Demain, le communisme ?

10 juin 2023


Texte inédit | Ballast

Longtemps ban­ni, le mot « com­mu­nisme » revient dans le champ intel­lec­tuel et mili­tant. « On voit clai­re­ment un mou­ve­ment se des­si­ner », nous disait récem­ment le jour­na­liste éco­no­mique Romaric Godin. L’usage qui en a été fait en URSS, en Chine, au Kampuchéa ou en Corée du Nord est bien connu : par­ti unique, État omni­pré­sent, répres­sion de masse, pié­ti­ne­ment des droits démo­cra­tiques. Comme est connu ce que le com­mu­nisme, pour divers qu’il a été depuis sa nais­sance, a d’a­bord signi­fié : la fin des oppres­sions et l’ins­tau­ra­tion d’une socié­té sans classes. Ce regain d’in­té­rêt entend pen­ser cet échec et laver le mot des dévoie­ments qu’il a subis. Face au capi­ta­lisme mon­dia­li­sé, au péril cli­ma­tique et à la pous­sée natio­na­liste, ses nou­veaux par­ti­sans jurent en prime : l’i­dée com­mu­niste bien com­prise reste la seule à pou­voir affron­ter de tels enjeux. « On peut dire que si les choses conti­nuent sur la même voie, on va à la catas­trophe sociale et éco­lo­gique », aver­tis­sait Daniel Bensaïd dans son ultime entre­tien. Retour sur la pro­po­si­tion de l’in­con­tour­nable phi­lo­sophe et mili­tant : un com­mu­nisme du XXIe siècle. ☰ Par Victor Cartan


« [N]ous pensons qu’il faut avoir une bonne pensée pour s’organiser.
Autrement dit, on a besoin de théorie, de pensée critique.
»
Sous-commandant Marcos/Galeano

« Doit-on craindre le retour du com­mu­nisme ? » : telle était la ques­tion posée il y a peu par une chaîne d’in­for­ma­tion en conti­nu appar­te­nant au mil­liar­daire Vincent Bolloré. L’énoncé fai­sait fi de toute rigueur ana­ly­tique ; tou­jours est-il : le mot est bel et bien de retour dans le champ intel­lec­tuel et mili­tant. En attestent les tra­vaux remar­qués du socio­logue Bernard Friot, du Comité invi­sible, de l’é­co­lo­giste sué­dois Andreas Malm, du théo­ri­cien japo­nais Kohei Saito ou encore des phi­lo­sophes Isabelle Garo, Frédéric Lordon et Paul Guillibert — cela sans par­ler des œuvres, plus anciennes mais abon­dam­ment lues, d’Alain Badiou et de Slavoj Žižek. On pour­rait ajou­ter à cette liste les der­nières prises de posi­tion, somme toute révé­la­trices, de l’an­cienne actrice Adèle Haenel. Au regard de la charge sym­bo­lique dudit mot, un tel mou­ve­ment — fût-il contra­dic­toire dans le détail de ses expres­sions res­pec­tives — ne peut qu’in­ter­pel­ler. Selon une enquête récem­ment menée par l’Ifop, 81 % de la socié­té fran­çaise refu­se­rait de voir le com­mu­nisme comme une « idée d’a­ve­nir » (les couches les plus jeunes se mon­trant en revanche plus favo­rables à cet énon­cé). À la ques­tion de savoir quelles notions les son­dés rat­tachent spon­ta­né­ment à ce terme, « l’é­chec d’une idéo­lo­gie en URSS et dans l’Est de l’Europe » (61 %) et « la dic­ta­ture » (55 %) figurent en tête — ce qu’est concep­tuel­le­ment le com­mu­nisme, à savoir « l’é­ga­li­té » et « une socié­té dans laquelle l’Homme n’est plus exploi­té », ne venant à l’es­prit qu’à 16 % de l’en­semble d’entre eux.

On ne peut aujourd’­hui par­ler de l’i­dée com­mu­niste sans faire cas du pen­seur et mili­tant Daniel Bensaïd, dis­pa­ru en jan­vier 2010. Membre de la Quatrième Internationale, figure majeure de la tra­di­tion trots­kyste, cadre de la LCR puis du NPA, l’homme a main­te­nu sa vie durant l’i­dée qu’un autre com­mu­nisme était pos­sible. Un com­mu­nisme démo­cra­tique et non sta­li­nien. Un com­mu­nisme du XXIe siècle. Son œuvre compte une qua­ran­taine d’ou­vrages ; rap­pe­lons-en les lignes de fond.

Réparer le mot

« Le com­mu­nisme n’est pas une idée pure, ni un modèle doc­tri­naire de socié­té. Il n’est pas le nom d’un régime éta­tique. »

« Dans le match du siècle entre socia­lisme et bar­ba­rie, la seconde a pris quelques lon­gueurs d’a­vance1″, obser­vait-il en 1991 dans le livre qu’il consa­cra à Jeanne d’Arc. La pro­po­si­tion ben­saï­dienne est indis­so­ciable du contexte his­to­rique et poli­tique de sa for­mu­la­tion : effon­dre­ment sovié­tique, irrup­tion néo­li­bé­rale, tra­ver­sée du désert éman­ci­pa­trice, avè­ne­ment de l’al­ter­mon­dia­lisme, « guerre contre le ter­ro­risme », expan­sion natio­na­liste, crise des sub­primes et renais­sance d’une gauche par­le­men­taire dési­reuse de tour­ner la page libé­rale des orga­ni­sa­tions social-démo­crates. Soit la séquence 1990–2010. Le mou­ve­ment des occu­pa­tions de places, le déve­lop­pe­ment du « popu­lisme de gauche », les mul­tiples insur­rec­tions popu­laires (Maghreb, Moyen-Orient, Chili, France, etc.), l’é­veil puis le déclin de Daech, la révo­lu­tion néo­so­cia­liste du Rojava et la pro­pa­ga­tion de la théo­rie meur­trière du « grand rem­pla­ce­ment » n’ont, de fait, aucune place dans son archi­tec­ture ana­ly­tique. Par suite : que peut bien signi­fier, de nos jours, son communisme ?

Son ultime texte, paru en jan­vier 2010 dans les colonnes de Contretemps et de Libération, y répon­dait justement.

Le com­mu­nisme n’est pas une idée pure, ni un modèle doc­tri­naire de socié­té. Il n’est pas le nom d’un régime éta­tique, ni celui d’un nou­veau mode de pro­duc­tion. Il est celui du mou­ve­ment qui, en per­ma­nence, dépasse/supprime l’ordre éta­bli. Mais il est aus­si le but qui, sur­gi de ce mou­ve­ment, l’oriente et per­met, à l’encontre des poli­tiques sans prin­cipe, des actions sans suites, des impro­vi­sa­tions au jour le jour, de déter­mi­ner ce qui rap­proche du but et ce qui en éloigne. À ce titre, il est, non pas une connais­sance scien­ti­fique du but et du che­min, mais une hypo­thèse stra­té­gique régu­la­trice23.

