Entre Belgique et Angleterre, un campement d’exil


Texte inédit pour le site de Ballast

C’est un cam­pe­ment de for­tune quelque part dans un bois, au sud de la Belgique. Plusieurs dizaines d’exilés y vivent, venus pour la plu­part d’Érythrée et d’Éthiopie. Tous et toutes, anglo­phones, cherchent à gagner la Grande-Bretagne dans l’es­poir d’y trou­ver un tra­vail. Détention en Libye, tra­ver­sée de la Méditerranée, rétri­bu­tion des pas­seurs : « Tu as peut-être vu les images sur la BBC, tu as lu les jour­naux, mais tu n’as pas la moindre idée de ce que c’est, en réa­li­té », raconte une jeune femme, par­ve­nue en Belgique au terme de trois années de voyage. Depuis le début de l’année 2020, les tra­ver­sées de la Manche se sont mul­ti­pliées depuis le lit­to­ral fran­çais : au cours du seul mois d’août, pas loin de 1 500 per­sonnes ont ain­si atteint l’île. D’autres tentent par la route — c’est-à-dire en se cachant à bord d’un camion. On appelle ce cam­pe­ment « la forest » : rencontre, sur place, avec plu­sieurs d’entre elles et eux. ☰ Par Julie Schyns


Juin 2020, dans un vil­lage du sud de la Belgique.

La par­celle n’est pas bien grande. Quelques cen­taines de mètres car­rés de ver­dure par­se­més de grands arbres feuillus. Un lopin de terre boi­sé auquel on a lais­sé ses droits en plein bitume, au cœur d’une petite com­mune de la Belgique fran­co­phone. Ni le can­dide pro­me­neur, ni le curieux n’auraient l’idée de s’y enfon­cer. Et pour­tant, der­rière ces denses bran­chages, à l’abri des regards, vit un véri­table petit vil­lage. Le long d’étroits sen­tiers qui tra­versent un épais sous-bois, on a plan­té des tentes de cam­ping, fice­lé de grandes bâches sur des troncs d’arbres, bâti de frêles mai­son­nettes à l’aide de plaques de fri­go­lite, de planches en bois et de tout ce que l’on a pu récu­pé­rer ici et là. Ce vil­lage, on l’a sur­nom­mé « la forêt ». Ou plu­tôt « la forest », car l’on use ici de la langue par­lée sur l’île qui rythme les rêves et le quo­ti­dien du lieu : la Grande-Bretagne.

« La guerre et la déten­tion dans les camps libyens, l’inénarrable tra­ver­sée de la Méditerranée en bateau, l’arrivée dans une Italie inca­pable de gérer l’accueil des migrants. »

Dans la forest, tous ont en com­mun le far­deau d’un périple long, épui­sant, humai­ne­ment dégra­dant. Zula1, 24 ans, vit à l’orée du bois. Elle dort aux côtés de son mari, Nasih, et de deux autres couples sous une grande toile en plas­tique qui recouvre de fins mate­las et d’épaisses cou­ver­tures. Devant leur abri, une table basse. « Ça c’est la cui­sine. Puis là, il y a la salle de bain », sou­rit-elle en dési­gnant une corde ten­due à laquelle pend un petit miroir et quelques affaires de toi­lette. Zula et son mari ont quit­té l’Érythrée il y a quatre ans. Ils ont fui un régime dic­ta­to­rial consi­dé­ré comme l’un des plus répres­sifs au monde. Un régime qui impose l’enrôlement mili­taire dès l’âge de 17 ans et sans limite, muselle la presse, empri­sonne sans juge­ment, per­sé­cute ceux qui pra­tiquent une reli­gion non recon­nue par le pou­voir2. Un jour, Zula et Nasih ont confié leurs deux enfants à leurs parents et ont enta­mé leur exil vers l’Europe. Un voyage dans lequel ils ont tout inves­ti : argent, temps, éner­gie. Zula résume deux années d’un par­cours chao­tique en quelques phrases. La guerre et la déten­tion dans les camps libyens, l’inénarrable tra­ver­sée de la Méditerranée en bateau, l’arrivée dans une Italie inca­pable de gérer l’accueil des migrants, les mil­liers de dol­lars pour payer les pas­seurs. Partout : la faim, la soif, la fatigue, l’attente. À chaque étape : trou­ver un moyen d’atteindre la sui­vante. Un leit­mo­tiv : conti­nuer. Mais jusqu’où ? En quit­tant l’Érythrée, Zula et Nasih n’avaient pas véri­ta­ble­ment défi­ni de point de chute. L’important était pour eux de trou­ver un lieu où remettre les comp­teurs à zéro, avec leur famille, en sécu­ri­té. « Si nous sommes ici, c’est pour nos enfants. Pour l’instant, ils sont petits, ils ont une belle vie mais dans le futur, ce ne sera pas pareil. On doit se sacri­fier pour eux. » Désormais, leur « eldo­ra­do » a son ter­ri­toire : le Royaume-Uni. La Belgique ne consti­tue pour eux qu’une étape à par­tir de laquelle ils essaient de rejoindre les côtes anglaises clan­des­ti­ne­ment. Cet objec­tif motive tous ceux qui se sont éta­blis dans la forest. Ils sont, dans le cam­pe­ment, plu­sieurs dizaines d’exilés sans-papiers, essen­tiel­le­ment des per­sonnes ori­gi­naires d’Érythrée et d’Éthiopie, à vivre dis­per­sés, par­fois jusqu’à huit sous le même abri. 

La nuit, Zula, Nasih et leurs com­pa­gnons de voyage la passent sur les par­kings auto­rou­tiers, pour « ten­ter leur chance ». C’est-à-dire : ten­ter de se fau­fi­ler à l’arrière d’un camion et espé­rer que le chauf­feur pren­dra la direc­tion de l’Angleterre, via la mer du Nord. Lorsque les ten­ta­tives noc­turnes sur les par­kings res­tent vaines, ils regagnent le cam­pe­ment au petit matin, tentent de se repo­ser avant de reprendre la direc­tion des axes auto­rou­tiers3 la nuit sui­vante. Ou celle d’après. Quand ils montent à bord d’un camion qui prend une tout autre direc­tion que l’Angleterre et ter­mine sa route dans la cam­pagne fla­mande ou en France, il faut mar­cher, mon­ter à bord d’un bus ou d’un train puis reve­nir au cam­pe­ment de base de la forest. Certains s’octroient un peu de repos le week-end en logeant dans des familles d’hébergeurs soli­daires — ici, ou dans une autre région. Avant de retour­ner sur les par­kings dès le lundi.

