Traduction d’un article paru dans Jacobin
En Iran, la protestation populaire se poursuit depuis près d’un mois — ce sont plus de 100 villes, 60 universités et 30 provinces qui se sont levées. Voilà désormais que le secteur pétrochimique s’y rallie. L’organisation HRANA vient d’avancer le chiffre probable de 200 morts et fait état d’au moins 5 500 arrestations. L’objectif des protestataires est net : renverser le régime théocratique. Pour la revue étasusienne Jacobin, Sayeh Javadi, chercheuse et membre des Socialistes démocrates d’Amérique, a discuté avec une militante irano-azérie de 21 ans : autrice et artiste, Parandeh est engagée dans l’organisation syndicale. Pour des raisons de sécurité, les éléments susceptibles de l’identifier n’ont pas été publiés. Nous traduisons leur échange : de l’intérieur, la militante raconte la « révolution » — c’est son mot — en cours. Tout en dénonçant l’embargo étasunien et en refusant que l’Iran devienne internationalement « un sujet de discussion chic », elle s’élève contre ceux qui, au nom d’une compréhension insensée de ce qu’est la lutte contre l’impérialisme, soutiennent le gouvernement en place. Son cap ? « défendre les intérêts de la classe ouvrière ».
J’ai appris l’attaque de Jina au moment même où elle se produisait. La nouvelle a été annoncée par son frère alors qu’elle était encore à l’hôpital et qu’elle n’était pas encore décédée. J’avais huit ans lorsque Neda Agha-Soltan a été tuée [Agha-Soltan était une militante abattue par les Gardiens de la révolution lors du Mouvement vert en 20091]. Bien que tous les adultes aient tenté de m’empêcher de voir la vidéo, qui tournait en boucle, c’était impossible à éviter : elle a eu sur moi un impact profond. Je me souviens encore d’avoir pleuré et avoir tenté de cacher ma tristesse à mon père. Depuis, tant de personnes ont été tuées dans la rue durant des manifestations. Des filles et des épouses ont été victimes de crimes d’honneur et ont été décapitées, et leurs meurtriers ont été condamnés à des peines de prison légères. Je ne pense pas être différente des Iraniens en général : quelque part, nous sommes blasés. La mort ne nous choque plus vraiment. Quand Jina a été battue à mort, j’étais en colère, mais pas surprise.
Les manifestations qui ont suivi se sont-elles produites de manière spontanée ?
En Iran il y a toujours eu une organisation et une mobilisation contre le pouvoir. Mais je crois que, majoritairement, ces manifestations sont spontanées, notamment au Kurdistan iranien [Rojhelat]. Je ne pense pas qu’une personne puisse voir ce qui est arrivé à Jina sans ressentir le besoin de descendre aussitôt dans la rue. Lorsque la police a commencé à tuer des manifestants et a brutalement abattu une fillette kurde de 10 ans, le besoin de sortir dans la rue, même sans plan précis, s’est accru. Le peuple est mécontent depuis très longtemps.
Est-ce qu’une dimension de classe se dessine dans les manifestations ?
« Les manifestations que nous voyons aujourd’hui ont commencé comme un mouvement de la classe ouvrière. »
Pendant les manifestations contre l’essence en 2019, j’ai vu l’interview d’un bazari [un commerçant pauvre, ndlr] qui était dans la rue pendant le Mouvement vert […]. Le journaliste lui a demandé quelle était la différence entre les manifestations contre l’essence et le Mouvement, et ce qui avait changé en dix ans. La réponse du bazari a été simple : les manifestations du Mouvement appartenaient aux classes supérieures et moyennes, tandis que les manifestations pour l’essence appartenaient à la classe ouvrière. Après les manifestations contre l’essence, nous avons également assisté à des manifestations portées par la classe ouvrière au Khuzestan2 et à la grève des ouvriers, à peu près au même moment. Quiconque a étudié les mouvements révolutionnaires dans l’Histoire sait bien que la classe ouvrière joue un rôle essentiel dans la réalisation des revendications d’une révolution — s’il s’agit d’un mouvement authentique. Les manifestations que nous voyons aujourd’hui ont commencé comme un mouvement de la classe ouvrière. Amini était une Kurde originaire de Saqqez, une ville majoritairement habitée par les classes travailleuses. Le fait que les Kurdes soient une minorité ethnique les désavantage encore plus que la plupart des autres travailleurs. Ces protestations se sont étendues au-delà de la communauté kurde, dans de nombreuses villes du pays, impliquant toutes les classes sociales. Dans le passé, nous avons vu des manifestations contre le hijab obligatoire dominées par les citoyens de la classe moyenne supérieure du nord de Téhéran et d’autres zones métropolitaines : ils font donc naturellement partie des manifestants. Mais c’est l’une des premières fois que je vois différentes classes sociales iraniennes, différents groupes ethniques, des religieux et des laïcs, s’unir contre un ennemi commun.