[Décembre 2018, Paris : répression macroniste du mouvement des gilets jaunes, né contre la vie chère et le manque de démocratie | Cyrille Choupas]

Les mots de l’é­man­ci­pa­tion, pen­sait-il, sont sor­tis meur­tris du XXe siècle. Tous. « Socialisme » ? Il a trem­pé dans la mise à mort des spar­ta­kistes alle­mands et les guerres colo­niales. Il a même, affu­blé du pré­fixe « natio­nal », été souillé par les nazis. Alors, à choi­sir, en ce que « com­mu­nisme » est « l’expression his­to­rique et pro­gram­ma­tique la plus exacte de la lutte contre la logique des­po­tique du capi­tal4″, il lui sem­blait légi­time et salu­taire de cher­cher à le sau­ver des décombres. À le répa­rer comme on répa­re­rait le chris­tia­nisme après l’Inquisition. « On n’in­vente pas un nou­veau lexique par décret. Le voca­bu­laire se forme dans la durée, à tra­vers usages et expé­riences. Céder à l’i­den­ti­fi­ca­tion du com­mu­nisme avec la dic­ta­ture tota­li­taire sta­li­nienne, ce serait capi­tu­ler devant les vain­queurs pro­vi­soires, confondre la révo­lu­tion et la contre-révo­lu­tion bureau­cra­tique, et for­clore ain­si le cha­pitre des bifur­ca­tions seul ouvert à l’es­pé­rance. Et ce serait com­mettre une irré­pa­rable injus­tice envers les vain­cus, tous ceux et celles, ano­nymes ou non, qui ont vécu pas­sion­né­ment l’i­dée com­mu­niste et qui l’ont fait vivre contre ses cari­ca­tures et ses contre­fa­çons5. » Rien ne s’in­vente de rien. La table rase n’est jamais sou­hai­table. On recom­mence tou­jours par le milieu. Et n’est-ce pas « avec de vieux mots qu’on écrit de nou­veaux poèmes d’a­mour6″, deman­da-t-il dans son Éloge de la résis­tance à l’air du temps ?

Trotsky et Lénine : des vaches sacrées ?

À lire Moi, la Révolution, ana­lyse épique de la Révolution fran­çaise parue à l’oc­ca­sion du bicen­te­naire, on pour­rait faire fausse route. C’est qu’en ces pages Bensaïd témoigne de sa sym­pa­thie pour l’ex­trême gauche d’a­lors — Marat, Babeuf, les Enragés — et ne ménage pas ses coups à l’en­droit de Saint-Just et, bien plus encore, de Robespierre, deux emblèmes pour­tant pri­sés par les com­mu­nistes du XXe siècle. Le pre­mier ? Un homme por­teur d’une « [t]errifiante quête de régu­la­tion sociale7″, le maître du pro­cès d’o­pi­nion, l’au­teur de « dis­cours épou­van­tables8. Le second ? Un homme à la parole pleine « de fiel et de venin9″, un « flic10″ sec­taire, un « déma­gogue11″, un sexiste, un xéno­phobe, une sorte de sta­li­nien avant l’heure. Et s’il nuance par­fois, les sauve à l’oc­ca­sion, on le sent plus enclin à suivre l’aile radi­cale, extra-gou­ver­ne­men­tale, de la révo­lu­tion. Mais contrai­re­ment aux cri­tiques révo­lu­tion­naires de Saint-Just et de Robespierre, qu’il s’a­gisse de Kropotkine ou de Daniel Guérin, Bensaïd n’a pas redou­blé ce geste dès lors qu’il s’est agi de cer­ner la Révolution russe. Il n’a pas appuyé l’ex­trême gauche ni les anar­chistes mais s’est fait le défen­seur opi­niâtre — quoique cri­tique — de Trotsky et de Lénine. La vio­lence déployée par la police sur le sol fran­çais durant la guerre d’Algérie l’a­vait pous­sé à ral­lier les Jeunesses com­mu­nistes, satel­lite du Parti, puis, son exclu­sion rapi­de­ment pro­non­cée, à adhé­rer à une toute nou­velle orga­ni­sa­tion affi­liée à la Quatrième Internationale trots­kyste. C’étaient les années 1960 : les luttes anti-impé­ria­listes enfié­vraient la pla­nète et l’heure était, pour lui comme pour ses cama­rades, à la dénon­cia­tion impla­cable du sta­li­nisme. Face aux « ravages d’un mar­xisme posi­ti­viste et auto­ri­taire12″, il opta, encore que sans grande ortho­doxie, pour la famille trots­kyste — le regard bra­qué non vers l’Est mais l’Amérique latine.

« Il n’a pas appuyé l’ex­trême gauche ni les anar­chistes mais s’est avan­cé en défen­seur opi­niâtre — quoique cri­tique — de Trotsky et de Lénine. »

Lors d’une inter­ven­tion don­née à Lausanne en 1997, l’in­té­res­sé a regret­té que les noms de Trotsky et de Lénine soient deve­nus « impro­non­çables13″. Le phi­lo­sophe tou­lou­sain aimait chez le pre­mier — qu’il sur­nom­mait « le Vieux » — le pas­seur, le stra­tège « consi­dé­rable14″ et l’a­na­to­miste vain­cu et soli­taire du sta­li­nisme ; chez le second, le stra­tège, l’in­no­va­teur et l’a­na­lyste lucide des conjonc­tures. Mais Bensaïd l’a répé­té inlas­sa­ble­ment : le qua­li­fi­ca­tif « trots­kyste » tient de la dési­gna­tion exté­rieure. Il ne l’en­dos­sait qu’en creux, comme on retourne un stig­mate. « Je ne récuse pas le terme, dans la mesure où il fait réfé­rence à une lutte tout à fait hono­rable contre le sta­li­nisme. Je veux bien être consi­dé­ré comme trots­kyste face à un sta­li­nien, ou juif face à un anti­sé­mite15″, pré­ci­sait-il en 2003 à la presse qué­bé­coise. Trotsky eut pour lui valeur de point d’ap­pui, non de « réfé­rence pieuse [ou] exclu­sive16″. La même année, il ajoutait :

[I]l y a encore une part d’ac­tua­li­té chez Trotsky. Sa vision de la révo­lu­tion per­ma­nente (si sou­vent mal com­prise) est une amorce de réponse stra­té­gique aux logiques de la mon­dia­li­sa­tion mar­chande. Sa cri­tique pion­nière de la bureau­cra­ti­sa­tion et du sta­li­nisme n’est pas une affaire du pas­sé (sous pré­texte de l’ef­fon­dre­ment de l’Union sovié­tique), mais une ques­tion de plus en plus pré­sente, sous de mul­tiples formes. Enfin, ses écrits sur la guerre d’Espagne ou sur la manière d’af­fron­ter la mon­tée du nazisme en Allemagne res­tent d’une pré­cieuse actua­li­té poli­tique17.

Quant à Lénine, il fut, selon lui, bien plus que Marx, « un authen­tique pen­seur de la poli­tique en actes18. En 2010, il se déso­la qu’il soit « si faci­le­ment ran­gé sous l’étiquette du des­po­tisme ou de la tyran­nie19″.

[Décembre 2018, Paris : répression macroniste du mouvement des gilets jaunes | Stéphane Burlot]

Défenseur opi­niâtre mais cri­tique, écri­vions-nous. Bensaïd a aus­si sou­li­gné les « fai­blesses20″ de Lénine et qua­li­fié cer­tains livres signés par Trotsky d’« épou­van­tables21 » — à com­men­cer par Terrorisme et com­mu­nisme, paru en 1920, « effrayant22 » à bien des égards. C’était là le « mau­vais côté10″ du meneur de l’Armée rouge. Il déplo­ra éga­le­ment la « logique sec­taire23″ de Trotsky durant la guerre d’Espagne (sa mise en accu­sa­tion du POUM) et évo­qua, trop suc­cinc­te­ment, « la désas­treuse répres­sion de Cronstadt24″ en 1921. En sus, il qua­li­fia de « par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante25″ la cri­tique for­mu­lée par Rosa Luxemburg à l’en­contre de Lénine et de Trotsky, qui leur tenait rigueur d’a­voir fou­lé aux pieds l’Assemblée consti­tuante et toute forme de légi­ti­mi­té élec­to­rale. « L’erreur fon­da­men­tale de la théo­rie Lénine-Trotsky est pré­ci­sé­ment que, tout comme Kautsky, ils opposent la démo­cra­tie à la dic­ta­ture [du pro­lé­ta­riat]26″, lan­çait-elle ain­si dans La Révolution russe. Il ten­ta cepen­dant d’ex­pli­quer les nom­breuses bévues com­mises durant la Révolution russe par la vio­lence inouïe de la période et le carac­tère inédit d’un tel cham­bar­de­ment — la pre­mière révo­lu­tion socia­liste vic­to­rieuse de l’his­toire du monde… — plus que par les « graves27″ fautes doc­tri­nales ses dirigeants.

