Entretien inédit pour le site de Ballast
« Moi, je ne connais aucun policier, aucun gendarme, qui ait attaqué des gilets jaunes », déclarait le ministre de l’Intérieur le 15 janvier dernier. Un aveuglement que même les médias mainstream n’osent plus faire leur, désormais contraints d’ouvrir leurs colonnes et leurs micros pour évoquer publiquement ce que le très droitier secrétaire général de France Police nomme lui-même des « blessures de guerre ». Le gouvernement a reconnu 1 700 blessés à la veille de l’acte 9 du mouvement des gilets jaunes ; le collectif Désarmons-les évoque quant à lui 2 à 3 000 blessés. Dont plus de 100 blessés graves. Flash-Ball, LBD, grenades de désencerclement et GLI-F4 : les armes du maintien de l’ordre crèvent les yeux, brisent les mâchoires, cassent les nez, plongent dans le coma et arrachent les mains des citoyens protestataires (quand elles ne provoquent pas la mort d’une retraitée1 de 80 ans). Les voix se multiplient dans la société pour réclamer l’interdiction de ces armes dites « non létales ». Nous avons rencontré l’un des membres du collectif Désarmons-les, fondé en 2011, pour en parler.
Comment est né votre collectif ?
Ça remonte à 2011. Durant certaines luttes antinucléaires, à Montabot notamment, des amis et des connaissances ont été blessés par des grenades qui avaient explosé à leurs pieds. Nous n’avions alors aucune information réelle sur ces armes ; nos connaissances provenaient uniquement de nos expériences de terrain — lacrymogènes, tonfa, etc. L’année qui a suivi, il y a eu l’expulsion de Notre-Dame-des-Landes. Là, nous avons été confrontés à une violence très forte : de nombreuses armes et munitions ont été utilisées, essentiellement des grenades, dont la fameuse GLI-F4. Il fallait s’informer et, en retour, faire un travail d’information sur ce sujet. Nous avons pris contact avec des street medics et commencé à élaborer une brochure. Nous l’avons présentée aux différents cercles militants — un peu comme le travail de vulgarisation des medics sur les premiers soins, mais axé cette fois sur les armes de la police. Nous avons fait une première version qui a été mise à jour au fur et à mesure (il faudrait d’ailleurs s’y remettre, car de nouvelles armes sont apparues depuis !).
« En trois jours de manifestations, au moins 10 000 grenades ont été lancées, soit autant que toute l’opération César à Notre-Dame-des-Landes. »
En lien étroit avec les medics, nous avons rapidement croisé le chemin de blessés. À partir de 2014 a émergé, naturellement, l’idée de constituer une assemblée des victimes de ces violences. Désarmons-les était déjà constitué ; d’autres groupes existaient aussi à Rouen (Face aux armes de la police), à Nantes (l’assemblée des blessés 44, créée à la suite de la blessure de Pierre Douillard, éborgné le 27 novembre 2007), et quelques personnes isolées essayaient de se regrouper à Bordeaux, à Montpellier… Nous avons constitué cette assemblée le 8 novembre 2014 pour mettre en forme et en commun toutes ces initiatives. La brochure a été finalisée, un site Internet créé et, surtout, nous avons essayé tant que faire se peut de réunir les blessés auparavant dispersés. L’objectif principal de cette assemblée est que ces personnes se rencontrent et organisent un combat politique contre les armes. Chacun peut y participer, ou pas, selon ses préoccupations et motivations. C’est aussi un espace d’accompagnement psychologique. Enfin, il y a la lutte juridique pour essayer d’obtenir réparations et condamnations… mais c’est David contre Goliath.
Quel bilan sanitaire des blessés et mutilés dressez-vous ?
