Chroniques depuis l’enfer de Gaza


Traduction de quatre articles parus dans ctxt | Ballast

Voici un mois que la bande de Gaza est la cible de bom­bar­de­ments de masse suite à l’at­taque cri­mi­nelle conduite par le Hamas — 808 civils ont, pour le moment, été iden­ti­fiés en Israël. Sur les 2,2 mil­lions d’ha­bi­tants que compte ce minus­cule ter­ri­toire, sou­mis à un blo­cus illé­gal depuis 2006, 1,5 mil­lion d’entre eux ont déjà été pous­sés à l’exode. « C’est du net­toyage eth­nique », ana­lyse Francesca Albanese, rap­por­teuse spé­ciale de l’ONU. Et de pour­suivre : « Il faut arrê­ter la furie et la rage d’Israël. » Si le gou­ver­ne­ment fran­çais avait jusque-là témoi­gné d’un sou­tien sans faille au régime colo­nial d’ex­trême droite israé­lien, allant jus­qu’à inter­dire la plu­part des mani­fes­ta­tions en sou­tien aux vic­times pales­ti­niennes, Emmanuel Macron semble inflé­chir légè­re­ment sa posi­tion : il vient d’ap­pe­ler au ces­sez-le-feu récla­mé, depuis plu­sieurs semaines, par la presque tota­li­té du monde. Il aura fal­lu attendre la mort de plus de 10 300 Gazaouis — dont envi­ron 4 230 enfants. Depuis la fin du mois d’oc­tobre, le jour­na­liste pales­ti­nien et mili­tant pour les droits humains Mahmoud Mushtaha envoie au média espa­gnol ctxt, quand les condi­tions le lui per­mettent, la chro­nique jour­na­lière qu’il tient sous les bombes. Nous tra­dui­sons ses quatre pre­miers textes.


29 octobre 2023

L’air est char­gé de ten­sion et la bande de Gaza, assié­gée, subit une nou­velle série d’at­taques. Gaza, là où je suis né et où j’ai gran­di, est un lieu rem­pli de peur et d’in­cer­ti­tude. Les bom­bar­de­ments conti­nus nous rap­pellent à chaque ins­tant que nous ne vivons que pour sur­vivre d’une attaque à l’autre — les rêves ne sont plus que des décombres. Il s’a­git d’une lutte pour la sur­vie et la ques­tion qui plane au-des­sus de nos têtes comme un nuage sombre est la sui­vante : « Quand est-ce que ce trau­ma­tisme pren­dra fin ? » 

La nuit du ven­dre­di 27 octobre, j’é­tais assis dans la mai­son de ma tante, dans une pièce où se trou­vaient neuf per­sonnes, éclai­rée à la lueur des bou­gies. Devant les aver­tis­se­ments des forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes, ma famille et moi avions été contraints d’é­va­cuer notre quar­tier. Soudain, alors que nous essayions, avec nos proches, de nous mettre un peu à l’aise, nous avons enten­du une forte déto­na­tion et l’in­ten­si­té du bom­bar­de­ment a fait trem­bler la mai­son. Nous nous sommes pré­ci­pi­tés vers les fenêtres pour voir ce qu’il se pas­sait dehors.

« En créant une situa­tion de black-out média­tique à Gaza, l’oc­cu­pant israé­lien entend nous tuer en nous main­te­nant silencieux. »

La bombe était tom­bée près de la mai­son de notre famille, où mon frère, Islam, sa femme et leurs trois enfants s’é­taient réfu­giés. De peur, mon cœur s’est arrê­té de battre et nous avons essayé de les appe­ler, mais le ser­vice était cou­pé. Au bout de quelques minutes, nous avons appris qu’ils allaient bien. Le choc n’é­tait pas dû à la force de l’im­pact, ni à la pré­oc­cu­pa­tion qui était la nôtre pour la famille de mon frère — mal­heu­reu­se­ment, nous étions habi­tués à de telles cir­cons­tances ! Le choc, c’é­tait que le gou­ver­ne­ment israé­lien avait iso­lé Gaza du reste du monde et, lit­té­ra­le­ment, de toute per­sonne extérieure.

