Éducation nationale : un sursaut nécessaire contre un programme autoritaire


Texte inédit | Ballast

Bien en amont de l’é­chéance élec­to­rale de 2027, c’est notam­ment par l’é­cole que l’ex­trême droite fait son entrée au gou­ver­ne­ment. Avec la réforme du « Choc des savoirs », le régime macro­niste ne se contente pas d’im­po­ser une méthode de tri social appli­quée à l’é­cole : il déve­loppe une vision pas­séiste et auto­ri­taire de la socié­té et de la jeu­nesse, qui emprunte fran­che­ment au pro­gramme du RN. Il semble urgent d’ob­ser­ver de près les mesures qui s’an­noncent à des­ti­na­tion de la jeu­nesse, afin de construire un large bloc d’op­po­si­tion et de résis­tance. ☰ Par Mara et Loez


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Quand Attal applique le programme de l’extrême droite pour l’éducation

« On fait bloc,
face au choc des savoirs, 
tu nous casses l’école, 
ensemble on la répare, 
on dit stop, aux casseurs en costard, 
la lutte c’est classe, 
provoque et tu vas voir. »

Lors d’une confé­rence de presse en décembre 2023  Gabriel Attal lance la réforme dite du « Choc des savoirs ». Son dis­cours est alar­miste : l’école fran­çaise serait en per­di­tion, le niveau des élèves dégrin­go­le­rait. Ce constat s’appuie sur les résul­tats aux tests PISA — dont on rap­pelle que la manière d’évaluer, par QCM, est très éloi­gnée de ce dont les éco­liers fran­çais ont l’habitude. Pour inver­ser la ten­dance, Attal annonce alors : « [p]our per­mettre à tous les élèves de pro­gres­ser dans des classes et des col­lèges hété­ro­gènes, une orga­ni­sa­tion en groupes de niveau sera mise en place à comp­ter de la ren­trée 2024 en mathé­ma­tiques et en fran­çais. »

Cité par le média d’extrême droite zem­mou­riste Livre noir, le dépu­té du Rassemblement natio­nal Roger Chudeau l’affirme : « Les mesures de Gabriel Attal peuvent se clas­ser en trois caté­go­ries : [l]es bonnes mesures sont à la ligne près celles qui sont conte­nues dans le pro­gramme pré­si­den­tiel 2022 de Marine Le Pen : groupes de niveau, redou­ble­ment, bre­vet des col­lèges trans­for­mé en exa­men de pas­sage en seconde, label­li­sa­tion des manuels sco­laires… J’ai donc féli­ci­té le Ministre pour sa capa­ci­té à se ser­vir d’un pho­to­co­pieur ! » Une petite erreur tou­te­fois : lors de la pré­si­den­tielle de 2022, c’est Éric Zemmour qui pro­pose de « mettre un terme au col­lège unique en ins­ti­tuant des classes de niveau […] afin de consti­tuer des groupes homo­gènes qui puissent pro­gres­ser au même rythme ».

« Le rôle de l’école dépasse le simple appren­tis­sage de notions, mais consiste aus­si à faire société. »

Si le terme « niveau » a depuis dis­pa­ru des textes offi­ciels, l’essence de la réforme n’a pas chan­gé — ce que confirment cinq anciens direc­teurs géné­raux de l’enseignement sco­laire (DGESCO), les numé­ros 2 du minis­tère, dans une tri­bune publiée dans Le Monde. Il s’agit bien de sépa­rer le bon grain de l’ivraie : d’un côté les élèves sco­lai­re­ment « faibles », pro­mis à un par­cours d’ap­pren­tis­sage des fon­da­men­taux peu diplô­mant et débou­chant sur une inser­tion pro­fes­sion­nelle rapide ; de l’autre, les élèves sco­lai­re­ment per­for­mants, que le ministre ima­gine tirés vers le bas dans les classes hété­ro­gènes — oubliant que le rôle de l’école dépasse le simple appren­tis­sage de notions, mais consiste aus­si à faire socié­té. Les quatre années du col­lège sont les der­nières où les enfants de divers milieux, diverses cultures, divers niveaux sco­laires se côtoient — une réa­li­té nuan­cée tou­te­fois par les pro­blèmes endé­miques de mixi­té sociale et de ségré­ga­tion sco­laire, les milieux les plus favo­ri­sés ayant ten­dance à faire séces­sion en se réfu­giant dans le privé.

Le tri social des enfants annon­cé par la réforme d’Attal a aus­si­tôt sus­ci­té un très fort rejet chez les per­son­nels de ter­rain de l’Éducation natio­nale. Les effets sur les élèves, sur leur image d’eux-mêmes et leur bien-être à l’école, seront néfastes à court et à moyen terme. Allant à l’encontre de la recherche scien­ti­fique qui pré­co­nise des groupes de besoin pro­vi­soires pour tra­vailler sur des notions pré­cises, le pro­jet de loi a même pous­sé à la démis­sion plu­sieurs membres du Conseil scien­ti­fique de l’Éducation natio­nale (CSEN), dépi­tés de voir le ministre n’en faire qu’à sa tête au mépris de tout avis infor­mé. La mise en place de groupes de niveau, syno­nyme de l’explosion du groupe classe pen­dant un tiers des ensei­gne­ments, aura aus­si des consé­quences chao­tiques sur l’organisation des emplois du temps et donc des inci­dences sur les condi­tions de tra­vail des élèves autant que des enseignants.