La difficulté est de définir qui est comptabilisé en tant que blessé. Désarmons-les soutient en priorité les personnes mutilées, ou dont les blessures physiques et psychologiques sont irréversibles : des personnes qui ont perdu un membre (main, œil…), qui ont des fractures ou des plaies incrustées de corps étrangers provenant des grenades. Ces derniers temps, leur nombre a augmenté considérablement. Entre 2001 et 2018, il y avait eu trois mains arrachées dans les mouvements sociaux2 et deux blessés aux pieds3 ; cet été, pour le 14 juillet, trois personnes ont été éborgnées4. Là, sur les trois premières semaines de mobilisation des gilets jaunes, il y a eu a minima quatre mains arrachées ! Le bilan sanitaire a tout simplement doublé. Quant aux éborgnements, on en décompte 18 pour le moment, alors que jusqu’ici, la moyenne était de deux par an. On comptabilise aussi de nombreuses fractures et multifractures liées au LBD. Ce constat ne tient pas compte de tous les autres types de blessures… On a donc explosé les records : 2018 peut être qualifiée de l’année de la mutilation. En trois jours de manifestations, et notamment pendant celle du 1er décembre, au moins 10 000 grenades ont été lancées, soit autant que toute l’opération César à Notre-Dame-des-Landes. Avec les gilets jaunes, de par les conditions et le niveau de répression, on dénombre bien plus de blessés5. Mais l’une des difficultés pour établir un bilan sanitaire précis consiste dans la récolte des informations qui requiert un minimum de centralisation. L’assemblée va lancer un appel adressé directement aux blessés et mutilés, et il est possible que des personnes non recensées jusque-là sortent de l’ombre.
Comment se passe la prise en charge des blessés ?
Nous essayons d’avoir une approche sensible et psychologique. Nous leur faisons savoir que nous existons, mais sans insister. S’ils reviennent vers nous, la première chose que nous faisons est de proposer une rencontre pour comprendre où ils en sont en termes médicaux et juridiques. Nous essayons de leur donner rapidement les premiers conseils, comme récupérer au plus vite une copie du dossier médical (car au-delà d’un certain temps, ce n’est plus possible), adresser une lettre directement au procureur s’ils veulent porter plainte contre X au pénal (afin d’éviter qu’elle puisse être refusée par le commissariat) ou trouver un bon avocat qui ne leur coûtera pas trop d’argent (nous travaillons de notre côté régulièrement avec des avocats qui acceptent l’aide juridictionnelle ou pratiquent des tarifs bas). En revanche, nous ne les accompagnons pas lors de leurs entretiens avec leur avocat ; nous sommes là uniquement en tant que support et ne voulons pas interférer dans leurs démarches personnelles. Enfin, nous les invitons à rencontrer d’autres membres de l’assemblée, dans différents cadres : pour un café, en manifestation, etc.
Quels rapports les victimes que vous rencontrez ont-elles avec leurs blessures ?
« Nous rencontrons des personnes brisées physiquement et psychologiquement. Il faut se reconstruire, parfois accepter un nouveau visage. »
Nous avons récemment accompagné un prénommé David chez un avocat6. Il a tout simplement eu la bouche arrachée : il a perdu ses gencives, des dents… et ce n’est pas un cas isolé. Comme on peut l’imaginer, c’est dur. Nous rencontrons des personnes brisées physiquement et psychologiquement. Pour certains, ça ne dure qu’un temps, celui du traumatisme physique, mais pour d’autres, ça ne les quitte jamais. Un des blessés de l’assemblée a vu son cursus scolaire tout simplement détruit. Il souffre d’agoraphobie, subit de nombreuses migraines, le tout parsemé de chutes dépressives — des traumatismes extrêmement forts. Laurent Théron, blessé en 2016 lors des manifestations contre la loi Travail, place de la République [Paris], a perdu un œil à cause d’une grenade. Il fait partie de l’assemblée et dit régulièrement que le fait de trouver des personnes qui vivent la même chose que lui, avec qui il peut s’organiser, et qui lui donnent l’envie de se battre, lui a sauvé la vie. Tout seul, tu ne peux pas te battre…
Il faut se reconstruire, parfois accepter un nouveau visage. L’un des points qui fait partie de notre travail d’accompagnement, et qui est épineux, c’est la question des proches. Ils peuvent penser qu’une fois la blessure « réparée », c’est-à-dire devenue presque invisible, elle n’existe plus. Mais quand une personne a eu de multiples fractures au visage, refait par de la chirurgie esthétique, on ne voit certes rien en surface, mais les douleurs, elles, restent… La question du regard sur soi n’est pas évacuée par une réparation esthétique. C’est difficile à comprendre, même pour les très proches, pour les parents. Offrir des temps de rencontre entre personnes concernées via l’assemblée permet à une personne mutilée de voir qu’il y a différentes manières de penser et de panser sa blessure. L’une d’elles refuse par exemple de mettre une prothèse sur son œil, et a décidé de porter un bandeau, comme les pirates, sur lequel elle dessine tous les jours : c’est une manière de se réapproprier sa blessure. Il y a même des blessés qui réussissent à en faire de l’humour. Un éborgné nous a dit, tout sourire : « Maintenant, je n’ai plus qu’un œil pour pleurer ! » Évidemment, quand ça vient des policiers, ce n’est pas drôle du tout, mais entre nous cet humour a un effet thérapeutique.
