Peut-on critiquer Foucault ?


Entretien inédit pour le site de Ballast

Un essai col­lec­tif, titré Critiquer Foucault, vient de paraître aux édi­tions Aden. « Loin de mener une lutte intel­lec­tuelle réso­lue contre la doxa du libre mar­ché, Michel Foucault semble, sur bien des points, y adhé­rer », assure-t-il tout de go. Pour en dis­cu­ter et sur­tout en débattre — au regard de la place incon­tes­tée dont béné­fi­cie Foucault dans la gauche radi­cale contem­po­raine —, nous avons ren­con­tré l’instigateur dudit essai, le socio­logue belge Daniel Zamora.


[cet entre­tien a été tra­duit en anglais, en alba­nais, en croate, en ita­lien, en néer­lan­dais, en espa­gnol, en por­tu­gais et en tchèque]


Dans Foucault, sa pen­sée, sa per­sonne, l’his­to­rien Paul Veyne l’a dit inclas­sable, poli­ti­que­ment et phi­lo­so­phi­que­ment. « Il ne croyait ni à Marx ni à Freud, ni à la Révolution ni à Mao, il rica­nait en pri­vé des bons sen­ti­ments pro­gres­sistes, et je ne lui ai pas connu de posi­tion de prin­cipe sur les vastes pro­blèmes, tiers-monde, socié­té de consom­ma­tion, capi­ta­lisme, l’impérialisme amé­ri­cain. » Vous écri­vez, vous, qu’il a tou­jours eu un « temps d’a­vance sur ses contem­po­rains » : c’est-à-dire ?

Disons qu’on peut dif­fi­ci­le­ment enle­ver à Foucault le fait d’avoir mis en lumière des pro­blé­ma­tiques qui étaient très clai­re­ment igno­rées, voire mises de coté par les intel­lec­tuels domi­nants de son époque. Que ce soit sur la psy­chia­trie, la pri­son ou la sexua­li­té, ses tra­vaux ont clai­re­ment mis le doigt sur un impen­sé du champ intel­lec­tuel. Bien sûr, il s’inscrit dans une époque, un contexte social beau­coup plus large et il ne sera pas le seul à tra­vailler sur ces ques­tions. Ces pro­blé­ma­tiques vont émer­ger un peu par­tout et faire l’objet d’importants mou­ve­ments sociaux et poli­tiques. En Italie, par exemple, le mou­ve­ment anti-psy­chia­trique ini­tié par Franco Basaglia n’a pas atten­du Foucault pour remettre en cause les asiles et for­mu­ler des pro­po­si­tions poli­tiques sti­mu­lantes afin de rem­pla­cer l’institution. Foucault n’est donc évi­dem­ment pas à l’origine de tous ces mou­ve­ments — et il ne l’a jamais pré­ten­du — mais il a clai­re­ment ouvert la voie à de très nom­breux his­to­riens et cher­cheurs tra­vaillant sur de nou­velles pro­blé­ma­tiques, de nou­veaux ter­ri­toires encore peu explo­rés. Il nous a appris à tou­jours ques­tion­ner poli­ti­que­ment les objets qui sem­blaient alors « au delà » de tout soup­çon. Je me sou­viens encore de son fameux entre­tien avec Chomsky, lorsqu’il décla­rait que la vraie tâche poli­tique à ses yeux était de cri­ti­quer les ins­ti­tu­tions « appa­rem­ment neutres et indé­pen­dantes » et de les atta­quer « de telle manière que la vio­lence poli­tique qui s’exerçait obs­cu­ré­ment en elles soit démas­qué ». Si j’éprouve par­fois quelques doutes sur la nature de ses cri­tiques — nous y revien­drons sans doute — il n’en reste pas moins que c’était une tâche plus que nova­trice et stimulante.

Votre ouvrage, en ren­dant Foucault com­pa­tible avec le néo­li­bé­ra­lisme, risque de faire grin­cer un paquet de dents !

« Foucault était atti­ré par le libé­ra­lisme éco­no­mique : il y voyait la pos­si­bi­li­té d’une forme de gou­ver­ne­men­ta­li­té beau­coup moins nor­ma­tive et auto­ri­taire que la gauche socia­liste et communiste. »