[Stéphane Burlot]

Généralisation d’une politique de répression

En Belgique, on constate que le mot « trans­mi­grant » a com­men­cé à faire son che­min sous la plume des jour­na­listes et dans la bouche des poli­ti­ciens à par­tir de 2015. Les images de per­sonnes exi­lées contraintes de dor­mir dans la gare du Nord et les parcs de Bruxelles se sont répan­dues sur nos écrans. De leur côté, les auto­ri­tés fédé­rales ont pris des mesures ciblées de plus en plus répres­sives afin de « lut­ter contre la migra­tion de tran­sit ». Le plan Medusa a été lan­cé dès 2016 par la coa­li­tion dite « sué­doise » (ras­sem­blant les par­tis de droite : NVA, CD&V, Open-VLD, MR) afin de mettre en lumière la migra­tion de tran­sit en Belgique, grâce à la mise en place de contrôles de police spé­ci­fiques et ciblés aux abords des auto­routes, des trains inter­na­tio­naux, des ports, et des aéro­ports4. Ceux-ci ont pour effet d’accentuer au sein des équipes de police un contexte géné­ral de traque des migrants5. C’est dans le cadre d’une de ces opé­ra­tions, durant une course-pour­suite qui a eu lieu dans la nuit du 16 au 17 mai 2018, qu’un poli­cier a tiré sur une camion­nette dans laquelle se trou­vaient des migrants qui ten­taient de rejoindre clan­des­ti­ne­ment la France : Mawda, une enfant de deux ans d’o­ri­gine kurde, fut atteinte à la tête. Elle décé­dait quelques heures plus tard.

« C’est dans le cadre d’une de ces opé­ra­tions qu’un poli­cier a tiré sur une camion­nette : Mawda, une enfant de deux ans d’o­ri­gine kurde, fut atteinte à la tête. »

En 2018, Theo Francken et Jan Jambon (NVA, droite natio­na­liste fla­mande), alors res­pec­ti­ve­ment secré­taire d’État à l’Asile et la Migration et ministre de l’Intérieur, défi­nis­saient un plan en 10 points afin de « lut­ter contre la trans­mi­gra­tion illé­gale6 »7. En octobre, le plan était repris dans la note de poli­tique géné­rale « Asile et Migration » de la Chambre des repré­sen­tants. Les auto­ri­tés belges se dotaient là d’une véri­table stra­té­gie poli­tique et média­tique visant à répri­mer la mobi­li­té des per­sonnes migrantes sur le ter­ri­toire belge. 

Face à — ou à cause de — ces poli­tiques, les exi­lés res­tent nom­breux à être atti­rés par les côtes anglaises. Samir, qui par­tage la tente de Zula dans la forest, nous explique : « On a des amis éry­thréens qui ont deman­dé l’asile en Belgique, ça fait deux ou trois ans qu’ils sont en cours de pro­cé­dure et ils n’ont tou­jours pas de papiers. D’autres amis se sont vus refu­ser l’asile ici. » Zula ajoute qu’elle et ses com­pa­gnons font leurs choix en fonc­tion des contacts per­ma­nents qu’ils entre­tiennent avec des membres de leur com­mu­nau­té, en Belgique mais aus­si au Royaume-Uni. « On a des amis en Angleterre et on sait qu’ils y vivent bien. On vou­drait res­ter en Belgique mais on croit vrai­ment qu’on a de meilleures chances d’obtenir des papiers, un tra­vail et de réus­sir à se construire une nou­velle vie en Angleterre. On l’espère en tout cas. » Ces avis sont lar­ge­ment par­ta­gés par les habi­tants de la forest. La langue anglaise, la croyance que les pos­si­bi­li­tés d’emploi, les salaires et les condi­tions sociales seraient meilleurs au Royaume-Uni, le fait que le port de la carte d’identité ne soit pas obli­ga­toire et que les poli­ciers ne puissent pas arrê­ter une per­sonne dans la rue pour lui deman­der la preuve de son iden­ti­té sont autant de rai­sons qui les laissent pen­ser que leur inté­gra­tion sera plus facile au Royaume-Uni. Et, bien enten­du, la pré­sence de membres de la même com­mu­nau­té reste une des pre­mières rai­sons qui motive cette volon­té de pas­ser la Manche.

[Stéphane Burlot]