D’autres mesures du « Choc des savoirs » ont fait moins de bruit mais sont, elles aus­si, au pro­gramme de l’extrême droite. La label­li­sa­tion des manuels sco­laires au pri­maire, par exemple, signi­fie concrè­te­ment le contrôle et l’imposition par le gou­ver­ne­ment des sup­ports uti­li­sés pour l’enseignement. On ima­gine très vite les dérives pos­sibles d’une telle loi aux mains d’un pou­voir auto­ri­taire. La pos­si­bi­li­té pour les équipes d’imposer le redou­ble­ment d’un élève relève, elle, du popu­lisme. Là encore, les études scien­ti­fiques s’accordent sur l’effet néfaste du redou­ble­ment et le fait qu’il accen­tue les inéga­li­tés sociales. L’obtention du bre­vet pour entrer en seconde géné­rale, tech­no­lo­gique ou pro­fes­sion­nelle vient enfin confir­mer la volon­té gou­ver­ne­men­tale de pous­ser vers la sor­tie les élèves qui n’au­ront pas vali­dé les com­pé­tences exi­gées pour une pour­suite d’é­tudes, et ce dès 14 ans. Compétences qu’il sera très dif­fi­cile d’ac­qué­rir en étant posi­tion­né dès la 6ème dans le groupe des « faibles ». Autrement dit, cette mesure por­tée à la fois par Zemmour et Le Pen contri­bue­ra à éjec­ter plus vite les élèves en dif­fi­cul­té sco­laire du sys­tème édu­ca­tif pour les mettre sur le mar­ché de l’emploi sans qualification. 

Les collaborateurs zélés

Si les liens entre les pro­grammes d’extrême droite et les poli­tiques du régime macro­niste ont été lar­ge­ment mis au jour, peu d’analyses abordent en revanche la res­pon­sa­bi­li­té de celles et ceux qui par leur silence, par inté­rêt per­son­nel ou par peur, favo­risent la mise en place de ces réformes — et donc œuvrent à la bana­li­sa­tion de l’extrême droite. Malgré un large rejet des per­son­nels et des orga­ni­sa­tions civiles, expri­mé lors d’un vote una­nime contre la réforme le 8 février 2024 en Conseil supé­rieur de l’Éducation, les hauts fonc­tion­naires font du zèle.

« Depuis l’époque Blanquer, il sem­ble­rait que dans l’Éducation natio­nale, les canaux média­tiques aient rem­pla­cé le Journal offi­ciel. »

Ainsi, dès l’annonce faite par Attal lors de sa confé­rence de presse du 5 décembre 2023, et alors qu’aucun texte offi­ciel de cadrage n’était encore sor­ti, de nom­breux rec­teurs ont com­men­cé à faire plan­cher leurs équipes pour pré­pa­rer des répar­ti­tions des moyens d’enseignement (DHG) com­pa­tibles avec la réforme vou­lue par Attal. Toujours en l’ab­sence de textes offi­ciels, ces répar­ti­tions ont ensuite été trans­mises aux éta­blis­se­ments sco­laires pour la pré­pa­ra­tion de la ren­trée 2024. Le len­de­main des annonces télé­vi­sées de Macron, le 17 jan­vier 2024, Mostafa Fourar, rec­teur de l’académie de Toulouse, annon­çait par exemple à la presse locale la mise en place des groupes de niveau dans l’académie à la ren­trée 2024 — copiant les manières de ses supé­rieurs, il en infor­mait ain­si les équipes péda­go­giques. Depuis l’époque Blanquer, il sem­ble­rait que dans l’Éducation natio­nale, les canaux média­tiques aient rem­pla­cé le Journal offi­ciel. En paral­lèle, le fli­cage des ensei­gnants qui ont le mal­heur de s’opposer de façon trop visible s’intensifie.

Le rôle des hauts fonc­tion­naires dans la mise en place du fas­cisme n’est pas nou­veau. La pas­si­vi­té de ceux qui se sont réfu­giés der­rière leur obéis­sance aux ordres et l’ap­pui de hauts fonc­tion­naires tech­no­crates affi­chant leur mépris pour le sys­tème par­le­men­taire — les résis­tants sont res­tés l’exception —, ont per­mis au régime vichyste de déve­lop­per son appa­reil d’État. « La culture d’un fonc­tion­naire de l’é­poque est d’o­béir sans se poser de ques­tions » disait le haut fonc­tion­naire et his­to­rien Marc Oliver Baruch. Les temps ont-ils vrai­ment changé ?