Les étudiants, les enseignants et les travailleurs se mettent maintenant en grève, et d’autres syndicats menacent de le faire également, notamment les travailleurs de l’industrie pétrolière. Quelle influence et quel pouvoir le mouvement ouvrier a‑t-il historiquement en Iran ?
Il s’agit d’une évolution incroyable qui va remonter le moral de tous les Iraniens qui doutent de l’authenticité du mouvement. J’ai vu une image incroyable pendant les manifestations du Khuzestan qui représentait des mains ouvrières avec la légende suivante : « Les travailleurs sont ceux qui produisent tout mais ils luttent pour survivre. » Je trouve que ça s’applique à toutes les sociétés dans lesquelles la classe ouvrière est opprimée, mais c’est particulièrement pertinent pour l’Iran. Sans nos agriculteurs, nos mineurs, nos métallurgistes et nos enseignants, l’Iran ne fonctionnerait pas. Je voudrais citer les mots de Sadegh Kargar, un militant syndical iranien : « Les opprimés ne sont pas devenus les dirigeants [après la révolution], ils sont seulement devenus plus opprimés. [Le gouvernement a] aboli les lois de protection du travail […]. Dès qu’un travailleur proteste, les forces spéciales répressives s’occupent de lui […]. Les travailleurs sont maintenant fouettés, emprisonnés et condamnés à dix ans de prison pour des questions syndicales — par exemple, un enseignant ou un travailleur qui a formé un syndicat ou défendu les droits des enseignants ou des travailleurs à former un syndicat. Les dirigeants actuels sont des capitalistes en devenir qui ont suivi les traces des précédents et traitent les opprimés de manière bien pire, plus violente, plus impitoyable et plus inhumaine. En fait, ce que les travailleurs avaient gagné après cent ans de lutte et d’efforts, ils l’ont perdu dans la République islamique. »
[DR]
Les ouvriers iraniens font grève depuis toujours, mais la première trace de grèves ouvrières massives que nous avons dans l’Iran contemporain remonte au mouvement constitutionnel de 1905. La période 1953–1979 a été marquée par diverses grèves ouvrières (la plus importante s’est produite en 1977), et les droits des travailleurs étaient un principe essentiel pour les révolutionnaires de tous les horizons. Pendant que l’imam Khomeini était en exil à Paris, il a accordé des entretiens à des journalistes occidentaux, affirmant que son gouvernement honorerait et respecterait les travailleurs iraniens. Il aurait alors dit : « Les travailleurs de la République islamique auront le droit de se réunir et de défendre leurs droits syndicaux. Les travailleurs démunis d’Iran, dont la plupart sont des agriculteurs pieux, pauvres et affamés, ont le droit de se battre par tous les moyens possibles et légitimes pour faire valoir leurs droits ». Lorsque les révolutionnaires islamiques sont arrivés au pouvoir, des affiches de propagande représentant des ouvriers en train de prier ont été diffusées dans tout le pays, accompagnées d’une citation de l’imam Khomeini qui disait « L’islam est le seul défenseur du travailleur » — une affirmation audacieuse de la part d’un homme qui se qualifiait lui-même de réactionnaire dans ses discussions avec les gens de gauche, qui a privé les travailleurs iraniens de la liberté de se réunir et a exécuté la majorité des organisateurs syndicaux du pays…
Rien n’a changé pour le travailleur iranien moyen depuis l’époque du Shah [monarque autocratique et pro-étasunien renversé par la révolution islamique de 1979, ndlr], et je considère que quarante-trois ans suffisent pour que la « période de transition » d’une révolution prenne fin. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui dans les rues de la plupart des villes et des villages du pays en est la preuve. Avant ça, en décembre 2021, de nombreux enseignants de Téhéran s’étaient mis en grève pour réclamer des salaires plus élevés et ont été confrontés à des arrestations massives. Actuellement, ils se battent toujours pour leurs salaires et se montrent solidaires de leurs étudiants qui protestent — un grand nombre ont même démissionné de leur poste. Le Conseil de coordination des syndicats et des éducateurs d’Iran a déclaré les 26 et 28 septembre journées de grève nationales, demandant aux enseignants et aux étudiants d’y participer. Les élèves iraniens des écoles secondaires organisent leurs propres grèves dans le but de supprimer le port obligatoire du voile dans les écoles. Ce mouvement est mené par les Étudiantes progressistes d’Iran, qui encouragent les étudiants masculins à participer à la grève et à défendre les intérêts de leurs camarades femmes. Les étudiants iraniens de quinze universités ont également commencé à faire grève, avec des revendications plus importantes que leurs homologues plus jeunes, portant sur la corruption du gouvernement.
