tion, les taux éle­vés de mor­ta­li­té infan­tile, la mala­die et la pau­vre­té avaient tous une emprise sur les pauvres d’Uptown. C’était un cloaque de misère pour beau­coup. Au début des années 1960, le Chicago Tribune a publié une série d’articles avi­lis­sant et dia­bo­li­sant les migrants blancs du Sud. Ils étaient décrits comme un « essaim de sau­te­relles » des­cen­dant sur la ville armés de leur tem­pé­ra­ment violent, de leur igno­rance, de leur manque d’éducation et de leur com­por­te­ment inces­tueux, prompts à se battre pour un rien. Ça n’a pas aidé les migrants du Sud, en matière de tra­vail, à obte­nir des emplois décents. Ça a créé les condi­tions de la haine de classe.

Ceci ne va-t-il pas à l’encontre de la per­cep­tion com­mune selon laquelle les choses allaient plu­tôt bien pour tous les Blancs de la classe ouvrière, dans le monde du tra­vail de l’après-guerre ?

Selon un livre écrit par Roger Guy, inti­tu­lé From Diversity to Unity, le taux de chô­mage à Uptown à la fin des années 1960 était de 47 %. Et la popu­la­tion migrante du Sud dépas­sait le nombre d’emplois stables de Chicago. Ceux qui trou­vaient du tra­vail se fai­saient géné­ra­le­ment embau­cher par des agences de tra­vail jour­na­lier. Elles étaient pri­vées et fonc­tion­naient comme les agences d’intérim, à la dif­fé­rence que les agences de tra­vail jour­na­lier n’offraient pas la pos­si­bi­li­té d’un emploi à temps plein et qu’elles payaient moins que le salaire mini­mum. J’y ai tra­vaillé quelques fois. J’étais tou­jours affec­té aux tâches les plus subal­ternes, comme balayer le sol ou accom­plir celles qui pré­sen­taient un risque éle­vé de bles­sures. Des tâches pénibles, comme le char­ge­ment et le déchar­ge­ment des camions. Le soir de mon deuxième jour, lorsque je suis retour­né à l’agence des tra­vailleurs jour­na­liers, un employé m’a fait entrer dans son bureau. Il m’a dit que comme j’étais nou­veau, je ne connais­sais pas la pro­cé­dure de paie­ment des tra­vailleurs. Il a ajou­té que j’étais res­pon­sable du paie­ment du trans­port vers et depuis le chan­tier. Ce ser­vice était annon­cé comme gra­tuit pour les entre­prises qui fai­saient appel aux ser­vices de l’agence de tra­vail jour­na­lier. C’était moi qui étais res­pon­sable des frais de trans­port : 20 % de mes gains allaient donc être déduits de mon salaire. Il a dit qu’ils nous fai­saient une faveur en nous choi­sis­sant pour tra­vailler et que nous devions leur en être recon­nais­sants. Il a dit que cet accord était la condi­tion pour être choi­si pour tra­vailler chaque jour. Comme je n’avais per­sonne auprès de qui me plaindre, j’ai déci­dé de mettre fin à ma col­la­bo­ra­tion avec eux et de cher­cher d’autres moyens de gagner ma vie. Il a quand même rete­nu 20 % de mon salaire pour les deux jours de travail.

[Richard J. Daley (à droite) en campagne pour Jimmy Carter, 1976| Library of Congress, Washington, D.C.]

Ça a main­te­nu beau­coup de gens dans une pau­vre­té constante. Beaucoup ont été pous­sés à vendre leur sang. À Uptown et dans de nom­breux quar­tiers pauvres, les banques de sang ou les maga­sins étaient situés tout près des agences de tra­vail jour­na­lier. Lorsque les indi­vi­dus et les familles ne pou­vaient pas trou­ver d’emploi ou avaient besoin de com­plé­ter leur salaire ou leur aide sociale, ils n’avaient d’autre choix que de vendre leur sang, de se tour­ner vers le crime, la pros­ti­tu­tion ou vers d’autres moyens illé­gaux. Mais pour ceux qui arri­vaient du Sud avec des mala­dies comme celle dite du pou­mon noir, la tuber­cu­lose ou le satur­nisme et un cer­tain nombre de mala­dies phy­siques, ce n’était pas une option. Ils étaient trop malades pour tra­vailler et devaient comp­ter sur l’aide du gou­ver­ne­ment, qui n’était pas énorme. J’ai dû rava­ler ma fier­té plu­sieurs fois et vendre mon sang pour survivre.