Dans Mediapart, des jour­na­listes alertent : « de plus en plus de hauts fonc­tion­naires sont sen­sibles aux sirènes de l’extrême droite ». L’Éducation natio­nale n’y échappe pas, sur­tout depuis le pas­sage de Blanquer au minis­tère. L’ancien rec­teur de Paris, Philippe Kerrero, a par exemple sié­gé au conseil scien­ti­fique de l’Ifrap. Ce lob­by libé­ral qui milite pour la réduc­tion des effec­tifs de fonc­tion­naires illustre bien les liens entre libé­ra­lisme et extrême droite. Parmi ses fon­da­teurs se trouve Jean-Yves Le Gallou, membre du Front natio­nal puis du MNR et cofon­da­teur du Club de l’Horloge, un think-tank qui reven­dique « le mariage entre le libé­ra­lisme de la droite tra­di­tion­nelle avec le natio­na­lisme de l’extrême-droite ». Quant à Blanquer, il s’est illus­tré par ses croi­sades contre un pré­ten­du « isla­mo-gau­chisme » et ses liens avec les milieux catho­liques radicaux.

Les contre­maîtres du sys­tème édu­ca­tif — ins­pec­teurs, chefs d’établissement, direc­teurs d’école — sont les rouages essen­tiels de l’application des réformes. Le 22 jan­vier 2024, le SNPDEN, prin­ci­pal syn­di­cat des chefs d’établissement, écri­vait un cour­rier inédit et enflam­mé à la ministre Oudéa-Castera pour expli­quer son rejet de la réforme. Mais depuis son rem­pla­ce­ment par Nicole Belloubet et la dis­pa­ri­tion du mot « niveau », le syn­di­cat s’est dit ras­su­ré — vision pour le moins opti­miste. Si on a pu lire la tri­bune des cinq anciens DGESCO, la lettre d’une tren­taine de chefs d’établissement et quelques pro­tes­ta­tions d’inspecteurs syn­di­qués, force est d’ad­mettre que chez les contre­maîtres, l’heure n’est pas à la résis­tance active. Biberonnés au Nouveau mana­ge­ment public, sans doute ont-ils trop à perdre pour leur car­rière dans un sys­tème régi par l’individualisme. Pourtant, si toutes celles et ceux par­mi ces éche­lons inter­mé­diaires du pou­voir qui se disent contre la réforme rejoi­gnaient les tra­vailleurs de l’éducation dans la lutte et se met­taient en grève — ils en ont le droit — le retrait de la réforme ne serait sans doute qu’une affaire de jours.

« Les contre­maîtres du sys­tème édu­ca­tif — ins­pec­teurs, chefs d’établissement, direc­teurs d’école — sont les rouages essen­tiels de l’application des réformes. »

Le dis­cours selon lequel « nous ne trie­rons pas les élèves », ou le ren­voi vague à la recherche de solu­tions bri­co­lées à la ren­trée ne suf­fisent pas. Nombreux sont ceux qui, le doigt sur la cou­ture, se disent en désac­cord mais feront ce que leur hié­rar­chie leur deman­de­ra. On oublie sou­vent que le bas­cu­le­ment dans un régime auto­ri­taire n’est jamais sou­dain : il se fait de petit renon­ce­ment en petit renon­ce­ment, à force d’obéissance aveugle de « ser­vi­teurs de l’État ». Or, les renon­ce­ments com­mencent à s’accumuler.

De la maternelle au lycée, il « faudrait » privatiser

Dès son pre­mier man­dat, Macron avait annon­cé sa feuille de route : impo­ser le modèle du pri­vé à l’Éducation natio­nale, tout en conti­nuant à faire béné­fi­cier l’enseignement pri­vé sous contrat, qui porte une lourde res­pon­sa­bi­li­té dans la ségré­ga­tion sco­laire, de finan­ce­ments géné­reux. Les cinq anciens DGESCO le disent eux-mêmes : la réforme veut « faire des chefs d’établissement et des ensei­gnants les simples exécutants d’une poli­tique pédagogique taylorisée ». Frédéric Grimaud détaille le pro­ces­sus de tay­lo­ri­sa­tion à l’œuvre dans l’Éducation natio­nale à tra­vers le Nouveau mana­ge­ment public dans son ouvrage Enseignants, les nou­veaux pro­lé­taires. En deux mots : il s’agit de trans­for­mer les per­son­nels de l’é­du­ca­tion en exé­cu­tants purs et simples de direc­tives déci­dées au som­met de l’État, et cha­peau­tées par les chefs d’é­ta­blis­se­ment. Ces der­niers, nou­veaux contre­maîtres, sont char­gés aus­si bien de sur­veiller les ensei­gnants que de les for­mer aux nou­velles « bonnes pra­tiques ». Le contrôle des per­son­nels est assu­ré par leur pau­pé­ri­sa­tion, par l’individualisation des car­rières et des reve­nus ain­si que par la mul­ti­pli­ca­tion des éva­lua­tions et la mise en concur­rence qui leur est inhérente.

Les réformes du gou­ver­ne­ment, de la mater­nelle au lycée, suivent cette ligne de route. Les pro­jets de nou­veaux pro­grammes pour le pri­maire, dévoi­lés en avril 2024, se révèlent ain­si extrê­me­ment pres­crip­tifs sur ce qui doit être ensei­gné et quand. Du pri­maire au col­lège, les éva­lua­tions natio­nales se mul­ti­plient— elles ont désor­mais lieu qua­si­ment tous les deux ans —, pour four­nir à la hié­rar­chie davan­tage d’indicateurs de « pilo­tage » — et d’oc­ca­sions de fli­cage des enseignants.

