Pablo Iglesias : « Faire pression sur Syriza, c’est faire pression sur Podemos, pour montrer qu’il n’y a pas d’alternative »


Entretien de la New Left Review traduit pour le site de Ballast

Le 24 mai der­nier, Podemos et ses listes citoyennes rem­por­taient les élec­tions muni­ci­pales et régio­nales en Espagne — ébran­lant ain­si l’an­cien sys­tème poli­tique domi­né par le Parti socia­liste et le Parti popu­laire et sus­ci­tant, en France, l’en­thou­siasme et l’es­poir de beau­coup, en ces temps sinistres. Dans cet entre­tien paru il y a quatre jours dans les pages de la New Left Review, Pablo Iglesias revient sur l’a­na­lyse de la situa­tion poli­tique espa­gnole et la stra­té­gie du jeune mou­ve­ment, né en jan­vier 2014. Contradictions à affron­ter, appa­ri­tion d’un concur­rent comme le par­ti Cuidadanos, causes de la crise éco­no­mique et du récit offi­ciel, post-fran­quisme, gauche et droite, Games of Thrones, rap­port de Podemos à l’État monar­chique et pres­sions alle­mandes contre la Grèce : le porte-parole s’ex­plique en détail. Nous avons tenu à le tra­duire afin de nour­rir le débat cri­tique francophone.


V pabloiglesias ous avez écrit sur les influences intel­lec­tuelles qui façonnent l’ap­proche de Podemos, en sou­li­gnant les tra­vaux d’Ernesto Laclau et de Chantal Mouffe. On peut leur adres­ser trois cri­tiques en tant que pen­seurs stra­té­giques. La pre­mière est, qu’au contraire des écrits d’Antonio Gramsci, leur Hégémonie et stra­té­gie socia­liste n’ap­porte pas d’ou­tils d’a­na­lyse des tac­tiques de l’en­ne­mi (la caste, c’est-à-dire le bloc libé­ral-conser­va­teur de centre gauche et centre droit). Deuxièmement, leurs tra­vaux ne disent pas grand-chose sur la dyna­mique capi­ta­liste et, sur le fond, traitent le champ éco­no­mique comme non-pro­blé­ma­tique — alors que la condi­tion d’ap­pa­ri­tion de Podemos est la crise éco­no­mique mon­diale. Troisièmement, encore une fois à la dif­fé­rence de Gramsci, Hégémonie et stra­té­gie socia­liste a beau­coup à dire sur le dis­cours mais très peu sur les actions (l’é­la­bo­ra­tion d’un pro­gramme de base concret). La réponse à la pre­mière ques­tion est : une stra­té­gie de l’é­lite. Face à la crise de régime qui pointe le bout du nez, les diri­geants espa­gnols semblent avoir adop­té une poli­tique de neu­tra­li­sa­tion en éli­mi­nant les fac­teurs poten­tiel­le­ment aggra­vants, tel l’ex-roi Juan Carlos qui a été rem­pla­cé par un Bourbon au teint plus frais, et en pré­sen­tant Ciudadanos comme un par­ti libé­ral « propre » ; une opé­ra­tion plus réus­sie que pour To Potami en Grèce. Comme vous le dites, la visi­bi­li­té de Podemos à la télé­vi­sion s’est aus­si réduite. Ces déve­lop­pe­ments ont-ils alté­ré les bases de la triple hypo­thèse de Podemos ? En ce moment, les quatre grands par­tis (Podemos, Ciudadanos, PSOE, PP) gra­vitent autour de 20 % des voix, ce qui fait une majo­ri­té libé­rale-conser­va­trice de 60 % contre un vote anti-aus­té­ri­taire de 25 %, pour l’en­semble Podemos et Izquierda Unida.