Les habi­tants d’Uptown avaient aus­si un autre pro­blème à gérer : les pro­jets de réno­va­tion urbaine qui détrui­saient les quar­tiers noirs et latinos.

« En plus de la bru­ta­li­té poli­cière, la réno­va­tion urbaine a été un fac­teur impor­tant de mon impli­ca­tion dans l’organisation d’Uptown. »

La dis­cri­mi­na­tion en matière de loge­ment et la réno­va­tion urbaine ont joué un rôle majeur dans mon impli­ca­tion dans les Young Patriots. Une par­tie d’Uptown était un bidon­ville. C’est là que les pauvres étaient obli­gés de vivre, exploi­tés par des pro­prié­taires absents qui per­ce­vaient les loyers mais qui refu­saient de réno­ver leurs pro­prié­tés. La pein­ture à base de plomb a contri­bué à l’intoxication de nom­breuses per­sonnes ou a dété­rio­ré l’état de celles qui y avaient déjà été expo­sées dans le Sud, en rai­son de l’exploitation minière à ciel ouvert, qui pol­luait l’eau potable et les cours d’eau. Les enfants étaient obli­gés d’emprunter des rues recou­vertes de verre et d’autres débris. Les voi­tures aban­don­nées et les ordures jon­chaient les rues. Les ser­vices muni­ci­paux igno­raient la région alors que dans les zones plus pros­pères, la pro­pre­té était pré­ser­vée. Selon les sta­tis­tiques com­pi­lées par le Southern Cultural Exchange Center, Uptown avait le taux de mor­ta­li­té infan­tile le plus éle­vé de tous les quar­tiers de Chicago. Les ser­vices de san­té étaient inexis­tants et les hôpi­taux refu­saient de ser­vir les per­sonnes sans assurance.

En plus de la bru­ta­li­té poli­cière, la réno­va­tion urbaine a été un fac­teur impor­tant de mon impli­ca­tion dans l’organisation d’Uptown. Uptown a été dési­gné comme une zone de réno­va­tion et une uni­ver­si­té devait être construite là où vivait la majo­ri­té des Blancs du Sud. La ville n’avait pas l’intention de relo­ger les rési­dents. Le maire Daley a lui-même choi­si le comi­té, com­po­sé de pro­prié­taires fon­ciers et de chefs d’entreprise, pour super­vi­ser tous les plans de réno­va­tion urbaine : ça n’incluait aucun résident pauvre. Trente-huit hommes, femmes, enfants et han­di­ca­pés phy­siques pauvres ont été assas­si­nés par le feu lorsque les pro­prié­taires des bidon­villes ont enga­gé des per­sonnes pour incen­dier les bâti­ments afin de for­cer les rési­dents à par­tir. Aucune charge ou pour­suite n’a été enga­gée contre qui que ce soit. Le rap­port indique éga­le­ment que le chan­ce­lier du City College, Oscar Chabot, a convain­cu trois de ses amis d’acheter des ter­rains et des bâti­ments sur le site dési­gné pour pou­voir les brû­ler ou les démo­lir afin de tou­cher l’assurance et, ensuite, vendre le ter­rain à la ville de Chicago avec un béné­fice considérable.

[Travailleurs du bâtiment à New York, mai 1970 | Neal Boenzi | The New York Times

Y a-t-il eu beau­coup de résis­tance ou les gens ont-ils sim­ple­ment déménagé ?

En nous joi­gnant à la l’Uptown Area Planning Coalition, nous avons pu pré­sen­ter une alter­na­tive au site pro­po­sé pour l’université. Chuck Geary, un migrant du Kentucky, a mené le com­bat avec notre sou­tien. Nous avons appe­lé ce pro­jet le Hank Williams Village, qui était une réplique d’une ville du Sud avec ses propres ser­vices, sa police et son gou­ver­ne­ment. Les bâti­ments inha­bi­tables seraient rem­pla­cés par de nou­velles struc­tures et ceux qui pour­raient être sau­vés seraient réno­vés et, éven­tuel­le­ment, pro­po­sés à l’achat aux rési­dents pauvres. Un hôtel serait construit pour les nou­veaux arri­vants et des ser­vices d’aide et d’emploi seraient four­nis jusqu’à ce qu’ils puissent deve­nir indé­pen­dants et trou­ver leur propre loge­ment. Après que les Young Patriots ont pris la direc­tion du comi­té, la pro­po­si­tion a été accep­tée à condi­tion que nous puis­sions obte­nir un financement.