L’ancien ins­pec­teur géné­ral Jean-Paul Delahaye, connu pour ses tra­vaux sur la sco­la­ri­sa­tion des enfants des milieux popu­laires, l’af­firme : la réforme d’Attal signe sur­tout la mort annon­cée du col­lège unique. Le Conseil supé­rieur des pro­grammes, dans un com­mu­ni­qué publié fin jan­vier 2024, annon­çait vou­loir mettre à l’expérimentation un col­lège où coexis­te­raient deux filières : celle des « fon­da­men­taux » pour les élèves sco­lai­re­ment fra­giles, qui les amè­ne­rait à l’apprentissage ou au lycée pro­fes­sion­nel ; et celle des « appro­fon­dis­se­ments » per­met­tant l’accès au lycée géné­ral. Une poli­tique de hié­rar­chi­sa­tion des savoirs pro­fon­dé­ment réac­tion­naire, mais déjà annon­cée en sep­tembre 2016 par l’actuel ministre de l’Économie, Bruno Le Maire : « Mettons fin au col­lège unique au pro­fit d’un col­lège diver­si­fié où les élèves pour­ront choi­sir des options pro­fes­sion­nelles ». Marine Le Pen, qui veut « une école ouverte sur le monde du tra­vail » comme le titre Les Échos, approuve.

« La réforme d’Attal signe sur­tout la mort annon­cée du col­lège unique. »

Toujours en 2016, le même Bruno Le Maire décla­rait : « Fusionnons les lycées pro­fes­sion­nels, les centres de for­ma­tion des appren­tis et les Greta pour en faire de véri­tables écoles de métiers gérées par les régions et les entre­prises. » L’année sui­vante, Fondapol, think-tank « libé­ral, pro­gres­siste et euro­péen », sur­en­ché­ris­sait : « Pour repen­ser le bac, réfor­mons le lycée et l’apprentissage ». Comme le sou­ligne Jean-Paul Delahaye dans sa tri­bune à Libération, c’est ce même think-tank de droite libé­rale « qui a théo­ri­sé cette sor­tie de sco­la­ri­té com­mune en 2012 » prô­nant le fait d’« orga­ni­ser la dif­fé­ren­cia­tion des pro­grammes pour répondre à la dif­fé­ren­cia­tion sociale et cultu­relle ». On ne pour­ra pas repro­cher au néo­li­bé­ra­lisme et à ses agents de ne pas être clairs sur leurs objec­tifs. Après une pre­mière réforme en 2019, le gou­ver­ne­ment veut donc de nou­veau réfor­mer l’enseignement pro­fes­sion­nel sur le modèle de l’apprentissage : davan­tage de stages en entre­prises, des par­te­na­riats ren­for­cés avec celles-ci et moins de cours « théo­riques » — autre­ment dit, pour les élèves du pro­fes­sion­nel, une for­ma­tion au rabais.

Le lycée géné­ral a déjà été dépe­cé par la réforme Blanquer. On com­mence seule­ment à mesu­rer les effets de l’abandon des filières et l’éclatement du groupe classe par un sys­tème d’options et de par­cours à la carte — du moins quand les options sont dis­po­nibles. Un exemple par­mi d’autres de ces consé­quences néfastes : les inéga­li­tés de genre dans les par­cours scien­ti­fiques ont explo­sé. Le sys­tème Parcoursup d’accès à l’enseignement supé­rieur occa­sionne aus­si un stress énorme chez les lycéens et péna­lise encore plus les enfants des classes popu­laires. Par contre, dans les classes supé­rieures, comme pour le fils de la ministre Oudéa-Castera ins­crit en pré­pa dans le sul­fu­reux et très éli­tiste lycée Stanislas, on contourne le sys­tème en payant des écoles pri­vées aux tarifs prohibitifs.

Une autre conver­gence entre l’extrême droite et le macro­nisme s’opère sur la ques­tion de la décen­tra­li­sa­tion de l’Éducation natio­nale, étape sup­plé­men­taire vers sa pri­va­ti­sa­tion. La ter­ri­to­ria­li­sa­tion du ser­vice public d’éducation est une vieille antienne des poli­tiques de Nouveau mana­ge­ment public. Dans un rap­port publié en juillet 2023, le troi­sième qui étrille l’Éducation natio­nale, la Cour des Comptes veut « don­ner davan­tage de com­pé­tences et d’autonomie aux rec­to­rats » et « abor­der de façon prag­ma­tique les dif­fi­cul­tés de recru­te­ment par­ti­cu­lières de cer­taines aca­dé­mies ou cer­taines dis­ci­plines en ten­sion, en don­nant aux rec­to­rats la pos­si­bi­li­té d’expérimenter des moda­li­tés déro­ga­toires de recru­te­ment sur diplômes ». Un mode de fonc­tion­ne­ment qui revien­dra à trans­for­mer les chefs d’établissement en mana­gers de petites entre­prises édu­ca­tives. Une brique sup­plé­men­taire a été posée avec l’instauration du Pacte ensei­gnant à la ren­trée 2023 : une façon de géné­ra­li­ser la contrac­tua­li­sa­tion de la rému­né­ra­tion et de mettre fin aux sta­tuts en pro­po­sant aux enseignant·es de s’en­ga­ger à effec­tuer des tâches sup­plé­men­taires durant l’an­née en échange d’une prime.

