Maria Occhipinti : corps et âme contre la guerre


Texte inédit | Ballast | Série « Italie : des écrivaines et leurs luttes »
Voici bien­tôt trois ans qu’en Italie, Giorgia Meloni est à la tête d’un gou­ver­ne­ment d’extrême droite, pro­mul­gué seule­ment quatre-vingt ans après la chute du régime fas­ciste. Une figure fémi­nine qui cache les mil­liers d’autres femmes qui ont lut­té et luttent encore pour qu’un autre monde que le sien advienne en Italie. Certaines ont écrit à ce sujet — c’est à elles que nous consa­crons cette série en cinq volets. La pre­mière s’ap­pelle Maria Occhipinti. Si elle voit le jour en Sicile en 1921, elle naît comme une deuxième fois une ving­taine d’an­nées plus tard en met­tant sa vie en jeu pour empê­cher que les hommes de sa ville ne soient envoyés à la guerre. Cet acte, celui d’une anar­chiste et libre pen­seuse, lui vau­dra deux années d’emprisonnement, la mise au ban de la part de son entou­rage ain­si qu’un long exil. Son esprit de révolte ne cède­ra pour­tant jamais. Portrait. ☰ Par Roméo Bondon

Nous sommes à la fin du mois de mai 1921. Des gens marchent. Près de trois mille1. La plu­part sont socia­listes, com­mu­nistes ou anar­chistes. Des hommes et des femmes. Leurs enfants les accom­pagnent. Ils se dirigent vers Modica, l’une des plus grandes villes du sud-est de la Sicile, qui compte alors 60 000 habi­tants. S’y réunir, sur une place ou dans une salle, n’est pas envi­sa­geable. Les squa­dristes2, ces escouades armées, enga­gées par de grands pro­prié­taires, les empêchent tout ras­sem­ble­ment syn­di­cal ou par­ti­san. Les maires de nom­breuses com­munes des envi­rons qui s’y opposent ont déjà été inti­mi­dés à coups de crosse, les bâti­ments des ligues socia­listes sont atta­qués et cer­tains même détruits. Plusieurs morts sont déjà à déplo­rer. Pour se retrou­ver, les par­ti­sans de l’é­ga­li­té ont donc pré­fé­ré les champs qui couvrent les col­lines des alentours.

Des ora­teurs ont par­lé. La foule, qui a dû trou­ver du récon­fort et un peu d’é­lan dans leurs dis­cours, s’en­gage sur le che­min du retour. Alors qu’elle gagne les pre­mières mai­sons des faux-bourgs de Modica, la police arrête la pro­ces­sion. Ce n’est pas bon signe. On sait qu’elle fait preuve de peu de zèle pour trou­ver les res­pon­sables quand des crimes sont com­mis contre des mili­tants socia­listes mais qu’elle redouble d’éner­gie lors­qu’il s’a­git d’ar­rê­ter ces der­niers. Bientôt, des coups de feu. Depuis les toits et les bal­cons, les squa­dristes ont toute lati­tude pour ajus­ter leurs tirs. Ce jour-là, ils tuent neuf per­sonnes, dont les anar­chistes Carmelo Pollara et Carmelo Vacirca. Pourquoi racon­ter ce mas­sacre, l’un des nom­breux qui secouèrent la Sicile au début des années 1920 ? Parce qu’il illustre aus­si bien la conscien­ti­sa­tion poli­tique du peuple que le cli­mat de vio­lence qui s’ins­talle alors dans toute l’Italie. Et parce que deux mois plus tard, jour pour jour, dans la ville de Raguse, à quinze kilo­mètres à peine de Modica, naît Maria Occhipinti.

« Les mots pour décrire Maria Occhipinti sont ceux qu’on emploie habi­tuel­le­ment pour qua­li­fier toute exis­tence insur­gée : rebelle, révol­tée, insoumise. »

Maria Occhipinti ? Une femme de Sicile. Une femme libre. C’est du moins ce qu’in­diquent les titres de ses deux ouvrages auto­bio­gra­phiques, dont le pre­mier a été tra­duit et publié en 1980 dans la col­lec­tion Actes et mémoires du peuple des édi­tions Maspero3. Son titre ori­gi­nal, Una don­na di Ragusa, rend compte d’une femme atta­chée, liée même, à sa ville de nais­sance. La tra­duc­tion fran­çaise, en choi­sis­sant de rem­pla­cer Raguse par Sicile, étend cet atta­che­ment à toute une île. « Sensible et inquiète comme je l’é­tais je n’au­rais pas dû naître dans un tel milieu, dans un tel pays. Née ailleurs, j’au­rais eu un des­tin tout autre4. »

Pourtant, Maria Occhipinti, qui a vécu la moi­tié de sa vie ailleurs dans le monde ou autre part en Italie, por­te­ra tou­jours un regard ambi­va­lent sur la terre où elle est née. Le titre de sa deuxième auto­bio­gra­phie, Una don­na libe­ra, parue de façon post­hume en 2004, paraît plus juste. Certes, les mots pour décrire Maria Occhipinti sont ceux qu’on emploie habi­tuel­le­ment pour qua­li­fier toute exis­tence insur­gée : rebelle, révol­tée, insou­mise. S’ils peuvent paraître écu­lés, ils reprennent tou­te­fois sin­gu­liè­re­ment chair et vie lors­qu’on prend connais­sance de son par­cours. Oui, vrai­ment, Maria Occhipinti était libre. Découvrons-la à la lumière de son seul ouvrage tra­duit en fran­çais à ce jour, de quelques bro­chures trou­vées dans des archives liber­taires, de l’aide pré­cieuse d’une tra­duc­trice, Eugenia Fano, et, enfin, à tra­vers les mots de sa fille, Marilena Licitra, avec laquelle nous nous sommes lon­gue­ment entretenu.

[Nancy Spero, Mourning Women No. 3, 1989]

Une enfance à se rendre utile

Une pho­to­gra­phie de Maria, trans­mise par sa fille, la montre à l’âge de trois ans. Des che­veux blonds, courts, une frange gros­sière, un visage rond. On ne devine pas la cou­leur de ses yeux — bleus, pré­cise Marilena, « peut-être un héri­tage nor­mand », qui pour­rait ren­voyer aux conquêtes ita­liennes de ces petits sei­gneurs venus du nord de la France mille ans plus tôt5. Maria est empa­que­tée dans un drap blanc, seule­ment tenu par une cein­ture lâche. De grosses chaus­settes de la même cou­leur débordent au-des­sus de ses petites chausses d’en­fant. Dans sa main droite, une fleur. Dans Une femme de Sicile, elle indique qu’elle ne se rap­pelle de rien avant ses huit ans. Que s’est-il donc pas­sé entre sa nais­sance et ses pre­miers souvenirs ?

Le calme appa­rent de cette image contraste avec le fra­cas effrayant de la décen­nie où elle fut prise. Les fas­cistes ont fon­dé un par­ti et, grâce à l’ac­tion des squa­dristes, mis fin au bien­nio ros­so, les deux années rouges qui ont sui­vi la Première Guerre mon­diale, pen­dant les­quelles des grèves ouvrières et pay­sannes se sont dou­blées de ten­ta­tives inédites d’au­to­ges­tion, dans le nord du pays sur­tout6, mais aus­si en Sicile7. Ils ont pris d’as­saut les muni­ci­pa­li­tés récal­ci­trantes puis mar­ché sur Rome, pro­fi­tant des hési­ta­tions du roi à décla­rer l’é­tat d’ur­gence face à la menace d’une guerre civile. Mussolini a été nom­mé Premier ministre. Il a com­man­di­té et assu­mé publi­que­ment l’as­sas­si­nat du secré­taire géné­ral du Parti socia­liste uni­fié, Giacomo Matteotti. Le Parti com­mu­niste ita­lien, lui, est la cible pri­vi­lé­giée du pou­voir ; ses membres, dont cer­tains résistent dans la rue, sont pour­sui­vis, empri­son­nés, abat­tus. L’un des plus illustres, Antonio Gramsci, a été condam­né à cinq ans de dépor­ta­tion sur l’île d’Ustica, au large de Palerme — là où Maria Occhipinti sera elle-même empri­son­née. Puis sa peine s’al­longe, il passe d’une pri­son à l’autre. À la fin des années 1920, il écrit ses fameux car­nets dans une cel­lule située dans les Pouilles.