De toute évi­dence, l’ad­ver­saire joue un rôle et les termes de l’af­fron­te­ment ont chan­gé. Il est vrai que le ter­rain média­tique est bien moins accueillant pour nous, à pré­sent. Développer Ciudadanos a été un coup très malin de leur part — pas tel­le­ment parce que ce par­ti draine direc­te­ment des votes de chez Podemos, mais sur­tout parce que, au niveau du dis­cours, il attaque notre place dans les médias et notre posi­tion en tant qu’op­tion du renou­veau. Il y a désor­mais un autre par­ti du « chan­ge­ment », qui pré­sente des traits fort dif­fé­rents — Ciudadanos étant en grande par­tie issu de l’es­ta­blish­ment libé­ral. Alors oui, nous sommes en train de refor­mu­ler l’hy­po­thèse Podemos. Permettez-moi de vous expli­quer. Notre objec­tif clef a tou­jours été d’occuper la cen­tra­li­té du champ poli­tique en tirant par­ti de la crise orga­nique immi­nente. Cela n’a rien à voir avec le « centre » poli­tique du dis­cours bour­geois. Notre défi dans cette « guerre de posi­tion », en termes gram­sciens, fut de créer un nou­veau « sens com­mun » qui nous aurait per­mis d’oc­cu­per une posi­tion trans­ver­sale, au cœur du spectre poli­tique nou­vel­le­ment refor­mu­lé. En ce moment, l’es­pace poli­tique qui était à prendre se réduit du fait de ces contre-attaques du pou­voir, par­mi les­quelles on compte la pro­mo­tion de Ciudadanos. Ainsi, notre tâche est deve­nue plus dif­fi­cile ; elle requiert une nou­velle intel­li­gence stra­té­gique. De même, ces inter­ven­tions de l’ad­ver­saire ont créé d’autres contra­dic­tions dans notre camp. Nous fai­sons face à trois dif­fi­cul­tés immédiates.

« Notre objec­tif clef a tou­jours été d’occuper la cen­tra­li­té du champ poli­tique en tirant par­ti de la crise orga­nique imminente. »

La pre­mière est que ce dépla­ce­ment nous replace dans ce que nous avons consi­dé­ré, depuis le début, comme un axe per­dant : l’axe gauche-droite tra­di­tion­nel. Nous pen­sons que, sur cette base, il n’y a pas de pos­si­bi­li­té de chan­ge­ment en Espagne. Le risque auquel nous fai­sons face aujourd’­hui est d’être pré­ci­sé­ment repla­cé dans cet axe, par oppo­si­tion au fait de défi­nir une nou­velle cen­tra­li­té qui, au risque de me répé­ter, n’a rien à voir avec le centre du spectre poli­tique. Le second risque, ou défi, est que, dans ce nou­veau pay­sage, le dis­cours plé­béien de Podemos (expri­mé en termes de « ceux d’en bas » contre « ceux d’en haut », les oli­garques) puisse être réin­ter­pré­té comme le dis­cours tra­di­tion­nel de l’ex­trême gauche. Le résul­tat étant que Podemos risque de perdre son attrait trans­ver­sal et la pos­si­bi­li­té d’oc­cu­per la nou­velle cen­tra­li­té. Le troi­sième défi, qui est aus­si un outil poten­tiel, est celui de la nor­ma­li­sa­tion. Nous n’ap­pa­rais­sons plus comme des out­si­ders ; le fac­teur de nou­veau­té se dilue petit à petit. Mais, en même temps, Podemos est aujourd’­hui plus fort, avec plus d’ex­pé­rience et une capa­ci­té de repré­sen­ta­tion accrue. Dans peu de temps, nous ferons face à l’é­norme défi d’être capables de ré-accor­der (ou d’af­fi­ner) notre dis­cours afin d’es­qui­ver ces contre-attaques et de rou­vrir l’es­pace désor­mais fer­mé. Tels sont nos défis dans les mois à venir. Ils ne seront pas faciles pour nous.

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Laclau et Mouffe (DR)

Un exemple concret est le scé­na­rio com­plexe d’au­jourd’­hui [15 avril], avec la visite du roi d’Espagne au Parlement euro­péen. Ceci nous confronte à une ques­tion dif­fi­cile : la monar­chie. Pourquoi dif­fi­cile ? Parce qu’elle nous inter­dit immé­dia­te­ment la cen­tra­li­té du ter­rain. Grosso modo, il y a deux options. La pre­mière, tra­di­tion­nel­le­ment adop­tée par la gauche (Izquierda Unida par exemple), est de dire : « Nous sommes répu­bli­cains. Nous ne recon­nais­sons pas la monar­chie, nous n’i­rons donc pas à la récep­tion en l’hon­neur du roi d’Espagne. Nous ne recon­nais­sons pas cet espace de légi­ti­mi­té pour le chef d’État. » Même si c’est une posi­tion éthi­que­ment et mora­le­ment louable, ce que nous concé­dons et admet­tons, elle nous place immé­dia­te­ment dans l’es­pace de la gauche radi­cale, dans un cadre très tra­di­tion­nel. Cela nous aliène ins­tan­ta­né­ment de larges couches de la popu­la­tion qui res­sentent de la sym­pa­thie pour le nou­veau roi, et cela quoi­qu’elles puissent pen­ser à pro­pos d’autres ques­tions, et mal­gré l’as­so­cia­tion men­tale entre l’an­cien roi et la cor­rup­tion de l’an­cien régime. La monar­chie est par­mi les ins­ti­tu­tions des plus hau­te­ment esti­mées en Espagne ; par consé­quent, cette posi­tion met en scène un anta­go­nisme entre des couches sociales qui sont cru­ciales pour le chan­ge­ment poli­tique. Deux options donc : soit nous n’al­lons pas à la récep­tion et res­tons blo­qués dans la grille d’a­na­lyse tra­di­tion­nelle de l’ex­trême gauche, dans laquelle il y a très peu de pos­si­bi­li­tés pour des actions poli­tiques ; soit nous y allons, mais du coup Podemos appa­raît entou­ré par les par­tis de la caste, res­pec­tant le cadre ins­ti­tu­tion­nel, comme des traîtres, des monar­chistes ou que sais-je…