Ces deux der­niers jours, Israël a cou­pé Internet et tous les ser­vices de com­mu­ni­ca­tion pales­ti­niens pour l’en­semble de la bande de Gaza assié­gée. Lorsque les com­mu­ni­ca­tions sont cou­pées, tu ne sais pas ce qui se passe à l’ex­té­rieur, tu ne peux pas contac­ter tes proches et, pire encore, si ta mai­son est bom­bar­dée et qu’il y a des bles­sés, per­sonne ne peut appe­ler une ambu­lance pour les secou­rir. En créant une situa­tion de black-out média­tique à Gaza, l’oc­cu­pant israé­lien entend nous tuer en nous main­te­nant silencieux.

[Des Palestiniens fouillent une maison après une attaque aérienne israélienne dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 12 octobre 2023 | Abed Rahim Khatib | Flash90]

1er novembre 2023

Pour le ving­tième jour consé­cu­tif, la bande de Gaza a subi une attaque mas­sive des forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes. Selon le minis­tère de la Santé de Gaza, 8 330 per­sonnes sont mortes, en majo­ri­té des enfants et des femmes, des suites des bom­bar­de­ments inces­sants. Le long blo­cus qu’im­pose Israël depuis 2006 a affec­té tous les aspects de la vie des Gazaouis, que ce soit dans les sec­teurs de la san­té, de l’é­du­ca­tion ou de l’é­co­no­mie, et a res­treint la capa­ci­té de cir­cu­la­tion des habi­tants du ter­ri­toire. Après toutes ces mesures, le gou­ver­ne­ment israé­lien a cette fois impo­sé un « blo­cus total » aux Gazaouis : tout en pour­sui­vant ses attaques conti­nues, il prive Gaza d’eau, d’électricité, de nour­ri­ture et de carburant.

« Nous sommes ici pour mou­rir. Israël nous a tous condam­nés à mort, y com­pris les enfants, qui n’ont pas de lait », me dit Um Fadi, 39 ans. Celle-ci s’est réfu­giée dans un col­lège : elle cher­chait un lieu sûr pour sa famille après que les attaques aériennes israé­liennes ont détruit son loge­ment. « Nous sommes juste venus dans cette école, l’é­cole Tufah, pour trou­ver un refuge sûr pour nos enfants, même si on pense qu’il n’y a aucun lieu sûr à Gaza, explique-t-elle. Nous n’a­vons pas d’élec­tri­ci­té, ne serait-ce que pour char­ger nos télé­phones et prendre des nou­velles de nos proches. » Elle pour­suit : « Nous n’a­vons pas d’eau non plus, chaque jour mes enfants se battent pour obte­nir un litre d’eau. » Um Fadi a six enfants, deux filles et quatre fils. Les per­sonnes dépla­cées n’ont pas accès aux pro­duits de pre­mière néces­si­té. À Gaza, la crise huma­ni­taire a atteint son paroxysme.

« Nous ne par­ti­rons pas de l’hô­pi­tal, nous n’a­vons pas d’autre endroit où aller. Si Israël doit nous tuer ici, qu’il le fasse. Nous n’a­vons rien à perdre. »

Feda Abed-elha­dy, 23 ans, a été éva­cuée vers l’hô­pi­tal Al-Quds de Tal-elha­wa, dans la ville de Gaza. « Ma famille et moi avons été obli­gés de nous réfu­gier ici depuis que les forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes nous ont som­més d’é­va­cuer les immeubles de Tal-elha­wa », raconte-t-elle. « Pour nous qui sommes dépla­cés, la situa­tion est ter­rible, il n’y a ni nour­ri­ture, ni eau, même les toi­lettes ne sont pas en nombre suf­fi­sant pour toutes les per­sonnes qui se trouvent dans l’hô­pi­tal. » Feda ajoute : « On doit attendre des heures avant de pou­voir aller aux toi­lettes, des enfants et des per­sonnes âgées ne sup­portent pas cette situa­tion. » « Faute de car­bu­rant pour tra­vailler, beau­coup de bou­lan­ge­ries sont fer­mées, si bien qu’il faut se battre et souf­frir pour obte­nir un mor­ceau de pain », conclut-elle.