« Du fait de notre connais­sance sans cesse crois­sante du socia­lisme, nous vou­lions un nom qui serait recon­nu et faci­le­ment explicable. »

[…] Entre 1966 et les der­niers mois de 1968, l’ambiance était infer­nale dans les rues d’Uptown. De nom­breux paci­fistes ain­si que le col­lec­tif Good Fellows ont été for­cés par les flics de quit­ter Chicago, ont été tués ou enga­gés dans la guerre du Viêtnam. Il ne res­tait plus que quelques Good Fellows. Bobby McGinnis, June Bug Boykin et moi-même avons assu­mé les postes de direc­tion et avons com­men­cé à recru­ter d’autres membres. Nous avons éga­le­ment déci­dé de chan­ger de nom pour deve­nir les Young Patriots, car nous avions le sen­ti­ment que les Patriots pro­té­geaient et se bat­taient pour leur peuple. Du fait de notre connais­sance sans cesse crois­sante du socia­lisme, nous vou­lions un nom qui serait recon­nu et faci­le­ment expli­cable — et, dans le même temps, nous éloi­gner du nom de Good Fellow qui était asso­cié au crime. Même si nous aimions tou­jours être asso­ciés au côté bad ass des Good Fellows : un groupe avec lequel il ne fal­lait pas déconner.

En 1968, et même pen­dant une bonne par­tie de l’année 1966, nous avons com­men­cé à inten­si­fier notre tra­vail à Uptown. Nous sommes deve­nus plus bruyants et mili­tants dans notre approche de l’opposition aux pro­grammes capi­ta­listes et fas­cistes de l’administration Daley. Nous avons exi­gé une voix et l’autodétermination pour le quar­tier d’Uptown. Nous avons rejoint d’autres orga­ni­sa­tions pour com­battre le sys­tème cor­rom­pu qui contrô­lait notre vie quo­ti­dienne. Nous avons exi­gé des soins de san­té adé­quats, des loge­ments décents, la fin de la bru­ta­li­té poli­cière, du racisme, de la haine de classe et nous avons exi­gé d’être res­pec­tés et enten­dus. Nous avons exi­gé de sié­ger dans tous les comi­tés qui déter­mi­naient notre sort. Nous avons pris d’assaut les réunions de pla­ni­fi­ca­tion de la réno­va­tion urbaine, nous avons fait entendre notre voix et la vision des Young Patriots arri­vant aux réunions a fait peur à beau­coup de per­sonnes que Daley avait nom­mées. Nous por­tions des blou­sons de cuir et un dra­peau confé­dé­ré1 avec des badges Huey [cofon­da­teur du Black Panther Party, ndlr], des badges Black Panther et un badge repré­sen­tant chaque cou­leur de chaque race. Nous avons adop­té le slo­gan de la police de Chicago — « Nous ser­vons et pro­té­geons » — parce qu’elle était inca­pable de faire l’un ou l’autre pour les pauvres. On nous crai­gnait, mais on était éga­le­ment détes­tés par les flics et l’administration Daley. Ce que nous igno­rions, c’est que les Black Panthers et les Young Lords nous obser­vaient de près.

[Huey P. Newton au Boston College, 1970 | Jeff Albertson]

Votre orga­ni­sa­tion a fait alliance avec les Panther et les Lords : la Rainbow Coalition originelle.