« Cette posi­tion répu­blique contre monar­chie met en scène un anta­go­nisme entre des couches sociales qui sont cru­ciales pour le chan­ge­ment politique. »

Qu’avons-nous alors fait dans ce scé­na­rio incon­for­table et contra­dic­toire ? Nous y sommes allés avec notre esthé­tique habi­tuelle, nos vête­ments de tous les jours, en igno­rant leur pro­to­cole. C’est une toute petite chose, mais c’est sym­bo­li­que­ment repré­sen­ta­tif de ce que fait Podemos. En outre, j’ai don­né en cadeau au roi les DVD de Game of Thronesen les pré­sen­tant comme un outil d’in­ter­pré­ta­tion de ce qui se passe en Espagne. Notre but est de jouer avec ces contra­dic­tions et ces posi­tion­ne­ments, avec un mes­sage iro­nique qui est aus­si un geste plé­béien, et qui jus­qu’à pré­sent fonc­tionne d’ailleurs très bien avec les médias. Cela nous per­met de diri­ger la conver­sa­tion : non pas monar­chie contre répu­blique, un dis­cours immé­dia­te­ment inter­pré­té avec les termes héri­tés de la guerre civile espa­gnole, ce qui est mal­heu­reu­se­ment un cadre per­du d’a­vance dans la bataille pour l’in­ter­pré­ta­tion des faits sociaux. Au lieu de cela, nous essayons de dire que c’est un pro­blème de démo­cra­tie : les citoyens devraient, et doivent, avoir le droit d’é­lire leur chef d’État. D’un autre côté, nous ne vou­lons pas res­sem­bler à n’im­porte quel autre par­ti ins­ti­tu­tion­nel qui sou­tient la monar­chie. D’où le geste plé­béien et iro­nique qui per­met à Podemos de jouer avec la trans­ver­sa­li­té, mal­gré le risque que cela entraîne. Bien sûr, c’est une pos­ture com­plexe à main­te­nir, mais c’est la seule qui puisse gar­der le jeu poli­tique un mini­mum ouvert, qui puisse per­mettre à Podemos de jouer au cœur de ces contra­dic­tions et ne pas être relé­gué vers une posi­tion pure mais impuis­sante, dans le but de remettre en cause le sta­tu quo.

Eh bien, on pour­rait aus­si avoir autre chose à faire que d’as­sis­ter à une récep­tion pour le roi d’Espagne ! Mais com­ment le cadeau de Game of Thrones com­mu­nique-t-il le mes­sage que les gens devraient élire leur chef d’État ?

« La pos­si­bi­li­té de décla­rer au monarque que toutes les options sont sur la table et qu’un citoyen peut effec­ti­ve­ment expri­mer cette volon­té est en soi un geste subversif. »

Une manière concrète de tra­duire le mes­sage est de dire que ce qui est à l’œuvre dans Game of Thrones est une crise de régime, c’est-à-dire que l’i­mage du roi n’est pas celle d’une per­son­na­li­té ins­ti­tu­tion­nel­le­ment conso­li­dée, mais plu­tôt une image fra­gile qui est constam­ment remise en ques­tion et qui peut chan­ger à tout moment. J’ai dit au roi : « Cela pour­rait vous être utile pour com­prendre ce qui se passe en Espagne. » C’est un mes­sage très agres­sif : « Dans le jeu poli­tique, il se peut que vous ces­siez bien­tôt d’être le chef de l’État, parce que c’est ain­si que la poli­tique fonc­tionne. » Il s’a­git d’une manière iro­nique et oblique de dire que, pour nous, en démo­cra­tie, toutes les options sont pos­sibles. Éviter un cadre per­dant et trans­for­mer ce cadre de manière à ce que les gens per­çoivent ce que nous avons fait en : « Pablo Iglesias a osé par­ler au roi en usant d’un ton inima­gi­nable pour un lea­der poli­tique tra­di­tion­nel. » Ainsi, grâce à ce geste iro­nique, ce qui est impli­cite dans ce cas-ci mais a été expli­ci­te­ment dit en bien d’autres (en par­ti­cu­lier lors de l’ab­di­ca­tion de Juan Carlos), est que toutes les options sont pos­sibles en démo­cra­tie, que rien ne devrait être pris pour acquis. Dans cet espace très ins­ti­tu­tion­na­li­sé et sté­rile d’ac­tions poli­tiques, la pos­si­bi­li­té de décla­rer au monarque —par défi­ni­tion, non-élu — que toutes les options sont sur la table et qu’un citoyen peut effec­ti­ve­ment expri­mer cette volon­té est en soi un geste subversif.