Voici quelques jours, l’ar­mée israé­lienne a annon­cé qu’elle allait lan­cer une attaque sur l’hô­pi­tal Al-Quds. Bien que le droit inter­na­tio­nal inter­dise de bom­bar­der ou de détruire les infra­struc­tures médi­cales, à Gaza, Israël com­met ce genre de crimes de guerre. Il y a une semaine, l’ar­mée israé­lienne a bom­bar­dé l’hô­pi­tal Al-Mamadani [Al-Ahli Arab], tuant envi­ron 650 civils qui avaient été éva­cués là-bas. Le doc­teur Bashar Murad, direc­teur de l’hô­pi­tal Al-Quds, déclare : « Nous avons des patients et des bles­sés, envi­rons 14 000 per­sonnes dépla­cées se sont réfu­giées ici parce que, pour elles, c’est un lieu sûr. Ces gens essayent de sau­ver leurs familles, nous ne pou­vons pas les éva­cuer. » « Nous ne par­ti­rons pas de l’hô­pi­tal, nous n’a­vons pas d’autre endroit où aller. Si Israël doit nous tuer ici, qu’il le fasse. Nous n’a­vons rien à perdre » me dit Feda Mushtaha.

[Des Palestiniens chargent leur téléphone devant un hôpital de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 23 octobre 2023 | Atia Mohammed | Flash90]

Tandis que des mas­sacres de civils se déroulent à Gaza, 2,3 mil­lions de per­sonnes souffrent de la faim et ne peuvent pas se pro­cu­rer de nour­ri­ture. Les maga­sins sont qua­si­ment vides et l’aide huma­ni­taire qui arrive à Gaza n’est pas suf­fi­sante pour cou­vrir les besoins de la popu­la­tion. En temps nor­mal, c’est envi­ron 500 camions qui entrent quo­ti­dien­ne­ment dans la bande de Gaza. Aujourd’hui, en rai­son de l’of­fen­sive mili­taire israé­lienne et du blo­cus total de Gaza, les habi­tants souffrent des res­tric­tions por­tant sur l’aide huma­ni­taire. Au début de l’of­fen­sive, Israël a refu­sé l’ar­ri­vée de l’aide à Gaza et, depuis trois semaines, les Nations unies font pres­sion pour que 15 à 20 camions puissent pas­ser chaque jour. L’observatoire EuroMed Droits, un réseau dont le siège est a Genève, a décla­ré « suivre avec beau­coup d’in­quié­tude les bom­bar­de­ments sys­té­ma­tiques israé­liens, qui exa­cerbent la crise ali­men­taire dont le paroxysme a été atteint ces der­niers jours ».

« Devant la catas­trophe huma­ni­taire à laquelle nous fai­sons face, nous essayons de sur­vivre avec notre âme », raconte Basmallah Al-Shawa, 19 ans, qui ajoute : « Nous vivons nos der­niers jours, si nous sur­vi­vons aux bombes israé­liennes nous ne sur­vi­vrons pas à la famine, il n’y aucun moyen pour qu’on reste en vie. » Basmallah com­plète avec tris­tesse : « Pendant des jours notre ali­men­ta­tion a dépen­du de mor­ceaux de pain. Aujourd’hui, les deux bou­lan­ge­ries de notre quar­tier sont fer­mées, si nous sommes encore vivants ces pro­chains jours, nous ne savons pas ce que nous ferons. » Les habi­tants de Gaza vivent dans la peur et sont confron­tés à une ter­rible situa­tion de pénu­rie d’eau et de nourriture.