J’espère ! C’est un peu le but du livre. Je vou­lais clai­re­ment rompre avec l’image bien trop consen­suelle d’un Foucault en oppo­si­tion com­plète avec le néo­li­bé­ra­lisme sur la fin de sa vie. De ce point de vue, je pense que les inter­pré­ta­tions tra­di­tion­nelles de ces der­niers tra­vaux sont erro­nées, ou évitent du moins une par­tie du pro­blème. Il est deve­nu aujourd’hui une sorte de figure intou­chable dans une par­tie de la gauche radi­cale. Les cri­tiques à son encontre sont pour le moins timides. Cet aveu­gle­ment est d’autant plus éton­nant que j’ai moi-même été sur­pris de l’indulgence dont fait part Foucault vis-à-vis du néo­li­bé­ra­lisme lorsque je me suis plon­gé dans les textes. Ce n’est pas uni­que­ment son cours au Collège France qui pose ques­tion (Naissance de la bio­po­li­tique) mais de nom­breux articles et inter­views, qui sont pour­tant acces­sibles. Foucault était très atti­ré par le libé­ra­lisme éco­no­mique : il voyait dans celui-ci la pos­si­bi­li­té d’une forme de gou­ver­ne­men­ta­li­té beau­coup moins nor­ma­tive et auto­ri­taire que la gauche socia­liste et com­mu­niste qu’il trou­vait tota­le­ment dépas­sée. Il per­ce­vait notam­ment dans le néo­li­bé­ra­lisme une poli­tique « beau­coup moins bureau­cra­tique » et « beau­coup moins dis­ci­pli­na­riste » que celle pro­po­sée par l’État social d’après guerre. Il semble ima­gi­ner un néo­li­bé­ra­lisme qui ne pro­jet­te­rait pas ses modèles anthro­po­lo­giques sur les indi­vi­dus et leur offri­rait une auto­no­mie plus grande face à l’État. Foucault paraît alors, fin des années 1970, se rap­pro­cher intel­lec­tuel­le­ment de cette « deuxième gauche », cou­rant mino­ri­taire mais intel­lec­tuel­le­ment influent du socia­lisme fran­çais. On y retrou­ve­ra éga­le­ment une figure telle que Pierre Rosanvallon, dont Foucault appré­cie les tra­vaux. Il est séduit par cet anti-éta­tisme et cette volon­té de « dés­éta­ti­ser la socié­té fran­çaise ». Même Colin Gordon, un des prin­ci­paux tra­duc­teurs et com­men­ta­teurs de Foucault dans l’espace anglo-saxon, n’hésitait pas à décla­rer qu’il voyait chez Foucault une sorte de pré­cur­seur de la troi­sième voie blai­riste, incor­po­rant, dans le cor­pus social-démo­crate, des élé­ments de la stra­té­gie néolibérale.

Ce constat est par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant si on veut com­prendre les chan­ge­ments de l’après 68. La majo­ri­té des ouvrages consa­crés au tour­nant conser­va­teur des années 1980 se sont jus­qu’à pré­sent arti­cu­lés autour de l’idée de la « tra­hi­son ». Au fond, ils étaient de gauche, puis ont retour­né leur veste par « oppor­tu­nisme ». C’est une lec­ture som­maire et tout à fait incor­recte à mes yeux. Dès que tu étu­dies sérieu­se­ment les ana­lyses de Foucault — et de bien d’autres — au tour­nant des années 1980, on com­prend vite que leur « gau­chisme » ou leur cri­tique por­taient essen­tiel­le­ment sur tout ce qu’avait pu incar­ner la gauche d’après-guerre. L’État social, les par­tis, les syn­di­cats, le mou­ve­ment ouvrier orga­ni­sé, le ratio­na­lisme, la lutte contre les inéga­li­tés… Au fond, au-delà de Foucault, je ne pense pas que tous ces intel­lec­tuels ont « retour­né leur veste ». Ils étaient pré­dis­po­sés, par leur cri­tique et leur haine de la gauche clas­sique, à embras­ser la doxa néo­li­bé­rale. Dès lors, il devient beau­coup moins éton­nant que François Ewald, assis­tant de Foucault au Collège de France, devienne conseiller du MEDEF tout en se récla­mant tou­jours de son héritage…

[Konrad Klapheck]

En même temps, votre livre n’est pas un pam­phlet gros­sier. Ni un pro­cès inqui­si­to­rial. Vous nous l’a­vez dit en com­men­çant cet entre­tien : vous recon­nais­sez les qua­li­tés de son œuvre.