L’eldorado anglais : mythe et réalité

Iggy, 33 ans, vit lui aus­si dans la forest. Il a quit­té l’Érythrée il y a quatre ans. Sur sa route, les obs­tacles ont été nom­breux. Un des plus durs pro­ba­ble­ment : la pri­son en Libye, où il a dû débour­ser 1 000 dol­lars pour en sor­tir. « Le voyage com­mence dans la dou­leur et finit dans la dou­leur », lâche-t-il. À son arri­vée en Belgique, il a intro­duit une demande d’asile ; après six mois, les auto­ri­tés l’ont infor­mé que sa pro­cé­dure devait être trai­tée en Italie. Iggy a été « dubli­né », comme on dit dans le jar­gon pour dési­gner la pro­cé­dure qui répond au fameux règle­ment Dublin8. Il a débar­qué en Europe via l’Italie, et a été for­cé d’y don­ner ses empreintes digi­tales. Lorsqu’il a deman­dé l’asile en Belgique, son pays d’en­trée a été dési­gné comme res­pon­sable de sa demande : Iggy a été mis en centre fer­mé en Belgique et ren­voyé vers celui-ci. « En Italie, on ne s’occupe pas du tout de nous parce que c’est la porte d’entrée pour les migrants. On ne m’a même pas don­né une place où dor­mir. Alors, je suis reve­nu en Belgique. J’ai dit à mon avo­cat de faire une nou­velle demande d’asile mais il n’a pas vou­lu car j’aurai à nou­veau été dubli­né. Ce règle­ment nous fait beau­coup souf­frir », dénonce-t-il. Comme lui, de nom­breuses per­sonnes exi­lées qui tombent sous le coup du règle­ment Dublin craignent d’être ren­voyées vers la Grèce, l’Italie, l’Espagne, ou encore Malte — autant d’États accu­lés par les demandes d’asile. Voilà cinq mois que Iggy « tente sa chance » au départ de la Belgique. Il confie être épui­sé par son quo­ti­dien. Englué dans une Europe où nulle part on ne veut de lui, il ne voit pas d’autres alter­na­tives que de per­sé­vé­rer dans cette fuite. « Personne n’aime se cacher à l’arrière des camions. On veut juste atteindre l’Angleterre », résume-t-il avec une sinistre sim­pli­ci­té. Il est per­sua­dé que là-bas, le règle­ment Dublin n’est pas appli­qué de manière rigide. « Je ne crois pas que l’Angleterre soit un pays par­ti­cu­liè­re­ment meilleur qu’un autre, mais ils com­prennent mieux la situa­tion des réfu­giés. Ils savent par quoi on est pas­sé. » Difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la réa­li­té ou du mythe.

« Personne n’aime se cacher à l’arrière des camions. On veut juste atteindre l’Angleterre. »

En jan­vier 2020, le Centre fédé­ral Migration Myria a publié un rap­port inti­tu­lé « La Belgique, une étape vers le Royaume-Uni »9 : il y énonce notam­ment les rai­sons qui expli­que­raient ce choix comme des­ti­na­tion finale. Les auteurs, qui confirment que cer­taines croyances ont la vie dure, pré­sentent des sta­tis­tiques afin « d’offrir une idée claire des pré­ju­gés qui sont (par­tiel­le­ment) (in)justifiés10 » mais pro­cé­de­rait à un plus grand nombre d’éloignements effec­tifs vers un autre État membre11. Mais il est dif­fi­cile de démê­ler le vrai du faux…

Violences et arrestations policières

Zula, Nasih et Samir, eux, tentent de rejoindre l’Angleterre depuis plus d’un an et demi. Ils ont per­du le compte du nombre de ten­ta­tives. Avec ses grands yeux doux et le sou­rire aux lèvres, Samir nous raconte : « Une fois, je suis res­té quatre jours dans un camion. Il s’était garé au port de Zeebrugge. Je pen­sais qu’il allait conti­nuer sa route vers l’Angleterre sur un bateau. Il y avait d’autres gars avec moi. C’était l’été, il fai­sait très chaud, on n’avait rien à man­ger et juste un peu d’eau. Après le qua­trième jour, le camion n’avait pas bou­gé, on est sor­ti et la police nous a attra­pés, elle m’a gar­dé pen­dant deux jours. Ça arrive… Il arrive aus­si que le chauf­feur nous voie et appelle les poli­ciers. Parfois, ils nous gardent, par­fois ils nous laissent repar­tir. » Les poli­ciers qui patrouillent le long des auto­routes, affirme-t-on ici, peuvent se mon­trer très agres­sifs, par­fois vio­lents — par­ti­cu­liè­re­ment en Flandre.

[Stéphane Burlot]

Dans une enquête réa­li­sée auprès de 440 per­sonnes migrantes à Bruxelles, l’ONG Médecins du monde relève que 25 % d’entre elles ont décla­ré avoir été vic­times de vio­lence poli­cière d’ordre phy­sique (coups de poings, de pieds, de matraque, mor­sures par des chiens poli­ciers…) et/ou psy­cho­lo­gique (racket d’argent sans vio­lence, mises à nu for­cées lors de fouille, pri­va­tions d’eau, de som­meil, de nour­ri­ture et de sani­taire pen­dant les incar­cé­ra­tions, confis­ca­tion d’objet per­son­nel, etc.)12. Pour l’ONG, « les pro­pos tenus par le ministre de l’Inté­rieur et son secré­taire d’État à la migra­tion », qui ont « dis­qua­li­fié jusqu’à l’humanité même des migrants », ne sont pas sans impact sur le com­por­te­ment de cer­tains poli­ciers. « Les corps de police, locale et fédé­rale ont été mis sous pres­sion dans une chasse aux migrants coû­teuse, inutile et bles­sante », ajoute-t-elle. Dans une enquête publiée en février 2019, le Comité per­ma­nent de contrôle des ser­vices de police concluait de son côté que « la police traite les trans­mi­grants de manière cor­recte et humaine lors des contrôles et arres­ta­tions de grande ampleur13 ». Le centre Myria insiste quant à lui sur l’obligation pour les auto­ri­tés de mener une enquête effec­tive pour chaque allé­ga­tion défen­dable de vio­lence, même en l’absence de plainte14.

« Ce soir, Marianne rem­plit les gamelles de pou­let, de salade et d’œufs mimo­sa concoc­tés par Olga à l’aide d’invendus. »

Nasih a déjà été emme­né deux fois au centre fer­mé de Bruges, où il est res­té plu­sieurs semaines. Pour adou­cir un peu la rudesse de cette vie, un groupe de citoyens béné­voles a créé, en novembre 2017, un relais d’accueil dans le bâti­ment en dur qui jouxte la forest. L’idée : offrir un lieu convi­vial en soi­rée, avec des sani­taires, des repas chauds, des vête­ments, la pos­si­bi­li­té de faire des les­sives, des prises de télé­phone ou encore une connexion wifi. Le lieu a été fer­mé durant la crise du Covid. Mais tous les soirs, un peu après 18 heures, les béné­voles conti­nuent de se relayer pour effec­tuer une maraude dans la forest. Aujourd’hui, ce sont Joëlle, Françoise et Marianne qui en ont la charge. Il n’était plus pos­sible non plus pour elles d’ignorer la pré­sence de ces exi­lés dans les rues du village.