2 novembre 2023

« La capa­ci­té du sys­tème de san­té de Gaza est déjà limi­tée en rai­son du blo­cus israé­lien déployé depuis 2006. Avec l’o­pé­ra­tion mili­taire en cours, il s’ef­fondre à mesure qu’Israël déploie son offen­sive ter­restre. »

« Le sys­tème de san­té s’est effon­dré », a fait savoir le doc­teur Ashraf Al-Qudra le mer­cre­di 1er novembre. Le porte-parole du minis­tère de la Santé de Gaza a indi­qué que le prin­ci­pal hôpi­tal du ter­ri­toire, celui d’Al-Shifa, comme celui d’Al-Indonesian, allait ces­ser de fonc­tion­ner durant la nuit sui­vante car les forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes empêchent le réap­pro­vi­sion­ne­ment en car­bu­rant depuis le début de l’of­fen­sive dans la bande de Gaza le 8 octobre. Les géné­ra­teurs de l’hô­pi­tal vont être arrê­tés. « La capa­ci­té du sys­tème de san­té de Gaza est déjà limi­tée en rai­son du blo­cus israé­lien déployé depuis 2006. Avec l’o­pé­ra­tion mili­taire en cours, il s’ef­fondre à mesure qu’Israël déploie son offen­sive ter­restre », a quant à lui affir­mé le doc­teur Al-Qudra.

Selon le minis­tère de la Santé de Gaza, 9 056 per­sonnes, par­mi les­quelles 3 719 enfants et 1 929 femmes, ont été tuées au cours des inces­santes attaques israé­liennes qui, ce mer­cre­di, en sont à leur vingt-sixième jour consé­cu­tif. Par ailleurs, 2 000 per­sonnes sont por­tées dis­pa­rues sous les décombres. La Défense civile à Gaza n’est pas en mesure de secou­rir les bles­sés dus aux impor­tantes des­truc­tions pro­vo­quées par les attaques aériennes israé­liennes. Selon les chiffres four­nis ce mer­cre­di par le Bureau des médias de Gaza, 44 300 bâti­ments sont com­plè­te­ment détruits et 136 100 sont par­tiel­le­ment détruits.

[Destructions massives causées par les frappes aériennes israéliennes dans le quartier Al-Rimal de la ville de Gaza, le 10 octobre 2023 | Mohammed Zaanoun]

Le gou­ver­ne­ment du Hamas a décla­ré, jeu­di 2 novembre, que 195 per­sonnes avaient per­du la vie cette semaine suite aux attaques israé­liennes dans le camp de réfu­giés de Jabaliya, le plus grand que compte l’é­troit ter­ri­toire pales­ti­nien. Entre « les mar­tyrs et les bles­sés », « le nombre de vic­times du pre­mier et du second mas­sacre de Jabaliya dépasse un mil­lier », a annon­cé le bureau de presse du gou­ver­ne­ment du Hamas dans un com­mu­ni­qué fai­sant réfé­rence aux attaques du mar­di 31 octobre et du mer­cre­di 1er novembre. « Nous avons enre­gis­trés 195 mar­tyrs, 120 dis­pa­rus sous les décombres et 777 bles­sés. »

Ce jeu­di, l’ar­mée israé­lienne a lar­gué des bombes au phos­phore blanc sur une école de l’ONU dans le camp de réfu­giés de Beach, au nord de Gaza, où se sont abri­tés des mil­liers de dépla­cés pales­ti­niens. Ça n’est pas la pre­mière fois qu’Israël uti­lise le phos­phore blanc, inter­dit au niveau inter­na­tio­nal. Pourtant, il en a été fait usage dans plu­sieurs zones de la bande de Gaza, notam­ment sur l’hô­pi­tal Al-Shifa. Le réseau EuroMed Droits a en par­tie docu­men­té l’u­sage fait par Israël des muni­tions au phos­phore blanc dans ses bom­bar­de­ments sur des civils dans le quar­tier Al-Karama, au nord de Gaza, qui ont entraî­né la des­truc­tion d’une part impor­tante du quar­tier et la mort de plus de 30 personnes.