Daniel Bensaïd a récu­sé les deux lec­tures domi­nantes de la période 1917–1924 : les libé­raux déduisent méca­ni­que­ment le sta­li­nisme du léni­nisme ; les trots­kystes cano­niques assurent que tout sépare ces années des ter­ribles années 1930. Le pen­seur a donc ser­pen­té : Lénine n’in­duit pas Staline mais on a assis­té, du temps du pre­mier, au déve­lop­pe­ment de germes fort pro­pices au pou­voir tota­li­taire du second ; la concep­tion léni­niste de la classe ouvrière incar­née dans le par­ti, lui-même incar­né dans l’État, a lar­ge­ment contri­bué à l’é­ta­ti­sa­tion future de la socié­té russe ; le cen­tra­lisme par­ti­daire a esquin­té la vie et la plu­ra­li­té démo­cra­tiques. Bensaïd l’a concé­dé sans peine : la police poli­tique, le bagne et l’au­to­ri­ta­risme exis­taient déjà avant l’a­vè­ne­ment de Staline. « Il y a eu des signes alar­mants de la bureau­cra­ti­sa­tion, de la pro­fes­sion­na­li­sa­tion du pou­voir déjà du vivant de Lénine28″, décla­ra-t-il à la radio en 2008. Pas de cou­pure étanche mais pas, non plus, de pro­lon­ga­tion pure. Ricochet effroyable plu­tôt qu’a­bou­tis­se­ment logique. Reniement et exten­sion. Une « étroite com­bi­nai­son29″.

« Daniel Bensaïd invi­ta au ras­sem­ble­ment des com­mu­nistes, des éco­lo­gistes, des liber­taires et des socia­listes réel­le­ment socialistes. »

En 1999, Daniel Bensaïd invi­ta au ras­sem­ble­ment des com­mu­nistes, des éco­lo­gistes, des liber­taires et des socia­listes réel­le­ment socia­listes. De cette ren­contre pour­rait naître du neuf. Avec, qui sait, la créa­tion de nou­veaux mots. Dix ans plus tard, il enfon­ça le clou aux cotés d’Olivier Besancenot, appe­lant, dans l’ou­vrage Prenons par­ti, à un socia­lisme du XXIe siècle, à une démo­cra­tie auto­ges­tion­naire, à l’é­co­so­cia­lisme et, sur­tout, à s’ap­puyer sur « ce qu’il y a eu de mieux30″ dans l’his­toire du mou­ve­ment ouvrier — le socia­lisme, le com­mu­nisme, l’a­nar­chisme ou encore le gué­va­risme — et sur les apports, plus récents, des mou­ve­ments sociaux, fémi­nistes et éco­lo­gistes. « Chercher com­ment nous pou­vons, à par­tir de là, nous dépas­ser et même, pour­quoi pas, nous sur­pas­ser31. » C’est-à-dire deve­nir majoritaires.

Mais encore et toujours : prendre l’État

Notre époque boude les grands récits, les conti­nui­tés et les agen­ce­ments solides : elle est frag­ments, poin­tillés, miettes, inter­stices, mou­ve­ments fluides et liquides. « Le mini­ma­lisme est à la mode du jour, petits trai­tés et petites gor­gées de bière, micro­ré­cits et égo-his­toire32″, notait déjà Bensaïd en 1999. Au temps long de la lutte révo­lu­tion­naire, au labo­rieux tra­vail de taupe accom­pli par la tra­di­tion socia­liste, elle paraît pri­vi­lé­gier l’i­ci et main­te­nant. Aux vastes Internationales et aux for­ma­tions en ordre de bataille, la nou­velle géné­ra­tion insur­gée semble plus volon­tiers répondre îlots, archi­pels, des­ti­tu­tion ou zones à défendre. La faillite mon­diale du com­mu­nisme de par­ti unique, asso­ciée à l’é­mer­gence de nou­velles luttes et de nou­velles moda­li­tés de lutte, a vu, non sans argu­ments, de larges pans du camp de l’é­man­ci­pa­tion renon­cer à l’am­bi­tion de s’emparer du pou­voir cen­tral afin de trans­for­mer la socié­té. D’ailleurs, le pou­voir est par­tout (Foucault) et l’a­ve­nir est au molé­cu­laire et aux moyens d’é­chap­per au contrôle (Deleuze) ; à « l’in­ten­si­fi­ca­tion du quo­ti­dien33″, au noma­disme, aux pirates et à la consti­tu­tion d’oa­sis auto­nomes ou de « bazars under­ground34″ (Bey) ; à l’élaboration d’une résis­tance affran­chie de « la logique du pou­voir35″, munie, pour tout bagage, d’une humble « anti-recette36″ (Holloway) ; aux « deve­nirs mino­ri­taires37″ comme socle du pro­jet révo­lu­tion­naire (Benasayag) ; à l’at­taque et la construc­tion immé­diates, à la résis­tance sans espé­rance, sans pro­gramme et sans solu­tions : poser la ques­tion de l’or­ga­ni­sa­tion, c’est déjà se sou­mettre au Léviathan38 (Comité invi­sible). Or, pour Bensaïd, renon­cer à la stra­té­gie et à l’a­gen­ce­ment du temps long revient à s’en remettre à l’er­rance d’un pré­sent pur, au flot­te­ment, à l’éphémère. « Le jar­gon de la post­mo­der­ni­té s’emploie à plu­ra­li­ser indé­fi­ni­ment les conflits, à nier tout mode de régu­la­tion glo­bal et toute cohé­rence du rap­port social39. »

[Femmes zapatistes (EZLN) dans le caracol Morelia, au Chiapas, le 27 décembre 2019 | Isabel Mateos | ASSOCIATED PRESS]

Si le voca­bu­laire his­to­rique du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire a long­temps rele­vé du champ mili­taire (affron­te­ment, conquête, prise, stra­té­gie, dis­ci­pline, front), les « nou­velles radi­ca­li­tés » ont bien davan­tage par­lé le lan­gage du déser­teur et du sabo­teur. Bensaïd s’est scru­pu­leu­se­ment oppo­sé à ce dépla­ce­ment. Dans Walter Benjamin, sen­ti­nelle mes­sia­nique, il a ouver­te­ment atta­qué la « pen­sée de résis­tance minus­cule40″. Le pen­seur a lu Foucault, et l’a lu avec pro­fit. Mais il a, dans les notes de son der­nier ouvrage inache­vé, fait men­tion de l’« impasse théo­rique41 » de ce phi­lo­sophe por­teur d’« une esthé­tique sans ambi­tion poli­tique42 ». Auparavant, Bensaïd avait fer­raillé contre ce qu’il nom­mait le « fou­cal­disme vul­gaire43″ : que le pou­voir ne soit pas l’u­nique pou­voir d’État, c’est enten­du, mais qu’il ne soit pas ques­tion d’en conclure que la mul­ti­pli­ci­té effec­tive des pou­voirs inter­dise de les éta­ger. « La dis­per­sion des pou­voirs a une part, mais une part seule­ment, de véri­té, dans la mesure où la for­mule enre­gistre une mul­ti­pli­ca­tion des formes, des lieux, et des rap­ports de pou­voir. Mais, dans cette dis­per­sion, tous les pou­voirs ne sont pas équi­va­lents : le pou­voir d’État et le pou­voir de la pro­prié­té ne sont pas solubles dans les réseaux (ou les rhi­zomes) de pou­voirs, et ils demeurent des enjeux stra­té­giques cen­traux44. » Reste à cer­ner l’en­semble des flux de pou­voir, à y faire face tous autant qu’ils sont et à ne pas perdre de vue « la puis­sance sur­dé­ter­mi­nante du capi­tal45″.