Des bénévoles qui pallient

Ce soir, Marianne rem­plit les gamelles de pou­let, de salade et d’œufs mimo­sa concoc­tés par Olga à l’aide d’invendus récu­pé­rés auprès d’une ferme du coin et de com­merces locaux. Nathalie s’occupe de récol­ter le linge sale qu’elle ira por­ter chez la « lavan­dière » de la bande, après la maraude. Françoise effec­tue un tour de la forest munie d’une trousse à phar­ma­cie. La veille, un des hommes du cam­pe­ment a fait une chute ; les béné­voles l’ont conduit aux urgences. Sa bles­sure néces­site désor­mais des soins dif­fi­ciles à obte­nir, absence de papiers oblige. « Je vais juste véri­fier que tout aille bien, glisse-t-elle. En géné­ral, si un des gars souffre de quelque chose de grave, j’essaie de trou­ver un méde­cin soli­daire. »

[Stéphane Burlot]

La maraude, c’est sur­tout l’occasion de prendre des nou­velles des uns et des autres. Rapidement, on mesure l’importance des liens qui se sont créés entre béné­voles et exi­lés — les pre­miers pré­fé­rant d’ailleurs le terme « ami » à celui de « migrant », trop sou­vent conno­té péjo­ra­ti­ve­ment. Entre deux salu­ta­tions affec­tueuses, on demande : « Did you try yesterday? » (« As-tu essayé hier ? ») On rétorque de laco­niques « Yes » et « No », avant que les conver­sa­tions ne s’égarent vers d’autres pré­oc­cu­pa­tions. « On fait de l’aide huma­ni­taire, on donne un repas à des per­sonnes qui sont à la rue, c’est ça notre rôle », pré­cise Joëlle. Pas ques­tion, pour elle, d’essayer de stop­per les migrants dans leur voyage vers le Royaume-Uni. « Ça ne nous ravit pas de savoir qu’ils paient des sommes folles pour mon­ter sur des bateaux. Mais on prend les migrants pour des per­sonnes en tant que telles, avec leurs pro­jets de vie. On cherche à les accom­pa­gner du mieux qu’on peut dans leur paren­thèse belge, c’est tout. Parfois, il y en a qui ont des familles qui ont tout sacri­fié pour leur don­ner les moyens d’aller en Angleterre. Si c’est leur pro­jet, on n’a aucun droit de leur dire qu’ils doivent s’arrêter. Par contre, s’ils décident d’entamer une pro­cé­dure pour res­ter en Belgique, on peut bien enten­du les orien­ter. »

« Le gou­ver­ne­ment ne nous donne pas de moyens finan­ciers pour assu­mer ça, affirme le res­pon­sable communal. »

Françoise, elle, a héber­gé plus d’une cen­taine d’exilés en tran­sit à son domi­cile depuis novembre 2017. Une pho­to de cha­cun de ces « héber­gés » est accro­chée à un tableau dans sa cui­sine. Elle estime qu’environ 80 % d’entre eux vivent aujourd’hui au Royaume-Uni. Certains ont de la chance et atteignent leur but après quelques semaines ; d’autres tentent par­fois durant plus de deux ans avant d’y arri­ver. Un jour, mal­gré elle, Françoise fut la témoin d’une his­toire qui aurait pu mal tour­ner : « C’était le matin, un gars m’a appe­lée sur mon télé­phone. Il était enfer­mé, avec d’autres, dans un camion fri­go à l’arrêt. On a fini par trou­ver le camion en ques­tion. Ils étaient 12 là-dedans, depuis 2 heures du matin. Un des gars n’arrivait plus bien à res­pi­rer. C’était vrai­ment impres­sion­nant de voir dans quelles condi­tions ils s’étaient mis… Tous ser­rés les uns contre les autres à l’arrière de ce camion. Heureusement le fri­go n’était pas bran­ché, ils n’étaient pas en hypo­ther­mie. »

Tolérance communale et opérations de police

Dans la petite com­mune wal­lonne où nous nous trou­vons, la forest est ce que l’on appelle un secret de poli­chi­nelle. Le cam­pe­ment est ins­tal­lé sur une par­celle pri­vée. « Le pro­prié­taire est au cou­rant. Il n’est ni pour ni contre, c’est un peu tacite », indique Joëlle. Les agents de la Zone de police locale connaissent l’existence du cam­pe­ment, qui fait l’objet d’une cer­taine « tolé­rance » dans la com­mune. Mais la vie est loin d’être un long fleuve tran­quille entre les auto­ri­tés com­mu­nales et les habi­tants de la forest, sou­te­nus par le groupe de béné­voles. Lorsque le confi­ne­ment a été impo­sé par le gou­ver­ne­ment belge suite à la crise du Covid, les res­pon­sables poli­tiques locaux ont ordon­né le déman­tè­le­ment du cam­pe­ment et la fer­me­ture du relais d’accueil. Après de vives ten­sions entre les par­ties, des solu­tions d’hébergement ont pu être trou­vées. Cependant, l’intervention des res­pon­sables poli­tiques, accom­pa­gnés des forces de l’ordre pour vider le cam­pe­ment, a été per­çue comme vio­lente et très mena­çante par les habi­tants de la forest. Il arrive éga­le­ment que les auto­ri­tés com­mu­nales — se disant dému­nies face à la situa­tion et n’ayant qu’une marge de manœuvre limi­tée — envoient la police pour délo­ger des per­sonnes migrantes ins­tal­lées dans d’autres lieux du ter­ri­toire. « On est dépour­vus d’infrastructure, on n’a pas les bud­gets afin de mettre en place des équipes pour offrir des repas. Le gou­ver­ne­ment ne nous donne pas de moyens finan­ciers pour assu­mer ça », affirme ain­si le res­pon­sable communal.