Le 4 avril 1969, jour du pre­mier anni­ver­saire de l’assassinat de Martin Luther King, Fred Hampton, Bobby Rush et Bobby Lee, du Black Panther Party de l’Illinois, ont invi­té les Young Patriots à se joindre à eux et aux Young Lords, un ancien gang de rue por­to­ri­cain, pour for­mer la pre­mière coa­li­tion « arc-en-ciel » de soli­da­ri­té révo­lu­tion­naire. Les Black Panthers étaient au fait de notre enga­ge­ment en faveur du mou­ve­ment pour l’égalité raciale grâce à la par­ti­ci­pa­tion des Good Fellows, ain­si que d’autres orga­ni­sa­tions pauvres, à la cam­pagne pré­si­den­tielle Eldridge Cleaver – Peggy Terry, en 1966. Peggy Terry, une femme blanche pauvre et orga­ni­sa­trice com­mu­nau­taire2 qui vivait à Uptown, a été choi­sie pour être la par­te­naire de bul­le­tin d’Eldridge Cleaver [figure du Black Panther Party : il devien­dra, plus tard, un mili­tant répu­bli­cain, ndlr], can­di­date à la vice-pré­si­dence de Peace and Freedom, contre le gou­ver­neur de l’Alabama, en rai­son de ses convic­tions racistes et supré­ma­tistes. La cam­pagne vou­lait éga­le­ment mon­trer que les Noirs et les Blancs pauvres pou­vaient s’unir dans la soli­da­ri­té. Les trois groupes se sont mis d’accord pour qu’aucune orga­ni­sa­tion ne contrôle la coa­li­tion. Chaque orga­ni­sa­tion contrô­le­rait sa com­mu­nau­té et lut­te­rait pour l’autodétermination. Les trois groupes ont décla­ré que dans la ville la plus ségré­guée des États-Unis, il était pos­sible que toutes les races tra­vaillent ensemble. Nous nous ras­sem­ble­rions par soli­da­ri­té pour sou­te­nir nos pro­grammes res­pec­tifs et défier l’administration Daley. Nous nous uni­rions dans des mani­fes­ta­tions et nous nous tien­drions côte à côte pour vaincre le racisme et le fas­cisme. Nous avons accep­té de par­ti­ci­per à leur ser­vice de sécu­ri­té en nous tenant à leurs côtés lors de nom­breuses manifestations.

À cause de votre tra­vail au sein de la Rainbow Coalition, vous avez été har­ce­lé pen­dant de nom­breuses années par le gou­ver­ne­ment. Pourquoi la Rainbow Coalition a-t-elle fait à ce point peur aux pou­voirs en place ?

« Je crois fer­me­ment que le modèle Rainbow peut être uti­li­sé aujourd’hui encore, s’il est orga­ni­sé efficacement. »

Je pense qu’une grande par­tie de la peur a été géné­rée par la façon dont les gou­ver­ne­ments fédé­ral et local consi­dé­raient les Black Panthers et le fait que nous sor­tions des rôles qui nous étaient assi­gnés dans la socié­té. Le len­de­main du jour où nous avons cimen­té notre soli­da­ri­té de fra­ter­ni­té révo­lu­tion­naire, le FBI et son pro­gramme illé­gal COINTELPRO ont com­men­cé à sur­veiller les Young Patriots. Ils étaient déjà au cou­rant de notre exis­tence, car la Red Squad3 de la police de Chicago recueillait des infor­ma­tions sur les Good Fellows et les Young Patriots depuis des années. Ils nous sur­veillaient en grande par­tie parce que le maire Daley crai­gnait que la Rainbow Coalition par­vienne véri­ta­ble­ment à affai­blir son pouvoir.

Des docu­ments du FBI, qui avaient été scel­lés après l’intervention de celui-ci et de la police de Chicago, indiquent clai­re­ment que les Black Panthers repré­sen­taient pour le FBI la menace numé­ro un pour la sécu­ri­té natio­nale, et que le Black Panther Party avait recru­té d’autres orga­ni­sa­tions aux vues simi­laires. Le mémo du FBI de Chicago à J. Edgar Hoover [pre­mier direc­teur du FBI, ndlr] iden­ti­fie deux autres orga­ni­sa­tions dan­ge­reuses : les Young Lords et les Young Patriots. Hoover déclare dans un autre mémo qu’il y a un mes­sie en deve­nir à Chicago, et qu’il doit être éli­mi­né — tous les membres de la coa­li­tion pen­saient qu’il s’agissait de Fred Hampton. Je crois que si la Rainbow Coalition avait conti­nué, elle aurait été une force majeure à Chicago : elle aurait uni des mil­liers de pauvres qui se bat­taient habi­tuel­le­ment les uns contre les autres ou s’évitaient. Un modèle pour s’organiser et gagner du pou­voir à Chicago et dans le reste du pays. Daley et Hoover n’étaient pas prêts à lais­ser ça se pro­duire. Les étu­diants qui pro­tes­taient étaient faciles à trou­ver mais les com­mu­nau­tés pauvres qui s’unissaient, en par­ti­cu­lier les Blancs pauvres qui se liaient à d’autres groupes raciaux et mino­ri­taires prê­chant le chan­ge­ment révo­lu­tion­naire et le socia­lisme, consti­tuaient, elles, une menace majeure. La coa­li­tion devait être contrô­lée ou détruite. Je crois fer­me­ment que le modèle Rainbow peut être uti­li­sé aujourd’hui encore, s’il est orga­ni­sé efficacement.