Bensaïd l’a dit et redit : per­sonne ne sait à quoi res­sem­ble­ront les révo­lu­tions du XXIe siècle — mais il y en aura (et, de fait, on en compte au moins une depuis son décès). Le mode de pro­duc­tion capi­ta­liste a une date de nais­sance ; il aura donc une date de mort, comme sont morts les modes de pro­duc­tion asia­tique, antique et féo­dal. « On peut en sor­tir par le haut ou par le bas, pour le meilleur ou pour le pire. Mais on fini­ra par en sor­tir46. » Toute la ques­tion est de savoir com­ment l’a­bo­lir. Par la révo­lu­tion, certes, mais com­ment la faire adve­nir ? Bensaïd a ren­voyé dos à dos le rejet prin­ci­piel des élec­tions et l’a­du­la­tion par­le­men­taire : la LCR et le NPA ont pré­sen­té des can­di­dats à l’é­lec­tion pré­si­den­tielle, ce qui, pour Bensaïd, consti­tuait un para­doxe, mais un para­doxe accep­té. « [O]n est contre ce sys­tème, on est contre le prin­cipe même d’une élec­tion pré­si­den­tielle et on est quand mêmes obli­gés d’en jouer le jeu, quitte à le dénon­cer47″, expli­quait-il dans Tout est encore pos­sible. Parce qu’il ne faut pas lais­ser les pro­fes­sion­nels de la poli­tique seuls sur le ter­rain et que l’é­lec­tion per­met la construc­tion d’un rap­port de force ; parce qu’une rup­ture révo­lu­tion­naire n’in­ter­dit aucun chan­ge­ment réfor­miste arti­cu­lé et que le cri­té­rium majo­ri­taire, bien qu’il ne soit la preuve d’au­cune véri­té ni d’au­cune jus­tice, demeure pour lui, et quoi qu’en pense son contem­po­rain Alain Badiou, indépassable.

« Jamais, disait-il, on n’a vu les domi­nants aban­don­ner leurs pri­vi­lèges comme on effeuille une marguerite. »

Mais la révo­lu­tion qui per­met­tra d’en ter­mi­ner avec le capi­ta­lisme et de bâtir une socié­té digne de ce nom n’au­ra pas lieu par la grâce des urnes. Jamais, disait-il, on n’a vu les domi­nants aban­don­ner leurs pri­vi­lèges comme on effeuille une mar­gue­rite. « L’ennemi est puis­sant, orga­ni­sé, et prêt à tout. C’est en tout cas la leçon jus­qu’à ce jour. Il serait impru­dent de l’ou­blier48″. Il y aura donc, un jour, un moment de bas­cule, une épreuve de force avec le pou­voir cen­tral. Autrement dit « une dis­con­ti­nui­té dans l’ordre du droit49″. La confron­ta­tion bru­tale entre deux pou­voirs, le pou­voir popu­laire ordon­nan­cé et le pou­voir ins­ti­tu­tion­nel d’État, sera inévi­table. « Comment désar­mer les domi­nants, et com­ment éra­di­quer les éra­di­ca­teurs ? Il y a certes des degrés de vio­lence, mais dans un monde quo­ti­dien­ne­ment en proie aux vio­lences sociales et phy­siques struc­tu­relles, le degré zéro n’existe pas. Il serait donc illu­soire de renon­cer uni­la­té­ra­le­ment à la vio­lence légi­time contre un monde hyper­violent ; mais il importe de réflé­chir dans ce nou­veau contexte à une éthique de la poli­tique, sus­cep­tible de contri­buer à une culture maî­tri­sée de la vio­lence50″, indi­quait-il en 2007 dans la pré­face qu’il rédi­gea à l’un des livres du socia­liste éta­su­nien Mike Davis.

S’inscrire dans la tension

Nous pour­rions dire de la pen­sée ben­saï­dienne qu’elle pro­gresse sur une ligne de crête. Elle se détourne des gros récifs, enjambe les oppo­si­tions atten­dues, sinue sans lâche­té ni sou­ci de dis­tinc­tion. Critique du Progrès (non, l’Histoire n’est pas un long fleuve menant, méca­ni­que­ment, des âges sombres de l’a­ni­ma­li­té à l’hu­ma­ni­té déli­vrée), sym­pa­thi­sant d’un roman­tisme clas­sique et contemp­teur réso­lu de la pen­sée post-moderne, Bensaïd ne rejoint jamais, pour autant, la grande famille des anti­mo­dernes. Seulement l’Histoire est-elle, pour ce fin lec­teur de Walter Benjamin et de Blanqui, l’es­pace des pos­sibles, faite de bifur­ca­tions, d’i­nat­ten­du, de lignes bri­sées. En consé­quence de quoi Bensaïd a défen­du les convic­tions en lieu et place des cer­ti­tudes, le déploie­ment d’une éner­gie com­bat­tive abso­lue plu­tôt que l’Absolu. C’étaient là les contours de son appel à un « mili­tan­tisme pro­fane51″.

[Militantes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans les monts Qandil (Kurdistan irakien), en avril 2014 | Loez]

Aux ques­tions qui n’au­to­risent que la réponse A ou la réponse B, Bensaïd rétorque C. L’internationalisme ? À l’é­vi­dence, mais le cadre natio­nal reste un niveau de lutte indis­pen­sable (« la poli­tique est tou­jours affaire de lieu52″, rap­pe­lait-il dans Le Pari mélan­co­lique). La République ? Bien sûr, mais en aucun cas celle des exploi­teurs — par­ler de la République « sans adjec­tif53″ tenait à ses yeux de l’im­pos­sible : jumelle indis­so­ciable de la Révolution fran­çaise (laquelle a « fon­dé la condi­tion poli­tique de l’homme moderne54″), la République, si elle n’est pas « sociale » n’est que le nom de l’ordre en place. L’exploitation au tra­vail ? Indiscutablement, mais on doit éga­le­ment sai­sir « ses poten­tia­li­tés créa­trices55″. La défense de l’in­di­vi­du ? Assurément, mais l’« indi­vi­dua­li­té concrète56 » et non celle du nar­cis­sisme célé­brée par l’ère libé­rale et mar­chande. Le dan­ger pro­tec­tion­niste ? Sans conteste, mais, insé­ré dans une poli­tique glo­bale éman­ci­pa­trice, le pro­tec­tion­nisme peut s’a­vé­rer béné­fique. L’infamie du Front natio­nal ? Indubitablement, mais il n’en faut pas moins cher­cher à « recon­qué­rir cet élec­to­rat popu­laire57″. L’Europe ? Certainement, mais de convic­tion bien plus que de cœur : le lyrisme euro­péen le lais­sait sans voix. Le droit de por­ter un fou­lard musul­man dans les écoles ? Évidemment, mais en appré­hen­dant la tota­li­té du pro­ces­sus : l’in­ter­dic­tion sco­laire de ce vête­ment est une faute ; la loi qui la pres­crit « dis­cri­mi­nante et humi­liante58 ; le vête­ment en ques­tion un signe, par­mi d’autres, du patriar­cat mon­dial. Ainsi se des­sine ce que nous pour­rions nom­mer une poli­tique de la ten­sion : « [L]a ten­sion reste inévi­table entre les logiques de pou­voir et les exi­gences de l’auto-émancipation, entre le col­lec­tif et l’individu, entre la règle majo­ri­taire et le droit des mino­ri­tés, entre le socia­lisme par en bas et un degré néces­saire de cen­tra­li­sa­tion et de syn­thèse59. »