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Le roi Felipe VI (Reuters)

Il y a évi­dem­ment une autre lec­ture pos­sible de Game of Thrones, celle d’une banale com­bi­nai­son d’é­ro­tisme légè­re­ment sadique et de guerre pseu­do-médié­vale san­gui­no­lente, entre­cou­pée de moments de fausse grande stra­té­gie. Mais avan­çons vers la deuxième cri­tique de Hégémonie et stra­té­gie socia­liste : le pro­blème de la crise éco­no­mique et le pro­gramme éco­no­mique mini­mal de Podemos. Vous aviez aupa­ra­vant évo­qué un audit de la dette, c’est-à-dire ouvrir les livres de compte, ce qui semble un pre­mier pas essen­tiel. Ce qui dis­tingue Podemos de Ciudadanos, ain­si que du PP et du PSOE, est que vous êtes contre l’aus­té­ri­té. Comment allez-vous tra­duire cela en pro­gramme, dans le cadre de la refor­mu­la­tion de l’hy­po­thèse Podemos ?

Il est vrai qu’il y a un pas énorme entre Hégémonie et stra­té­gie socia­liste et La Raison popu­liste, mais même si je me sens plus à mon aise avec le pre­mier ouvrage, j’ad­mets que Laclau a été très hon­nête en recon­nais­sant le pro­blème qu’ont les gram­sciens (et sur­tout les néo­gram­sciens) lors­qu’ils abordent et expliquent la rela­tion entre struc­ture et super­struc­ture. La Raison popu­liste résout ce pro­blème en pre­nant ses dis­tances avec le mar­xisme, donc en contour­nant toute la ques­tion, si je puis dire. D’un point de vue théo­rique, je ne m’as­so­cie­rais pas avec cela mais je pour­rais admettre qu’a­vec La Raison popu­liste Laclau nous offre un outil, ou un méca­nisme théo­rique, très utile pour l’in­ter­pré­ta­tion pra­tique de l’au­to­no­mie de la poli­tique. Il est entiè­re­ment vrai qu’il n’y aurait pas eu de crise du régime sans crise finan­cière, en Espagne ou ailleurs. Mais un pro­blème clas­sique chez les mar­xistes a été pré­ci­sé­ment l’in­ter­pré­ta­tion (ou même la com­pré­hen­sion) des méca­nismes inter­mé­diaires entre crise éco­no­mique et crise poli­tique. La dis­tinc­tion gauche-droite, ain­si que les outils concep­tuels gauche-droite, posent d’é­normes pro­blèmes pour l’in­ter­pré­ta­tion de l’es­pace poli­tique qui est en train de s’ou­vrir en ce moment en Espagne.

« La dis­tinc­tion gauche-droite pose d’é­normes pro­blèmes pour l’in­ter­pré­ta­tion de l’es­pace poli­tique qui est en train de s’ou­vrir en ce moment en Espagne. »