Tous ces processus psychologiques, il faut les comprendre, les accompagner et les transmettre : c’est un vrai travail. Certains street medics s’improvisent médecins et ça peut être dangereux : ce n’est pas parce qu’on sait mettre des baumes sur une blessure qu’on a l’approche sensible et psychologique nécessaire. Il ne faut pas dire « C’est pas grave, ça va aller, tu n’as pas l’œil crevé », ou encore « C’est pas si grave, tu as eu de la chance » à un blessé. Même si cliniquement il peut y avoir une hiérarchie, psychologiquement, c’est une grave erreur. Dire à quelqu’un qui vient de se faire arracher la main qu’il a de la chance parce qu’il n’est pas mort, ça n’a pas de sens. Et ces phrases-là, elles vont résonner pendant longtemps dans leur tête : ce moment traumatique est inscrit dans leur mémoire et sera ressassé mille fois.
Les victimes subissent-elles des pressions de la part des institutions ? Et comment se passent les rapports avec l’IGPN, d’ailleurs ?
« Il y a clairement un processus de culpabilisation de la part des institutions. Le simple fait d’avoir été présent, d’avoir été dans le viseur d’un Flash-Ball, c’est déjà être coupable. »
Il y a clairement un processus de culpabilisation de la part des institutions. Le simple fait d’avoir été présent, d’avoir été dans le viseur d’un Flash-Ball, c’est déjà être coupable. Évidemment, les blessés le vivent extrêmement mal. Nous avons de nombreux témoignages relatant par exemple que l’IGPN auditionne les blessés pendant 40 minutes, voire plus, seulement pour connaître les raisons de leur présence. Le pire, c’est quand ces interrogatoires se déroulent directement à l’hôpital, quand vous êtes encore sous morphine et bien loin de posséder tous vos moyens : la police, sans même demander votre avis, peut vous interroger car elle est automatiquement saisie de l’affaire. Les blessés, de leur côté, ont le droit de refuser l’interrogatoire, mais encore faut-il qu’ils le sachent ! Néanmoins, il faut faire attention, car ce refus de témoigner peut amener à ce que l’IGPN refuse à son tour de vous auditionner. Ils se justifient alors en disant : « Nous sommes venus vous voir, vous ne vouliez pas nous répondre : affaire classée. » Ceci dit, ils évitent : légalement, il est possible de recourir à l’IGPN par le biais du procureur.
Nous parlions d’armement. Comment l’utilisation des armes par la police est-elle encadrée d’un strict point de vue légal ?
Dans le cadre de sa doctrine du maintien de l’ordre, la police est depuis toujours obligée d’appliquer le principe de la riposte graduée. C’est-à-dire que les policiers doivent utiliser les différents types d’armes en fonction de l’intensité de la violence à laquelle ils sont confrontés. La doctrine du maintien de l’ordre à la française est rattachée au principe du maintien à distance, pour que ni les policiers, ni les manifestants ne puissent être blessés. Autrement dit, ne surtout pas entrer en contact — ce qui explique l’utilisation prépondérante des gaz. Dans le cadre d’une manifestation, par exemple, il y a d’abord toute une phase de déploiement du dispositif du maintien de l’ordre et d’encadrement (mise en position, formation de lignes, installation de grilles anti-émeutes) ; ensuite viennent, légalement, les premières sommations ; une fois passées, il y a les premiers bonds offensifs, et ensuite les charges. Ils utilisent alors le gaz lacrymogène et les canons à eau, puis la matraque.
Quant à l’intensité de la violence, elle est jugée relativement à ce qui est tenu dans la main des manifestants. Cailloux et autres objets contondants n’impliquent pas de ripostes particulières autres que celles décrites. À l’utilisation de cocktails Molotov, on passe à un autre grade, qui comporte directement des charges et l’utilisation de grenades. Après les grenades à lacrymogène viennent les grenades à effet de souffle — avant, c’était les grenades offensives, les OF ; dorénavant, nous sommes très clairement en présence de la GLI-F4, celle qui mutile et contient de la TNT. Il y a 20 ans, la GLI-F4 était rarement utilisée car elle correspond au degré ultime, juste avant la riposte armée (celle-ci est le dernier degré de la doctrine du maintien de l’ordre : elle ne peut être utilisée que face à d’autres armes à feu). Elle ne pouvait être utilisée que s’il y avait sédition révolutionnaire — c’est-à-dire quand des groupes prennent les armes en vue de renverser le pouvoir — ou en cas de légitime défense face à une menace armée.