« Les réformes macro­nistes nient le poids du déter­mi­nisme social dans la réus­site sco­laire des enfants. »

Dans son article du Café péda­go­gique, François Jarraud reprend la chro­no­lo­gie des pré­co­ni­sa­tions de la Cour des Comptes et montre que celles-ci sont sou­te­nues en paral­lèle par la droite dure, notam­ment au Sénat : annua­li­sa­tion de ser­vices, auto­no­mie des éta­blis­se­ments… Tout va vers la pri­va­ti­sa­tion de l’École vou­lue par Macron. N’oublions pas que Sarah Knafo, proche conseillère d’Éric Zemmour et 3e sur la liste de can­di­da­tures de son par­ti aux élec­tions euro­péennes de juin 2024, est elle-même fonc­tion­naire en dis­po­ni­bi­li­té de cette même Cour des Comptes… Comme l’explique encore François Jarraud, la ter­ri­to­ria­li­sa­tion de l’enseignement est une idée por­tée de longue date par la désor­mais ministre Belloubet. Elle est aus­si pous­sée depuis des années par les think-tank de la droite libé­rale comme Fondapol ou l’Ifrap qui se réjouit des pro­po­si­tions de la Cour des Comptes « qui vont dans le bon sens » et pour qui « le refus d’accorder réel­le­ment la ges­tion des éta­blis­se­ments aux direc­teurs déres­pon­sa­bi­lise le sys­tème et cache les dys­fonc­tion­ne­ments ».

Une réforme contre la jeunesse des classes populaires

D’un côté les pre­miers de cor­dée, de l’autre les pre­miers de cor­vée. Plutôt que remettre en cause des poli­tiques de plus en plus inéga­li­taires grâce aux­quelles la for­tune des très riches explose, le gou­ver­ne­ment désigne l’école comme res­pon­sable des maux de la socié­té et de l’appauvrissement des classes moyennes. Trop hété­ro­gène, elle ne rem­pli­rait plus son rôle d’ascenseur social et ne pré­pa­re­rait pas les enfants au mar­ché de l’emploi. Les réformes macro­nistes nient le poids du déter­mi­nisme social dans la réus­site sco­laire des enfants au pro­fit d’un éli­tisme méri­to­cra­tique où les élèves sco­lai­re­ment per­for­mants doivent être pré­ser­vés de l’influence de celles et ceux plus en difficulté.

Avec cette réforme du « Choc des savoirs » et dès 11 ans donc, les enfants seront assi­gnés à un par­cours sco­laire et pro­fes­sion­nel. Et les pas­se­relles per­met­tant le chan­ge­ment d’orientation devien­dront de simples cordes jetées au-des­sus d’un pré­ci­pice, que seuls les plus agiles sco­lai­re­ment ou les plus four­nis en capi­tal éco­no­mique et cultu­rel pour­ront fran­chir. La ségré­ga­tion devient le modèle de socié­té incul­qué aux enfants, accen­tuant la frac­ture entre les classes popu­laires défa­vo­ri­sées, qui seront les pre­mières tou­chées par la réforme, et les classes moyennes dis­po­sant des capi­taux éco­no­mique et cultu­rel per­met­tant une bonne inser­tion sco­laire de leurs enfants. 

Des familles par­fois séduites par cette pro­po­si­tion oublient que regrou­per les plus per­for­mants sco­lai­re­ment entre eux accen­tue­ra inévi­ta­ble­ment la com­pé­ti­tion et la pres­sion sur les enfants dès le CM2 — puisque c’est à la fin du pri­maire que s’opérera le tri en groupes de niveau. Classiste, la réforme est éga­le­ment raciste : les enfants issus de l’immigration sont davan­tage pré­sents dans les classes popu­laires qui seront par­ti­cu­liè­re­ment tou­chées par la réforme. Une étude réa­li­sée par les socio­logues Yaël Brinbaum, Géraldine Farges et Élise Tenret montre ain­si que la pro­por­tion d’élèves d’origine magh­ré­bine ayant au moins un parent ouvrier ou employé s’élève à 70 % contre 35 % chez les enfants dits « fran­çais d’origine ».