Évidemment ! Je suis fas­ci­né par le per­son­nage et son œuvre. Elle est, à mes yeux, pré­cieuse. J’ai d’ailleurs énor­mé­ment appré­cié l’ouvrage récem­ment publié par Geoffroy de Lagasnerie sur La Dernière leçon de Michel Foucault. Au fond, son livre est en quelque sorte aux anti­podes du nôtre puisqu’il voit chez le phi­lo­sophe une volon­té d’utiliser le néo­li­bé­ra­lisme pour réin­ven­ter la gauche. Notre point de vue est qu’il en fait plus qu’un simple outil : il adopte le point de vue néo­li­bé­ral pour cri­ti­quer la gauche. Néanmoins, Lagasnerie sou­ligne un point qui est à mes yeux essen­tiel et qui est au cœur de nom­breux pro­blèmes au sein de la gauche cri­tique : il avance que Foucault est un des pre­miers à prendre réel­le­ment au sérieux les textes néo­li­bé­raux et à les lire rigou­reu­se­ment. Avant lui, la pro­duc­tion intel­lec­tuelle de ces auteurs était lar­ge­ment dis­qua­li­fiée et per­çue comme de la simple pro­pa­gande. Pour Lagasnerie, Foucault a fait voler en éclats la bar­rière sym­bo­lique éri­gée par la gauche intel­lec­tuelle contre la tra­di­tion néo­li­bé­rale. Enfermée dans un sec­ta­risme assez carac­té­ris­tique du monde aca­dé­mique, il n’existait pas de lec­ture sti­mu­lante pre­nant en consi­dé­ra­tion les thèses de Hayek, Becker ou Friedman. Sur ce point, on ne peut que don­ner rai­son à Lagasnerie : Foucault nous a per­mis de com­prendre ces auteurs, de les lire et d’y décou­vrir une pen­sée com­plexe et sti­mu­lante. Là, je le rejoins tota­le­ment. Il est indé­niable que Foucault a tou­jours pris le soin de ques­tion­ner des cor­pus théo­riques d’horizons très dif­fé­rents et de constam­ment remettre en ques­tion ses propres idées. La gauche intel­lec­tuelle n’a mal­heu­reu­se­ment pas tou­jours réus­si à faire de même. Elle reste sou­vent enfer­mée dans une atti­tude « d’école », refu­sant a prio­ri de consi­dé­rer ou de débattre avec les idées et cou­rants qui ne partent pas des mêmes pré­sup­po­sés qu’elle. C’est une atti­tude très dom­ma­geable. Elle se retrouve trop sou­vent dans un entre-soi intel­lec­tuel, tota­le­ment inca­pable de débattre avec ceux qui ne par­tagent pas ses pos­tu­lats de départ. Au fond, on se retrouve avec des gens qui n’ont presque jamais lu les tra­vaux et les argu­ments des pères intel­lec­tuels de l’idéologie poli­tique qu’ils sont sen­sés com­battre ! Leur connais­sance de ceux-ci se limite bien sou­vent à quelques lieux com­muns très réducteurs.

Dans votre texte, vous contes­tez sa vision de la sécu­ri­té sociale et de la redis­tri­bu­tion des richesses.

« Il est indé­niable que Foucault a tou­jours pris le soin de ques­tion­ner des cor­pus théo­riques d’horizons très dif­fé­rents et de constam­ment remettre en ques­tion ses propres idées. »

C’est une ques­tion qua­si inex­plo­rée par l’immense pro­duc­tion des « fou­cal­diens » ! À vrai dire, je ne pen­sais pas tra­vailler des­sus quand j’ai ima­gi­né le pro­jet du livre. Mon inté­rêt pour la sécu­ri­té sociale n’est au départ pas direc­te­ment lié à Foucault, mais mes recherches sur la ques­tion m’ont ame­né à m’interroger sur la manière dont on est pas­sé, au cours des qua­rante der­nières années, d’une poli­tique qui visait à lut­ter contre les inéga­li­tés, ancrée dans la sécu­ri­té sociale, à une poli­tique visant à lut­ter contre la pau­vre­té, de plus en plus orga­ni­sée autour de bud­gets spé­ci­fiques et de publics cibles. Or, d’un objec­tif à l’autre, c’est toute la concep­tion de la jus­tice sociale qui se trans­forme. C’est très dif­fé­rent de lut­ter contre les inéga­li­tés (et de vou­loir réduire les écarts abso­lus) ou de lut­ter contre la pau­vre­té (et de vou­loir offrir un mini­mum vital aux plus dému­nis). Pour mener à bien cette petite révo­lu­tion, il a fal­lu un long tra­vail de délé­gi­ti­ma­tion de la sécu­ri­té sociale et des ins­ti­tu­tions du sala­riat. Or, c’est en par­cou­rant atten­ti­ve­ment les pages du « der­nier » Foucault (celui de la fin des années 1970 et du début des années 1980), qu’il m’est appa­ru qu’il pre­nait lui-même plei­ne­ment part à cette opé­ra­tion. Ainsi, il va non seule­ment remettre en cause la sécu­ri­té sociale mais éga­le­ment être séduit par l’alternative de l’impôt néga­tif que pro­po­se­ra Milton Friedman à cette époque. À ses yeux, les méca­nismes d’assistance et d’assurance, qu’il met sur le même plan que la pri­son, les casernes ou les écoles, sont des ins­ti­tu­tions indis­pen­sables « pour l’exercice du pou­voir dans les socié­tés modernes ». Il est d’ailleurs inté­res­sant de noter que, dans l’ouvrage cen­tral de François Ewald, non seule­ment dédié à Foucault mais en grande par­tie rédi­gé sous sa direc­tion, Ewald n’hésite pas à écrire que « l’État pro­vi­dence accom­plit le rêve du bio-pou­voir » ! Rien que ça !