« Khomeini a privé les travailleurs iraniens de la liberté de se réunir et a exécuté la majorité des organisateurs syndicaux du pays. »
Dans les villes du pays, des Iraniens de tous les milieux et de toutes les professions sont en grève depuis la fin de la première semaine de protestations, surtout au Kurdistan iranien. À Rasht et dans d’autres villes bordant la mer Caspienne, la population a recours à une méthode de mobilisation plus traditionnelle : elle distribue des tracts qui invitent les ouvriers à participer aux grèves. Le Conseil d’organisation des manifestations des travailleurs contractuels du pétrole a également publié une déclaration, menaçant de se mettre en grève tant que le gouvernement continuera à massacrer la population. Ce dernier point est terrifiant pour le gouvernement iranien car le pétrole est notre principale exportation depuis le début du XXe siècle. Cette menace et l’inquiétude qu’elle a suscitée montrent une fois de plus le pouvoir que les travailleurs détiennent dans le pays, bien qu’ils n’aient que peu ou pas de droits ou de représentation. Je suis incroyablement fière de nos courageux travailleurs et de leur persévérance. Il existe pourtant un triste groupe de travailleurs qui n’a pas été suffisamment défendu ou représenté, à savoir les enfants travailleurs d’Iran. Selon des rapports de 2020, l’Iran compte dix millions d’enfants travailleurs, dont sept occupent des postes dangereux. J’espère qu’à mesure que ce soulèvement se poursuivra, les groupes de travailleurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iran donneront une voix aux enfants travailleurs et que nous pourrons enfin mettre officiellement fin au travail des enfants.
Je suis convaincue que la participation massive des travailleurs à ce soulèvement fera avancer notre mouvement et aboutira à un Iran plus éthique, plus juste et plus fort. Ce qu’il y a de beau dans ces manifestations, c’est qu’elles sont véritablement dominées par des personnes de tous âges et de tous sexes. J’ai récemment vu deux vidéos très puissantes : une d’une grand-mère rashti [de la ville de Rasht, ndlr] qui retire son voile et dit se rappeler avoir protesté contre la destitution du Premier ministre Mohammad Mossadegh en 1953 ; l’autre d’un homme âgé, debout avec sa fille, qui raconte avoir été arrêté en 1978 par la SAVAK [la police secrète du Shah, ndlr] pendant la révolution. Tous deux sont des exemples d’une génération qui a connu de grands changements politiques en peu de temps et qui se bat à nouveau pour un avenir au nom de ses enfants. Je trouve ça incroyablement émouvant. Ça envoie un message au gouvernement : nous vous avons mis au pouvoir et nous vous en sortirons.
[DR]
Ces manifestations interviennent après des années de sanctions contre l’Iran et d’inflation. Quel type de revendications économiques sont formulées lors des manifestations actuelles ?
Toute personne qui a vécu sous des sanctions ou sait un minimum de quoi il s’agit sait qu’elles nuisent uniquement aux peuples, pas aux gouvernements. Les sanctions sont une guerre : celles qui sont imposées à l’Iran par les États-Unis sont absolument diaboliques. Les sanctions ne sont cependant pas la cause principale de nos malheurs économiques — notre gouvernement corrompu est également responsable de l’état économique de la nation. Les sanctions américaines n’ont pas battu Amini à mort, et les sanctions américaines n’ont pas tiré sur la tête cette fillette kurde de 10 ans. La moitié de la population iranienne vit en dessous du seuil de pauvreté, des familles se privent de viande et de pain en raison du coût de la vie et les enfants n’ont pas de lait à boire le matin. Sans compter les nombreux enfants travailleurs qui vivent dans les rues et les nombreux Iraniens sans abri qui cherchent refuge dans des tombes vides — comme le rapporte la République islamique elle-même. Tandis que la population vit dans ces conditions, les membres du gouvernement conduisent des Mercedes, organisent de grands dîners, reçoivent de grandes quantités d’huile de cuisson, placent des millions dans des banques suisses et envoient leurs enfants vivre à l’étranger, en Occident. Leurs filles vivent non voilées et dépensent leur argent en cocaïne et en vêtements de marque. Ces manifestations ne sont pas seulement contre le port du voile obligatoire ; elles sont contre le gouvernement et la corruption qui y règne. Je viens de voir le tweet d’une jeune fille de Tabriz, qui a écrit en farsi : « Je proteste pour ma mère, car vous (le gouvernement) n’avez pas importé le vaccin contre le coronavirus en Iran et aujourd’hui c’est l’anniversaire de sa mort. »
Vous avez dit avoir rencontré d’autres personnes de gauche en vous organisant autour des droits du travail. Y a‑t-il une gauche forte en Iran ?