« Dans ce quar­tier pay­san et ouvrier, le quo­ti­dien des femmes et des enfants est fait d’une mul­ti­tude de tâches domestiques. »

Tout cela n’ap­pa­raît pas, ou très peu, dans les sou­ve­nirs de jeu­nesse de Maria. Ces his­toires-là n’entrent pas dans la petite mai­son fami­liale située dans un quar­tier péri­phé­rique de Raguse où vivent un père, maçon et fils de maçon, que Maria vénère pour encore quelques années avant qu’il ne la mau­disse, une mère qui se lève chaque jour à l’aube pour assis­ter à la messe et deux sœurs plus jeunes. Dans ce quar­tier pay­san et ouvrier, le quo­ti­dien des femmes et des enfants est fait d’une mul­ti­tude de tâches domes­tiques. « Au lieu de pen­ser à me dis­traire et à m’a­mu­ser je devais faire la queue pour prendre l’eau à la fon­taine dans des bas­sines en zinc, sur­veiller le four (on fai­sait le pain à la mai­son) et me consa­crer à la cou­ture et à la les­sive. » Chacun par­ti­cipe à sa mesure au fonc­tion­ne­ment de la mai­son­née. « Notre contri­bu­tion consis­tait à faire des éco­no­mies et à nous rendre utiles. »

« La vie de ma famille était mono­tone et étouf­fante. Mes parents me trai­taient sévè­re­ment, jamais une caresse, jamais un bai­ser affec­tueux. Ils parais­saient tou­jours acca­blés de pré­oc­cu­pa­tions et de peines, comme des bêtes de somme, et tout ça pour pou­voir sur­vivre. » La com­pa­rai­son ani­ma­lière, rabat­tue, n’en est pas moins per­ti­nente — en témoigne cette anec­dote consi­gnée quelques pages plus loin : « Quelqu’un conseilla à ma mère de me trai­ter comme on traite les che­vaux vicieux : peu de nour­ri­ture et beau­coup de tra­vail. […] Et ma mère me consi­dé­ra exac­te­ment comme une jument qu’il fal­lait dres­ser. » Pourquoi tant de froi­deur ? Pourquoi si peu d’a­mour reçu ? Maria ne le com­pren­dra que plus tard, consta­tant que ses parents sont « vic­times eux aus­si d’un escla­vage sécu­laire dans lequel les hommes sont deve­nus insen­sibles et incons­cients comme des pierres ». En somme, ajoute-t-elle : « J’étais condam­née à vivre par­mi des rocs arides et pesants. » La rigi­di­té de la socié­té sici­lienne de l’é­poque, ses pré­ju­gés et, selon les propres termes de Maria, son archaïsme, seront la matière prin­ci­pale des nou­velles qui com­posent Il car­ru­bo ed altri rac­con­ti (Le carou­bier et autres récits), un recueil édi­té en 1993, date à laquelle elle s’ar­rête défi­ni­ti­ve­ment d’écrire.

[Nancy Spero, Gunship Victims, 1967]

Faux affranchissement, émancipation réelle

« J’ai cru à l’é­poque que le mariage apai­se­rait mon tour­ment. » Elle n’est pas la seule à le croire alors — les dilemmes des pro­ta­go­nistes des romans et nou­velles de Maria Messina, née à Palerme au siècle pré­cé­dent, morte en Toscane en 1944, font écho à ceux dans les­quels Maria Occhipinti est elle-même plon­gée. Elle se marie donc jeune, à 17 ans, en 1938. Maria côtoie depuis trois ans un jeune voi­sin for­ge­ron, « grand, brun, robuste, au regard ardent ». Durant ces années-là, raconte-t-elle, « notre amour n’a été fait que de regards, de sou­rires, de signes. Pas de bai­sers, pas de lettres. » Le mariage arrive bien­tôt. Il est faste. Le père de Maria revient d’un pays d’Afrique où il a amas­sé un peu d’argent pen­dant deux ans8. Ce jour-là, les fian­cés échangent leur pre­mier bai­ser et par­tagent leur pre­mière nuit. « Je suis allée me cou­cher avec mon mari, rési­gnée, comme une bre­bis qui va à l’a­bat­toir. L’expérience de l’a­mour ne m’a appor­tée ni plai­sir ni dou­leur. » La repré­sen­ta­tion qu’elle s’est faite de son com­pa­gnon s’al­tère sans tar­der et vient confir­mer la mise en garde qu’a­vait pro­non­cée son père. « J’avais rêvé d’un homme sage qui aurait su répondre à n’im­porte quelle ques­tion, […] et j’ai trou­vé des ténèbres, des ténèbres épaisses, un beau man­ne­quin anal­pha­bète, inca­pable de par­ler. »

Pas plus que le mariage la mater­ni­té ne comble le grand vide affec­tif et spi­ri­tuel dans lequel elle se noie. Une fausse couche, puis la mort rapide d’une petite fille, ané­miée à cause de la mal­nu­tri­tion, accroissent une dure mélan­co­lie, qui se mue par­fois en colère. « À mon mari, j’avais envoyé un télé­gramme annon­çant la nais­sance et la mort de la petite. Le colo­nel ne lui don­na même pas congé, notre dou­leur fut pié­ti­née9. » Pour le père de Maria, c’est une évi­dence : c’est de la perte d’une enfant que viennent les empor­te­ments de sa fille à son égard lors­qu’il loue Mussolini. Maria conteste, pes­tant qu’il ne com­prend rien aux causes struc­tu­relles de la mort de son bébé. Cette der­nière expé­rience, dra­ma­tique, a été cau­sée par les res­tric­tions dues aux années de guerre — voi­là ce qu’il faut rete­nir. Un sen­ti­ment de refus naît dou­ce­ment de ces cir­cons­tances, redou­blé par sa conscience gran­dis­sante des inéga­li­tés qui struc­turent la socié­té ita­lienne et des pré­ju­gés qui cor­sètent la vie des femmes en Sicile. Sa révolte est timide d’a­bord, ne sait pas quel che­min emprun­ter. Maria décide d’é­crire direc­te­ment à celui qui pour elle, à ce moment-là, a tous les pou­voirs — Mussolini lui-même. Les riches trouvent des moyens de se dis­pen­ser d’al­ler au front quand les pauvres ne coupent pas à la conscrip­tion ? Il suf­fit de lui faire connaître cette situa­tion pour qu’il y remé­die. « J’avais confiance : Mussolini remet­trait tout en ordre. »

« Si elle com­mence, dans sa tête, à tutoyer le roi, c’est qu’elle a pu s’ap­puyer sur un livre très épais — et pros­crit : Les Misérables. »