Du fait des trop nom­breuses tares que com­por­te­rait le sys­tème clas­sique de sécu­ri­té sociale, Foucault s’in­té­resse alors à son rem­pla­ce­ment par un sys­tème d’impôt néga­tif. L’idée est rela­ti­ve­ment simple : elle consiste à ce que l’État offre une allo­ca­tion à toute per­sonne qui se trouve en des­sous d’un cer­tain niveau de reve­nus. L’objectif est donc de faire en sorte, sans grandes néces­si­tés admi­nis­tra­tives, que per­sonne ne puisse être en des­sous d’un niveau mini­mal. En France, c’est au tra­vers de l’ouvrage de Lionel Stoléru, Vaincre la pau­vre­té dans les pays riches, que ce débat appa­raît dès 1974. Il est d’ailleurs inté­res­sant de noter que Foucault lui-même a, à plu­sieurs reprises, ren­con­tré Stoléru lorsqu’il était conseiller tech­nique au cabi­net de Valéry Giscard d’Estaing. Un argu­ment impor­tant tra­verse son ouvrage et a direc­te­ment atti­ré l’attention de Foucault : dans le même esprit que Friedman, il effec­tue une dif­fé­rence entre une poli­tique qui cherche l’égalité (socia­lisme) et une poli­tique qui veut sim­ple­ment sup­pri­mer la pau­vre­té sans remettre en cause les écarts (libé­ra­lisme).

[Konrad Klapheck]

Pour lui, je cite, « les doc­trines […] peuvent inci­ter à rete­nir soit une poli­tique visant à sup­pri­mer la pau­vre­té, soit une poli­tique cher­chant à pla­fon­ner l’écart entre riches et pauvres ». C’est ce qu’il nomme la « fron­tière entre pau­vre­té abso­lue et pau­vre­té rela­tive ». La pre­mière ren­voie sim­ple­ment à un niveau déter­mi­né arbi­trai­re­ment (auquel l’impôt néga­tif s’adresse) et l’autre aux écarts géné­raux entre les indi­vi­dus (auquel s’adresse la sécu­ri­té sociale et l’État social). Aux yeux de Stoléru « l’économie de mar­ché est capable d’assimiler des actions de lutte contre la pau­vre­té abso­lue » mais « elle est inca­pable de digé­rer des remèdes trop forts contre la pau­vre­té rela­tive ». Voilà pour­quoi, argu­mente-t-il, « je crois que la dis­tinc­tion entre pau­vre­té abso­lue et pau­vre­té rela­tive est en fait la dis­tinc­tion entre capi­ta­lisme et socia­lisme… » L’enjeu du pas­sage de l’un à l’autre est donc un enjeu poli­tique : accep­ta­tion du capi­ta­lisme comme forme éco­no­mique domi­nante ou non. De ce point de vue, l’enthousiasme à peine mas­qué avec lequel Foucault rend compte de la pro­po­si­tion de Stoléru par­ti­cipe d’un mou­ve­ment plus large, qui va accom­pa­gner le déclin de la phi­lo­so­phie éga­li­ta­riste de la sécu­ri­té sociale au pro­fit d’une lutte très libé­rale contre la « pau­vre­té ». En d’autres termes, et aus­si éton­nant que cela puisse paraître, la lutte contre la pau­vre­té, loin d’avoir limi­té les effets des poli­tiques néo­li­bé­rales, a en réa­li­té œuvré à son hégé­mo­nie poli­tique. Il n’est ain­si plus éton­nant de voir les plus grandes for­tunes de ce monde, comme Bill Gates ou Georges Soros, s’engager dans ce com­bat contre la pau­vre­té tout en défen­dant, sans contra­dic­tion appa­rente, la libé­ra­li­sa­tion des ser­vices publics dans ces pays, la des­truc­tion de tous les méca­nismes de redis­tri­bu­tion des richesses et les « ver­tus » du néo­li­bé­ra­lisme ! Lutter contre la pau­vre­té per­met alors d’inclure les ques­tions sociales à l’agenda poli­tique sans pour autant devoir lut­ter contre les inéga­li­tés et les méca­nismes struc­tu­rels qui les pro­duisent. Cette évo­lu­tion a donc plei­ne­ment accom­pa­gné le néo­li­bé­ra­lisme, et mon texte a pour objec­tif de mon­trer que Foucault a sa part de res­pon­sa­bi­li­té dans cette dérive.

La ques­tion de l’État est omni­pré­sente dans votre ouvrage. Qui cri­tique sa rai­son d’être serait un libé­ral : c’est oublier, de Bakounine jus­qu’à Lénine, les tra­di­tions anar­chiste et mar­xiste ! Ne faites-vous pas l’im­passe sur cette dimension ?