[Stéphane Burlot]

La forest n’est pas un cas iso­lé. Ces der­nières années, les migrants ont été nom­breux à s’éloigner des zones por­tuaires de Calais et de Zeebruges, mais aus­si de la capi­tale, afin de s’installer en Flandre occi­den­tale ou ailleurs en Belgique — dans des petites com­munes à proxi­mi­té de grands axes auto­rou­tiers. La prin­ci­pale rai­son de cet exode vers l’intérieur du pays est cer­tai­ne­ment la hausse de la pré­sence poli­cière et des arres­ta­tions ciblées aux alen­tours des ports et de Bruxelles, qui font suite au plan de répres­sion mené par le gou­ver­ne­ment ces der­nières années15. Myria note une hausse « consi­dé­ra­ble­ment éle­vée » des arres­ta­tions d’Érythréens et de Soudanais. Selon le centre, cette aug­men­ta­tion pour­rait s’expliquer par l’attention poli­tique accor­dée au phé­no­mène de la migra­tion de transit.

« La prin­ci­pale rai­son de cet exode vers l’intérieur du pays est cer­tai­ne­ment la hausse de la pré­sence poli­cière et des arres­ta­tions ciblées. »

Le gou­ver­ne­ment belge a éga­le­ment libé­ré 160 places dans les centres fer­més (127bis et CIB) afin de les dédier aux migrants en tran­sit arrê­tés. Par ailleurs, comme pré­vu dans ledit plan en 10 points, les auto­ri­tés ont ouvert un CAT (Centre admi­nis­tra­tif pour trans­mi­grants) en sep­tembre 2018, dans une aile du centre fer­mé 127bis — ceci afin d’y déte­nir toutes les per­sonnes arrê­tées dans le cadre de la migra­tion de tran­sit, pen­dant 24 heures, avant de déter­mi­ner quel serait leur sort. Peu uti­li­sé, le CAT a été fer­mé en décembre 201916. La chose est révé­la­trice de la poli­tique migra­toire menée en Belgique, mais éga­le­ment dans toute l’Europe : faire des effets d’an­nonce pour dis­sua­der les per­sonnes migrantes et, dans le même temps, ras­su­rer toute une par­tie de la popu­la­tion qui a le sen­ti­ment d’être enva­hie. Des mesures tota­le­ment inef­fi­caces, voire contre-productives.

Face à cette poli­tique, les auto­ri­tés locales qui tolèrent la pré­sence de migrants sur leur ter­ri­toire (ce qui est loin d’être tou­jours le cas) disent se retrou­ver dans une posi­tion schi­zo­phré­nique. Nombreux, du reste, sont les res­pon­sables d’entités locales qui se cachent der­rière la poli­tique fédé­rale pour jus­ti­fier leur inac­tion en matière d’aide aux per­sonnes migrantes pré­sentes sur leur com­mune, sou­vent per­çues comme indé­si­rables par leur élec­to­rat. L’action des com­munes dites « hos­pi­ta­lières » se résume sou­vent à fer­mer les yeux sur la situa­tion et, dans le meilleur des cas, à sou­te­nir ponc­tuel­le­ment un réseau de béné­voles déjà orga­ni­sé (par l’octroi d’une enve­loppe « one shot » ou la mise à dis­po­si­tion d’un bâti­ment par exemple) — les béné­voles étant, en fin de course, les seuls à garan­tir les droits fon­da­men­taux (loge­ment, nour­ri­ture, digni­té, sécu­ri­té) de ces per­sonnes en exil. Un volon­ta­riat qui tend depuis quelques années à s’institutionnaliser.

[Stéphane Burlot]

La rudesse des condi­tions de vie éprou­vée par les migrants est sou­vent assi­mi­lée à « une indi­gni­té, une épreuve qu’ils n’avaient pas pré­vue et à laquelle ils ne s’attendaient pas à vivre en Europe », observe l’association Médecins sans fron­tières (MSF), dans une enquête réa­li­sée auprès de migrants qui ont béné­fi­cié des soins en san­té men­tale au sein du hub huma­ni­taire17. Il est clair, pour l’ONG, que la météo et les aspects maté­riels, comme le manque de « vrais » lits, contri­buent à rendre l’épreuve pour le moins dure à vivre. « L’eau potable est rare et les migrants ont peu à man­ger puisqu’ils n’ont pas d’argent. Ils doivent essen­tiel­le­ment s’en remettre aux dis­tri­bu­tions faites par des asso­cia­tions ou des ONG », lit-on dans le rap­port. Un répon­dant sur quatre y déclare que ses pro­blèmes en san­té men­tale sont direc­te­ment liés à cer­taines condi­tions en Europe et en Belgique, telles que le règle­ment de Dublin, le fait de dor­mir dans la rue ou le manque d’opportunités. « Bien que tous les migrants et réfu­giés inter­ro­gés aient subi des formes de vio­lences avant leur arri­vée en Europe, ils déve­loppent ici de l’anxiété, des troubles liés à une dépres­sion et des pen­sées sui­ci­daires », pour­suit MSF. Il faut ajou­ter que des opé­ra­tions poli­cières de « chasse aux migrants » ont par­fois lieu la nuit à Bruxelles, ce qui a pour effet de pri­ver ces der­niers de som­meil, déjà épuisées.

Un flou total

Juillet 2020, retour à la forest.

« Ils sont nom­breux à chan­ger de base pour quelque temps, au gré des des­ti­na­tions des camions. Une manière de mul­ti­plier les stratégies. »

L’été fleure bon dans la petite com­mune. Les mesures liées à la crise sani­taire se sont quelque peu assou­plies, ce qui a per­mis l’ouverture d’un nou­veau relais d’accueil pour les per­sonnes migrantes, dans le haut du vil­lage. Le lieu offre, du lun­di au ven­dre­di, en soi­rée, des douches, des repas, des prises élec­triques, la pos­si­bi­li­té de télé­pho­ner quelques minutes à leur famille res­tée au pays. Près du bâti­ment, Iggy pro­fite des rayons du soleil, un thé dans les mains. Son moral contraste avec la dou­ceur de cette fin de jour­née. « C’est vrai­ment très dif­fi­cile de pas­ser vers l’Angleterre en ce moment », dit-il, fati­gué. Il envi­sage de réin­tro­duire une nou­velle demande d’asile en Belgique, en espé­rant échap­per à la pro­cé­dure Dublin18. Zula et Nasih, eux, ont quit­té la forest pour plu­sieurs semaines afin d’aller « ten­ter leur chance » depuis Calais. Ils sont nom­breux à chan­ger de base pour quelque temps, au gré des des­ti­na­tions des camions. Une manière de mul­ti­plier les stratégies.