Sa naï­ve­té vis-à-vis du régime, de celui qui l’a ins­tau­ré et de ceux qui s’en accom­modent ou en tirent pro­fit, dis­pa­raît cepen­dant peu à peu. À mesure que Maria met en doute l’é­vi­dence de l’im­mua­bi­li­té du pou­voir des autres, elle apprend à recon­naître le sien. Et si elle com­mence, dans sa tête, à tutoyer le roi, c’est qu’elle a pu s’ap­puyer sur un livre très épais — et pros­crit : Les Misérables. Jusque-là, les livres ont été absents de sa vie. « Il n’y avait que le méde­cin pour en avoir des vitrines pleines. J’aurais vou­lu lui voler, c’é­tait là qu’on expli­quait le mys­tère du gou­ver­ne­ment, la Chambre… » C’est un avo­cat anti­fas­ciste, chez qui une simple com­mis­sion l’a­vait ame­née, qui lui confie l’œuvre immense de Victor Hugo. « J’allais enfin lire, lire un livre, un livre gros comme celui que j’a­vais vu à l’é­glise le jour de mon mariage et où on m’a­vait fait signer. » La conscience de l’in­ter­dit rend plus pré­cieuse encore sa décou­verte. Maria ramène le volume chez elle : c’é­tait, écrit-elle, « comme si je trans­por­tais de la contre­bande, […] comme un objet volé, comme un scan­dale ». Le curé à qui elle parle de sa décou­verte la met d’ailleurs en garde contre cet ouvrage rédi­gé par un « écri­vain dam­né ».

Maria vit la vie de Jean Valjean comme si c’é­tait la sienne et décide de reprendre son par­cours sco­laire au début des années 1940 là où elle l’a­vait arrê­té ado­les­cente, trop hon­teuse alors de venir étu­dier avec ses vête­ments de pay­sanne. Elle découvre le latin et la logique auprès des sœurs, s’é­corche les yeux jusque tard pour apprendre, tou­jours apprendre. Elle sou­haite deve­nir ins­ti­tu­trice. Le train de vie mené par les reli­gieuses l’in­ter­pelle néan­moins. « Chez les sœurs on ne sen­tait pas la guerre. » Maria la per­çoit dans les lettres que lui envoie son mari, mais n’en veut rien entendre dès lors qu’elle pénètre dans une salle de classe — « jamais d’his­toire, pas de guerres, de car­nages et de mal­heurs ». En ces années-là, il est pour­tant dif­fi­cile d’y échap­per. Le conflit qui détruit l’Europe, de Varsovie à Dunkerque en pas­sant par l’aé­ro­port de Comiso, à quelques kilo­mètres de Raguse, prend un tour­nant inat­ten­du : les Britanniques et les Américains débarquent en Sicile — c’est l’opé­ra­tion Husky. Des tracts lar­gués par avion l’an­noncent. Maria s’en sai­sit, exulte, sou­haite que tout le monde se rende pour que la guerre cesse enfin. Elle insulte les fas­cistes qui passent dans sa rue et agite une ser­viette blanche pour pré­ve­nir les Alliés qu’i­ci des gens les attendent. Cette nuit-là, de grands incen­dies éclairent Raguse. Maria se sou­vient sou­dain du roi et de Mussolini, qu’elle a appris à détes­ter : « J’aurais vou­lu les voir eux aus­si brû­ler pour tou­jours dans ce feu ter­rible. »

[Nancy Spero, Catacomb / Vulture Goddess, 1992]

Non si parte !

Entre juillet et août 1943, les Alliés prennent donc la Sicile. C’est le troi­sième revers en l’es­pace d’une année pour les forces de l’Axe, après la défaite d’El-Alamein, en Égypte, et de Stalingrad, sur le front est. Cette vic­toire en demi-teinte — de nom­breux sol­dats ita­liens et alle­mands par­viennent à remon­ter plus haut dans la pénin­sule — par­ti­cipe néan­moins à la chute d’un régime fas­ciste, miné par des dis­sen­sions internes, qui se reforme de façon tem­po­raire sous le nom de République sociale ita­lienne. Pour les nou­veaux occu­pants, l’ob­jec­tif est d’é­car­ter l’Italie du conflit mon­dial — c’est en par­tie chose faite10. Le pays est cou­pé en deux. Les deux-tiers nord sont contrô­lés par les Allemands. Là, les com­bats se pour­suivent entre par­ti­sans et occu­pants. Au sud, l’ar­mis­tice est signé avec les Alliés. Un gou­ver­ne­ment d’u­nion, com­pro­mis entre monar­chistes et anti­fas­cistes, est for­mé sous l’é­gide du roi Victor-Emmanuel III et de Pietro Badoglio — un maré­chal fas­ciste, ancien gou­ver­neur de la Libye et de l’Éthiopie, en désac­cord avec Mussolini. Bientôt, le Royaume d’Italie déclare la guerre à l’Allemagne.

À Raguse, la situa­tion est dif­fi­cile à appré­hen­der. Le débar­que­ment ne change guère la vie quo­ti­dienne. La faim et les inéga­li­tés ne cessent pas. Maria perd une à une ses illu­sions. « On pen­sait que fina­le­ment il serait ren­du jus­tice aux pauvres aus­si, que la guerre allait finir bien­tôt et que la paix était der­rière la porte », écrit-elle. « On dési­rait autant que le pain l’é­pu­ra­tion de l’ad­mi­nis­tra­tion. » Aucun de ces sou­haits ne se réa­lise et l’a­vo­cat qui lui a confié Les Misérables, la déçoit autant que les autres en se met­tant au ser­vice des Alliés sans le moindre enga­ge­ment vis-à-vis des plus dému­nis. « L’hiver de cette année-là fut encore plus triste pour les pauvres : la faim et le déses­poir. » Même la pen­sion due aux familles des sol­dats qui ne sont pas encore ren­trés en vient à être sus­pen­due. Les femmes com­mencent à mani­fes­ter devant la mai­rie de plus en plus fré­quem­ment et choi­sissent Maria pour por­ter leurs reven­di­ca­tions. Le mépris avec lequel le nou­veau gou­ver­neur la reçoit finit d’an­ni­hi­ler toute confiance envers les sup­po­sés libé­ra­teurs et ren­force sa convic­tion que ce sont les habi­tants eux-mêmes qui doivent se char­ger de cette affaire.

« Les femmes com­mencent à mani­fes­ter devant la mai­rie de plus en plus fré­quem­ment et choi­sissent Maria pour por­ter leurs revendications. »

« En 1944, on a ouvert la Bourse du tra­vail. À ce moment-là, j’ai aban­don­né mes études. Je ne croyais plus désor­mais qu’en étant ins­ti­tu­trice je résou­drais les pro­blèmes des pauvres gens, la misère et la faim. Je vou­lais par­ti­ci­per à la lutte du peuple. » Le 1er mai, un bou­quet de fleurs atta­ché à sa cein­ture écar­late, elle rejoint la sec­tion locale du Parti com­mu­niste ita­lien en un temps où, comme le raconte Maria Attanasio dans Concetta et ses femmes, les milieux mili­tants sont pétris de réflexes patriar­caux. Elle com­mence à plai­der pour la paix dans son quar­tier, à orga­ni­ser ses com­parses pour qu’elles prennent en charge leur propre libé­ra­tion. Comme l’é­cri­ra plus tard une mili­tante anar­chiste, Maria devient alors « l’é­ten­dard de la révolte11 ».