[La Rainbow Coalition à Chicago | José Cha-Cha Jiménez]

Qu’aviez-vous à l’esprit en choi­sis­sant le dra­peau confé­dé­ré comme sym­bole ? À la lumière des contro­verses sur le dra­peau confé­dé­ré de l’année der­nière4, recom­man­de­riez-vous d’essayer de le « récu­pé­rer », dans l’esprit de la rébel­lion multiraciale ?

Dans les années 1960, à Uptown et dans le Sud, le dra­peau confé­dé­ré « rebelle » se trou­vait dans la plu­part des bars, sur les auto­col­lants de pare-chocs, les vête­ments et à bien d’autres endroits. Il était tel­le­ment pré­sent qu’il en était presque invi­sible. De nom­breux Sudistes ne le consi­dé­raient pas comme un sym­bole de racisme asso­cié à l’esclavage, mais comme un sym­bole de la « guerre d’agression du Nord ». Les Sudistes, à l’époque comme aujourd’hui, asso­cient le dra­peau au fait d’être un rebelle. Rebelle non pas dans le sens de sol­dat confé­dé­ré, mais plu­tôt dans celui de dur à cuire, de rebelle à l’autorité. Nous vou­lions par­ler aux Blancs pauvres des condi­tions de vie à Uptown et essayer de les impli­quer dans les Young Patriots afin d’améliorer leur sort. De nom­breuses approches pro­po­sées pour enta­mer un dia­logue : musique coun­try, dis­cours sur les bru­ta­li­tés poli­cière, sexe, etc. Mais les sym­boles uni­ver­sels aux­quels ils pou­vaient tous s’identifier étaient le dra­peau amé­ri­cain et le dra­peau confé­dé­ré. Sachant que le dra­peau amé­ri­cain ne sus­ci­te­rait pas beau­coup de remous, on s’est tour­nés vers le dra­peau rebelle. Nous savions qu’il n’y avait que quelques Noirs qui vivaient à Uptown. Nous comp­tions les res­pec­ter en essayant de cou­vrir le dra­peau lorsque nous les ver­rions. Quelques Noirs actifs à Uptown pen­saient que si c’était ce qu’il fal­lait pour atteindre les Blancs, et sachant que nous ne l’utilisions pas comme un sym­bole raciste, ils pou­vaient consi­dé­rer que c’était une bonne façon de l’utiliser.

« Nous expli­quions les objec­tifs des Young Patriots et le fait que tous les pauvres ont la même pauvreté. »

Lorsque nous por­tions le dra­peau rebelle, nous pla­cions autour du dra­peau un badge « Free Huey », un badge Black Panther et un badge arc-en-ciel. Certains avaient le dra­peau bro­dé sur le dos de leur veste et d’autres sur leur béret. Ça a sus­ci­té de nom­breuses dis­cus­sions. Pas tant sur le dra­peau que sur les badges. Nous expli­quions alors les objec­tifs des Young Patriots et le fait que tous les pauvres ont la même pau­vre­té. Que les pauvres noirs, lati­nos, indiens d’Amérique et asia­tiques sont tous exploi­tés et main­te­nus dans la pau­vre­té par le sys­tème capi­ta­liste. Après avoir ain­si bri­sé la glace, nous avons pu connaître leurs besoins et leur appor­ter de l’aide. Beaucoup ont été sur­pris d’apprendre que le Black Panther Party a joué un rôle majeur dans l’obtention de per­son­nel médi­cal et d’équipement pour la cli­nique de san­té Young Patriot, et qu’il a four­ni de la nour­ri­ture aux enfants avant qu’ils n’aillent à l’école. Nous nous sommes tenus au coude à coude avec le ser­vice de sécu­ri­té des Panthers en por­tant notre dra­peau. Avec le dra­peau confé­dé­ré entou­ré par « Free Huey », les Black Panthers et la Coalition, nous fai­sions une décla­ra­tion au maire Daley : « Fuck You ! Tu ne vas pas nous sépa­rer plus long­temps ». Son plan raciste et répres­sif a échoué.