Sa vie tou­chant à sa fin, cette dyna­mique intel­lec­tuelle l’a pous­sé à réaf­fir­mer, comme défi pour notre futur proche, une hypo­thèse har­die et dia­lec­tique : le léni­nisme liber­taire. Mais cette piste ébau­chée dès 2004 dans les pages de son auto­bio­gra­phie Une lente impa­tience, il n’au­ra pas eu le temps de l’ap­pro­fon­dir. L’écologiste sué­dois Andreas Malm la reprend actuel­le­ment à son compte, sou­cieux, face à l’im­passe cli­ma­tique, d’in­ves­tir l’ap­pa­reil d’État tout en fai­sant faux bond au cen­tra­lisme des­po­tique des expé­riences pas­sées. Michael Löwy et Olivier Besancenot, deux proches de Bensaïd60, ont expli­ci­te­ment appe­lé en 2014 à sur­mon­ter les griefs entre les tra­di­tions com­mu­niste et anar­chiste, à tra­vailler à la conver­gence, sinon à la syn­thèse, des dra­peaux rouge et noir. Ils ont affir­mé en ce sens que la répres­sion léni­niste-trots­kyste de Cronstdat — cette « bles­sure61″ jamais refer­mée — a été une « erreur inex­cu­sable62″. Et les deux mar­xistes liber­taires de saluer l’en­tre­prise de Nestor Makhno, chef ukrai­nien âpre­ment décrié par Trotsky. Bensaïd n’est jamais allé aus­si loin. « Il y a diverses réfé­rences à l’anarchisme dans les écrits de Bensaïd mais pas d’exploration sys­té­ma­tique de la pen­sée liber­taire ni d’exploration de ses rela­tions réelles et poten­tielles avec le mar­xisme63″, relève jus­te­ment le socio­logue Josep Maria Antentas, pré­fa­cier de l’é­di­tion espa­gnole de son ouvrage Stratégie et par­ti. Et, de fait, Bensaïd écrit noir sur blanc, dans son Éloge de la poli­tique pro­fane, qu’il existe un « para­doxe consti­tu­tif de l’a­nar­chisme64″ : reje­ter toute auto­ri­té (orga­ni­sa­tion­nelle, repré­sen­ta­tive ou majo­ri­taire) sous cou­vert d’é­man­ci­pa­tion et de liber­té, c’est pré­pa­rer l’ab­so­lu­tisme indi­vi­duel (à cha­cun ses normes). Un juge­ment hâtif au vu de l’im­mense diver­si­té anarchiste.

Ce « léni­nisme liber­taire » — qui ne sau­rait se confondre avec le mar­xisme liber­taire et le com­mu­nisme liber­taire, ce der­nier se mon­trant géné­ra­le­ment fort peu léni­niste —, nous pour­rions éga­le­ment le voir à l’œuvre, quoique d’une façon moins expli­cite que chez Malm, dans les der­niers tra­vaux du phi­lo­sophe Frédéric Lordon, pro­mo­teur d’un com­mu­nisme à la fois démo­cra­tique et révo­lu­tion­naire, natio­nal et local.

La démocratie, c’est l’égalité

« Sa vie tou­chant à sa fin, cette dyna­mique intel­lec­tuelle l’a pous­sé à réaf­fir­mer, comme défi pour notre futur proche, une hypo­thèse har­die et dia­lec­tique : le léni­nisme libertaire. »

« Socialisme et démo­cra­tie sont indis­so­ciables49″, assu­ra Bensaïd au cours du der­nier entre­tien qu’il accor­da, en mai 2010. Il tenait, on l’a vu, la cri­tique pro­duite par Rosa Luxemburg de l’au­to­ri­ta­risme bol­che­vik pour une « leçon fon­da­trice et fon­da­men­tale31″ : aucune socié­té affran­chie du capi­ta­lisme ne devra pié­ti­ner le débat, la polé­mique, la contra­dic­tion et la liber­té de la presse. Problème : les gou­ver­ne­ments capi­ta­listes occi­den­taux ont cap­tu­ré le mot. Leur démo­cra­tie n’existe que contre le tota­li­ta­risme (et, plus tard, le ter­ro­risme). Il a ain­si moqué cette « démo­cra­tie sans qua­li­té pour des hommes sans qua­li­tés65″ : la poli­tique — soit lit­té­ra­le­ment l’an­ta­go­nisme et le dis­sen­sus mêmes — est le pré­re­quis, la condi­tion de la démo­cra­tie. Contre « une concep­tion faible de la démo­cra­tie66″, Bensaïd a indi­qué qu’elle était en réa­li­té le « deve­nir éga­li­taire uni­ver­sel ». La démo­cra­tie vraie — comme dirait de nos jours l’his­to­rienne Ludivine Bantigny — est un scan­dale de tous les ins­tants : elle repousse l’ins­ti­tué et l’é­ta­bli, bous­cule l’ordre don­né pour avan­cer vers plus d’égalité.

Si Bensaïd a bien sûr cri­ti­qué la « démo­cra­tie par­le­men­taire », paro­die de démo­cra­tie s’il en est, il n’a jamais été pour autant un défen­seur fervent de la démo­cra­tie directe. Il tenait pour « sim­pliste67″ l’op­po­si­tion usuelle entre démo­cra­tie repré­sen­ta­tive et démo­cra­tie directe et contes­ta, à plu­sieurs reprises, les vues de Cornelius Castoriadis et d’Hannah Arendt en la matière — le pre­mier comme lau­da­teur intran­si­geant de la démo­cra­tie athé­nienne et des Conseils de tra­vailleurs, la seconde comme par­ti­sane, face aux expé­riences mar­xistes-léni­nistes, de ce tré­sor per­du qu’est la tra­di­tion conseilliste. Son objec­tion majeure ? Il exis­te­ra tou­jours, dans une socié­té moderne, des formes de repré­sen­ta­tion. « Plutôt que de nier le pro­blème, mieux vaut donc le prendre à bras le corps et cher­cher les modes de repré­sen­ta­tions garan­tis­sant le meilleur contrôle des man­dants sur les man­da­taires et limi­tant la pro­fes­sion­na­li­sa­tion du pou­voir68. » Nous serions ten­tés d’ob­jec­ter que Castoriadis ne s’op­po­sait pas à ce type d’en­ca­dre­ment. C’est même ce qu’il appe­lait posi­ti­ve­ment « délé­ga­tion » — et non « repré­sen­ta­tion ». La que­relle nomi­nale a peut-être éloi­gné Bensaïd, assu­ré­ment moins féru d’Antiquité que son pair fran­co-grec, de ce qui se publia de plus abou­ti en la matière. D’autant plus regret­table que la crainte ben­saï­dienne d’as­sis­ter à l’in­ca­pa­ci­té, pour un réseau de Soviets/Conseils révo­lu­tion­naires, de fabri­quer « une poli­tique d’en­semble69″ est levée par l’œuvre cas­to­ria­dienne elle-même, qui envi­sage l’in­té­gra­tion des Conseils dans une struc­ture à la fois hori­zon­tale et ver­ti­cale, coif­fée d’un gou­ver­ne­ment popu­laire des­ti­né à trai­ter ce qui sub­sis­te­ra de centralisation.

[Chili, octobre 2019 : « Tout a commencé à Santiago, avec cette étincelle qui a enflammé le tout : une augmentation de 30 pesos du prix du passage du métro » | Pedro Ugarte | Agence France-Presse]

Pour un « universalisme égalitaire »

Son père avait été arrê­té par la Gestapo en 1943 suite à une dénon­cia­tion. Sa cou­sine et deux de ses oncles furent dépor­tés : aucun ne revint. « J’ai gran­di avec ces fan­tômes, l’ombre du judéo­cide sur les talons70″, a‑t-il confié dans ses mémoires. Son ado­les­cence fut mar­quée par la pré­sence ordi­naire de ces com­mu­nistes, juifs, pour qui le com­mu­nisme était le pro­lon­ge­ment des Lumières : l’i­déal cos­mo­po­lite et la réso­lu­tion, enfin, de la « ques­tion juive ». Et Bensaïd d’en plai­san­ter : la seule rai­son pour laquelle la LCR ne tenait pas ses réunions pri­vées en langue yid­dish, c’é­tait sa pré­sence à lui, cadre séfa­rade. De ce pas­sé col­lec­tif et fami­lial trau­ma­tique, Bensaïd, lec­teur et en cela dis­ciple de Frantz Fanon, n’en­ten­dait pas être l’o­tage : comme tant de ses cama­rades, il refu­sa de « subir la fata­li­té des ori­gines71″. Mais, dans les années 2000, son « uni­ver­sa­lisme réfrac­taire aux nos­tal­gies com­mu­nau­taires31″ a fina­le­ment consen­ti, sans contra­dic­tion, à l’au­to-reven­di­ca­tion par­ti­cu­lière : face à embri­ga­de­ment des Juifs du monde entier par l’État eth­no­con­fes­sion­nel et colo­nial d’Israël, Daniel Bensaïd a mis en avant sa judéi­té afin de refu­ser toute cap­ture éta­tique. Antisioniste, ama­teur de lit­té­ra­ture juive, héri­tier des grands ancêtres, curieux de la mys­tique mais mécréant affi­ché, le pen­seur n’en démor­dit jamais : « On est fier de ce qu’on fait, pas de ce qu’on est72 ! »