Dans la forest, Mary, 19 ans, et les trois autres filles qui par­tagent sa tente, se pré­parent pour la nuit qui les attend. Mary vivait en Érythrée. Elle a quit­té son pays avec sa mère et son frère pour l’Éthiopie, lorsque son père, un employé du gou­ver­ne­ment, a été empri­son­né du jour au len­de­main. Après sept années à enchaî­ner des petits bou­lots qui ne per­met­taient pas de com­pen­ser le coût de la vie, elle s’est lan­cée, sans sa famille, dans un voyage vers l’Europe accom­pa­gnée de com­pa­triotes. Elle avait 16 ans. « Parfois on dor­mait dans une tente dans la forêt, par­fois dans une mai­son. Le pire ? La tra­ver­sée en bateau ! C’était la chose la plus dure de ma vie. Tu as peut-être vu les images sur la BBC, tu as lu les jour­naux, mais tu n’as pas la moindre idée de ce que c’est, en réa­li­té », nous confie-t-elle. Il aura fal­lu trois années de voyage à Mary pour arri­ver en Belgique, où elle « tente sa chance » depuis huit mois. Elle confie ado­rer la Belgique et cette com­mune où tant de béné­voles se fédèrent pour prendre soin d’elle. Elle rêve­rait d’y trou­ver un tra­vail, de s’y ins­tal­ler et d’y construire sa nou­velle vie ; mais, comme d’autres, elle a peur de ne pas obte­nir l’asile ou de devoir affron­ter des délais de pro­cé­dure interminables.

[Stéphane Burlot]

« Les migrants en tran­sit sont sou­vent dans un flou total quant à leur situa­tion et à leurs options face à la com­plexi­té des règles en matière de séjour des étran­gers, d’asile et de pro­tec­tion inter­na­tio­nale. Ce flou est aggra­vé par la par­ti­cu­la­ri­té de chaque situa­tion et les rumeurs qui cir­culent19″, pointent dans un rap­port les ONG qui œuvrent au sein du hub huma­ni­taire. Les asso­cia­tions plaident notam­ment pour la mise en place d’un centre d’orientation et un assou­plis­se­ment de l’application du règle­ment Dublin. « C’est leur situa­tion, c’est-à-dire le jeu de ping-pong auquel se livrent les États euro­péens vis-à-vis des migrants en tran­sit, qui crée leur errance, leur mise sur orbite et leurs allers-retours inces­sants au sein de l’UE. Ils ne sont en tran­sit que parce que la Belgique, se cachant der­rière l’application d’une règle euro­péenne injuste et défaillante en termes de droits fon­da­men­taux et de droit d’asile, ne veut pas exa­mi­ner leur besoin de pro­tec­tion inter­na­tio­nale20 », concluent les ONG.

Une politique toujours plus dure

« Le fait que les migrants en tran­sit n’aient pas l’intention de s’é­ta­blir n’exonère pas les pou­voirs publics de leur obli­ga­tion d’é­la­bo­rer une poli­tique qui récon­ci­lie maî­trise de la migra­tion et droits de l’Homme. »

Myria dénonce l’approche pure­ment répres­sive des diri­geants à l’égard des migrants en tran­sit, en contra­dic­tion avec le res­pect de leurs droits fon­da­men­taux, ain­si que la cri­mi­na­li­sa­tion de l’aide aux per­sonnes exi­lées. « Le fait que les migrants en tran­sit n’aient pas l’intention de s’é­ta­blir en Belgique n’exonère pas les pou­voirs publics de leur obli­ga­tion d’é­la­bo­rer une poli­tique qui récon­ci­lie maî­trise de la migra­tion et droits de l’Homme, en col­la­bo­ra­tion avec les pays de tran­sit et de des­ti­na­tion », plaide-t-elle ain­si. L’institution indé­pen­dante rap­porte notam­ment le cas de Niknam Massoud, qui, après 15 années d’errance et cinq demandes d’asile, est mort en ten­tant de gagner l’Angleterre à la nage, et celui d’un homme éry­thréen qui s’est sui­ci­dé au centre fer­mé Vottem alors qu’il devait être rapa­trié en Bulgarie dans le cadre d’une pro­cé­dure Dublin21. En août 2020, la presse a fait état du décès d’un jeune Soudanais de 16 ans, dont le corps a été retrou­vé sur la côte anglaise.

Cette approche est une facette cohé­rente de la ligne poli­tique migra­toire glo­bale menée depuis une ving­taine d’années. En Belgique, la poli­tique migra­toire n’a ces­sé de se dur­cir ces der­nières années. Quelques-une des actions du gou­ver­ne­ment : éla­bo­ra­tion d’un Master Plan qui vise à construire trois nou­veaux centres fer­més d’ici à 2021 (le nou­veau centre fer­mé d’Holsbeek a déjà vu le jour en mai 2019), aug­men­ta­tion des arres­ta­tions et enfer­me­ment des per­sonnes migrantes, cam­pagnes de dis­sua­sion dégui­sées en cam­pagne d’information22, réduc­tion des droits d’accueil pour les deman­deurs d’asile, retour à la pra­tique de l’enfermement des familles avec enfants en centre fer­mé, pro­jet de loi pour ins­tau­rer des visites domi­ci­liaires, cri­mi­na­li­sa­tion de la soli­da­ri­té23.

[Stéphane Burlot]

En jan­vier 2020, la ministre de l’Intérieur Maggie De Block annon­çait deux nou­velles mesures pri­vant d’ac­cueil en Belgique les deman­deurs d’a­sile ayant déjà obte­nu la pro­tec­tion dans un autre État membre de l’Union euro­péenne ain­si que les can­di­dats « dubli­nés24 ». La ministre, qui mul­ti­plie les décla­ra­tions stig­ma­ti­santes dans la presse, n’a pas hési­té à accu­ser les migrants « dubli­nés » de pra­ti­quer un « shop­ping de l’asile », expres­sion déjà usi­tée par son pré­dé­ces­seur. En juillet der­nier, la ministre annon­çait que « les migrants qui refusent de quit­ter le ter­ri­toire belge pour retour­ner dans le pays par lequel ils sont entrés en Europe risquent d’être pri­vés de liber­té ». Et ajou­tait que les migrants « tentent d’abuser du sys­tème25 ».