La situa­tion actuelle est, en quelque sorte, com­pa­rable à celle des années 30. Dans les années 30, il sem­blait y avoir deux options face à la crise éco­no­mique et aux crises poli­tiques qui en ont résul­té, ces der­nières ayant dif­fé­rents ava­tars selon le pays. L’une était le fas­cisme en tant que stra­té­gie de retour à l’ordre des classes domi­nantes ; l’autre, l’op­tion com­mu­niste, fut celle du Front popu­laire : la défense de la démo­cra­tie bour­geoise comme option stra­té­gique ou de tran­si­tion, en vue de réa­li­ser ulté­rieu­re­ment les objec­tifs socia­listes. Aujourd’hui, la com­pa­rai­son serait que l’op­tion d’une stra­té­gie socia­liste (ou une cri­tique mar­xiste du néo­li­bé­ra­lisme) pose d’im­menses pro­blèmes en termes pra­tiques et poli­tiques, c’est-à-dire d’ex­pri­mer une réelle oppo­si­tion qui aurait au moins une chance de résis­ter à l’é­tat actuel des choses. Ainsi, la stra­té­gie que nous avons sui­vie a été d’ex­pri­mer un dis­cours sur la récu­pé­ra­tion de la sou­ve­rai­ne­té, sur les droits sociaux, et même sur les droits de l’homme — le tout dans un cadre euro­péen. Même si cela entraîne d’é­normes contra­dic­tions et ambi­guï­tés, cela a prou­vé notre capa­ci­té d’ar­ti­cu­ler un mou­ve­ment socio-poli­tique qui puisse tenir tête au régime, dans le contexte d’une vic­toire écra­sante du néo­li­bé­ra­lisme et de la faible adhé­sion aux cri­tiques mar­xistes. Dans ce sens-ci, c’est une stra­té­gie viable lors­qu’elle est adop­tée sur ce terrain.

Ces ambi­guï­tés et contra­dic­tions sont liées à quelque chose que nous recon­nais­sons aisé­ment : nous ne sommes pas en train d’ap­pli­quer une stra­té­gie de tran­si­tion au socia­lisme, mais sommes plus modestes en adop­tant une approche néo-key­né­sienne, tout comme la gauche euro­péenne, en deman­dant plus d’in­ves­tis­se­ments et le ren­for­ce­ment des droits sociaux et de la redis­tri­bu­tion. Cela nous place sur un ter­rain dif­fi­cile, ouvert aux cri­tiques clas­siques des pré­ten­tions néo-key­né­siennes. Pour des rai­sons iden­tiques, nous pré­fé­rons par­ler de « la caste », les élites pri­vi­lé­giées qui ont détour­né le pou­voir du peuple. En Espagne du moins, il sem­ble­rait que stra­té­gi­que­ment ce fut la seule façon de créer quelque chose qui n’exis­tait pas. Il est vrai que ce choix du com­pro­mis génère des ambi­guï­tés, au moins tant que nous n’au­rons pas pris le contrôle de l’État et de ses ins­ti­tu­tions. Car il y a deux moments : ce moment-ci, le moment stra­té­gique pour ain­si dire, et puis le moment de l’État ; l’un est indis­so­ciable de l’autre.

Podemos (DR)

Permettez-nous de creu­ser un peu plus dans cette direc­tion : en Espagne, la dette publique est en réa­li­té une dette du sec­teur ban­caire que l’État a assu­mé. Les gou­ver­ne­ments Zapatero puis Rajoy ont impo­sé une réécri­ture de la Constitution afin de satis­faire les exi­gences de Merkel pour un « frein à l’en­det­te­ment » et dévas­té les lois du tra­vail — c’é­tait le prix du sau­ve­tage à hau­teur de 100 mil­liards d’eu­ros du sec­teur ban­caire pri­vé. Les mil­liards qui vont aux banques pro­viennent des res­tric­tions bud­gé­taires qui touchent les retraites, crèches, hôpi­taux, l’é­du­ca­tion, le sec­teur public et les salaires. Derrière le PP, le PSOE et la « caste » se tient le bloc mené par l’Allemagne des puis­sances et ins­ti­tu­tions euro­péennes, qui font appli­quer les poli­tiques d’aus­té­ri­té. Derrière eux encore se tiennent le Trésor amé­ri­cain et Wall Street. L’Espagne a jus­qu’i­ci été trai­tée moins dure­ment que la Grèce ; le ciblage mora­le­ment ignoble de Berlin sur la Grèce en vue de la calom­nier et la punir a été poli­ti­que­ment bien cal­cu­lé. La ques­tion est : quelles mesures concrètes va faire appli­quer Podemos afin de faire pen­cher la balance contre le sec­teur de la finance et en faveur de la masse du peuple ?

Commençons avec la Grèce. Nos cama­rades grecs ont déve­lop­pé une stra­té­gie simi­laire dans un contexte très dif­fé­rent. Cette stra­té­gie a deux élé­ments de base. Le pre­mier est la ten­ta­tive de Syriza de rebâ­tir le carac­tère ins­ti­tu­tion­nel de son propre gou­ver­ne­ment, lequel avait été entiè­re­ment sapé et détruit. Par exemple, en réunis­sant les condi­tions de base d’une réforme de l’im­pôt qui per­met­trait à l’État une cer­taine marge de manœuvre au niveau des poli­tiques publiques, afin de répa­rer le tis­su social et recons­truire les liens détruits par l’aus­té­ri­té. Le second élé­ment est la stra­té­gie en poli­tique étran­gère de Syriza, qui aspire à géné­rer des contra­dic­tions au sein du bloc hégé­mo­nique de l’Eurogroupe. Il y eut de timides ten­ta­tives, sur­tout au début, qui visaient la manière dont l’Allemagne gérait toute la situa­tion, et il était clair que le but était de créer des fis­sures dans le consen­sus dominant.