« Lutter contre la pau­vre­té per­met d’inclure les ques­tions sociales à l’agenda poli­tique sans devoir lut­ter contre les inéga­li­tés et les méca­nismes struc­tu­rels qui les produisent. »

Je ne pense pas. Je crois que la cri­tique de la tra­di­tion mar­xiste ou anar­chiste est très dif­fé­rente de celle que for­mule Foucault et, avec lui, un pan non négli­geable du mar­xisme des années 1970. D’abord, pour la simple rai­son que tous ces anciens auteurs anar­chistes et mar­xistes ne connais­saient pas la sécu­ri­té sociale et la forme que pren­dra l’État après 1945. L’État auquel s’adresse Lénine est effec­ti­ve­ment l’État de la classe domi­nante, où les ouvriers ne jouissent d’aucun droit réel. Le droit de vote, par exemple, n’est réel­le­ment géné­ra­li­sé — pour les hommes — que durant l’entre-deux-guerres. Il est donc dif­fi­cile de savoir ce qu’ils auraient pen­sé de ces ins­ti­tu­tions et de leur carac­tère soi-disant « bour­geois ». J’ai tou­jours été très irri­té par cette idée, rela­ti­ve­ment popu­laire au sein de la gauche radi­cale, que la sécu­ri­té sociale n’est au fond qu’un outil de contrôle social par le grand capi­tal. Cette idée mani­feste une mécon­nais­sance totale de l’histoire et des ori­gines de nos sys­tèmes de pro­tec­tion sociale. Ceux-ci n’ont pas été ins­tau­rés par la bour­geoi­sie pour contrô­ler le bon peuple : ils y étaient au contraire tota­le­ment hostiles !

Ces ins­ti­tu­tions, fruits de la posi­tion favo­rable du mou­ve­ment ouvrier au len­de­main de la Libération, ont été inven­tées par le mou­ve­ment ouvrier lui-même. Dès le XIXe siècle, les ouvriers et les syn­di­cats avaient, par exemple, consti­tué des caisses de secours mutuel des­ti­nées à ver­ser des allo­ca­tions à ceux qui sont en inca­pa­ci­té de tra­vailler. C’est donc la logique même du mar­ché et les énormes incer­ti­tudes qu’elle fait peser sur la vie des ouvriers qui les a pous­sés à déve­lop­per des méca­nismes de socia­li­sa­tion par­tielle des reve­nus. Si, durant la pre­mière phase de la révo­lu­tion indus­trielle, seuls les pro­prié­taires étaient des citoyens à part entière, c’est — comme le sou­ligne le socio­logue Robert Castel — avec la sécu­ri­té sociale qu’a réel­le­ment lieu la « réha­bi­li­ta­tion sociale des non-pro­prié­taires ». C’est elle qui ins­taure, à coté de la pro­prié­té pri­vée, une pro­prié­té sociale des­ti­née à faire réel­le­ment entrer dans la citoyen­ne­té les classes popu­laires. Cette idée est celle que défen­dait Karl Polanyi dans La Grande Transformation, voyant dans tout prin­cipe de pro­tec­tion sociale l’objectif de déga­ger l’individu des lois du mar­ché, et donc de recon­fi­gu­rer les rap­ports de force entre capi­tal et travail.

[Konrad Klapheck]

On peut bien sûr déplo­rer la ges­tion éta­tique de la sécu­ri­té sociale et dire, par exemple, que ce sont des col­lec­tifs qui doivent la gérer — bien que je n’y croie pas beau­coup —, mais cri­ti­quer l’outil et ses fon­de­ments idéo­lo­giques en tant que tels, c’est très dif­fé­rent… Quand Foucault va jus­qu’à dire qu’il est « clair qu’il n’y a guère de sens à par­ler du droit à la san­té » et qu’il se demande : « une socié­té doit-elle cher­cher à satis­faire par des moyens col­lec­tifs le besoin de san­té des indi­vi­dus ? Et ceux-ci peuvent-ils légi­ti­me­ment reven­di­quer la satis­fac­tion de ces besoins ? », on n’est plus vrai­ment dans le registre anar­chiste… Pour moi, et contrai­re­ment à Foucault, ce que nous devons faire, c’est appro­fon­dir les acquis que nous avons déjà, par­tir du « déjà-là » comme le dit Bernard Friot. Et la sécu­ri­té sociale est un for­mi­dable outil que nous devons à la fois défendre et appro­fon­dir. Dans le même ordre d’idée, quand je lis la phi­lo­sophe Beatriz Preciado qui déclare dans Libération que « nous n’allons pas pleu­rer pour la fin de l’État-providence, parce que l’État-providence était aus­si l’hôpital psy­chia­trique, le centre d’insertion des han­di­ca­pés, la pri­son, l’école patriar­cale-colo­niale-hété­ro­cen­trée », je me dis que le néo­li­bé­ra­lisme a fait bien plus que trans­for­mer notre éco­no­mie : il a pro­fon­dé­ment recon­fi­gu­ré l’imaginaire social d’une cer­taine gauche « libertaire » !

Pour le dire à grands traits : les quelques intel­lec­tuels cri­tiques contem­po­rains qui contestent Foucault lui reprochent un posi­tion­ne­ment plus « socié­tal » que « social ». Mais en se foca­li­sant sur les « mar­gi­naux » — les exclus, les pri­son­niers, les fous, les « anor­maux », les mino­ri­tés sexuelles, etc. —, Foucault n’a-t-il pas per­mis de mettre en lumière toutes ces per­sonnes igno­rées par le mar­xisme orthodoxe ?