En gran­dis­sant poli­ti­que­ment et en ayant de la consi­dé­ra­tion pour les Black Panthers et les Young Lords, nous avons com­pris qu’il n’y avait pas de place dans le mou­ve­ment ou dans le monde pour le dra­peau confé­dé­ré. Il sym­bo­lise une période où nos frères et sœurs noirs étaient de simples biens à vendre ou à détruire, à la conve­nance de l’homme blanc. Le dra­peau confé­dé­ré a été créé pour ser­vir de sym­bole aux pro­prié­taires des plan­ta­tions afin de per­pé­tuer la sla­vo­cra­tie. Je ne recom­man­de­rais pas son uti­li­sa­tion par quelque groupe ou per­sonne que ce soit. Je crois même qu’il devrait être détruit en hom­mage à ceux qui ont subi la dou­leur et l’angoisse pen­dant une période très sombre de notre histoire.

[Les Young Patriots et les Panthers à Chicago, en 1969 | Paul Sequeira | Getty Images]

Vous faites actuel­le­ment beau­coup d’efforts pour relan­cer l’organisation des Young Patriots. Pourquoi pen­sez-vous que ce soit nécessaire ?

Je crois que les Young Patriots sont néces­saires pour offrir aux Blancs un modèle auquel ils peuvent s’identifier. Si vous regar­dez le pays aujourd’hui, et que vous voyez tous les Blancs qui auraient tout inté­rêt à lut­ter pour amé­lio­rer leur vie, vous ver­rez qu’un petit pour­cen­tage seule­ment est très actif. Bien sûr, vous voyez plus de Blancs de la classe moyenne impli­qués dans des acti­vi­tés mili­tantes que de Blancs pauvres, car ils ont le luxe d’avoir du temps libre et des res­sources finan­cières. Mais cette classe moyenne dimi­nue en nombre sous l’effet du sys­tème capi­ta­liste, qui la détruit et fait bas­cu­ler ses membres dans la pau­vre­té. J’aimerais pou­voir dire qu’il existe une classe ouvrière dans ce pays — mais, même si c’était le cas, elle ne peut pas vivre des salaires qu’elle gagne. Chaque année, ses condi­tions finan­cières se dégradent davan­tage. Certains membres de la classe moyenne font la queue dans les banques ali­men­taires avec la classe pauvre. Mais regar­dez du côté des Blancs pauvres qui essaient de sur­vivre en gagnant moins que le salaire mini­mum : la plu­part d’entre eux doit avoir deux ou trois emplois et n’arrive pas à joindre les deux bouts ! Beaucoup aban­donnent l’espoir de chan­ger les choses car ils n’ont pas de modèle auquel s’identifier.

« Si des gens de gauche ont le temps de s’asseoir et d’écrire sur le fait que la classe ouvrière n’occupera plus jamais une place impor­tante dans les luttes pour la jus­tice sociale, alors c’est de la mas­tur­ba­tion intellectuelle. »

Les Young Patriots peuvent offrir un modèle aux Blancs en leur prou­vant qu’ils doivent se battre pour appor­ter des chan­ge­ments qui affectent posi­ti­ve­ment leur vie. Pas seule­ment une rhé­to­rique intel­lec­tuelle, mais un modèle qui a fonc­tion­né dans le pas­sé. Notre pro­gramme en sept points touche tous les domaines de leur vie. La Young Patriots Organization existe pour trou­ver, sou­te­nir, ins­pi­rer, offrir des res­sources, y com­pris des pro­grammes de sur­vie, et for­mer les rési­dents des com­mu­nau­tés pauvres et ouvrières, sans dis­tinc­tion de race, d’âge, de pré­fé­rence sexuelle, de sexe, afin qu’ils deviennent des lea­ders dans les prises de déci­sions qui affectent leur vie quo­ti­dienne, en s’appuyant sur le tra­vail de base effec­tué par la Rainbow Coalition et la Young Patriot Organization.