Elle trouve dans la lutte ce qui lui man­quait jus­qu’à pré­sent, et que beau­coup de ses voi­sins cherchent dans le culte. Alors qu’une pro­ces­sion fête un nou­vel armis­tice en por­tant des sta­tues saintes, elle est prise d’un doute. « De quoi remer­cie-t-on ce bois inani­mé ? » Si elle ne coupe pas défi­ni­ti­ve­ment avec la reli­gion, elle donne une défi­ni­tion nou­velle, ter­restre, aux inter­ces­sions divines : « Je ne crois pas aux miracles, je n’y crois pas. Pour moi le miracle c’est de blo­quer les engins de des­truc­tion, de trans­for­mer en pluie de roses le bom­bar­de­ment qui n’é­pargne pas la femme enceinte, refu­sant au fœtus la lumière. » Cette der­nière réflexion est pré­mo­ni­toire. Enceinte, Maria le sera de nou­veau dans peu de temps. Et c’est dans cet état-là qu’elle s’ap­prête à effec­tuer l’acte déter­mi­nant de son existence.

[Nancy Spero, S.E.A.R.C.H. AND D.E.S.T.R.O.Y., 1967]

En décembre 1944, le fac­teur délivre une nou­velle fois la carte rose, qui sym­bo­lise pour son mari, comme pour tous les hommes en âge de se battre, la conscrip­tion. Les Siciliens sont requis sur le front au nord du pays. Elle se remé­more tous les évé­ne­ments, les pri­va­tions, la mort et la misère d’une guerre qui ne devait durer que six mois. « Non, cette carte rose il faut la déchi­rer », d’au­tant que ceux qui partent sont « les plus simples, les nigauds ». Les femmes com­mencent à pro­tes­ter, veulent brû­ler les cartes ou les ren­voyer par la poste tan­dis que les hommes, eux, fuient dans la cam­pagne les tour­nées des recru­teurs. Sur les 75 000 conscrits atten­dus dans les casernes, seuls 15 000 se pré­sentent12. Maria apprend que le Parti com­mu­niste, par la voix de son diri­geant local Girolami Li Causi, sou­haite que les hommes répondent à l’ap­pel — une décep­tion sup­plé­men­taire. « Après avoir prê­ché pen­dant des mois auprès des femmes que le com­mu­nisme signi­fie l’u­nion des tra­vailleurs du monde entier, la paix, le tra­vail et la fra­ter­ni­té des peuples, je ne pou­vais pas par­ler de guerre à des gens qui au bout d’un an et demi d’oc­cu­pa­tion alliée ne croyaient plus en la patrie. »

Puis vient ce fameux jour, le 4 jan­vier de l’an­née 1945 : « J’ai déci­dé d’empêcher de toutes mes forces qu’on parte pour la guerre ». Un camion par­court Raguse à la recherche des appe­lés. Des poli­ciers fouillent les bou­tiques et qua­drillent les rues. Plusieurs femmes pro­testent au cri de non si parte ! On ne part pas ! Maria, enceinte de cinq mois, se couche devant le camion. Qu’on lui roule des­sus plu­tôt qu’on emmène tous ces hommes. « Depuis mon enfance j’a­vais choi­si de souf­frir. […] C’est pour cela que j’al­lais en tout jus­qu’aux extrêmes, parce que j’a­vais le Christ comme modèle. Et pour moi qu’est-ce que c’é­tait que le com­mu­nisme sinon se sacri­fier soi-même pour l’a­mour des autres ? » Des poli­ciers tentent de la rele­ver, l’un d’entre eux plaide pour avan­cer tout de même. Elle insiste et reste dans la boue. Bientôt, une foule se presse autour d’elle. Les hommes raflés des­cendent du camion, se dis­persent et se cachent. Les sol­dats finissent par tirer. « Un jeune com­mu­niste est tom­bé à mes pieds, mor­tel­le­ment bles­sé. » Un deuxième homme, sacris­tain de son état, meurt quelques heures plus tard, la tête arra­chée par une gre­nade, pour avoir osé deman­der à un poli­cier pour­quoi il vou­lait à ce point envoyer les gens à la guerre. La coupe est pleine. Après Maria, c’est toute la ville qui se sou­lève. Et s’arme.

« Maria, enceinte de cinq mois, se couche devant le camion. Qu’on lui roule des­sus plu­tôt qu’on emmène tous ces hommes. »

Le len­de­main, un quar­tier entier est contrô­lé et des jeunes se dirigent vers un poste de police pour le prendre d’as­saut. « Les armes pleu­vaient de tous côtés, restes de la guerre, maté­riel aban­don­né par les Allemands… » L’attaque est don­née. Maria est requise pour aider aux soins des pre­miers bles­sés, s’im­pro­vi­sant pour la pre­mière fois infir­mière, métier qu’elle exer­ce­ra sou­vent par la suite. « Tout est arri­vé comme ça pen­dant ces jour­nées, muni­tions, ciga­rettes, argent, pain, soupe pour les insur­gés et les pri­son­niers, sans qu’au­cun ordre ne soit don­né, sans orga­ni­sa­tion, tous agis­saient de leur propre ini­tia­tive, col­la­bo­raient, pre­naient des déci­sions, cha­cun gui­dé par sa propre conscience, sans chef, sans dis­ci­pline. » Des hommes plus vieux, avec des armes antiques, viennent gar­nir les rangs et l’ar­mée finit par se rendre. « L’enfer était ter­mi­né », écrit Maria, qui ne se doute pas alors que le sien vient tout juste de commencer.

Un soulèvement spontané du peuple

En avant-pro­pos d’Une femme de Sicile, Maria Occhipinti écrit que « les évé­ne­ments de décembre 1944-jan­vier 1945 […] étaient inter­pré­tés non pas comme un sou­lè­ve­ment popu­laire contre la guerre, mais comme une ten­ta­tive fas­ciste », sans pour­tant que le terme invo­qué ne ren­voie à grand-chose de pré­cis. Si elle recon­naît que des fas­cistes et des sépa­ra­tistes sici­liens ont don­né des armes et de la nour­ri­ture aux insur­gés, sans s’im­pli­quer davan­tage eux-mêmes, son livre, comme nombre de ses inter­ven­tions publiques ensuite, est un fervent plai­doyer pour prou­ver le contraire. L’identité de ceux qui sont inter­pel­lés lors de la riposte poli­cière le montre bien. « Les hommes arrê­tés étaient presque tous com­mu­nistes et socia­listes. Les par­tis de gauche ont condam­né sans pitié les insur­gés, sans com­prendre l’a­mer­tume et les rai­sons d’a­gir du peuple. […] Qu’est-ce que la patrie pour les pay­sans du Sud ? Au-des­sus de toutes les spé­cu­la­tions des fas­cistes et des sépa­ra­tistes, la rébel­lion des jeunes contre le rap­pel aux armes avait été spon­ta­né et sin­cère. »

[Nancy Spero, Black and the Red III, 1994]

Maria a d’a­bord été fêtée pour son geste réfrac­taire. « Ma mai­son est deve­nue un lieu de pèle­ri­nage. Les gens vou­laient me connaître et me ser­rer la main, on ne par­lait que de ça. » Il faut dire que le mou­ve­ment qu’elle a par­ti­ci­pé à ini­tier se répand dans tout le sud de la grande île. « Des mes­sa­gers sont par­tis annon­cer la nou­velle aux villes voi­sines, et la révolte s’est répan­due à Monterosso, Vittoria, Comiso, Giarratana, Naro et Agrigente. » Manquant d’ex­pé­rience, les insur­gés de Raguse ne pensent pas à cou­per les com­mu­ni­ca­tions. Des ren­forts mili­taires arrivent sur place dès le 7 jan­vier. Très vite, ils reprennent le contrôle de la ville. La mai­son de Maria est de nou­veau visi­tée, mais cette fois pour être per­qui­si­tion­née. Commence alors une fuite de huit jours en com­pa­gnie d’Erasmo Santangelo. Originaire de Gaeta, une ville du Latium où Goliarda Sapienza, plus tard, écri­ra L’Art de la joie, il s’est réfu­gié en Sicile pen­dant la guerre et s’est trou­vé être l’un des plus fer­vents par­ti­ci­pants au sou­lè­ve­ment. Dans son livre, Maria n’a­borde cet épi­sode qu’à la fin, en annexe. Sans doute est-ce l’un des évé­ne­ments les plus dou­lou­reux qu’elle ait eu à retrans­crire. Marilena, sa fille, explique pourquoi :