Quelle est la place des Flash-Ball et des lanceurs de balles de défense (LBD) dans ce dispositif officiel ?
« Il y a 20 ans, la GLI-F4 était rarement utilisée car elle correspond au degré ultime, juste avant la riposte armée. »
En 1990, il y a eu un changement de paradigme, qui a trouvé son apogée avec la loi de sécurité intérieure de 2002, la Lopsi. Elle a été mise en place par Sarkozy et appuyée par Pasqua. C’est avec cette loi qu’arrivent ces armes dites sublétales provenant des États-Unis. Celles-ci sont intercalées, dans le code de procédure pénal7 qui définit très spécifiquement leur utilisation, entre la grenade à effet de souffle et l’arme à feu8. Parmi ces armes intermédiaires, le Flash-Ball est à la base l’arme postcoloniale par excellence ; il est utilisé dans les quartiers populaires contre les Arabes et les Noirs, mais pas encore pour le maintien de l’ordre lors des manifestations — exception faite de Nantes, qui restera toujours un cas à part ! (rires) À partir de 2005 et 2007, lors des « émeutes » de banlieues et de Villiers-Le-Bel, les forces de l’ordre ont demandé de pouvoir utiliser ces armes intermédiaires. Elles apparaissent pour la première fois en 2007, le 27 novembre exactement, à Villiers et à Nantes : Pierre Douillard sera mutilé.
La catégorie des armes sublétales a été pensée au départ comme un recours alternatif à l’arme à feu — comme un moyen de ne pas tuer, donc. Et, en effet, le lanceur de balles de défense n’est pas une arme mortelle en soi — mais il fait perdre des yeux, des mains. Un autre exemple : les Américains ont utilisé en Irak une arme sublétale de maintien de l’ordre qui s’appelle l’Active Denial System. C’est un énorme pistolet qui crée à distance une sensation de brûlure sur la peau : une sorte de micro-onde qui augmente la température de l’eau du corps. Clairement, les personnes exposées à cette arme ne restent pas dans son rayon, et fuient. Donc il sera dit que ce n’est pas une arme mortelle puisque les personnes sont en capacité de s’enfuir. Ces armes intermédiaires ne tuent que rarement, certes, mais elles mutilent systématiquement, et ceci de manière exponentielle. Pourtant, ça ne semble nullement déranger !
Malgré la loi Lopsi, il y a eu en 2016 la manifestation non déclarée de policiers sur les Champs-Élysées : le but était de demander de nouvelles armes et un renforcement de ce qu’ils appellent la « légitime défense ». Comment expliquez-vous ça ?
Ce qui est fou, c’est que Sarkozy, en 2000, n’imaginait pas que les policiers ne se contenteraient pas de ces nouvelles armes ! Les armes non-létales permettent d’éviter les homicides, avec toutes les conséquences judiciaires et psychologiques que ça implique, et permettent surtout de conserver une certaine légitimité. Visiblement, ça ne leur a pas suffi. C’est là qu’on peut voir l’amour des policiers pour la violence — on peut parler de passions protofascistes. Ils sont partisans des armes et ne seront satisfaits que lorsqu’ils pourront, comme les soldats à Fourmies à la fin du XIXe siècle, tirer sur les foules avec des armes à feu. Leur avocat, Laurent-Franck Liénard, dépêché sur toutes les affaires de violences ou de meurtres commis par des policiers, est un personnage qui écrit des livres en faveur du port d’arme généralisé et de lois accordant la présomption de légitime défense la plus pleine aux policiers — ceci pour qu’ils puissent avoir recours à leurs armes à feu en toute impunité. Il est dans une vision très idéaliste du maintien de l’ordre, où les policiers ne tireraient que s’il y avait danger de mort.
Dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, nous avons reçu plusieurs témoignages — provenant de militants habitués aux manifestations — évoquant des lacrymogènes bien plus puissantes qu’à l’ordinaire. Il n’existe que très peu d’informations publiques à ce sujet, et les témoignages policiers sont eux-mêmes contradictoires. Alors : simple affaire de dates de fabrication ou possibilité de nouvelles compositions ?