« Quand Foucault va jus­qu’à dire qu’il est clair qu’il n’y a guère de sens à par­ler du droit à la san­té, on n’est plus vrai­ment dans le registre anarchiste… »

Vous avez tout à fait rai­son. Je le redis : son apport sur ce point est très impor­tant et il a clai­re­ment sor­ti de l’ombre toute une gamme d’oppressions, invi­sibles jusque-là. Mais sa démarche ne vise pas uni­que­ment à mettre en avant ces pro­blèmes : il cherche à leur don­ner une cen­tra­li­té poli­tique qui me pose ques­tion. En clair : à ses yeux, et aux yeux de beau­coup d’auteurs à cette époque, la classe ouvrière est aujourd’hui « embour­geoi­sée » et elle serait par­fai­te­ment inté­grée au sys­tème. Les « pri­vi­lèges » qu’elle aurait obte­nus dans l’après-guerre n’en feraient plus un agent de chan­ge­ment social, mais, au contraire, un frein à la Révolution. Cette idée est alors très répan­due et se retrouve chez des auteurs aus­si variés que Herbert Marcuse ou André Gorz. Gorz ira même jusqu’à par­ler d’une « mino­ri­té pri­vi­lé­giée » concer­nant cette même classe ouvrière… La fin de cette cen­tra­li­té — qui serait syno­nyme de la fin de la cen­tra­li­té du tra­vail éga­le­ment — trouve alors son issue dans les « luttes contre les mar­gi­na­li­sa­tions », auprès des mino­ri­tés eth­niques ou sociales. Le lum­pen­pro­lé­ta­riat (ou les « nou­veaux plé­béiens », pour reprendre le terme de Foucault) acquiert une nou­velle popu­la­ri­té et est désor­mais vu comme un sujet authen­ti­que­ment révo­lu­tion­naire. Pour ces auteurs, le pro­blème n’est donc plus tel­le­ment l’exploitation mais le pou­voir et les formes modernes de la domi­na­tion. Comme l’écrit Foucault, « le XIXe siècle s’est pré­oc­cu­pé sur­tout des rela­tions entre les grandes struc­tures éco­no­miques et l’appareil d’État », main­te­nant ce sont « les pro­blèmes des petits pou­voirs et des sys­tèmes dif­fus de domi­na­tion » qui « sont deve­nus des pro­blèmes fon­da­men­taux ».

Au pro­blème de l’exploitation et des richesses se serait alors sub­sti­tué celui du « trop de pou­voir », celui du contrôle des conduites et des formes de pou­voir pas­to­ral moderne. À l’aube des années 1980, il semble clair, pour Foucault, qu’il ne s’agit plus tel­le­ment de redis­tri­buer les richesses. Il n’hésite pas à écrire qu’« on pour­rait dire que nous avons besoin d’une éco­no­mie qui ne por­te­rait pas sur la pro­duc­tion et dis­tri­bu­tion de richesses, mais d’une éco­no­mie qui por­te­rait sur les rela­tions de pou­voir ». Il s’agit donc moins de luttes contre le pou­voir en « tant qu’il exploite éco­no­mi­que­ment » mais plu­tôt des luttes contre le pou­voir au quo­ti­dien, incar­né notam­ment par le fémi­nisme, les mou­ve­ments d’étudiants, les luttes des déte­nus ou des sans-papiers. Le pro­blème, qu’on se com­prenne bien, n’est évi­dem­ment pas d’avoir mis à l’ordre du jour toute une gamme de domi­na­tions qui étaient jusque-là plu­tôt igno­rées ; le pro­blème vient du fait qu’elles sont de plus en plus théo­ri­sées et pen­sées en dehors des ques­tions rela­tives à l’exploitation. Loin de des­si­ner une pers­pec­tive théo­rique qui pense les rela­tions de ces deux pro­blèmes, ils sont petit à petit oppo­sés, voire même pen­sés comme contradictoires !

[Konrad Klapheck]

C’est effec­ti­ve­ment ce que cer­tains lui reprochent : avoir loué la figure du « délin­quant », du cri­mi­nel et du lum­pen tout en rin­gar­di­sant le tra­vailleur et l’ou­vrier trop « conser­va­teurs ». Dans votre livre, l’an­thro­po­logue Jean-Loup Amselle effec­tue un lien entre cet aban­don « du peuple » et la posi­tion « éco­lo-bobo » de la gauche gou­ver­ne­men­tale — type Terra Nova. Qu’en pen­sez-vous personnellement ?