Notre stra­té­gie devra être dif­fé­rente car elle par­ti­rait du fait que l’Espagne repré­sente 13 % du PIB de la zone euro, alors que la Grèce n’at­teint que 3 à 4 %. Nous pren­drons comme point de départ le fait que notre marge de manœuvre sera plus grande. Bien évi­dem­ment, nous abor­de­rons la même ques­tion de la réforme fis­cale, dans le but d’ac­croître les dépenses publiques en inves­tis­se­ments et poli­tiques sociales, retraites incluses, et de mettre fin à la baisse des salaires pour sou­te­nir la consom­ma­tion. Ce sera seule­ment depuis cette posi­tion, après avoir sécu­ri­sé le ter­rain, que nous pour­rons abor­der la ques­tion de la dette au niveau euro­péen — dans le cadre géné­ral d’une restruc­tu­ra­tion de la dette liée à la crois­sance éco­no­mique au niveau natio­nal, par exemple. Cela pré­sup­pose que seule une stra­té­gie au niveau euro­péen qui pour­rait créer des contra­dic­tions chez l’ad­ver­saire, sur­tout chez les forces sociale-démo­crates, pour­rait ouvrir la pos­si­bi­li­té d’un para­digme réel­le­ment alter­na­tif aux poli­tiques d’austérité — lequel à l’heure actuelle n’existe pas. Nous sommes par­fai­te­ment conscients de l’im­mense résis­tance que cela ren­con­tre­rait, en pre­mier lieu dans notre propre appa­reil d’État, puis bien sûr au sein de l’Eurogroupe. Mais si un pays aus­si petit et faible que la Grèce a réus­si à deve­nir un si grand fac­teur d’ins­ta­bi­li­té dans la zone euro, notre capa­ci­té à cau­ser des contra­dic­tions simi­laires (par­mi les forces social-démo­crates, voire popu­laires) sera d’au­tant plus grande. Ces forces com­pren­dront que le pro­jet euro­péen n’est pas com­pa­tible avec les poli­tiques d’aus­té­ri­té, et cela ouvri­ra un espace poli­tique sur la ques­tion de l’économie.

Avez-vous été sur­pris par l’in­tran­si­geance de Berlin face à la Grèce, qui a exi­gé que Syriza se mette à cou­per dans les retraites avant que l’argent des cré­di­teurs ne soit délivré ?

« C’est un refrain constant en Espagne : « Vous vou­lez voter Podemos ? Regardez ce qui se passe en Grèce. » »

Je n’ai pas été sur­pris, pour deux rai­sons. Premièrement, parce que même si la Grèce est un État faible, c’est un État qui défie ouver­te­ment et remet en ques­tion le modèle de gou­ver­nance de l’UE sous hégé­mo­nie alle­mande : le défi ne cor­res­pond donc pas à la taille du pays. La seconde rai­son est que Podemos est un aus­si un joueur, désor­mais, un chal­len­ger dans la qua­trième plus grosse éco­no­mie de la zone euro. Nos cama­rades grecs nous ont dit que le fait que nous soyons si hauts dans les son­dages n’est pas néces­sai­re­ment une bonne chose pour eux, parce que tout résul­tat accom­pli par Syriza sera vu comme une sti­mu­la­tion pour Podemos, une bouf­fée d’oxy­gène pour nous. Ainsi donc, leur but actuel n’est pas sim­ple­ment de contrer les efforts du gou­ver­ne­ment grec, il s’a­git de fer­mer la porte à d’autres pré­ten­dants, tels que nous. Faire pres­sion sur Syriza signi­fie faire éga­le­ment pres­sion sur Podemos, pour mon­trer qu’il n’y a pas d’al­ter­na­tive. C’est un refrain constant en Espagne : « Vous vou­lez voter Podemos ? Regardez ce qui se passe en Grèce. »

De notre point de vue, Alexis Tsipras a été très malin en ten­tant de fabri­quer cette image d’une Allemagne iso­lée, dont les inté­rêts, même en poli­tique étran­gère, ne coïn­cident pas néces­sai­re­ment avec le reste de l’Europe. C’est ce qu’il a ten­té de faire avec la France et l’Italie, avec moins de suc­cès, mais éga­le­ment avec les pays de l’Est, afin de mettre en lumière le fait que les inté­rêts de l’Allemagne ne sont pas for­cé­ment les mêmes que ceux de l’Union euro­péenne. Ces visites ont été une manière intel­li­gente de sug­gé­rer qu’il y a de nou­veaux États euro­péens pour qui une alliance avec l’Allemagne n’est pas si béné­fique que ça. C’est donc sans sur­prise que l’Allemagne se montre dure en négociations.