« Avec cette réforme du « Choc des savoirs » et dès 11 ans donc, les enfants seront assi­gnés à un par­cours sco­laire et professionnel. »

En plus du dis­cours alar­miste sur l’école, la com­mu­ni­ca­tion du gou­ver­ne­ment regorge ces der­niers mois de saillies anxio­gènes sur la jeu­nesse, en par­ti­cu­lier celle des quar­tiers popu­laires, pré­sen­tée comme vio­lente, incon­trô­lable, radi­ca­li­sée sur les réseaux sociaux… Il serait donc urgent et impé­ra­tif de la contrô­ler, de la dis­ci­pli­ner en ren­for­çant l’autorité et les sanc­tions. Par exemple, comme le sug­gère Attal, en met­tant en place des conseils de dis­ci­pline dès le pri­maire, nou­velle annonce média­tique com­plè­te­ment déca­lée de la réa­li­té des éta­blis­se­ments. Le Service natio­nal uni­ver­sel (SNU), appe­lé à deve­nir obli­ga­toire d’ici 2026, autre mesure phare annon­cée par le gou­ver­ne­ment, est un autre signe de la volon­té de mise au pas de la jeu­nesse par sa mili­ta­ri­sa­tion et une future fabrique du consen­te­ment à l’autoritarisme.

L’introduction de l’uniforme, qui figure en bonne place dans les pro­grammes de l’extrême droite ins­ti­tu­tion­nelle, est un autre appel du pied aux ten­dances réac­tion­naires. Elle s’appuie sur une vision fan­tas­mée de l’École : comme l’explique l’anthropologue du desi­gn Aude Le Guennec, « l’u­ni­forme dans l’é­cole est un uni­forme qui est por­té dans des ins­ti­tu­tions pri­vées, plu­tôt par des élèves mas­cu­lins et sur une période his­to­rique extrê­me­ment réduite durant le XIXᵉ siècle ».

Lors de son der­nier dis­cours en date à Viry-Châtillon, Gabriel Attal a confir­mé sa volon­té d’at­ta­quer de front la jeu­nesse en confir­mant le retour de l’au­to­ri­té à l’é­cole, fai­sant fi de toutes les avan­cées péda­go­giques et pédo­psy­cho­lo­giques des der­nières décen­nies. La musique réac­tion­naire reprend ses droits au som­met de l’État et il s’a­git désor­mais de repen­ser l’é­cole comme un lieu non pas d’ap­pren­tis­sage et de coopé­ra­tion mais de com­pé­ti­tion, d’hu­mi­lia­tion et de puni­tion. Quoi de mieux pour accom­pa­gner les élèves déjà for­te­ment aux prises avec des dif­fi­cul­tés psy­cho­lo­giques gran­dis­santes ? Les nom­breuses réac­tions face à ce tour­nant auto­ri­taire assu­mé, depuis le Syndicat de la magis­tra­ture, jus­qu’à l’UNICEF expriment les inquié­tudes de toutes les pro­fes­sions qui tra­vaillent en lien étroit avec la jeu­nesse du pays. Mais com­ment trans­for­mer ces prises de posi­tion néces­saires en moda­li­tés de lutte efficaces ?

Une mobilisation qui met du temps à démarrer

La vitesse à laquelle Attal a mis en œuvre sa réforme a pris de court les orga­ni­sa­tions syn­di­cales tout comme leurs bases, lentes à réa­li­ser l’ampleur des chan­ge­ments annon­cés puis à se lan­cer dans la bataille. Il a fal­lu plu­sieurs mois pour que se construise une mobi­li­sa­tion et que se mul­ti­plient les actions de pro­tes­ta­tion par­tout en France. La Seine-Saint-Denis fait figure d’exception. Dans ce dépar­te­ment où le ser­vice public d’éducation est for­te­ment dégra­dé, les équipes se pré­pa­raient de longue date à lan­cer une mobi­li­sa­tion pour un Plan d’urgence pour l’éducation. Les annonces d’Attal ont mis le feu aux poudres et fait explo­ser la révolte des per­son­nels et l’exas­pé­ra­tion des parents d’élèves.

« La réforme touche à des valeurs aux­quelles sont encore atta­chés une grande majo­ri­té des per­son­nels de l’éducation, qui font par­tie des rai­sons qui les ont pous­sés à choi­sir ces voies professionnelles. »

La réforme touche à des valeurs aux­quelles sont encore atta­chés une grande majo­ri­té des per­son­nels de l’éducation, qui font par­tie des rai­sons qui les ont pous­sés à choi­sir ces voies pro­fes­sion­nelles. Le tri social sous-jacent à la réforme va à l’encontre de leur volon­té de lut­ter contre la stig­ma­ti­sa­tion des élèves et le déter­mi­nisme social. La nou­velle orga­ni­sa­tion remet éga­le­ment en ques­tion l’idée d’une école inclu­sive qui puisse accueillir l’ensemble des enfants, quelles que soient leurs dif­fi­cul­tés. Des argu­ments aux­quels les parents sont sen­sibles. Les dépar­te­ments qui ont réus­si à mener conjoin­te­ment grève et actions d’information envers les parents sont ceux où la mobi­li­sa­tion s’est ampli­fiée. En plus de la Seine-Saint-Denis, la Loire-Atlantique four­nit un bel exemple de ce que peut pro­duire une telle conver­gence. Le jeu­di 11 avril, dans la salle Nantes-Erdre bon­dée, 500 per­sonnes se retrou­vaient pour un grand mee­ting de mobi­li­sa­tion contre la réforme du « Choc des savoirs ». Toujours à Nantes, deux parents d’élèves et un ensei­gnant ont sor­ti un mor­ceau de rap et un clip par­ti­ci­pa­tif pour appuyer la mobilisation.