Il regar­da avec inquié­tude le « retour aux ori­gines » d’un cer­tain nombre d’in­tel­lec­tuels juifs de son temps. Il refu­sa de concert « la glu des ori­gines73″ et « l’eau gla­cée de l’abs­trac­tion uni­ver­selle74″ : la seule réponse éman­ci­pa­trice qui vaille, pour les Juifs comme d’ailleurs pour tout autre « com­mu­nau­té », rési­dait à ses yeux en un uni­ver­sel tra­mé de sin­gu­la­ri­tés. Une tota­li­té frag­men­tée. Tout en récu­sant avec la der­nière éner­gie la ten­dance contem­po­raine à la seg­men­ta­tion iden­ti­taire, à la dis­sé­mi­na­tion des appar­te­nances butées, Bensaïd s’est tenu à dis­tance de son pôle oppo­sé, éga­le­ment vain à ses yeux : le faux uni­ver­sa­lisme vrai­ment blanc, mas­cu­lin et bour­geois — « l’u­ni­ver­sa­li­té à sens unique75″. Il sou­riait aux injonc­tions creuses à la citoyen­ne­té mon­diale, au métis­sage chic et sans coût, à la poé­sie empha­tique des som­ma­tions à embras­ser tout l’es­pace pla­né­taire. Le seul inter­na­tio­na­lisme hors-sol qui existe, répé­tait-il, est celui de la mar­chan­dise capi­ta­liste. Sinistre iro­nie : la glo­ba­li­sa­tion libé­rale n’a pas accou­ché du vil­lage pla­né­taire pro­mis mais d’un repli géné­ra­li­sé. « Tribus contre tri­bus, cha­pelles contre cha­pelles, eth­nies contre eth­nies76″, consta­tait-il en 2005 dans le pre­mier volume de ses Fragments mécréants.

« Faute du point focal socialiste/communiste, de cet hori­zon d’é­ga­li­té, le monde est condam­né aux col­li­sions par­ti­cu­lières sans fin. »

« On peut s’organiser de façon auto­nome contre des dis­cri­mi­na­tions spé­ci­fiques, mais il faut dans le même temps cher­cher à construire une soli­da­ri­té sur la ques­tion sociale77″, avan­çait-il un an plus tard dans la revue Mouvements. La lutte des classes dis­pose des moyens de rompre l’en­gre­nage délé­tère des luttes com­mu­nau­taires étri­quées ; mieux : elle seule « peut bri­ser l’es­ca­lade des iden­ti­tés exclu­sives78″. En scin­dant l’ordre social en deux grands blocs — les domi­nants et les dépos­sé­dés —, il devient pos­sible de déjouer, sans rien nier des dis­sen­sions internes aux dépos­sé­dés, les pièges de nos temps néo­li­bé­raux. Faute du point focal socialiste/communiste, de cet hori­zon d’é­ga­li­té, le monde est condam­né aux col­li­sions par­ti­cu­lières sans fin — donc à la vic­toire des grands de ce monde. Bensaïd a ain­si sou­te­nu l’au­to­no­mie du mou­ve­ment fémi­niste, s’est régu­liè­re­ment dres­sé contre le dévoie­ment « répu­bli­cain » de la République, oppo­sé à l’is­la­mo­pho­bie et rebif­fé contre le maxi­ma­lisme athée de cer­taines franges de la gauche radi­cale. Rien de sur­pre­nant à cela : en bon léni­niste, il refu­sait que la classe labo­rieuse, par nature com­po­site, se divise sur des ques­tions péri­phé­riques, c’est-à-dire reli­gieuses. Un « uni­ver­sa­lisme éga­li­taire79″ s’offre donc à ses lec­teurs : il puise, en un même geste, dans les sources chaudes de la Révolution fran­çaise et les com­bats du Sud. Et quelle offre ! Pas de « Victime majus­cule80″, pas de vic­times minus­cules mais des sujets poli­tiques, pas d’au­then­ti­ci­té ni de pure­té, pas de rela­ti­visme cultu­rel, pas de « dérives puri­fi­ca­trices81″ jus­ti­fiée par quelque « poli­ti­que­ment cor­rect » éta­su­nien et pas d’hu­ma­ni­té vapo­reuse, irréelle, aveugle à ses spé­ci­fi­ci­tés his­to­riques comme à ses mémoires mul­tiples, mais, une fois encore, l’ins­crip­tion per­ma­nente dans la ten­sion, la contra­dic­tion, le nœud fécond.

Et donc le monde entier

L’invasion cri­mi­nelle de l’Ukraine par le régime pou­ti­nien a ravi­vé les vieux réflexes. Les libé­raux (de droite et de gauche) applau­dissent l’OTAN et les « sou­ve­rai­nistes » (de droite et de gauche) le pou­voir russe. L’OTAN et le Kremlin ont tous deux du sang sur les mains : gageons que Daniel Bensaïd aurait, lui, mar­ché entre les mines. Contre l’adhé­sion aveugle à un camp, le pen­seur a salué la « voie du double refus et du double front82″. Cette posi­tion cri­tique, il la savait aus­si périlleuse que néces­saire. L’internationalisme n’a rien à voir avec la cha­ri­té : l’au­then­tique éga­li­té repose aus­si sur la cri­tique juste des oppri­més. Ainsi, esti­mait Bensaïd, il conve­nait d’ap­puyer le FLN algé­rien sans taire les exé­cu­tions som­maires qu’il pra­ti­quait en interne ; de sou­te­nir Cuba contre l’embargo éta­su­nien sans fer­mer les yeux sur les pro­cès sta­li­niens mis en place par son gou­ver­ne­ment ; d’en­cou­ra­ger sans trem­bler la lutte des Palestiniens, y com­pris armée, sans gar­der le silence sur la cor­rup­tion de ses cadres et le carac­tère contre-pro­duc­tif et immo­ral des atten­tats frap­pant les civils ; d’ap­plau­dir à la résis­tance ira­kienne à l’in­va­sion éta­su­nienne sans jamais célé­brer la dic­ta­ture impi­toyable de Saddam Hussein.

[Mobilisation contre la réforme des retraites, Paris, 23 mars 2023 | Stéphane Burlot]

Cette exi­gence se retrou­vait à l’i­den­tique dans le regard qu’il por­tait sur le Nord. Ainsi a‑t-il, entre autres choses, dénon­cé les « contes et légendes de la guerre éthique83″ dans un livre du même nom, ren­voyé Ben Laden et Bush dans les cordes, ces « bar­ba­ries jumelles84″, ou encore bataillé contre l’in­ter­ven­tion de l’OTAN en Yougoslavie. Le « nous » occi­den­tal ne fut jamais le sien. « [L]’usage d’un nous gros de toute la puis­sance et la condes­cen­dance impé­riale n’a guère fai­bli : nous, les démo­cra­ties ; nous, le monde libre ; nous, les dépo­si­taires de la civi­li­sa­tion ; nous, les Occidentaux ; nous, les bons dit car­ré­ment Bush. Tous amé­ri­cains, comme l’écrivait le len­de­main du 11-Septembre Jean-Marie Colombani dans son édi­to­rial du Monde. C’est cet amé­ri­ca­nisme bouf­fi d’orgueil qui nour­rit l’anti-américanisme dont on nous accuse. Nous usons quant à nous de caté­go­ries poli­tiques et non de caté­go­ries tri­bales. Nous ne com­bat­tons pas l’Amérique mais l’impérialisme, qui est euro­péen tout autant qu’américain10″, écri­vait-il peu de temps après les atten­tats islamistes.