Le sou­ci, c’est que cette dis­qua­li­fi­ca­tion du monde ouvrier a eu des effets plu­tôt éton­nants… Elle va pla­cer à l’avant-plan du débat public « l’exclusion sociale » des chô­meurs, des jeunes des ban­lieues et des immi­grés comme prin­ci­pal pro­blème poli­tique. Cette évo­lu­tion sera le point de départ de la cen­tra­li­té que vont prendre — à gauche comme à droite — les « exclus » et l’idée que, désor­mais, la socié­té « post-indus­trielle » se divi­se­rait entre ceux qui ont accès au mar­ché du tra­vail et ceux qui, à un degré ou à un autre, en sont exclus — dépla­çant ain­si la focale du monde du tra­vail vers l’exclusion, les pauvres ou le chô­mage. Comme le notaient les socio­logues Stéphane Beaud et Michel Pialoux, ce dépla­ce­ment met­tra indi­rec­te­ment les ouvriers « du côté des in, de ceux qui ont un emploi (du côté des pri­vi­lé­giés et des avan­tages acquis) ». Cette logique, qui redé­fi­nit de part et d’autre, à gauche comme à droite, la ques­tion sociale au tra­vers d’un conflit entre deux fac­tions du pro­lé­ta­riat plu­tôt qu’entre le capi­tal et le tra­vail, n’est pas sans poser ques­tion. À droite, elle vise­ra à limi­ter les droits sociaux des « sur­nu­mé­raires » en mobi­li­sant contre eux les « actifs » et, à gauche, il s’agira de mobi­li­ser les « sur­nu­mé­raires » contre l’embourgeoisement des « actifs ». Les deux acceptent dès lors la cen­tra­li­té des fac­tions « exclues » du sala­riat stable au détri­ment des « ouvriers ». On peut alors se deman­der si, quand Margaret Thatcher oppose « l’underclass » « assis­tée » et « pro­té­gée » aux Britanniques « qui tra­vaillent », elle n’exprime pas, sous une forme inver­sée, la thèse de Foucault ou d’André Gorz ? Cette nou­velle doxa de la droite néo­li­bé­rale conser­va­trice cherche essen­tiel­le­ment, comme le notait Serge Halimi, « la redé­fi­ni­tion de la ques­tion sociale de manière à ce que la ligne de cli­vage n’oppose plus riches et pauvres, capi­tal et tra­vail, mais deux frac­tions du pro­lé­ta­riat entre elles, celle qui n’en peut plus de faire des efforts et la République de l’assistanat ».

« À gauche comme à droite, on aime désor­mais oppo­ser deux fac­tions du pro­lé­ta­riat qui, avec les évo­lu­tions éco­no­miques néo­li­bé­rales, sont entrées dans une concur­rence destructrice… »

S’il est évident que le conte­nu poli­tique de ces décla­ra­tions de droite dif­fère radi­ca­le­ment de celles des auteurs de la fin des années 1970, ils pré­sup­posent pour­tant tous deux qu’aujourd’hui ce sont les « exclus » qui posent pro­blème ou sont la solu­tion, selon le point de vue. D’une manière ou d’une autre, pour les deux, ce sont les sur­nu­mé­raires qui sont deve­nus le sujet poli­tique cen­tral et non plus la classe ouvrière. Comment en effet ne pas voir un étrange para­doxe entre la « non-classe » de Gorz et « l’underclass » chère à l’idéologue ultra-conser­va­teur Charles Murray ? Tant pour André Gorz que pour le mou­ve­ment néo­li­bé­ral, ce n’est plus tant le fait d’être exploi­té qui pose pro­blème, mais le rap­port au tra­vail. Gorz voit dans le mode de vie des sur­nu­mé­raires une « déli­vrance » du tra­vail et Thatcher un « vice » de fai­néan­tise qu’il convient de com­battre. L’un élève au rang de ver­tu un « droit à la paresse » tan­dis que l’autre en fait l’injustice à détruire. Mais au fond, ces deux ver­sions fonc­tionnent dans la même logique. Ainsi, tant à gauche qu’à droite, on aime que les « sur­nu­mé­raires » soient le pro­blème, rem­pla­çant ain­si les vieilles idées dépas­sées et dog­ma­tiques qui fai­saient de l’exploitation le cœur de la cri­tique sociale. À gauche comme à droite, on aime désor­mais oppo­ser deux fac­tions du pro­lé­ta­riat qui, avec les évo­lu­tions éco­no­miques néo­li­bé­rales, sont entrées dans une concur­rence des­truc­trice… Comme la phi­lo­sophe mar­xiste Isabelle Garo l’a très bien décrit, cette tran­si­tion contri­bue­ra à ­« rem­pla­cer l’exploitation et sa cri­tique par le recen­trage sur la vic­time du déni de droit, pri­son­nier, dis­si­dent, homo­sexuel, réfu­gié, etc. ».

Quelqu’un comme Régis Debray va jus­qu’à écrire, dans Modernes cata­combes, que Foucault, la plume rebelle et sub­ver­sive, est deve­nu un « phi­lo­sophe offi­ciel ». Comment expli­quez-vous que Foucault puisse tou­cher à ce point les milieux radi­caux qui, pour­tant, affirment avec force vou­loir abattre l’ère néolibérale ?