Mais pour être à la hau­teur du dan­ger et faire plier le gou­ver­ne­ment, la mobi­li­sa­tion doit encore s’intensifier. On l’a vu lors de la lutte contre les réformes des retraites, les grandes mani­fes­ta­tions ne suf­fisent plus. Les jour­nées ponc­tuelles ne suf­fisent plus. Pour gagner, il faut se faire grain de sable. Il faut un plan d’action à l’image de ce qui se fait en Seine-Saint-Denis : alter­ner grèves, mani­fes­ta­tions, actions, et le faire le plus pos­sible en lien avec les parents qui sont les premier·es concerné·es par les chan­ge­ments à venir. Mener le com­bat aus­si avec les pro­fes­sions inves­ties auprès de la jeu­nesse (milieu asso­cia­tif, médi­co-social, édu­ca­tif et judiciaire).

La grève reste l’outil fon­da­men­tal de la lutte : quand les écoles sont fer­mées, les parents doivent gar­der les enfants. Au-delà d’un seuil cri­tique, la para­ly­sie du sys­tème édu­ca­tif peut entraî­ner le blo­cage du fonc­tion­ne­ment du pays et for­cer le gou­ver­ne­ment à négo­cier. Mais avant d’atteindre ce stade, ces­ser le tra­vail reste le moyen prin­ci­pal pour se réap­pro­prier le temps néces­saire à la construc­tion d’un mou­ve­ment : celui de pou­voir échan­ger avec les col­lègues et les parents pour convaincre, celui de se retrou­ver et de s’organiser ensemble. Il convient d’é­lar­gir la contes­ta­tion face à des mesures réac­tion­naires qui auront des consé­quences bien au-delà de l’es­pace-temps de l’é­cole. Les lycéens sont les pre­miers à consta­ter les consé­quences au quo­ti­dien et sur leur ave­nir des réformes délé­tères des lycées géné­raux et pro­fes­sion­nels et de Parcoursup. Ce sont aus­si les pre­miers à devoir subir le SNU… La jeu­nesse, nou­velle cible pré­fé­rée du Premier ministre, aurait, elle aus­si, tout inté­rêt à expri­mer dans la rue ses inquié­tudes et son refus de la vision gou­ver­ne­men­tale dans laquelle elle est cantonnée.

Les freins à une large mobi­li­sa­tion sont nom­breux. Les poli­tiques de Nouveau mana­ge­ment public et la droi­ti­sa­tion géné­rale de la socié­té ont dure­ment tou­ché le monde de l’éducation, ren­for­çant l’individualisme au détri­ment de la notion de col­lec­tif et de la recherche de l’intérêt géné­ral. Aux der­nières élec­tions pré­si­den­tielles, l’extrême droite a recueilli tout de même 19 % des votes des ensei­gnants. Dans les salles des per­son­nels, autour de la machine à café, la ten­dance est à la dépo­li­ti­sa­tion — la chute du taux de syn­di­ca­li­sa­tion en est une consé­quence et explique aus­si la dif­fi­cul­té à mobi­li­ser en masse.

« Les poli­tiques de Nouveau mana­ge­ment public et la droi­ti­sa­tion géné­rale de la socié­té ont dure­ment tou­ché le monde de l’éducation. »

Si assez majo­ri­tai­re­ment les ensei­gnants se déclarent oppo­sés à la réforme, pas­ser à l’action est une autre affaire. Crédit à rem­bour­ser, édu­ca­tion des enfants, train de vie de classe moyenne supé­rieure et train-train quo­ti­dien alié­nant, beau­coup disent ne pas pou­voir assu­mer les pertes finan­cières occa­sion­nées par la grève. Pourtant s’il est vrai que les salaires ont net­te­ment moins aug­men­té que l’inflation, notam­ment à cause du gel du point d’indice, avec un salaire men­suel médian en France de 1 850 euros à com­pa­rer avec le salaire men­suel moyen de 2 400 euros pour un pro­fes­seur des écoles, les ensei­gnant·es ne sont pas les plus mal loti·es — mal­gré de fortes dis­pa­ri­tés entre titu­laires et contrac­tuels d’une part, et entre pri­maire, secon­daire et supé­rieur d’autre part. Les caisses de grève peuvent répondre en par­tie à la pro­blé­ma­tique finan­cière. Mais elles ne suf­fi­ront pas. Plutôt que d’envisager la grève comme une perte de salaire, peut-être faut-il réha­bi­li­ter l’idée qu’elle fait par­tie inté­grante de la vie citoyenne et qu’elle per­met de reprendre en main le pou­voir accor­dé par les urnes à quelques élus quand ceux-ci agissent au détri­ment du peuple ?