Il était illégal d’être un militant de gauche sous le Shah, et beaucoup d’entre eux ont été emprisonnés. Le Shah les emprisonnait et Khomeini, lui, les tuait. S’il est très rare que les militants de gauche dominent le récit politique iranien, il en existe de nombreux, clandestins, qui tentent de mobiliser. Mais il n’y a pas de leader de gauche fort en Iran derrière lequel nous pourrions nous rallier — du moins pas à ma connaissance. La gauche iranienne participe à ces manifestations et a sa propre liste de revendications, qui sont en partie les mêmes que celles de 76, 77, 78 et de 79, qui n’ont jamais été satisfaites. Le droit du travail est l’une des principales préoccupations, mais aussi l’accès à l’éducation, l’abolition de la pauvreté, la redistribution des richesses à travers la nation, l’égalité entre les minorités ethniques et puis, aussi, la question climatique.
Quelle a été la réaction des citoyens conservateurs et de droite en Iran ?
« Les sanctions nuisent uniquement aux peuples, pas aux gouvernements. Les sanctions sont une guerre. »
J’ai été agréablement surprise de voir le nombre de conservateurs qui se tiennent aux côtés du peuple. J’ai vu une vidéo intéressante d’un manifestant conservateur qui disait que le gouvernement devrait compatir avec les manifestants qui demandent du changement, car eux-mêmes étaient dans la même situation dans leur jeunesse. Bien sûr, j’ai également vu les manifestations dites « pro-gouvernementales ». Ce gouvernement est connu pour faire venir en bus des gens de villes et de villages pauvres pour défiler au nom de la République islamique en échange d’une grosse somme d’argent. Ces manifestations n’existent que pour les personnes susceptibles de soutenir le gouvernement en dehors de l’Iran, pour partager les vidéos en ligne et dire « Ce que les médias ne veulent pas que vous voyiez » ou quelque chose de ce genre. Le gouvernement cherche désespérément à se donner un sentiment de légitimité.
J’ai vu une vidéo de manifestants scandant « Shah‑e Iran, bargard be Iran » (« Shah d’Iran, reviens en Iran »). On ne sait pas s’il s’agit d’une manifestation récente ou d’une vieille vidéo, mais, à votre avis, comment voit-on le Shah dans votre génération, dans votre groupe social et dans les autres ?
Il y a des groupes de jeunes Iraniens de la diaspora, dans ma tranche d’âge, qui sont davantage pro-Shah que Reza Pahlavi [fils aîné du Shah, ndlr] lui-même. Mais je ne les trouve pas représentatifs des masses. La nostalgie de l’époque du Shah vient en grande partie de la nostalgie et de la signification culturelle de la monarchie : beaucoup de gens aiment l’illusion de la grandeur, comme dans les contes de fées. Il est très facile de regarder la situation actuelle, les luttes auxquelles nous sommes confrontés, et de se dire : « Au moins, nous n’avions pas à faire face à X, Y, Z, à cette époque. » Mais il ne s’agit pas de choisir entre la théocratie et la monarchie — nous avons d’autres options. Les Iraniens qui manifestent ici scandent : « Pas de mollahs, pas de shah, juste la démocratie ! » Je suis d’accord avec ce sentiment. Le peuple iranien est intelligent : nous savons quand on profite de nous. Ce n’est pas un soulèvement que nous vivons mais une révolution. Les gens tuent des bassidjis [membres de l’une des cinq forces du Corps des Gardiens de la révolution, ndlr], ils se dressent face à l’armée et disent « Mort au dictateur, mort à Khamenei, mort à la République islamique », ils arrachent et brûlent les images de l’imam Khomeini, de Rahbar [Guide suprême Khamenei, ndlr] et de Qasem Soleimani [commandant de la division Quds du Corps des gardiens de la révolution, assassiné par un drone étasunien en 2020, ndlr]. Les femmes se rasent la tête, enlèvent leurs voiles, crient au visage des Gardiens de la révolution et de la police de la moralité. Elles se tiennent devant des tanks, des lances à incendie, des mitrailleuses et des gaz lacrymogènes.
[DR]
Nous n’avons que des pierres et nos poings pour nous battre. Nous sommes l’un des groupes de personnes les plus courageuses de la planète, j’en suis vraiment convaincue ! Je dirais que, pour l’instant, l’objectif du manifestant moyen est une révolution qui déboucherait sur une transition vers la démocratie, mais c’est bien sûr susceptible de changer au fur et à mesure de la poursuite des manifestations. Le premier chant que j’ai entendu et qui m’a fait penser que cette manifestation serait différente des autres a eu lieu immédiatement après l’enterrement de Jina. À Saqqez, ils criaient « Je vais tuer celui qui a tué ma sœur ! » Bien sûr, il y a aussi les chants que nous entendons toujours — nous aimons déclarer la mort des choses. « Mort à Khameini », « Mort au régime », « À bas le hijab obligatoire », etc. « Femmes, vie, liberté » est un excellent slogan. C’est très simple. J’ai vu des gens chanter « We are not afraid » ou simplement « Azadî » [« liberté », en kurde] à plusieurs reprises. Les gens chantent des chansons antifascistes ou de gauche depuis les premiers jours de la révolution. Ils ont chanté la chanson de résistance chilienne de l’époque de Salvador Allende, « El pueblo unido jamás será vencido » [« Le peuple uni ne sera jamais vaincu »]. Et « Bella ciao », qui est évidemment un classique de l’antifascisme. Même s’il ne s’agit pas de chant, je tiens à mentionner le changement d’imagerie révolutionnaire que j’ai pu observer : ce matin, un grand groupe de manifestants arborait Derafsh Kaviani — le drapeau du forgeron —, un important héros de la classe ouvrière qui a tenu tête à un tyran brutal. C’est la première fois dans l’histoire récente que je vois des Iraniens s’inspirer des héros révolutionnaires de notre folklore et de notre histoire.