« Actuellement, l’hô­pi­tal Al-Shifa, le plus impor­tant du ter­ri­toire pales­ti­nien assié­gé, prend non seule­ment en charge les bles­sés, mais aus­si envi­ron 30 000 déplacés. »

L’augmentation du nombre de bles­sés, qui se porte à 21 890, met à mal les ser­vices médi­caux à dis­po­si­tion des Gazaouis. Le maté­riel médi­cal dis­po­nible dans la bande de Gaza n’est pas suf­fi­sant pour faire face aux mas­sacres en cours. « Nous deman­dons à la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale et au monde de nous aider en nous four­nis­sant du maté­riel médi­cal et en ouvrant les fron­tières aux bles­sés graves », a décla­ré le doc­teur Al-Qudra aux médias pré­sents à Gaza. Le poste fron­tière de Rafah a été ouvert mer­cre­di pour que les bles­sés soient accueillis. « Le 1er novembre, l’Égypte a ouvert le point de pas­sage de Rafah afin de rece­voir 81 per­sonnes bles­sées », a pour sa part indi­qué le jour­na­liste et ana­lyste égyp­tien Ahmed Gomaa. Si on prend en compte la situa­tion et l’en­gor­ge­ment des hôpi­taux, « les 81 bles­sés qui ont pu sor­tir du ter­ri­toire assié­gé ne repré­sentent rien », comme l’a dit un interne en méde­cine. Dans le viseur des forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes se trouvent 19 hôpi­taux, 49 cli­niques et 39 ambulances.

Parmi les hôpi­taux et les cli­niques, beau­coup ont arrê­té de déli­vrer des ser­vices en rai­son des dégâts cau­sés par les bom­bar­de­ments israé­liens ou de l’ab­sence de maté­riel médi­cal. L’unique hôpi­tal de la bande de Gaza qui délivre des soins à des patients atteints de can­cer a com­plè­te­ment ces­sé de fonc­tion­ner. Dans un com­mu­ni­qué de presse, le minis­tère de la Santé a indi­qué que l’hô­pi­tal turc Al-Sadaga a dû inter­rompre son acti­vi­té et arrê­ter de four­nir ses ser­vices à cause « du manque de maté­riel médi­cal et de car­bu­rant ».

[Des Palestiniens fouillent une maison après une frappe aérienne israélienne, dans la ville de Rafah, au sud de la bande de Gaza, le 12 octobre 2023 | Abed Rahim Khatib | Flash90]

Actuellement, l’hô­pi­tal Al-Shifa, le plus impor­tant du ter­ri­toire pales­ti­nien assié­gé, prend non seule­ment en charge les bles­sés, mais aus­si envi­ron 30 000 dépla­cés qui se sont ren­dus dans les lieux à la recherche d’un endroit sûr, depuis que leurs habi­ta­tions ont été bom­bar­dées par l’a­via­tion israé­lienne. « Depuis deux jours, il n’y a plus d’eau pour boire à l’hô­pi­tal », raconte une femme âgée qui y a été éva­cuée. Israël conduit une cam­pagne bru­tale d’a­néan­tis­se­ment et de des­truc­tion à l’en­contre de la popu­la­tion civile, ce qui ne fait qu’ag­gra­ver tou­jours plus la situa­tion dans les hôpi­taux de Gaza.

3 novembre 2023

L’agression bru­tale israé­lienne à Gaza en est à son vingt-sep­tième jour et déjà, par­mi les jour­na­listes et les pro­fes­sion­nels des médias, 38 per­sonnes ont été assas­si­nées — 12 l’ont été à cause de la guerre en Ukraine durant toute l’an­née 2022. Le syn­di­cat des jour­na­listes pales­ti­niens a publié une décla­ra­tion dans laquelle il indique que, depuis le 7 octobre 2023, 25 jour­na­listes pales­ti­niens et 13 tra­vailleurs du sec­teur média­tique ont été tués à cause des bom­bar­de­ments inces­sants menés par l’ar­mée d’oc­cu­pa­tion israélienne.