C’est une ques­tion très inté­res­sante, mais à laquelle je n’ai pas de réponse satis­fai­sante… Je pour­rais tou­te­fois avan­cer que c’est en grande par­tie dû à la struc­ture du champ aca­dé­mique lui-même. Il faut en reve­nir à Bourdieu et aux pré­cieux tra­vaux de Louis Pinto pour mieux com­prendre cette évo­lu­tion. Il ne faut jamais oublier que s’insérer dans une « école » ou s’inscrire dans une cer­taine pers­pec­tive théo­rique, c’est aus­si s’inscrire dans un champ intel­lec­tuel, où il y a une lutte impor­tante pour avoir accès aux posi­tions domi­nantes. Au fond, se dire mar­xiste dans la France des années 1960 alors que le champ aca­dé­mique est par­tiel­le­ment domi­né par des auteurs qui s’en reven­diquent n’a pas le même sens qu’être mar­xiste aujourd’hui. Les concepts et les auteurs cano­niques sont évi­dem­ment des ins­tru­ments intel­lec­tuels, mais ils cor­res­pondent éga­le­ment à autant de stra­té­gies pour s’inscrire dans le champ et dans les luttes dont il est l’objet. Les conjonc­tures intel­lec­tuelles sont dès lors en par­tie déter­mi­nées par le rap­port de force au sein du champ lui-même.

[Konrad Klapheck]

Aussi, il me semble que les rap­ports de force au sein du champ aca­dé­mique ont consi­dé­ra­ble­ment chan­gé depuis la fin des années 1970 : suite au déclin du mar­xisme, Foucault y occupe désor­mais une place cen­trale. Il offre en réa­li­té une posi­tion confor­table qui per­met d’allier un cer­tain degré de sub­ver­sion sans rien perdre aux codes de l’académie. Mobiliser Foucault est rela­ti­ve­ment valo­ri­sé et per­met sou­vent à ses défen­seurs d’être publiés dans des revues pres­ti­gieuses, de s’insérer dans de larges réseaux d’intellectuels, de publier des livres, etc. De très larges pans du monde intel­lec­tuel font réfé­rence à Foucault dans leurs tra­vaux et lui font dire tout et son contraire. On peut ain­si être conseiller au Medef et édi­ter ses cours ! Je dirais qu’il ouvre des portes… Et on ne peut pas vrai­ment en dire autant de Marx de nos jours !

Cette cri­tique des « marges » comme centre du com­bat poli­tique pour­rait ravir tout ce que la France et la Belgique comptent de contre-révo­lu­tion­naires en tout genre. Vous ne crai­gnez pas de faire leur jeu ?

Je pense effec­ti­ve­ment qu’il existe une cri­tique « conser­va­trice » de Foucault — et plus lar­ge­ment de ce qu’a pu consti­tuer Mai 68 dans l’histoire sociale fran­çaise. Cette cri­tique n’est plus du tout mar­gi­nale : on la retrouve lar­ge­ment dans les rangs de pen­seurs de la droite conser­va­trice comme Éric Zemmour ou au Front natio­nal. Elle cri­tique ouver­te­ment tout cet héri­tage fémi­niste, anti­ra­ciste, et cultu­rel de Mai 68, tout en étant beau­coup moins bavarde sur les ravages éco­no­miques du néo­li­bé­ra­lisme. Un peu comme si ce qui fait pro­blème, c’est le libé­ra­lisme poli­tique qui a accom­pa­gné les années 1980 et que seul un retour sur ses évo­lu­tions socié­tales pour­rait per­mettre de « faire socié­té ». On entend sou­vent ce genre d’idées, selon laquelle c’est la des­truc­tion des valeurs fami­liales ou des formes com­mu­nau­taires de lien social qui a per­mis l’expansion du néo­li­bé­ra­lisme. Si ces ana­lyses ont cer­tai­ne­ment une part de réa­li­té, elles sont sou­vent tota­le­ment fan­tas­mées lorsqu’elles pro­posent un retour à des modes de vie plus « tra­di­tion­nels » ! On se dirige peut-être vers une sorte de libé­ra­lisme beau­coup plus auto­ri­taire, avec un retour des valeurs fami­liales, d’une culture natio­nale tota­le­ment fan­tas­mée et du bon vieux capi­ta­lisme d’avant la mon­dia­li­sa­tion… Quant à l’idée de « faire le jeu », je ne pense pas que ce soit un pro­blème. S’il y en a un avec un cer­tain héri­tage de Mai 68, le rôle de la gauche n’est pas de fer­mer les yeux car l’extrême droite, Soral ou Zemmour, le disent, mais, au contraire, de faire son propre bilan, de dres­ser sa propre cri­tique afin de ne pas perdre tota­le­ment le com­bat idéo­lo­gique ! C’est à cette tâche que nous devons nous atte­ler pour ten­ter de recons­truire une gauche à la fois radi­cale et populaire.


Illustration de ban­nière : Konrad Klapheck


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