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Pablo Iglesias et Alexis Tsipras (DR)

Retournons à l’Espagne. Une par­ti­cu­la­ri­té poli­tique est la ques­tion natio­nale. Les centres capi­ta­listes les plus riches, Catalogne et Pays basque, sont divi­sés de la bour­geoi­sie madri­lène par la ques­tion natio­nale. Il y a donc une bour­geoi­sie espa­gnole sin­gu­liè­re­ment affai­blie dans son ensemble. Quelles oppor­tu­ni­tés cela crée-t-il en termes de fis­sures au sein du régime ?

La ques­tion natio­nale est pro­ba­ble­ment la plus grande affaire encore à régler du Régime de 78 [Constitution espa­gnole de 1978], lequel par­vint à pro­po­ser des solu­tions au moins tem­po­raires, en termes dis­cur­sifs et pra­tiques, à bien des pro­blèmes héri­tés de la dic­ta­ture fran­quiste — dont la ques­tion sociale. Le Pacte de la Moncloa fut la manière que le régime trou­va pour refer­mer ces bles­sures ouvertes. Mais cela lais­sa la ques­tion natio­nale sans solu­tion pérenne — ques­tion qui n’a ces­sé de sai­gner depuis, sur­tout en Catalogne, au Pays basque et, dans une moindre mesure, en Galice. Ça n’a pas ces­sé d’être une contra­dic­tion dans l’ac­cord de 1978. Ces der­nières années, le conflit au Pays basque a quelque peu per­du de sa cen­tra­li­té, laquelle était essen­tielle au régime, du fait du ces­sez-le-feu puis de l’a­ban­don de la lutte armée par l’ETA — bien qu’il reste entre 400 et 500 pri­son­niers poli­tiques, acti­vistes et syn­di­ca­listes, rete­nus pri­son­niers dans des geôles à des cen­taines de kilo­mètres de leurs familles. C’est tou­jours un pro­blème poli­tique tra­gique. Mais comme la ques­tion basque per­dait de sa cen­tra­li­té, la ques­tion cata­lane devint de plus en plus pro­émi­nente. Jusqu’à l’é­mer­gence de Podemos en 2014, la Catalogne était l’as­pect le plus par­fai­te­ment visible de la crise du régime, pro­vo­quant des inter­ven­tions ouver­te­ment contra­dic­toires depuis l’in­té­rieur même du bloc domi­nant. Par exemple, lorsque la Cour consti­tu­tion­nelle inva­li­da le Statut d’au­to­no­mie révi­sé que José Luis Zapatero avait conclu avec les auto­ri­tés cata­lanes — ce qui a créé un sen­ti­ment d’in­di­gna­tion en Catalogne.

C’était une déci­sion qui sor­tait de l’or­di­naire. Quelle en était l’ex­pli­ca­tion ? La politique ?

Oui, pro­ba­ble­ment. Zapatero savait qu’il avait gagné l’é­lec­tion de 2004 grâce aux Catalans. Depuis la déci­sion de la Cour de 2010, qui par­ti­ci­pa à cou­ler poli­ti­que­ment le Parti socia­liste en Catalogne, le PSOE n’a jamais obte­nu la majo­ri­té des voix lors d’une élec­tion géné­rale. Ils ont besoin de deux régions afin de deve­nir une force hégé­mo­nique (l’Andalousie et la Catalogne), et Zapatero était cer­tai­ne­ment conscient du fait que sans la Catalogne, il serait impos­sible d’y arri­ver de nou­veau. C’est pro­ba­ble­ment la rai­son de son geste en faveur d’une plus grande auto­no­mie cata­lane, lui don­nant plus de marge ; quelque chose que la droite ne pour­rait tout sim­ple­ment pas accep­ter. Ce fut un coup très dur pour le PSOE, lequel éprouve aujourd’­hui des dif­fi­cul­tés à se main­te­nir en tant que par­ti natio­nal, étant deve­nu une force mar­gi­nale en Catalogne. La déci­sion de la Cour consti­tu­tion­nelle, et la façon dont le PSOE a bais­sé les yeux devant elle, ont été un coup mor­tel aux chances du PSOE de gagner une future élec­tion géné­rale. Voilà pour­quoi la Catalogne est si impor­tante pour nous.