« Que les forces israé­liennes s’en prennent déli­bé­ré­ment à des jour­na­liste reflète une poli­tique sys­té­ma­tique dont le but et de réduire au silence et de cacher, de mas­quer la véri­té sur les mas­sacres israé­liens à Gaza. »

« Que les forces israé­liennes s’en prennent déli­bé­ré­ment à des jour­na­listes reflète une poli­tique sys­té­ma­tique dont le but est de réduire au silence et de cacher, de mas­quer la véri­té sur les mas­sacres israé­liens à Gaza. En éli­mi­nant les jour­na­listes sur le ter­rain, Israël cherche à contrô­ler le récit des évé­ne­ments et à mani­pu­ler l’o­pi­nion publique à son avan­tage. Non seule­ment ce choix poli­tique viole les prin­cipes de la liber­té de la presse, mais il sape éga­le­ment le droit d’ac­cès à l’in­for­ma­tion et à la recherche de la véri­té », a affir­mé Ahmed Dremly, jour­na­liste free­lance à Gaza. Ahmed Al-Sammak, jour­na­liste gazaoui, a quant à lui décla­ré : « Les meurtres de jour­na­listes, de nos col­lègues, et les attaques à leur encontre, portent gra­ve­ment atteinte à la liber­té de la presse, pilier fon­da­men­tal de la démo­cra­tie. À la lumière de cette attaque, nous rem­plis­sons un rôle cru­cial en rap­por­tant et en cou­vrant ce qu’il se passe à Gaza, et nous ne nous arrê­te­rons pas. » Le nombre crois­sant d’as­sas­si­nats de jour­na­listes et de pro­fes­sion­nels des médias dans la bande de Gaza est un motif d’in­quié­tude grave qui, de façon urgente, exige l’at­ten­tion. La poli­tique sys­té­ma­tique menée par Israël, consis­tant à viser et tuer les jour­na­listes ne fait pas que per­pé­tuer une culture de l’im­pu­ni­té : cela empêche éga­le­ment le public mon­dial d’ac­cé­der à la vérité.

Pour la cin­quième semaine [consé­cu­tive], les tra­vailleurs du sec­teur de la san­té alertent sur le fait que les attaques aériennes israé­liennes et le siège de Gaza pro­voquent une catas­trophe huma­ni­taire. Les méde­cins ont fait état d’un nombre consi­dé­rable de vic­times, s’a­jou­tant aux mil­liers de civils dépla­cés qui ont pris les hôpi­taux pour refuges. Le doc­teur Osama Jarada se lamente : « Les condi­tions dans l’hô­pi­tal Al-Shifa sont extrê­me­ment mau­vaises. Il y a beau­coup de bles­sés dans l’hô­pi­tal, il n’y a pas suf­fi­sam­ment de médi­ca­ments ni de lits et cer­taines opé­ra­tions sont effec­tuées sur le ter­rain. Par ailleurs, le per­son­nel de san­té est épui­sé, il tra­vaille vingt-quatre heures par jour, et aucun mot ne peut véri­ta­ble­ment décrire la bru­ta­li­té de l’a­gres­sion israé­lienne à l’en­contre de Gaza. »

[Des Palestiniens quittent leurs maisons dans la ville de Gaza pour se diriger vers le sud, le 13 octobre 2023 | Atia Mohammed | Flash90]