« Au début, tout le monde à Raguse a admi­ré le cou­rage de ma mère. Tout a chan­gé quand les révol­tés ont été défaits. Il fal­lait s’enfuir, tout le monde allait dans les cam­pagnes pour se cacher. Étant don­né que Santangelo ne connais­sait pas les cam­pagnes, ma mère a déci­dé de s’enfuir avec lui. C’est ça qui l’a mau­dite. Après quelques jours, ils ont été cap­tu­rés et à par­tir de ce moment les calom­nies sur ma mère ont été ter­ribles. Ils étaient accu­sés d’être amants, parce que l’amitié entre une femme et un homme ça n’existait pas là-bas, ce qui était com­plè­te­ment faux. Elle avait agi comme le font les par­ti­sans. On n’abandonne pas un cama­rade, un homme qui s’était bat­tu avec eux. »

« On ne lui par­don­ne­ra jamais d’a­voir aidé un étran­ger. »

On ne lui par­don­ne­ra jamais d’a­voir aidé un « étran­ger ». « La famille me décon­seillait de m’en­fuir avec lui, raconte Maria. Elle crai­gnait les calom­nies. Mon cœur débor­dait de haine contre ces cou­tumes mau­dites, mais j’é­tais déci­der à aller jus­qu’au bout, à défier la sale men­ta­li­té, et même les coups de cou­teau. La vie d’un homme est au-des­sus de tous les pré­ju­gés. » Toujours, Maria soup­çon­ne­ra son père et son mari d’a­voir indi­qué leur cachette à la police. « Aux yeux de l’o­pi­nion, il était jus­ti­fié en tant que mari tra­hi, tout cela a fait le jeu des tyrans. » Plus loin, elle com­mente, amère : « Pour la police c’é­tait magni­fique que ses frères eux-mêmes pié­tinent la seule flamme fémi­nine qui brû­lait pour com­battre les innom­brables injus­tices qu’il y avait dans ce pays. » Après sa cap­ture, elle est emme­née dans un dépôt où elle retrouve nombre de ses amis, avec les­quels elle est entas­sée dans une cel­lule trop petite. Les inter­ro­ga­toires s’en­chaînent. « Mais que pou­vais-je dire ? Tout avait été comme une tem­pête qui se déchaîne dans un ciel serein, une flam­bée sou­daine dans une ville de pay­sans paci­fiques. » Un mois plus tard, elle est emme­née, avec d’autres, au confi­no, une pri­son nou­velle de la taille d’une île au large de Palerme — Ustica.

La liberté se paye

Les condi­tions de déten­tion sont dures, adou­cies seule­ment par l’en­traide entre les déte­nus et, pour les mieux lotis, les avan­tages que per­mettent l’argent, les rela­tions, une répu­ta­tion pas trop enta­chée par les délits. « Moi, au contraire, qui pas­sais pour sub­ver­sive, je n’a­vais même pas le droit cer­tains jours de sor­tir de l’in­fir­me­rie. » L’accouchement pré­vu deux mois plus tard a lieu dans le plus com­plet dénue­ment. « Je suis née à Ustica », raconte Marilena, 80 ans après les faits. Elle tient à le rap­pe­ler : « Erasmo Santangelo m’a sau­vé la vie parce que j’étais pré­ma­tu­rée et bleue de froid. Il a pen­sé à mettre des bou­teilles d’eau chaude à mes côtés et j’ai repris des cou­leurs. » Douze ans plus tard, Marilena a revu celui qui était « comme un maître » pour Maria alors qu’il purge une longue peine dans la pri­son de Rebibbia, à Rome. Elle se rap­pelle des larmes d’Erasmo et ponc­tue d’un silence la men­tion de son sui­cide, sur­ve­nu avant qu’il ne puisse sortir.

[Nancy Spero, Vietcong Prisoners, 1968]

Si la vie car­cé­rale de Maria est en grande par­tie tour­née vers sa toute jeune fille, qui prend le nom de Maria Lenina, elle n’a­ban­donne pas les convic­tions qui l’ont menée là. « Avec d’autres cama­rades, j’a­vais une acti­vi­té poli­tique sur l’île. » Le 1er mai 1945, de nom­breux déte­nus se rendent au cime­tière pour com­mé­mo­rer leurs pré­dé­ces­seurs qui y sont enter­rés. Quelques jours après, la fin défi­ni­tive de la guerre donne lieu à un véri­table défi­lé der­rière un dra­peau rouge fabri­qué avec la « vieille jupe d’une cama­rade ». La nou­velle arrive jus­qu’à Palerme et se dif­fuse dans les publi­ca­tions com­mu­nistes, gagnant au cours du tra­jet le lustre de la clan­des­ti­ni­té. « Le jour­nal par­lait de moi qui avait por­té le dra­peau en tête de cor­tège, avec un enfant de deux mois dans les bras, défiant les mitraillettes de la police et affir­mant le droit des citoyens aux liber­tés démo­cra­tiques. » Les auto­ri­tés, crai­gnant une nou­velle révolte, ren­voient Maria et sa fille sur la grande île.

Dans la pri­son des femmes de Palerme, les Bénédictines, elles sont recluses dans le dépar­te­ment « mater­ni­té », où « mères et enfants dor­maient ensemble sur des paillasses trem­pées de pisse ». Dans Une femme de Sicile, Maria prend grand soin à décrire la nour­ri­ture, le manque d’hy­giène, l’en­tas­se­ment des femmes et des enfants dans des pièces sales et très petites. Comme par­tout où elle a vécu jus­qu’a­lors, la mort pré­coce des nou­veaux-nés est une menace per­sis­tante et une source constante d’in­quié­tude. Après une intense nuit d’a­dieux, Maria décide de confier Marilena à sa propre mère pour qu’elle gran­disse loin de la faim et des risques de conta­gion. « J’avais l’im­pres­sion que la meilleure part de moi-même était dehors pour res­pi­rer l’air pur et pro­fi­ter du soleil de mon pays. » Lorsqu’elle la retrou­ve­ra à sa libé­ra­tion, Marilena ne la recon­naî­tra pas, lui don­nant du « madame » plu­tôt que du « maman ».