See you in UK?

Dernier pas­sage à la forest.

En cette soi­rée de juillet, Joëlle, Marianne et Maria gèrent la maraude. Au menu : pâtes aux épi­nards. Une énorme cas­se­role. Avec la dyna­mique de la forest, on ne sait jamais très bien com­bien « d’amis » seront pré­sents pour le sou­per. Mais on veut être sûr que cha­cun mange à sa faim. Après la maraude, béné­voles et « amis » se quittent en se congra­tu­lant d’un « See you in UK ». Une manière de nour­rir l’espoir mais aus­si la pro­messe de gar­der le contact, même lorsque la Manche sera fran­chie. « On va par­fois les voir Angleterre », avoue Joëlle, les yeux qui brillent. À ces paroles, on se rap­pelle que deux heures seule­ment séparent Bruxelles de Londres en Eurostar. Deux heures contre six mois, une année, une vie pour cette géné­ra­tion d’évadés qui répètent inlas­sa­ble­ment les mêmes gestes afin d’atteindre le bout le plus extrême du conti­nent euro­péen. Dernier lieu dans cette aber­rante for­te­resse qui auto­rise encore les rêves les plus humbles.


Photographies de ban­nière et de vignette : Stéphane Burlot


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  1. Les pré­noms ont été chan­gés pour pré­ser­ver l’i­den­ti­té des indi­vi­dus[]
  2. Pour en savoir plus sur la situa­tion en Érythrée : « Eritrea — Events of 2019 », Human Rights Watch[]
  3. Dans son Myriadoc 10, « La Belgique, une étape vers le Royaume-Uni » (p. 36), Myria relève sur la base de témoi­gnages recueillis auprès de la police de navi­ga­tion et des béné­voles aux alen­tours du port de Zeebrugge, que depuis 2018 les migrants seraient de moins en moins nom­breux à res­ter dans la zone. Cependant, ces der­niers mois, les médias bri­tan­niques ont rap­por­té une aug­men­ta­tion des tra­ver­sées par bateau depuis le port de Calais : « Channel migrants : 235 people in 17 ves­sels stop­ped in one day », BBC News, 07/08/2020 et « More than 4,000 have cros­sed Channel to UK in small boats this year », The Guardian, 09/08/2020.[]
  4. Myria, « Retour, déten­tion et éloi­gne­ment », p. 225, 2016.[]
  5. Quelques élé­ments pour cer­ner l’am­pleur du phé­no­mène. L’absence de chiffres offi­ciels oblige aux approxi­ma­tions. Depuis quelques années, le nombre de per­sonnes migrantes qui tran­sitent depuis l’est ou le sud de l’Europe en direc­tion du nord-ouest afin de rejoindre l’Angleterre serait en aug­men­ta­tion. En 2018, selon le Centre fédé­ral Migration, Myria, ins­ti­tu­tion publique indé­pen­dante, 25 071 inter­cep­tions ont eu lieu à la fron­tière avec le Royaume-Uni ou au Royaume-Uni. Ce chiffre reprend les per­sonnes arrê­tées à un poste de contrôle sur le ter­ri­toire bri­tan­nique ou au poste-fron­tière du Royaume-Uni sur le ter­ri­toire bri­tan­nique ou belge (La gare de Bruxelles-Midi dans ce der­nier cas). Sont éga­le­ment comp­ta­bi­li­sés les per­sonnes qui se sont volon­tai­re­ment pré­sen­tées à la police à leur arri­vée au Royaume-Uni. Pour la France, ce chiffre était de 13 265, contre 391 pour les Pays-Bas. Une dimi­nu­tion s’observerait en 2019. Ces chiffres res­tent cepen­dant peu fiables puisqu’il s’agit du nombre d’interceptions et non de per­sonnes, une même per­sonne pou­vant être inter­cep­tée plu­sieurs fois. En outre, cer­tains migrants res­tent tota­le­ment hors des radars poli­ciers. En rai­son de la com­plexi­té du phé­no­mène et de son carac­tère clan­des­tin, il est impos­sible d’obtenir des don­nées chif­frées valables sur le nombre de per­sonnes qui cherchent à rejoindre le Royaume-Uni depuis la pénin­sule euro­péenne. Il est dif­fi­cile dès lors d’affirmer qu’il s’agisse d’un phé­no­mène récent.[]
  6. « Negenpuntenplan tegen trans­mi­gra­tie », NVA, 10/09/2018.[]
  7. Au pro­gramme, notam­ment : dou­ble­ment de la capa­ci­té des centres fer­més des­ti­nés aux migrants de tran­sit, contrôles de police le long des iti­né­raires emprun­tés, éva­cua­tion du Parc Maximilien à Bruxelles, meilleure pro­tec­tion du port de Zeebruges, col­la­bo­ra­tion plus étroite entre la Belgique et le Royaume-Uni, meilleure pro­tec­tion des aires d’autoroute avec grilles et camé­ras, cam­pagne de dis­sua­sion dans les pays d’origine, convaincre les migrants en tran­sit arrê­tés d’introduire une demande de pro­tec­tion inter­na­tio­nale, etc.[]
  8. Règlement (UE) No 604/2013 du Parlement euro­péen et du Conseil du 26 juin 2013 éta­blis­sant les cri­tères et méca­nismes de déter­mi­na­tion de l’État membre res­pon­sable de l’examen d’une demande de pro­tec­tion inter­na­tio­nale intro­duite dans l’un des États membres par un res­sor­tis­sant de pays tiers ou un apa­tride. Cette règle euro­péenne vise à déter­mi­ner, selon dif­fé­rents cri­tères, un seul État membre res­pon­sable pour l’examen de la demande d’asile d’un can­di­dat. En géné­ral, celui-ci sera le pre­mier pays d’arrivée du deman­deur d’asile.[]
  9. Myria, « La Belgique, une étape vers le Royaume-Uni », Myriadoc 10, jan­vier 2020.[]