Avez-vous vu les forces gouvernementales envoyer de faux manifestants pour discréditer le mouvement ? Il y a eu des témoignages à ce sujet dans le passé.
La République islamique est connue pour envoyer de faux manifestants pour causer des problèmes. Par le passé, elle a brûlé ses propres banques et le siège du Sepâh [Corps des Gardiens de la révolution islamique, ndlr] pour faire passer les manifestants pour des violents. Selon certaines rumeurs, le gouvernement va payer des gens pour brûler des Corans le jour de l’anniversaire de la mort du prophète Muhammad dans le but de faire passer les manifestants pour des païens anti-islamiques. L’autre jour, je me suis souvenue de la comédie britannique We Are Four Lions, qui fait la satire du fondamentalisme et des aspirants djihadistes. Dans le film, ils cherchent un endroit où poser une bombe et l’un d’eux suggère de faire exploser la mosquée locale pour faire croire que ce sont des islamophobes qui l’ont fait, afin de « radicaliser les modérés ». La scène se termine métaphoriquement : une bagarre où le meneur se frappe lui-même au visage pour être suffisamment énervé pour se défendre. Il est horrible mais ironique de penser que le gouvernement iranien utilise des tactiques inventées par un auteur de comédie, en pensant que ça peut fonctionner. En ce qui concerne les cocktails Molotov et la violence en général, je ne serais pas surprise qu’ils paient les gens pour qu’ils se comportent ainsi. Mais il est également important d’avoir à l’esprit combien le peuple iranien est en colère. Je ne leur reprocherais pas — et je ne les critiquerais pas — de se comporter de manière violente.
Le gouvernement iranien a commencé à lancer des frappes de drones et de missiles contre les Kurdes en Irak, les rendant responsables des manifestations. Comment pensez-vous que cette escalade, qui vise maintenant des personnes en dehors des frontières de l’Iran, aura un impact sur la lutte du peuple iranien ?
« Je ne veux pas que l’Iran devienne un sujet de discussion chic. Lorsque vous vous lasserez de nous et passerez à la Somalie ou à la Tchétchénie, nous souffrirons encore. »
Les récentes frappes contre le Kurdistan constituent une évolution terrifiante pour les Iraniens du monde entier et pour le mouvement. Elles montrent une fois de plus la barbarie de nos dirigeants actuels. Il semble qu’ils punissent une ethnie entière à la suite de leurs propres actes inhumains contre une jeune fille kurde, en disant presque que le crime de Jina était d’être kurde. Mais je crois que ces frappes se retourneront contre la République islamique et ses forces, car ces dernières ne feront que continuer à montrer leur vrai visage. Ça démontre à quel point ils ont peur de perdre le pouvoir et à quel point ils ne sont pas sûrs de leur légitimité. Le comportement qu’ils affichent est lâche. Seuls les lâches utilisent des bombes comme moyen de faire taire des innocents. Ces frappes et le meurtre de Jina ont déjà entraîné des protestations parmi les Kurdes d’autres pays, notamment le rassemblement de femmes kurdes dans le nord de la Syrie [Rojava] la semaine dernière. Je pense que les dirigeants iraniens ont pensé qu’ils pouvaient revenir à leurs anciennes méthodes d’écrasement des mouvements sociaux, en répondant aux pierres par des frappes de drones. Mais le peuple n’a plus peur. Au contraire, ces frappes ont intensifié la colère de la population et son désir de se battre. C’est comme se moquer d’une guêpe — la guêpe finira par vous piquer. C’est une analogie ridicule mais nous, le peuple iranien, sommes la guêpe dans ce scénario. Et nous ne sommes pas seulement des Perses, mais aussi des Kurdes, des Turcs, des Arméniens, des Lors, des Arabes et bien d’autres de nos frères et sœurs. Nos hamevatan [« compatriotes »].
Compte tenu de l’agression impérialiste des États-Unis et du régime de sanctions contre l’Iran, quel type de solidarité internationale pensez-vous qu’il faille de la part de la gauche mondiale ?