« Dans la pri­son des femmes de Palerme la mort pré­coce des nou­veaux-nés est une menace per­sis­tante et une source constante d’inquiétude. »

Maria passe encore une année aux côtés de femmes condam­nées parce qu’elles ont com­mis un crime à l’en­contre d’un mari violent, qu’elles ont volé de quoi se nour­rir ou parce qu’elles se pros­ti­tuent. La lec­ture de son récit d’en­fer­me­ment en rap­pelle d’autres : Goliarda Sapienza pour la des­crip­tion empa­thique de ses cama­rades déte­nues, Rosa Luxemburg pour sa soif de ver­dure et d’oi­seaux, Albertine Sarrazin pour le franc-par­ler des pri­son­nières avec les­quelles Maria doit coha­bi­ter. C’est d’ailleurs l’une de ses plus grandes dif­fi­cul­tés. « Ce que je n’ar­ri­vais pas à sup­por­ter c’é­tait cette vie com­mune conti­nuelle avec tant d’autres per­sonnes. J’éprouvais le besoin d’être seule. » Au point de faire du cha­hut pour être mise à l’i­so­le­ment. Comme à Ustica, plus encore peut-être, son insu­bor­di­na­tion constante sus­cite la méfiance de la part des gar­diennes et de l’ins­ti­tu­tion péni­ten­tiaire. « On vou­lait me faire céder et on don­nait une colo­ra­tion poli­tique à cha­cun de mes gestes. Mais j’a­gis­sais sous l’im­pul­sion de ma conscience et non pas sui­vant des prin­cipes poli­tiques, de par­ti. »

Elle sort fina­le­ment en décembre 1946. Six mois aupa­ra­vant, un réfé­ren­dum ins­ti­tu­tion­nel a enté­ri­né la créa­tion de la République ita­lienne, en lieu et place de l’an­cienne monar­chie. Grâce à l’ac­tion du secré­taire géné­ral du Parti com­mu­niste, Palmiro Togliatti, de nom­breux déte­nus, dont Maria, sont libé­rés. « À peine sor­tie, il me sem­blait que tous les bâti­ments allaient me tom­ber des­sus, l’air humide de l’hi­ver me don­nait des fris­sons. J’ai cares­sé du regard l’herbe du pré devant la pri­son, que pen­dant deux ans je n’a­vais qu’en­tre­vue par un trou de la fenêtre. J’avais très envie de mar­cher. » La nou­velle consti­tu­tion, pro­mul­guée un an après sa sor­tie, affirme dans son article 11 que la République ita­lienne « répu­die la guerre » comme mode de réso­lu­tion des conflits inter­na­tio­naux. Le com­bat spon­ta­né de Maria Occhipinti, dis­qua­li­fié par le pou­voir, son propre par­ti, son entou­rage et sa famille, trouve fina­le­ment sa tra­duc­tion dans la loi.

[Nancy Spero, extrait de The Goddess Nut, 1990]

Un mouvement permanent

De retour à Raguse, Maria retrouve sa fille en même temps qu’une famille qui peine à l’ac­cueillir. « Quand je suis sor­tie de pri­son, il ne man­quait plus que quelques mois aux dix ans qu’a­vait fixés mon père pour mon expia­tion. » Celui-ci, en effet, avait choi­si de châ­tier sa fille pour son atti­tude par trop rebelle. « Et j’ai ri de moi-même et de mes ter­reurs. Ce n’é­tait pas la malé­dic­tion de mon père qui avait influen­cé mon des­tin, c’é­tait mon ima­gi­na­tion qui m’a­vait usée. La malé­dic­tion a été effi­cace dans la mesure où j’y ai cru. » Mais peu importe les faits, les rumeurs s’im­posent. « Certaines amies chan­geaient de rue quand elles m’a­per­ce­vaient ; […] j’ai dû me convaincre que j’é­tais pour tout le monde la peste, la femme qui avait désho­no­ré sa famille. » Les épreuves s’ac­cu­mulent. S’ajoutent aux pré­cé­dentes la tra­hi­son de son mari. Pendant qu’elle crou­pis­sait en cel­lule, celui-ci s’est ins­tal­lé avec une autre femme. Lorsque Maria revient, il est contraint par l’hon­neur de res­ter avec elle. « J’étais tou­jours la mère de sa fille, il me trai­tait comme une putain. »

Heureusement, quelques-uns la sou­tiennent, en par­ti­cu­lier un jeune mineur anar­chiste du nom de Franco Leggio qui, en 1947, frappe un jour à sa porte pour la ren­con­trer et l’en­tendre racon­ter la révolte de jan­vier 1945 à Raguse. Il y avait lui-même pris part, quit­tant le sana­to­rium dans lequel il était soi­gné pour une tuber­cu­lose afin de rejoindre les insur­gés. Maria découvre ain­si que des anar­chistes ont sur­veillé sa mai­son les jours sui­vant son fameux geste afin de pré­ve­nir de pos­sibles repré­sailles à son encontre. Entre eux, s’ins­taure une ami­tié durable, qui lui per­met de décou­vrir les prin­cipes de l’a­nar­chisme. Elle les fera siens pour le reste de sa vie, même si elle pré­fé­re­ra se défi­nir comme libre pen­seuse. Apprenant que son mari et son père la battent, au point qu’elle croit par­fois mou­rir, Franco Leggio l’aide à quit­ter Raguse. À Palerme, elle retrouve l’a­nar­chiste Paolo Schicchi, avant de quit­ter, enfin, la Sicile.

« Comme si elle avait trop souf­fert de l’en­fer­me­ment fami­lial, insu­laire et car­cé­ral, Maria ne tient pas plus de quelques années au même endroit. »

Le pre­mier d’une série de départ qui se suc­cé­de­ront jus­qu’à sa mort. Comme si elle avait trop souf­fert de l’en­fer­me­ment fami­lial, insu­laire et car­cé­ral, Maria ne tient pas plus de quelques années au même endroit. Ces péré­gri­na­tions sont la matière prin­ci­pale de Una don­na libe­ra. Elle y raconte les cercles anar­chistes qu’elle essaye de fré­quen­ter sans jamais s’y sen­tir tout à fait accueillie ain­si que les emplois d’in­fir­mière ou de cou­tu­rière qu’elle trouve à Rome, à Lausanne, à Paris, en Angleterre, au Canada et aux États-Unis afin de sub­ve­nir aux besoins de sa fille. Elle revient sur les ren­contres, enfin, qui la mettent sur le che­min de l’é­cri­ture. C’est par exemple l’un de ses amis, puis com­pa­gnon, Pierro Angarano, qui lui conseille de rédi­ger elle-même les mémoires qu’elle lui demande de prendre en note.

L’écriture d’Une femme de Sicile est, pour Maria, une tor­ture autant qu’une libé­ra­tion. « Elle vou­lait écrire ses mémoires pour rendre jus­tice aux vic­times de la révolte, relate Marilena, parce que beau­coup des révol­tés ont été tués, et aus­si pour moi, parce qu’elle vou­lait que je la connaisse par son témoi­gnage et pas par ce que la famille m’aurait racon­té avec tous les pré­ju­gés qu’ils avaient. » Certaines images de sa mère en train d’é­crire lui reviennent en mémoire. « Je me rap­pelle qu’elle écri­vait tou­jours au lit. Elle écri­vait, elle écri­vait et puis elle pleu­rait, elle pleu­rait. Les pages tom­baient pas terre. C’était une libé­ra­tion pour elle. Elle pleu­rait tout le temps qu’elle écri­vait parce que ce qu’elle avait dans son cœur ça la fai­sait souf­frir. Après elle rede­ve­nait elle-même, elle m’embrassait, elle sou­riait… »

[Nancy Spero, Clown and Helicopter, 1967]

Au milieu des années 1950, un petit édi­teur ita­lien accepte son texte. Malgré une pré­face arra­chée à l’é­cri­vain et peintre anti­fas­ciste Carlo Levi13, le livre ne trouve que très peu d’é­cho à sa paru­tion. Pendant une ving­taine d’an­nées, Maria ne publie plus, ou très peu. Il faut dire qu’elle est tout entière occu­pée par le tra­vail et la vie com­mune avec sa fille. Elles vivent tour à tour en Suisse, à Milan, à San Remo et à Rome. Puis elles emmé­nagent pour quatre ans à Paris, d’où elles partent en 1961. Une période inou­bliable, se remé­more Marilena, à laquelle la guerre d’Algérie met fin. Les pieds-noirs qui reviennent en France ont la pri­mau­té pour obte­nir un emploi et Maria peine de plus en plus à trou­ver une place à l’hô­pi­tal ou comme cou­tu­rière. Après un séjour en Angleterre, pen­dant lequel Marilena, encore ado­les­cente, reste seule à Paris, elles décident de repar­tir, cette fois de l’autre côté de l’Atlantique. Elles s’ins­tallent à Montréal. Entre temps, trois cha­pitres d’Une femme de Sicile ont été tra­duits en fran­çais, trans­mis à Sartre et publiés dans Les Temps modernes par l’in­ter­mé­diaire de Maria Brandon-Albini14. Le Canada n’est encore qu’une étape. Bientôt, Maria veut à nou­veau repar­tir et contacte une connais­sance anar­chiste à New York qui porte le même nom de famille, pour qu’elle puisse pas­ser la fron­tière sans encombre. Pour Marilena, qui s’est habi­tuée à la grande ville qué­bé­coise, c’est le départ de trop. Elle laisse sa mère com­men­cer une vie amé­ri­caine tan­dis qu’elle décide de res­ter au Canada.