De nom­breux écrits de gauche affirment que les Blancs de la classe ouvrière ne joue­ront jamais un rôle impor­tant dans les luttes pour la jus­tice sociale. Cela vous rend-il les choses plus difficiles ?

Eh bien, tout d’abord, je pense que si les des gens de gauche ont le temps de s’asseoir et d’écrire sur le fait que la classe ouvrière n’occupera plus jamais une place impor­tante dans les luttes pour la jus­tice sociale, alors c’est de la mas­tur­ba­tion intel­lec­tuelle. Soit ils ne savent pas com­ment sor­tir et s’organiser, soit ils trouvent plus confor­table de res­ter assis sur leur cul et de décou­ra­ger ceux qui se battent pour chan­ger les choses. Non pas que je sois le meilleur orga­ni­sa­teur qui soit, mais je sais qu’il est très dif­fi­cile de voir les luttes des gens depuis une salle de classe. Les gens ordi­naires ne sau­raient pas, de toute façon, de quoi ils parlent. Ceux qui s’occupent de l’organisation au jour le jour laissent à leurs groupes intel­lec­tuels le soin de déter­mi­ner leur rôle à jouer dans la lutte.

Quelles luttes et formes d’organisation actuelles vous inspirent ?

Au niveau local, j’admire mes frères et sœurs de Chicago qui mènent les mêmes com­bats que la Rainbow Coalition ori­gi­nelle il y a cin­quante ans. Contre la bru­ta­li­té poli­cière, l’embourgeoisement, le mal-loge­ment, le racisme, les inéga­li­tés éco­no­miques, la réforme des pri­sons et la cor­rup­tion. Ce sont mes héros et je suis hono­ré de les connaître.


Traduit de l’anglais par la rédac­tion de Ballast | entre­tien mené par James Tracy en jan­vier 2016 : « Revolutionary Hillbilly: an interview with Hy Thurman of the Young Patriots Organization »


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  1. Le dra­peau confé­dé­ré a vu le jour en 1861, aux États-Unis : sym­bole popu­laire du Sud, il entend hono­rer son « mode de vie » dis­pa­ru et la lutte his­to­rique contre le Nord. Pour nombre d’Afro-Américains, il ren­voie en revanche à l’esclavage et au racisme.[]
  2. De com­mu­ni­ty orga­ni­zing. Aux États-Unis, les orga­ni­sa­teurs et orga­ni­sa­trices com­mu­nau­taires ont la charge des orga­ni­sa­tions popu­laires et citoyennes de quar­tier. Difficilement tra­dui­sible en fran­çais, ce sta­tut pour­rait s’apparenter à celui de la figure syn­di­cale.[]
  3. Les Red Squads étaient les uni­tés de ren­sei­gne­ment de la police spé­cia­li­sées dans l’infiltration et la col­lecte de ren­sei­gne­ments sur les groupes poli­tiques et sociaux aux États-Unis.[]
  4. En 2015, des appels au retrait des dra­peaux confé­dé­rés du parc Jefferson Davis (État de Washington) ont été lan­cés après la fusillade de l’église de Charleston.[]

REBONDS

☰ Lire notre article « Bob Lee, cofon­da­teur de la Rainbow Coalition », Jakobi E. Williams, jan­vier 2021
☰ Lire notre tra­duc­tion d’un entre­tien avec Kali Akuno : « Nous n’allons pas mou­rir pour les riches », novembre 2020
☰ Lire notre ren­contre entre Angela Davis et Assa Traoré, mai 2020
☰ Lire notre entre­tien avec Fatima Ouassak : « Banlieues et gilets jaunes par­tagent des ques­tions de vie ou de mort », juillet 2019
☰ Lire la ren­contre « Ce qui fait peur, c’est l’alliance », juin 2018
☰ Lire notre tra­duc­tion « Pour un monde socia­liste — Huey P. Newton (Black Panther Party) », décembre 2017


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