C’est vraiment compliqué. Par le passé, j’ai déploré que les Américains expriment leur opinion sur l’Iran parce qu’ils sont souvent mal informés mais insistent malgré tout pour être la voix la plus forte. Je ne veux pas que l’Iran devienne un sujet de discussion chic. Lorsque vous vous lasserez de nous et passerez à la Somalie ou à la Tchétchénie, nous souffrirons encore. Mais j’ai été vraiment surprise de voir tant d’Américains partager des vidéos, et même des hashtags en farsi, pour faire connaître nos manifestations. Je crois que Bella Hadid [mannequin étasunienne, ndlr] a même fait un post Instagram pour Jina. Je n’ai aucun problème à ce que les Américains partagent nos voix et nos histoires, tant qu’ils sont véritablement informés de l’histoire iranienne. Je dis ça aussi bien pour les Américains qui soutiennent les manifestations que pour ceux qui soutiennent le gouvernement iranien (et ils sont beaucoup trop nombreux sur les réseaux). J’ai vu de nombreux Américains qui prétendent être des « anti-impérialistes » critiquer les manifestants en les qualifiant de marionnettes de l’Occident et harceler les Iraniens qui partagent des vidéos des manifestations. À ça, j’aimerais répondre : si vous êtes un Américain « anti-impérialiste » qui dit à un Iranien ce qu’il doit penser de son gouvernement et qui prétend savoir ce qui se passe réellement en Iran par rapport à ceux d’entre nous qui ont vu le vrai visage de notre gouvernement, comment n’êtes-vous pas vous même un impérialiste ?
[DR]
Aux Américains qui soutiennent les manifestations, je voudrais vous dire de vous renseigner en profondeur sur les différents groupes iraniens et les revendications du peuple afin de ne pas être victime d’opportunistes. La secte terroriste Mojahedin-e-Khalq [MEK] et sa dirigeante, Maryam Rajavi, se sont récemment rebaptisées Comité des femmes du Conseil national de la résistance iranienne — en se présentant comme un groupe militant féministe. J’ai vu de nombreux Américains et Irano-Américains qui ne connaissent pas la politique iranienne en faire la promotion et encourager leurs followers, sur les réseaux sociaux, à envoyer des dons, pensant naïvement que l’argent ira aux femmes iraniennes, sans savoir qu’ils financent les tentatives avides de pouvoir de Rajavi pour diriger l’Iran. J’ai également vu de nombreux Américains partager le contenu de Masih Alinejad : je la tiens pour une activiste malhonnête, qui est dans la poche des États-Unis et de la République islamique. J’ai également vu des Américains créer des « scripts » pour appeler et envoyer des courriels aux membres du Congrès, les encourageant à « aider » l’Iran. Ça n’est pas dans l’intérêt de l’Iran et ça favorise l’intervention étrangère — ce qui ne fera que discréditer notre mouvement.
L’organisation Progressive International a fait un excellent travail de solidarité avec les grévistes de Haft Tappeh en publiant leur liste de revendications en sept langues. La revue socialiste New Politics a également fait preuve de solidarité avec l’Iran — et a continué de le faire — en partageant les revendications des manifestants en 2019, en partageant des mises à jour sur les prisonniers politiques iraniens et en critiquant ceux qui se taisent ou soutiennent le gouvernement iranien. La solidarité internationale ne devrait jamais aggraver une situation ou punir la population d’un pays qui a besoin d’aide. Tout dirigeant qui impose des sanctions ou envoie des chars au nom de la solidarité a des arrière-pensées et n’a pas l’intention de faire preuve d’une véritable solidarité. En outre, faire preuve de solidarité internationale ne devrait pas impliquer de partager de la propagande. Par exemple, dans le contexte de l’Iran, et même de l’Afghanistan, le partage de photos de minijupes en opposition aux hijabs n’est pas bénéfique à la cause. Ça réduit les cris du public à un simple morceau de tissu, alors que nous savons que les protestations signifient bien plus que ça.
Certains Occidentaux estiment qu’il ne faut pas critiquer les lois islamiques relatives aux voiles, car ça les rendrait « islamophobes ». Quelle est votre réponse ?