Retour au pays

C’est en 1973, « pauvre et à 52 ans », que Maria décide de ren­trer défi­ni­ti­ve­ment en Italie pour « com­men­cer une nou­velle vie15 ». Deux ans plus tard, Marilena fait de même. Entre temps, sa mère a réac­ti­vé quelques réseaux ami­caux ou mili­tants et un jour­na­liste, Enzo Forcella, lui a pro­po­sé de réa­li­ser un docu­men­taire sur la révolte de Raguse pour en com­mé­mo­rer le tren­tième anni­ver­saire. C’est de là que viennent ces images si fortes mon­trant Maria tout de blanc vêtue, une grande cape en laine sur le dos, rela­tant devant la camé­ra les évé­ne­ments qui l’ont for­cée à quit­ter sa ville natale. L’écouter suf­fit à don­ner une idée de sa capa­ci­té à convaincre son public — ses mots sont habi­tés d’un paci­fisme vis­cé­ral. La dif­fu­sion du docu­men­taire déclenche chez de jeunes habi­tants de Raguse l’en­vie de mieux connaître cet épi­sode et de com­prendre les rai­sons du silence de leurs parents. Et plu­sieurs édi­teurs trouvent pour Une femme de Sicile un inté­rêt qu’ils n’a­vaient aupa­ra­vant pas mani­fes­té, dont Feltrinelli, qui décide de le réédi­ter l’an­née suivante.

« Moi, je suis anar­chiste et je n’obéirai à per­sonne, je crois en l’autogouvernement des peuples. Le pou­voir cor­rompt, ont dit nos maîtres. »

Si on retient sur­tout des années 1970 en Italie le mou­ve­ment de gauche extra-par­le­men­taire mené par de nom­breux groupes auto­nomes, Maria ne dit rien, dans ses textes, des acti­vi­tés clan­des­tines qui animent le pays. Le centre névral­gique de la révolte se situe plus au nord, à Bologne, Turin, Milan. Ce sont des femmes plus jeunes qu’elle qui y par­ti­cipent. Certaines vont jus­qu’à choi­sir de mener la lutte par les armes, quand Maria s’y refuse. C’est aus­si durant cette décen­nie que le mou­ve­ment fémi­niste se déploie. Carla Lonzi publie Nous cra­chons sur Hegel et par­ti­cipe à l’é­mer­gence de groupes non-mixtes avec ses cama­rades de Rivolta Femminile ; des publi­ca­tions com­mu­nistes, comme Lotta conti­nua ou Il Manifesto, se font l’é­cho de leurs reven­di­ca­tions ; de nou­velles revues spé­cia­li­sées voient le jour. Maria est curieuse, mais ne par­vient pas à éta­blir un contact pérenne avec les mili­tantes qu’elle ren­contre. Pour Marilena, la rai­son est simple : « Elles n’a­vaient rien en com­mun. Les fémi­nistes romaines étaient des jeunes intel­lec­tuelles, riches, qui n’avaient jamais dû tra­vailler. Elles ne pou­vaient pas com­prendre une femme avec l’expérience de vie tra­gique comme Maria. » Un concours de cir­cons­tance l’a­mène à appa­raître en cou­ver­ture du pre­mier numé­ro de Effe, un men­suel fémi­niste auto­gé­ré qui tire­ra ponc­tuel­le­ment jus­qu’à 80 000 exem­plaires. On la voit mar­chant dans l’herbe der­rière un groupe de femmes et d’en­fants, la plu­part chaus­sés de sabots et vêtus des tuniques bario­lées de l’é­poque. Elle est la seule à regar­der ailleurs qu’en direc­tion de l’ob­jec­tif. Maria semble en déca­lage, à côté. Et c’est bien ce qu’elle res­sent au contact des mili­tantes plus jeunes qu’elle, si peu curieuses de son par­cours qu’elle aime­rait pour­tant leur partager.

Seule l’une d’entre elles, Adele Cambria, montre de l’in­té­rêt pour ses écrits. Elles par­ta­ge­ront un prix lit­té­raire en 1980 — une « petite vic­toire » pour Maria dans sa lutte pour la réha­bi­li­ta­tion des insur­gés de 1945 — et enta­me­ront une ami­tié fidèle, intense. Hormis ces rares moments de recon­nais­sance, c’est donc loin des cercles artis­tiques, lit­té­raires, mon­dains que Maria conti­nue à mili­ter. Elle réclame notam­ment une juste répar­ti­tion des terres autour de Raguse et le fait savoir à coups d’ar­ticles, d’en­tre­tiens, allant jus­qu’à mani­fes­ter, seule, devant le palais de Quirinale, la rési­dence offi­cielle du pré­sident de la République ita­lienne. Elle pro­teste aus­si avec des mil­lions de com­pa­triotes contre la mili­ta­ri­sa­tion de la Sicile, après que l’OTAN a déci­dé d’ins­tal­ler des mis­siles de croi­sière à Comiso. Cette der­nière mobi­li­sa­tion la relie à la pre­mière qu’elle a menée, dans un tout autre contexte, à seule­ment trente kilo­mètres plus à l’est, ain­si qu’à ses prises de posi­tion contre la guerre du Vietnam lors­qu’elle habi­tait à Los Angeles. Enfin, quand on lui demande à la fin des années 1970 d’être can­di­date pour le Parti socia­liste aux élec­tions légis­la­tives, elle rétorque : « Moi, je suis anar­chiste et je n’obéirai à per­sonne, je crois en l’autogouvernement des peuples. Le pou­voir cor­rompt, ont dit nos maîtres. Quand les dépu­tés accèdent au gou­ver­ne­ment, ils n’œuvrent plus pour l’intérêt du peuple16. »

[Nancy Spero, extrait de The Godess Nut II, 1990]

Au début des années 1990, elle apprend qu’elle est atteinte de la mala­die de Parkinson. Les der­nières pages de Una don­na libe­ra décrivent ain­si une femme affec­tée par la perte pro­gres­sive de son auto­no­mie et les contraintes qui pèsent de plus en plus sur les épaules de sa sœur, Rosina, et sur­tout sur celles de Marilena, qui l’as­siste au quo­ti­dien dans la mai­son qu’elles par­tagent. Jusqu’au bout, Maria espère encore être publiée. Cette fois-ci, c’est de la poé­sie qu’elle pro­pose à plu­sieurs édi­teurs. « Elle disait que tout le monde la voit comme une femme qui a fait une révo­lu­tion, une révo­lu­tion­naire, mais que per­sonne ne connaît son âme, qui est expri­mée dans la poé­sie », explique sa fille. Maria trouve dans les vers ce qu’elle cherche aus­si au contact de la nature — une forme d’a­pai­se­ment, de repos, que la vie lui aura sou­vent refu­sé. Elle meurt le 20 août 1996, quelques mois après la poète Amelia Rosselli et dix jours, seule­ment, avant Goliarda Sapienza.