Mais il n’est pas de monde social sans sup­port maté­riel à celui-ci.

Donc sans écologie.

On doit à Daniel Bensaïd l’in­ven­tion du terme « éco­com­mu­nisme« 85. Son inté­rêt pour la ques­tion s’ancre, sans sur­prise, dans les tra­vaux de Marx et d’Engels. L’espèce humaine est par­tie inté­grante de la nature, laquelle est, notait l’au­teur du Capital, son corps inor­ga­nique. Marx, pré­cur­seur de l’é­co­lo­gie ou chantre des machines ? Le débat a mobi­li­sé quan­ti­té d’exé­gètes sur la pla­nète. Dans son Marx, mode d’emploi, Bensaïd tra­çait une route à tra­vers champs : Marx ne fut ni l’un, ni l’autre. Il a sai­si l’hu­main dans son envi­ron­ne­ment natu­rel tout en par­ta­geant les vues pro­gres­sistes et pro­duc­ti­vistes de son temps. L’écologie mar­xiste relève, dirait l’é­co­so­cia­liste Daniel Tanuro, d’un « chan­tier inache­vé86″. Contre une éco­lo­gie irra­tion­nelle et mys­tique, contre une éco­lo­gie réfor­miste bon teint, contre une éco­lo­gie scien­tiste et apo­li­tique, Bensaïd a donc esquis­sé cette éco­lo­gie com­mu­niste. L’humain entré dans la moder­ni­té eut tort de s’être cou­pé du monde vivant, oui ; il n’au­rait pas rai­son, pour­tant, de redi­vi­ni­ser la « Terre-mère » dans l’es­poir de répa­rer cet accroc. La solu­tion rési­dait à ses yeux dans une éco­lo­gie « sub­ver­sive, popu­laire87″, posant la liber­té humaine comme prin­cipe et, par là même, les ques­tions de la pro­prié­té et de la pla­ni­fi­ca­tion (donc de l’État). L’écologie sou­met­tra les lois éco­no­miques à ses besoins et bri­se­ra la dic­ta­ture des mar­chés, ou elle ne sera rien. En d’autres termes : tout éco­lo­giste consé­quent doit sans plus tar­der tra­vailler à une révo­lu­tion sociale.

*

Le coût des révo­lu­tions, d’ac­cord. Mais qu’en est-il de celui des révo­lu­tions man­quées ? Y aurait-il eu le nazisme et la Seconde Guerre mon­diale si les spar­ta­kistes s’é­taient empa­rés du pou­voir en 1919 ? Daniel Bensaïd aimait à poser cette ques­tion. La social-démo­cra­tie est à l’a­go­nie (la pré­si­dence de Mitterrand a « fait des dégâts durables dans le mou­ve­ment ouvrier88″), les éco­sys­tèmes prennent coup sur coup, la tyran­nie du capi­tal pour­suit sa course folle, l’abs­ten­tion grimpe en flèche, le fas­cisme reprend des cou­leurs un peu par­tout et les sou­lè­ve­ments popu­laires se mul­ti­plient. « Être révo­lu­tion­naire, c’est dire que le monde tel qu’il va­ mal n’est pas accep­table et qu’il est plus urgent que jamais de le chan­ger89″, rap­pe­lait Daniel Bensaïd en mai 1999. Les années à venir seront déter­mi­nantes ; une de fois de plus, cela se joue­ra, in fine, entre eux et nous — les natio­na­listes et les par­ta­geux. S’enfermer « dans un ghet­to d’ex­trême gauche90″ n’ai­de­ra pas à l’emporter. C’est un vaste front inédit qu’il nous faut. Et, avec ça, l’œil lucide : « ne pas se racon­ter d’his­toire91″. Lire ou relire Bensaïd ne sera pas du temps perdu.


Photographie de ban­nière : mou­ve­ment contre la réforme des retraites, Paris, 2023 | Stéphane Burlot