  10. Ibid., p. 37.[]
  11. Ainsi Myria relève qu’en 2018, les taux de pro­tec­tion au Royaume-Uni sont de 93 % pour les Erythréens, de 76 % pour les Soudanais et de 58 % pour les Irakiens alors qu’en Belgique, ils étaient de 92 % pour les Erythréens, de 39 % pour les Soudanais et de 80 % pour les Irakiens. En ce qui concerne les trans­ferts Dublin, Myria relève 2 019 trans­ferts Dublin effec­tifs au départ du Royaume-Uni vers un autre État membre en 2018, et 5 510 demandes de reprise adres­sées à un autre État. Pour la Belgique, il y a eu 792 trans­ferts Dublin effec­tifs et 8 834 demandes envoyées à un autre État membre. D’après les chiffres, le Royaume-Uni aurait donc deman­dé un nombre de trans­ferts infé­rieur à la Belgique. À noter que ces sta­tis­tiques ne per­mettent néan­moins pas de défi­nir le nombre exact de per­sonnes effec­ti­ve­ment « dubli­nées » car une demande envoyée par un État membre à un autre peut res­ter sans réponse ou se voir refu­sée.[]
  12. Médecins du monde, « Violences poli­cières envers les migrants et les réfu­giés en tran­sit en Belgique », octobre 2018.[]
  13. Comité per­ma­nent de contrôle de ser­vice de police, « Le contrôle et la déten­tion de trans­mi­grants par la police à l’oc­ca­sion d’arrestations admi­nis­tra­tives mas­sives », février 2019.[]
  14. Myria, « Note : Police et migrants de tran­sit. Respecter la digni­té et enquê­ter sérieu­se­ment sur les vio­lences », sep­tembre 2019.[]
  15. Selon les chiffres publiés par Myria, la migra­tion de tran­sit ne repré­sen­tait en 2014 que 8 % du nombre total d’in­ter­cep­tions, mais ce chiffre a atteint 35 % en 2018. Près de 13 000 arres­ta­tions admi­nis­tra­tives ont eu lieu dans le cadre de la migra­tion de tran­sit en 2018, soit 37 % de plus qu’en 2017.[]
  16. Myria, op.cit., p.68.[]
  17. Le hub huma­ni­taire est un pro­jet créé en 2017 par diverses ONG avec l’objectif d’offrir un peu de digni­té aux per­sonnes exi­lées qui dorment dans la gare du Nord à Bruxelles, le parc Maximilien et leurs alen­tours. « Une fuite sans fin – Soins en san­té men­tale au hub huma­ni­taire de Bruxelles », Médecins sans fron­tières, février 2019. Entre sep­tembre 2017 et sep­tembre 2018, les psy­cho­logues et psy­chiatres de MSF ont reçu 309 patients en 1 118 consul­ta­tions. L’enquête en ques­tion a eu lieu en juillet 2018, auprès de 47 visi­teurs du pro­jet qui ont été inter­ro­gés à l’aide d’un ques­tion­naire semi-struc­tu­ré et d’une inter­view.[]
  18. Le « trans­fert Dublin » doit avoir lieu dans un délai de six mois à comp­ter de la réponse expli­cite ou impli­cite d’un État membre. Ce délai peut éga­le­ment être aug­men­té à 12 mois en cas d’emprisonnement, ou 18 mois en cas de « fuite avé­rée de la per­sonne ». Une fois ce délai pas­sé, la pro­cé­dure Dublin est annu­lée.[]
  19. « Migrants en tran­sit en Belgique. Recommandations pour une approche plus humaine », Caritas International, le CIRÉ, la Pateforme d’hébergement citoyenne de sou­tien aux réfu­giés, NANSEN, Vlutchlingenwerk Vlaanderen. février 2019.[]
  20. Ibid., p. 33.[]
  21. « La Belgique, une étape vers le Royaume-Uni », Myriadoc 10, jan­vier 2020, pp.94–95.[]
  22. Le site web www.factsaboutbelgium.be/?lang=fr regorge d’information très sélec­tive du type « la vie en Belgique n’est pas si facile », « sui­vant l’accord du gou­ver­ne­ment, il n’y aura plus de régu­la­ri­sa­tions col­lec­tives. », ou encore de témoi­gnages du genre « je suis tel­le­ment recon­nais­sant d’être de retour à la mai­son ».[]
  23. La Belgique punit l’aide accor­dée lors de l’entrée et du séjour irré­gu­lier, même sans but lucra­tif : Art.77 de la loi des étran­gers en appli­ca­tion de l’art. 1.1 a) de la Directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002 défi­nis­sant l’aide à l’en­trée, au tran­sit et au séjour irré­gu­liers.[]
  24. « Maggie De Block prive d’ac­cueil les deman­deurs d’a­sile qui contournent les règles », La Libre, 4 jan­vier 2020.[]
  25. « Asile et migra­tion : Maggie De Block veut s’at­ta­quer fer­me­ment aux abus rela­tifs au règle­ment de Dublin », RTBF, 13 juillet 2020.[]

REBONDS

☰ Lire notre article « Le busi­ness de l’en­fer­me­ment d’é­tran­gers », par Yanna Oiseau, 4 mai 2020
☰ Lire notre article « Machine à expul­ser : Brussels Airlines à la manœuvre », Brussels Airlines Stop Deportations, décembre 2019
☰ Lire notre ren­contre « Penser l’immigration : Olivier Besancenot et Danièle Obono », novembre 2018
☰ Lire notre témoi­gnage « Semira Adamu — résis­ter en centre fer­mé », sep­tembre 2018
☰ Lire notre entre­tien avec le Gisti : « Droit d’asile, ça se dur­cit d’année en année », novembre 2017


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Julie Schyns

Militante chez Migrations Libres (https://migrationslibres.be). Aimerait vivre dans un monde « No border, no gender ». Pratique le voyage sac au dos de manière très assidue.

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