On fait bloc

Les réformes du régime macro­niste des­sinent un pro­jet de socié­té aux contours de plus en plus nets : celui d’une élite qui vit et se repro­duit dans l’entre-soi d’institutions pri­vées, au ser­vice des­quelles sont mises les infra­struc­tures publiques, elles qui devraient être la pro­prié­té du peuple. La créa­tion d’une réserve de main‑d’œuvre cor­véable à mer­ci par le tri des élèves dès 11 ans, une for­ma­tion de moins en moins qua­li­fiante et une inser­tion pro­fes­sion­nelle rapide pour les moins « per­for­mants » est à relier avec un dis­cours du pou­voir qui pré­sente désor­mais le tra­vail comme un devoir et traque celles et ceux qui aspirent à une autre socié­té que celle du pro­fit. Le « Choc des savoirs » s’inscrit dans le contexte de la réforme de l’apprentissage menée en 2018 qui per­met de com­men­cer plus jeune et de faire tra­vailler plus long­temps pour un salaire déri­soire les appren­tis mineurs. Malgré ces condi­tions avan­ta­geuses pour les patrons, la mesure ne ren­contre pas le suc­cès escomp­té par le gou­ver­ne­ment. Les jeunes galèrent à trou­ver des entre­prises qui les acceptent et les gardent.

Et ça n’est pas tout : entre autres réformes, il faut comp­ter sur celle de l’as­su­rance-chô­mage, qui vise à limi­ter l’indemnisation des chô­meurs et à les remettre au tra­vail de force ; le fli­cage du RSA avec l’expérimentation de l’obligation de tra­vail pour ses béné­fi­ciaires ; et la des­truc­tion annon­cée du code du tra­vail avec une ubé­ri­sa­tion géné­ra­li­sée des emplois. Pour arri­ver à ses fins, le gou­ver­ne­ment n’a aucun scru­pule à dur­cir d’un côté la répres­sion des contes­ta­tions et, de l’autre, son pro­gramme poli­tique, en met­tant en place les mesures qu’il par­tage avec l’extrême droite, ou en allant chas­ser sur son ter­rain dans l’espoir de s’allier les sym­pa­thies réac­tion­naires de la popu­la­tion. La loi immi­gra­tion, votée grâce aux voix de la droite obte­nues par une radi­ca­li­sa­tion du texte, en est un bon exemple. Le dis­cours d’Attal sur la jeu­nesse et son appel à « une impu­ni­té zéro » en est un autre.

Partout dans le monde on assiste à une mon­tée en puis­sance de l’extrême droite. Si les par­tis qui la com­posent ne forment pas un bloc uni, ils savent conclure des alliances stra­té­giques pour accé­der au pou­voir. La Hongrie four­nit un exemple de ce qui peut arri­ver aux enseignant·es quand elle y est par­ve­nue. En juillet 2023, le gou­ver­ne­ment d’extrême droite de Viktor Orban a fait voter la perte du sta­tut de fonc­tion­naire des ensei­gnants — pla­cés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. Une mesure qui résonne avec les annonces, le 9 avril der­nier, de Stanislas Guérini, ministre de la Fonction publique, qui a affir­mé vou­loir s’attaquer au « tabou du licen­cie­ment dans la fonc­tion publique ». La nor­ma­li­sa­tion de l’extrême droite élec­to­ra­liste — 88 dépu­tés RN en France — ren­force les groupes les plus vio­lents en bana­li­sant leurs idées. « Sortir sans naï­ve­té de la sidé­ra­tion et de l’angoisse face au tsu­na­mi brun impose donc de tenir à la fois l’idée que nous sommes bien face à une lame de fond en train d’emporter nos bases démo­cra­tiques et sociales, mais que celle-ci n’est pas pour autant un rou­leau com­pres­seur irré­sis­tible » affirme dans ce sens le jour­na­liste Joseph Confavreux.

La résis­tance com­mence ici et main­te­nant. Rien n’est per­du pour ren­voyer l’é­cole de Pétain dans les pou­belles de l’Histoire. Pour le moment, la lutte contre la réforme dite du « Choc des savoirs » est res­tée prin­ci­pa­le­ment can­ton­née à l’éducation et aux parents d’élèves. Mais c’est main­te­nant l’ensemble de la socié­té qui doit prendre conscience du désastre qui s’annonce. Certes, le gou­ver­ne­ment Macron, ce n’est pas encore tout à fait l’extrême droite au pou­voir. Mais l’heure est venue de construire un large front anti­fas­ciste pour empê­cher la macro­nie de nous rap­pro­cher tou­jours plus, réforme après réforme, de l’arrivée au som­met de l’Etat d’un régime d’extrême droite. Et face à un modèle de socié­té mor­ti­fère et réac­tion­naire, de construire une école éman­ci­pa­trice pour toutes et tous. No pasa­ran !


Toutes les illus­tra­tions sont extraites de Zéro de conduite, Jean Vigo, 1933


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REBONDS

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☰ Lire notre témoi­gnage « Quand un prof démis­sionne », novembre 2019
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☰ Lire notre entre­tien avec Véronique Decker : « Aux côtés des élèves, jamais face à eux », sep­tembre 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Franck Lepage : « L’école fabrique des tra­vailleurs adap­tables et non des esprits cri­tiques », juin 2015


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(Photo)journaliste indépendant, Loez s'intéresse depuis plusieurs années aux conséquences des États-nations sur le peuple kurde, et aux résistances de celui-ci.

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