« Le partage de photos de minijupes n’est pas bénéfique à la cause. Ça réduit les cris du public à un simple morceau de tissu, alors que nous savons que les protestations signifient bien plus que ça. »
Oui, je vois souvent cette discussion, en particulier parmi les musulmans des États-Unis et du Royaume-Uni. Je dois dire que ces préoccupations viennent surtout des hommes, même si je déteste utiliser le genre comme un outil de division. De nombreuses femmes portant le hijab et le niqab se sont montrées solidaires des femmes iraniennes, affirmant que la contrainte allait à l’encontre de l’objectif initial du hijab. Elles ont cité la sourate al-Baqara, paragraphe 256 du Coran, qui dit : « Qu’il n’y ait pas de contrainte en religion. En vérité, le bon chemin s’est distingué du mauvais chemin » — ce que je trouve particulièrement puissant et utile à notre cause. Il n’y a pas d’Iraniens qui crient à la mort de l’islam et il n’y a pas d’Iraniens qui veulent débarrasser complètement l’Iran de l’islam. C’est impossible. L’Iran est un pays musulman depuis le VIIe siècle. Certains de nos plus grands chefs-d’œuvre littéraires, les grands poètes soufis, l’ajout du riz à notre régime alimentaire, la culture de la propreté, tout ça est dû à l’islam. Si on est une personne qui a la foi, il est impossible de regarder les crimes de la République islamique d’Iran et de ne pas voir qu’ils sont en contradiction avec l’islam — ou de toute autre croyance.
Avant la révolution, on voyait beaucoup de femmes voilées et non voilées et elles étaient sur un pied d’égalité — à l’exception de la brève interdiction des hijabs par Reza Khan, père du dernier Shah d’Iran, en 1936, qui a également entraîné des brutalités policières. Les fêtes religieuses étaient observées ; Reza Shah s’est rendu à la Mecque ; Farah Diba [épouse du Shah, ndlr] portait un tchador sur la tombe de l’imam Hussein ; de nombreuses personnes fréquentaient la mosquée ; le vendredi était un jour de repos et de prière. Je note ces éléments uniquement pour rappeler que personne n’appelle à la fin de l’islam. Il est également très important de noter que de nombreux manifestants sont eux-mêmes pieux. […] Dans l’islam, nous disons « Bismillah Rahman Rahim » : « Au nom d’Allah, le miséricordieux, le compatissant. » Dieu, en tant qu’entité miséricordieuse et compatissante, ne peut approuver qu’une femme soit battue à mort et qu’un enfant de 10 ans soit abattu dans les bras de son père.
C’est la même génération qui protestait contre le prix de l’essence en 2019 et qui a été violemment réprimée. C’est incroyable et inspirant que les gens continuent à se battre. Qu’est-ce qui pousse les gens à sortir et à lutter de nouveau malgré le danger ?
Nous avons eu une révolution qui a mis ce gouvernement au pouvoir ; maintenant, nous avons le libre arbitre de le destituer. Et si nous ne sommes pas satisfaits de la personne qui succède à la République islamique, je ne doute pas que nous la destituerons également. J’ai l’impression que nous n’avons rien à perdre. Soit nous attendons et nous nous « comportons bien », pour être tout de même abattus par un garde révolutionnaire, battus à mort par la police des mœurs ou mourir de faim à cause de la mauvaise gestion du gouvernement, soit nous nous battons et courons le même risque de mourir que si nous ne nous battons pas. Nous n’avons pas encore abordé ensemble la composante religieuse. L’intégralité de la révolution [de 1979] a été alimentée par le concept de « martyr ». Puis nous avons eu une guerre brutale, dans laquelle chaque soldat est devenu un shahid [« martyr »]. Chaque rue est une rue de shahid. Et les enfants de shahids sont récompensés lors de leur concor [examen d’entrée à l’université, ndlr] et sont soutenus financièrement par le gouvernement. Pendant quarante-trois ans, on nous a encouragés à regarder dans le canon d’un fusil et à voir le Paradis, à mourir le sourire aux lèvres. Pourquoi s’étonnent-ils maintenant que ma génération soit intrépide ? Nous sommes nés préparés au combat et nous n’avons aucun scrupule à mourir.
Les Iraniens luttent depuis des décennies contre l’oppression du gouvernement autoritaire iranien. Que pensez-vous qu’il faille faire pour mettre fin au régime ?
C’est tellement difficile à dire ou à prévoir. Évidemment, je suis de gauche donc je souscris à ce vieux cliché « Le pouvoir au peuple », mais je crois vraiment que c’est juste. Nous avons vu, au cours des trois dernières années, le peuple se soulever pour mettre au pouvoir Luis Arce en Bolivie, Gabriel Boric au Chili et Gustavo Petro en Colombie, remplaçant ainsi des dirigeants brutaux et oppressifs. Je trouve que l’Amérique latine et le Moyen-Orient se ressemblent en ce sens que nous avons tous deux été exploités, que nous sommes révolutionnaires en tant que peuples, qu’il existe de grands écarts entre les classes riches et paysannes et que nous sommes pieux. Lorsque je pense à l’avenir de l’Iran, je me tourne souvent vers l’Amérique latine pour y trouver espoir et inspiration. Je pense qu’il est important que les manifestants tendent un miroir aux visages du gouvernement. Les promesses faites par Khomeini et les révolutionnaires islamiques n’ont jamais été tenues. Les demandes du peuple ne sont pas très différentes des demandes des masses en 1978, sauf que maintenant les libertés sociales font partie de la liste. […] Les dirigeants de la République islamique savent qu’ils sont impopulaires. Ils ont même des personnes qui travaillent pour eux et qui, en privé, déclarent détester le système actuel. L’ayatollah Khamenei, le président Ibrahim Raisi et leurs collaborateurs ne partiront pas pacifiquement, comme nous l’avons déjà vu, et tenteront de s’accrocher au pouvoir le plus longtemps possible. Même si je déteste le dire, je pense qu’une guerre entre les masses et les dirigeants n’est pas improbable. Le meilleur scénario serait que les militaires se retournent contre le gouvernement et rejoignent le peuple. Malheureusement, je pressens un bain de sang de plus entre les masses, l’élite religieuse et les dirigeants avant que notre objectif ne soit atteint.