*

Que reste-t-il, aujourd’­hui, de Maria Occhipinti ? Une mémoire vivante, entre­te­nue par sa fille, quelques jour­na­listes17 et écri­vaines18, ain­si qu’une poi­gnée d’a­nar­chistes, au pre­mier rang des­quels Pippo Gurrieri. Ce der­nier, qui a édi­té la plu­part des textes de Maria au sein de sa mai­son d’é­di­tion Sicilia Punto L, a per­mis qu’un bel­vé­dère porte le nom de l’in­sur­gée sur les hau­teurs de Raguse. Que ce texte, enfin, contri­bue à faire connaître son nom hors de la cité sici­lienne et de quelques cénacles liber­taires, pour que les com­bats qui furent les siens contre la guerre, la vio­lence des pères et des maris, ain­si que l’i­né­gal accès aux terres, à la recon­nais­sance et à la jus­tice, viennent ins­pi­rer les nôtres. Il n’est pas de trop, dès lors, de citer les der­niers mots que Maria a consi­gnés dans Una don­na libe­ra :

« Je vois toute cette boue en train d’émerger en Italie. Trop de chré­tiens ont tra­hi et conti­nuent de tra­hir le chris­tia­nisme. Trop de socia­listes et de com­mu­nistes ont tra­hi l’ idéal des pauvres et ont pié­ti­né le sang de ceux qui ont lut­té pour la paix, la liber­té, le tra­vail et l’égalité entre les peuples. Quand je pense à cela, j’ai comme une envie pro­fonde de crier au peuple, tou­jours vic­time des exploi­teurs, des gou­ver­ne­ments et des fau­teurs de guerre, de ne plus avoir confiance en per­sonne. Tous ensemble, on devrait gérer direc­te­ment la richesse que nous pro­dui­sons19. »


Illustration de ban­nière : Nancy Spero, P.E.A.C.E., Helicopter, Mother + Children, 1968


image_pdf
  1. Giovanni Criscione, La strage di Modica (29 mag­gio 1921). Un caso irri­sol­to di cen­to anni fa, Sicilia Punto L, 2024.[]
  2. Équipes de forces para­mi­li­taires répri­mant par la vio­lence les mou­ve­ments sociaux orga­ni­sés par les socia­listes et les com­mu­nistes après la Première Guerre mon­diale en Italie. Ces groupes nés avant le fas­cisme ita­lien sont deve­nus le bras armé de Mussolini.[]
  3. Respectivement Una don­na di Ragusa, publié en 1957, dont la tra­duc­tion de Fanchita Gonzalez-Battle est édi­tée en 1980 sous le titre Une femme de Sicile et Una don­na libe­ra, publié de façon post­hume en 2004 par les édi­tions Sellerio et réédi­té par les édi­tions Sicilia Punto L en 2021.[]
  4. Une femme de Sicile, p. 150. Sauf men­tion contraire, toutes les situa­tions de Maria Occhipinti sont issues de ce seul ouvrage.[]
  5. Voir à ce sujet Jean-Yves Frétigné, Histoire de la Sicile : des ori­gines à nos jours, Pluriel, 2018.[]
  6. Charles Reeve, « L’éducation à l’assujettissement. Le socia­lisme auto­ri­taire et le fas­cisme », Brasero, n° 4, 2024.[]
  7. Eugenia Fano nous indique que la mère de Goliarda Sapienza, Maria Giudice, a été envoyée sur l’île par le Parti socia­liste pour convaincre la popu­la­tion du bien­fon­dé de ses idées.[]
  8. L’Éthiopie, peut-être, qui vient d’être défaite par l’Italie.[]
  9. Una don­na libe­ra, Sicilia Punto L, 2021, p. 30. Tous les extraits cités de ce livre ont été tra­duits par Eugenia Fano.[]
  10. Rosario Mangiameli, « Le gou­ver­ne­ment pro­vi­soire en Sicile : un labo­ra­toire pour une Italie nou­velle ? (1943–1947) », Histoire Politique, n° 38, 2019.[]
  11. Letizia Giarratana, citée dans Milagro Martín Clavijo, « Un mode­lo de liber­tad feme­ni­no : Una don­na libe­ra de Maria Occhipinti », Espacio, Tiempo y Educación, vol. 1, n°. 1, 2014.[]
  12. Rosario Mangiameli, art. cit.[]
  13. Après un accord de prin­cipe, l’au­teur de Le Christ s’est arrê­té à Eboli reste silen­cieux pen­dant un an. Sans nou­velles, Maria décide d’al­ler le voir pour lui deman­der de lui rendre son manus­crit. L’écrivain la reçoit et, d’a­bord, lui avoue dou­ter du fait qu’elle serait l’au­trice de ce texte, pré­su­mant que sa pauvre ins­truc­tion la ren­drait inca­pable de l’é­crire. Maria a lu plu­sieurs de ses livres, dont Les mots sont des pierres, qui se déroule en Sicile. Elle ne se démonte pas et lui rétorque qu’il n’a pas su rendre compte de la vie pay­sanne qu’il essaye de décrire. Après que Pierro Angarano a assu­ré Carlo Levi de l’au­then­ti­ci­té du manus­crit de Maria, celui-ci se décide enfin à déli­vrer la pré­cieuse pré­face.[]
  14. « Une femme de Ragusa », Les Temps modernes, n° 172, juillet 1960.[]
  15. Una don­na libe­ra, Sicilia Punto L, 2021, p. 297.[]
  16. Una don­na libe­ra, Sicilia Punto L, 2021, p. 362.[]
  17. Plusieurs docu­men­taires ou émis­sions de radio lui ont été consa­crés ces der­nières années, par­mi les­quels on peut citer un film de Luca Scivoletto, Con quel­la fac­cia da stra­nie­ra : il viag­gio, Pinup pro­duc­tion, 2013.[]
  18. Plusieurs contri­bu­tions ont été ras­sem­blées dans un livre col­lec­tif, édi­té sous la direc­tion de Gisella Modica et Serena Todesco, Maria Occhipinti : i luo­ghi, le voci, la memo­ria, Vita Activa Nuova, 2024.[]
  19. Una don­na libe­ra, Sicilia Punto L, 2021, p. 375.[]

REBONDS

☰ Lire les bonnes feuilles « Croit-on pou­voir faire la révo­lu­tion sans les femmes ? », Ludivine Bantagny, mars 2025
☰ Lire les bonnes feuilles « Sur les traces de la révo­lu­tion­naire Lucy Parsons », Francis Dupuis-Déri, sep­tembre 2024
☰ Lire notre tra­duc­tion « Constance Markievicz, socia­liste irlan­daise », David Swanson, décembre 2022
☰ Lire notre article « Paule Minck : le socia­lisme aux femmes », Élie Marek, jan­vier 2022
☰ Lire notre article « La langue retrou­vée », Eugenia Fano, juin 2021
☰ Lire notre article « Goliarda Sapienza, vivre abso­lu­ment », David Guilbaud, février 2019


Lire les autres articles de la série :
Roméo Bondon

Doctorant en géographie. Il a récemment coordonné avec Elias Boisjean Cause animale, luttes sociales (Le Passager clandestin, 2021) et publié avec Raphaël Mathevet Sangliers - Géographies d'un animal politique (Actes Sud, 2022).

Découvrir d'autres articles de



Nous sommes un collectif entièrement militant et bénévole, qui refuse la publicité. Vous pouvez nous soutenir (frais, matériel, reportages, etc.) par un don ponctuel ou régulier.