« Les armes intermédiaires ne tuent que rarement, certes, mais elles mutilent systématiquement, et ceci de manière exponentielle. »
Cette question revient très souvent mais, a priori, pas de changement. Mais il y a bien de nouvelles grenades de 40 millimètres, les MP3, qui sont toutes petites et plus rapides d’utilisation avec le Penn Arms, un fusil à 6 coups : en conséquence, ils en tirent beaucoup plus, de manière de plus en plus condensée, ce qui a pour effet de saturer d’autant plus l’air. Mais quelle que soit la grenade utilisée, c’est toujours le même gaz, le CS à 15 % : un extrait d’oignon pur, concentré et modifié pour persister, auquel sont ajoutés des produits qui le rendent adhésif, donc persistant dans l’air, sur les vêtements, sur la peau, etc.
L’apparition de blindés dans les rues de Paris, pour faire face aux mobilisations populaires, est-elle révélatrice d’un tournant historique ?
Ils ont déjà utilisé contre les luttes antinucléaires des années 1970, comme à Chooz (une lutte au cours de laquelle il y a eu des attaques de convois de gendarmes), à Plogoff ou encore à Notre-Dame-des-Landes. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est qu’ils les sortent en ville. C’est vraiment inquiétant. Le 8 décembre dernier, j’ai eu pour la première fois le sentiment qu’ils s’étaient préparés à une situation de sédition, et donc à tirer sur la foule. Mais je ne pense pas que ces blindés possèdent des armes à feu — ceci dit, la démonstration de force a bien fonctionné : avenue Marceau, après l’avancée des blindés, il n’y avait plus personne ! C’était une manière très symbolique de signifier : « Aujourd’hui, si vous manifestez, vous aurez l’armée et tous ses moyens face à vous. » Nous en sommes donc arrivés à une phase militaire. Dans les faits, ils les ont à peine utilisés, ils les ont uniquement fait avancer en appui. Mais l’Histoire nous montre bien qu’il y a toujours cette première phase de démonstration de force, exposant les armes à disposition — c’était déjà le cas pour les Penn Arms en 2016 : ils ont été montrés partout mais n’étaient pas encore utilisés. C’est une stratégie dissuasive : l’article de Marianne, qui évoquait l’existence d’un gaz incapacitant, a fait spéculer sur ce que pourrait être cette arme, sur ce qu’il pourrait y avoir dans ces blindés ! Et on induit une forme de peur.
[gilets jaunes : recensement provisoire des blessés graves | Désarmons-les]
Photographies de bannière et de vignette : Cyrille Choupas
- Zineb Redouane.[↩]
- Mikaël Cueffà à Pont-de-Buis, Édouard Walczak à Lille, Maxime Peugeot à Notre-Dame-des-Landes.[↩]
- Pascal Vaillat à Saint-Nazaire et Robin à Bure.[↩]
- Ayman à Villiers-sur-Marne, Joachim à Lyon et Maxime à Grenoble.[↩]
- Voir « bilan provisoire », Désarmons-les, 4 janvier 2019.[↩]
- Voir Elise Menand, Perrine Bonnet, Alice Gauvin, Matthieu Boisseau, Tristan Waleckx et Yvan Martinet, « Violence, la surenchère », Envoyé Spécial, 13 décembre 2018.[↩]
- Voir Art. 211-9 LSI et décret n° 2011-794 du 30 juin 2011 relatif à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre public.[↩]
- Voir « Le passage aux balles de gomme et aux armes de 40 mm : un enférocement répressif due à la Loi pour la Sécurité Intérieure », Désarmons-les, 19 avril 2018 ; voir « Rapport relatif à l’emploi des munitions en opérations de maintien de l’ordre », IGPN et IGGN, 13 novembre 2014, p. 14.[↩]
REBONDS
☰ Lire notre entretien avec Raphaël Kempf : « L’action politique est de plus en plus criminalisée », janvier 2019
☰ Lire notre carnet : « Gilets jaunes : carnet d’un soulèvement », décembre 2018
☰ Lire notre témoignage « Violences policières, un élu raconte », décembre 2018
☰ Lire notre article : « Bure, laboratoire de la répression », Gaspard d’Allens, novembre 2018
☰ Voir notre portfolio : « Jaune rage », novembre 2018
☰ Lire notre entretien avec Matthieu Rigouste : « Les violences de la police n’ont rien d’accidentel », février 2017