Quel type de gouvernance ou de système pourrait naître de la révolution en cours ? Et qu’espérez-vous personnellement ?
« Le meilleur scénario serait que les militaires se retournent contre le gouvernement et rejoignent le peuple. »
En l’absence d’une force de gauche légitime ou d’une présence de la gauche en Iran, les rêves des gens de gauche comme moi sont voués à l’échec, et nous devrons nous contenter de ce que la majorité choisira. Je me suis déjà faite à cette idée. Nous continuerons à défendre les intérêts de la classe ouvrière. De façon réaliste, il y a peu d’options pour nous. Soit la République islamique parvient à se maintenir au pouvoir avec un peu d’aide de ses amis, soit un référendum est organisé et le peuple vote pour un système véritablement démocratique et représentatif, soit le peuple choisit une monarchie et Reza Shah peut prendre la place de son père, soit les militaires prennent le pouvoir et établissent une dictature militaire comme en Égypte. La meilleure de ces quatre options repose sur l’espoir que le peuple choisisse un gouvernement qui soit réellement représentatif des masses. Celles qui me font le plus peur sont une dictature militaire ou le statu quo. Il existe des groupes marginaux qui souhaitent prendre le pouvoir en Iran et qui n’ont que peu ou pas de soutien. Celui qui bénéficie du plus grand soutien est le Mojahedin-e-Khalq, qui a été autorisé à conserver son siège en France et en Albanie et qui organise chaque année un sommet intitulé « Free Iran », auquel participent des personnalités comme Rudy Giuliani et Mike Pompeo. Rajavi a trompé l’Occident en lui faisant croire qu’elle serait une leader féministe et juste, malgré les crimes que le MEK a commis contre le peuple iranien pendant la guerre Iran-Irak, lorsqu’il s’est rangé du côté de Saddam Hussein. La perspective de son leadership est vraiment effrayante, surtout à la lumière de ses récentes tentatives de changer la façade de son parti et de tirer profit de ces protestations. Bien que ce soit peu probable, nous devons garder cette perspective à l’esprit pour éviter que ça ne se produise.
Mon espoir pour l’Iran est simple. Je veux que nous ayons enfin notre mot à dire dans notre propre gouvernement. Nous avons été une monarchie dès le premier jour et avons fait face aux invasions de multiples empires. L’Occident a trouvé du pétrole sur nos terres, a financé une nouvelle monarchie et a renversé notre Premier ministre élu à l’occasion d’un coup d’État britannique et américain. Nous avons lancé une révolution qui a été détournée pour empêcher la « propagation du communisme » et nous sommes maintenant coincés depuis cinquante ans. Il est temps que nous ayons notre mot à dire sur nos moyens d’existence, sans ingérence de puissances étrangères. Quel que soit le choix des masses iraniennes, je l’accepterai. Le combat des gens de gauche sera le même. Nous continuerons à défendre la classe ouvrière, les droits des travailleurs, etc. Nous méritons d’être prospères et indépendants.
Traduit de l’anglais par la rédaction de Ballast | « In Iran, Mass Protests Are Chanting No Mullahs, No Shah, Just Democracy
», Jacobin, 10 octobre 2022
- Soulèvement qui a fait suite aux élections présidentielles iraniennes [ndlr].↑
- Une des 31 provinces de l’Iran, située au sud-ouest du pays, à la frontière avec l’Irak [ndlr].↑
REBONDS
☰ Lire le récit « Drôle de temps, ami », Maryam Madjidi, janvier 2022
☰ Lire notre article « Iran : un an après le soulèvement de novembre 2019 », Collectif 98, décembre 2020
☰ Lire notre article « Entre l’Iran et l’Irak : les kolbars ne plient pas », Loez, décembre 2019
☰ Lire notre article « Forough Farrokhzad, une rébellion iranienne », Adeline Baldacchino, mars 2019
☰ Lire notre traduction « Iran — Nous voulons des droits égaux ! », Shiva Mahbobi, juin 2018