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  1. Daniel Bensaïd, Jeanne, de guerre lasse. Chroniques de ce pays [1991], Don Quichotte édi­tions, 2017, p. 49.[]
  2. Il pour­sui­vait : « Il nomme, indis­so­cia­ble­ment le rêve irré­duc­tible d’un autre monde de jus­tice, d’égalité et de soli­da­ri­té ; le mou­ve­ment per­ma­nent qui vise à ren­ver­ser l’ordre exis­tant à l’époque du capi­ta­lisme ; et l’hypothèse qui oriente ce mou­ve­ment vers un chan­ge­ment radi­cal des rap­ports de pro­prié­té et de pou­voir, à dis­tance des accom­mo­de­ments avec un moindre mal qui serait le plus court che­min vers le pire. »[]
  3. Daniel Bensaïd, « Puissances du com­mu­nisme », Contretemps [en ligne], 12 jan­vier 2010.[]
  4. Daniel Bensaïd, « Considérations inac­tuelles sur l’actuel encore actif du Manifeste com­mu­niste » [1998], archives per­son­nelles, Contretemps [en ligne], 1er février 2018.[]
  5. Daniel Bensaïd, « Puissances du com­mu­nisme », art. cit.[]
  6. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, Textuel, 1999, p. 63.[]
  7. Daniel Bensaïd, Moi, la Révolution [1989], Don Quichotte édi­tions, 2017, p. 201.[]
  8. Ibid., p. 233.[]
  9. Ibid., p. 133.[]
  10. Ibid.[][][]
  11. Ibid.[]
  12. Daniel Bensaïd, Une lente impa­tience, Stock, 2004, p. 110.[]
  13. Daniel Bensaïd, Octobre 17, la révo­lu­tion tra­hie. Retour cri­tique sur la Révolution russe, Lignes, 2017, p. 19.[]
  14. Daniel Bensaïd, « Trotsky, un pas­seur du siècle », Rouge, 2000.[]
  15. « Entretien avec Daniel Bensaïd – Le rouge », Antoine Robitaille, Le Devoir,
  16. Daniel Bensaïd, « Trotsky, un pas­seur du siècle », art. cit.[]
  17. « Entretien avec Daniel Bensaïd – Le rouge », art. cit
  18. Daniel Bensaïd, Octobre 17, la révo­lu­tion tra­hie. Retour cri­tique sur la Révolution russe, op. cit., p. 44.[]
  19. « Un entre­tien avec Daniel Bensaïd sur l’apport de Rosa Luxemburg » [mai 2010], David Muhlmann, Contretemps [en ligne], 15 jan­vier 2019.[]
  20. Daniel Bensaïd, La Politique comme art stra­té­gique, Éditions Syllepse, 2011, p. 47.[]
  21. « Un entre­tien avec Daniel Bensaïd sur l’apport de Rosa Luxemburg », art. cit.[]
  22. Daniel Bensaïd, Fragments radio­pho­niques. 12 entre­tiens pour inter­ro­ger le ving­tième siècle, Éditions du cro­quant, 2020, p. 26.[]
  23. Ibid., p. 45.[]
  24. Daniel Bensaïd, « Communisme contre sta­li­nisme. Une réponse au Livre noir du com­mu­nisme », Rouge, n° 1755, 1997.[]
  25. Daniel Bensaïd, Fragments radio­pho­niques. 12 entre­tiens pour inter­ro­ger le ving­tième siècle, p. 30.[]
  26. Rosa Luxemburg, La Révolution russe [1918], L’aube, 2013, p. 55.[]
  27. Daniel Bensaïd, « Communisme contre sta­li­nisme. Une réponse au Livre noir du com­mu­nisme », art. cit.[]
  28. Daniel Bensaïd, Fragments radio­pho­niques. 12 entre­tiens pour inter­ro­ger le ving­tième siècle, op. cit., p. 133.[]
  29. Daniel Bensaïd, Octobre 17, la révo­lu­tion tra­hie. Retour cri­tique sur la Révolution russe, op. cit., p. 32.[]
  30. Daniel Bensaïd et Olivier Besancenot, Prenons par­ti. Pour un socia­lisme du XXIe siècle, Éditions Mille et une nuits, 2009, p. 334.[]
  31. Ibid.[][][]
  32. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 60.[]
  33. Hakim Bey, TAZ. Zone auto­nome tem­po­raire, Éditions de l’é­clat, 2011, p. 32.[]
  34. Ibid., p. 25.[]
  35. John Holloway, Changer le monde sans prendre le pou­voir. Le sens de la révo­lu­tion aujourd’­hui, Éditions Syllepse et Lux, 2007, p. 36.[]
  36. Ibid., p. 298.[]
  37. Miguel Benasayag, Abécédaire de l’en­ga­ge­ment, Bayard, 2004, p. 236.[]
  38. Comité invi­sible, Maintenant, La Fabrique, 2017, p. 151.[]
  39. Daniel Bensaïd, « Considérations inac­tuelles sur l’actuel encore actif du Manifeste com­mu­niste », art. cit.[]
  40. Daniel Bensaïd, Walter Benjamin, sen­ti­nelle mes­sia­nique. À la gauche du pos­sible [1990], Les prai­ries ordi­naires, 2010, p. 37.[]
  41. Daniel Bensaïd, Le Spectacle, stade ultime du féti­chisme de la mar­chan­dise. Marx, Marcuse, Debord, Lefebvre, Baudrillard…, Lignes, 2011, p. 39.[]
  42. Ibid., p. 35.[]
  43. Daniel Bensaïd, Octobre 17, la révo­lu­tion tra­hie. Retour cri­tique sur la Révolution russe, op. cit., p. 77.[]
  44. Entretien paru dans la revue argen­tine Praxis en mai 2006. En fran­çais : « Penser la poli­tique. Un entre­tien avec Daniel Bensaïd », Contretemps [en ligne], 12 jan­vier 2008.[]
  45. Daniel Bensaïd, La Politique comme art stra­té­gique, Éditions Syllepse, 2011, p. 33.[]
  46. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 66.[]
  47. Daniel Bensaïd, Tout est encore pos­sible. Entretiens avec Fred Hilgemann, La Fabrique, 2010, p. 69.[]
  48. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 69.[]
  49. « Un entre­tien avec Daniel Bensaïd sur l’apport de Rosa Luxemburg », art. cit.[][]
  50. Daniel Bensaïd, « Terreurs et vio­lences »[2007], Contretemps [en ligne], 15 octobre 2008.[]
  51. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 100.[]
  52. Daniel Bensaïd, Le Pari mélan­co­lique, Fayard, 1997, p. 52.[]
  53. Daniel Bensaïd, « République(s) », Une radi­ca­li­té joyeu­se­ment mélan­co­lique. Textes (1992–2006), Textuel, p. 127.[]
  54. Ibid., pp. 19–20.[]
  55. Daniel Bensaïd, Le Sourire du spectre. Nouvel esprit du com­mu­nisme, Éditions Michalon, 2000, p. 115.[]
  56. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 39.[]
  57. Daniel Bensaïd, Penser Agir, Lignes, 2008, p. 302.[]
  58. Daniel Bensaïd, Un nou­veau théo­lo­gien. Bernard-Henri Lévy, Fragments mécréants, 2, Lignes, 2007, p. 26.[]
  59. Entretien paru dans la revue argen­tine Praxis en mai 2006, art. cit.[]
  60. « Nous avions aus­si quelques désac­cords, puisque Daniel était un authen­tique léni­niste — mais capable d’une lec­ture sub­tile et nova­trice de Vladimir Ilitch — et moi un adepte, mieux, un amou­reux, de Rosa Luxemburg », a pré­ci­sé un jour Löwy.[]
  61. Olivier Besancenot et Michael Löwy, Affinités révo­lu­tion­naires. Nos étoiles rouges et noires. Pour une soli­da­ri­té entre mar­xistes et liber­taires, Éditions Mille et une nuits, 2014, p. 133.[]
  62. Ibid., p. 125.[]
  63. « Daniel Bensaïd, du léni­nisme pres­sé à la lente impa­tience », Contretemps [en ligne], 20 jan­vier 2020.[]
  64. Daniel Bensaïd, Éloge de la poli­tique pro­fane, Albin Michel, 2008, p. 221.[]
  65. Daniel Bensaïd, « Le scan­dale per­ma­nent », in Démocratie, dans quel état ?, La Fabrique, 2009, p. 31.[]
  66. Daniel Bensaïd, « Le scan­dale per­ma­nent » : ver­sion longue, en ligne.[]
  67. Daniel Bensaïd, Le Pari mélan­co­lique, op. cit., p. 103.[]
  68. Daniel Bensaïd, « Le scan­dale per­ma­nent », in Démocratie, dans quel état ?, op. cit., p. 48.[]
  69. Daniel Bensaïd, Le Pari mélan­co­lique, op. cit., p. 103.[]
  70. Daniel Bensaïd, Une lente impa­tience, op. cit. p. 381.[]
  71. Ibid., p. 389.[]
  72. Daniel Bensaïd, Fragments radio­pho­niques. 12 entre­tiens pour inter­ro­ger le ving­tième siècle, op. cit., p. 80.[]
  73. Daniel Bensaïd, Un nou­veau théo­lo­gien. Bernard-Henri Lévy, op. cit., p. 103.[]
  74. Ibid., p. 105.[]
  75. Daniel Bensaïd, Le Sourire du spectre. Nouvel esprit du com­mu­nisme, op. cit., p. 159.[]
  76. Daniel Bensaïd, Fragments mécréants. Sur les mythes iden­ti­taires et la République ima­gi­naire [2005], Lignes, 2018, p. 9.[]
  77. « Quand l’histoire nous désen­chante – entre­tien avec Daniel Bensaïd », Irène Jami, Wasserman Gilbert et Patrick Simon, Mouvements, n° 44, mars 2006.[]
  78. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 37.[]
  79. « Entretien avec Daniel Bensaïd sur le rôle des intel­lec­tuels », Jean-Claude Poizat, Le Philosophoire, n° 37, jan­vier 2012.[]
  80. Daniel Bensaïd, Fragments mécréants. Sur les mythes iden­ti­taires et la République ima­gi­naire, op. cit. p. 148.[]
  81. Daniel Bensaïd, Le Pari mélan­co­lique, op. cit., p. 212.[]
  82. Daniel Bensaïd, Fragments mécréants. Sur les mythes iden­ti­taires et la République ima­gi­naire, op. cit., p. 153.[]
  83. Daniel Bensaïd, Contes et légendes de la guerre éthique, Textuel, 1999.[]
  84. Daniel Bensaïd, « Dieu, que ces guerres sont saintes ! », Contretemps, n° 3, février 2002.[]
  85. Voir Daniel Bensaïd, Le Sourire du spectre. Nouvel esprit du com­mu­nisme, op. cit.[]
  86. Daniel Tanuro, « L’écologie de Marx, chan­tier inache­vé », L’Anticapitaliste, n° 142, jan­vier 2023.[]
  87. Daniel Bensaïd, « L’écologie n’est pas soluble dans la mar­chan­dise », Contretemps, n° 4, mai 2002.[]
  88. Daniel Bensaïd, Fragments radio­pho­niques. 12 entre­tiens pour inter­ro­ger le ving­tième siècle, op. cit., p. 125.[]
  89. « Daniel Bensaïd, phi­lo­sophe et membre diri­geant de la LCR. La pro­prié­té est un pou­voir des­po­tique », Christophe Forcari, Libération, 24 mai 1999.[]
  90. Daniel Bensaïd, Éloge de la résis­tance à l’air du temps, op. cit., p. 114.[]
  91. Daniel Bensaïd, Penser Agir, op. cit., p. 76.[]

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