L’ONG EuroMed Droits affirme quant à elle qu’« Israël com­met des crimes à grande échelle contre les civils pales­ti­niens dans la bande de Gaza. Au cours de son esca­lade bel­li­queuse, Israël a cou­pé la dis­tri­bu­tion de l’élec­tri­ci­té, les appro­vi­sion­ne­ments en eau, en nour­ri­ture et en car­bu­rant à Gaza, façon­nant la menace d’une catas­trophe huma­ni­taire immi­nente ». Elle ajoute : « Ce qui se passe à Gaza est une catas­trophe huma­ni­taire totale. » Ahmed Shareif, 23 ans, a été dépla­cé dans l’hô­pi­tal Al-Shifa. Il explique que « ça sent le sang et la pour­ri­ture par­tout ». Bien que l’hô­pi­tal Al-Shifa soit le plus impor­tant du ter­ri­toire, il n’est pas suf­fi­sant pour accueillir tous les bles­sés et les dépla­cés qui s’y sont réfu­giés, si bien que des tentes ont été ins­tal­lées à l’ex­té­rieur pour prendre en charge les blessés.

Les bom­bar­de­ments israé­liens ont atteint l’hô­pi­tal Al-Helo, situé éga­le­ment dans la ville de Gaza et qui se sub­sti­tue à la mater­ni­té de l’hô­pi­tal Al-Shifa, uti­li­sée pour prendre en charge les bles­sés. À l’heure actuelle, 16 des 35 hôpi­taux ont ces­sé de fonc­tion­ner à cause des bom­bar­de­ments et de l’ab­sence de car­bu­rant. Le secré­taire géné­ral de l’ONU, António Guterres, a lan­cé que « le niveau d’aide huma­ni­taire qui peut entrer à Gaza est pour le moment com­plè­te­ment inadé­quat et dis­pro­por­tion­né par rap­port aux besoins de la popu­la­tion de Gaza, ce qui aggrave la tra­gé­die huma­ni­taire ». Les méde­cins sont contraints de réa­li­ser leurs inter­ven­tions chi­rur­gi­cales sans anes­thé­sie, même quand il s’a­git de vic­times des bom­bar­de­ments ou de femmes qui accouchent avec une césarienne.

Pour le vingt-sep­tième jour d’af­fi­lée, la force d’oc­cu­pa­tion israé­lienne conti­nue de refu­ser l’a­che­mi­ne­ment de car­bu­rant dans la bande de Gaza. Et Philippe Lazzarini, com­mis­saire géné­ral de l’Office de secours et de tra­vaux des Nations unies pour les réfu­giés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), de pré­ci­ser : « Sans car­bu­rant il n’y aura pas de réponse huma­ni­taire. L’aide ne par­vien­dra pas à ceux qui en ont besoin, il n’y aura pas d’élec­tri­ci­té pour les hôpi­taux, il n’y aura pas d’ac­cès à l’eau potable et les pro­vi­sions pour le pain ne seront pas ache­mi­nées. »


Traduit de l’espagnol par la rédac­tion de Ballast | Mahmoud Mushtaha, « Crónicas desde el infier­no », ctxt, 29 octobre‑3 novembre 2023
Photographie de de ban­nière : après une frappe aérienne israé­lienne sur la bande de Gaza, le 12 octobre 2023 | Atia Mohammed | Flash90
Photographie de vignette : des Palestiniens s’a­britent dans une école de l’UNRWA à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 14 octobre 2023 | Atia Mohammed | Flash90


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☰ Lire notre tra­duc­tion « Une lettre d’a­mour du camp de Jabaliya », Tamer Ajrami, novembre 2023
☰ Lire notre tra­duc­tion « Une lettre ukrai­nienne de soli­da­ri­té avec la peuple pales­ti­nien », novembre 2023
☰ Lire notre tra­duc­tion « Quand plus jamais ça devient un cri de guerre », Natasha Roth-Rowland, novembre 2023
☰ Lire notre tra­duc­tion « Une pluie de mis­siles sur Gaza ne sera jamais une solu­tion », Yuval Abraham, octobre 2023
☰ Lire notre tra­duc­tion « Israël-Palestine : en finir avec l’apartheid est le seul che­min pour la paix », Ronan Burtenshaw, octobre 2023
☰ Voir notre port­fo­lio « À Gaza, la Nakba est une tra­gé­die qui se répète », Anne Paq, sep­tembre 2023


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