« Ce que j’ai ten­té d’ex­pli­quer encore et encore est que la ques­tion sociale est au centre de la crise du régime, et que la ques­tion natio­nale ne peut être com­prise ou réso­lue sans elle. »

Il est vrai que la résis­tance cata­lane au Régime de 78 a per­du un peu de son carac­tère cen­tral avec l’é­mer­gence de Podemos, parce que nous avons mis la ques­tion sociale plu­tôt que natio­nale à l’a­vant-garde de notre résis­tance au régime. Lorsque je me suis ren­du en Catalogne pour la pre­mière fois, j’ai adop­té une ligne dure face au natio­na­lisme de droite local, sug­gé­rant qu’il était sem­blable au natio­na­lisme espa­gnol de droite. J’ai bien fait com­prendre que nous sou­te­nons le droit sou­ve­rain à déci­der, mais éga­le­ment que la sou­ve­rai­ne­té signi­fie écoles publiques et hôpi­taux, et non pas direc­tion des élites droi­tières. Cela pro­vo­qua une réponse très agres­sive de la part des indé­pen­dan­tistes de gauche en Catalogne, qui nous appe­lèrent « ler­rouxis­tas », c’est-à-dire des pro­gres­sistes qui, en der­nière ana­lyse, sont des natio­na­listes espa­gnols. Ce que j’ai ten­té d’ex­pli­quer encore et encore est que la ques­tion sociale est au centre de la crise du régime, et que la ques­tion natio­nale ne peut être com­prise ou réso­lue sans elle. Cela explique sans doute nos suc­cès dans les son­dages en Catalogne. C’est un curieux phé­no­mène que nous puis­sions deve­nir la pre­mière force poli­tique en Catalogne à l’é­lec­tion géné­rale, cela en dit beau­coup sur ce qui se passe là-bas : Podemos pour­rait être, en fait, dans une meilleure posi­tion pour enta­mer un pro­ces­sus démo­cra­tique qui pour­rait mener à une solu­tion à ce pro­blème. C’est une ques­tion dif­fi­cile pour nous, parce qu’à l’in­té­rieur de Podemos coexistent des sen­si­bi­li­tés très dif­fé­rentes. Même en Catalogne, entre fédé­ra­listes, qui vou­draient avoir une rela­tion dif­fé­rente avec l’Espagne, et indé­pen­dan­tistes. Notre ligne géné­rale est que l’u­nique solu­tion sera un pro­ces­sus consti­tuant dans lequel la ques­tion natio­nale-ter­ri­to­riale pour­ra être dis­cu­tée avec les condi­tions fon­da­men­tales de la vie publique. Cependant, nous savons que cela néces­si­te­rait un niveau de sou­tien dif­fi­cile à ima­gi­ner pour le moment.

Pouvons-nous vous prendre au mot à pro­pos du Régime de 78 ? Dans Disputar la demo­cra­cia, vous avez appor­té une superbe condam­na­tion du Régime et de ses piliers (monar­chie, Pacte de Moncloa, Constitution, décou­page inégal des dis­tricts élec­to­raux, sys­tème bipar­ti­san, OTAN, etc. ), avec Juan Carlos comme monarque le plus détes­té depuis Alphonse XIII. Ce que vous dites a l’air assez confor­table, avec la Transition et le Pacte de Moncloa, s’il ne reste que la ques­tion natio­nale à régler.

Je ne dis pas que c’é­tait juste, je dis que c’é­tait une réus­site. Notre cri­tique his­to­rique et poli­tique de la Transition a tou­jours été en contra­dic­tion avec l’é­vi­dence indé­niable de son suc­cès social, à l’ex­cep­tion de la ques­tion natio­nale. On peut démas­quer la logique de cet accord fait au-des­sus de nous entre les élites fran­quistes et les nou­velles élites poli­tiques et éco­no­miques (l’im­pu­ni­té, etc.), mais nous fai­sons tou­jours face au pro­blème qu’il y a un for­mi­dable sou­tien de la socié­té à ce pro­ces­sus, encore aujourd’­hui. L’image publique inof­fen­sive de la monar­chie en est un exemple. Cela signi­fie que la crise du régime n’est pas for­mu­lée en termes cri­tiques de la tran­si­tion post-fran­quiste ; on ne peut même pas faire usage de notre ana­lyse de la Transition, que nous avons depuis des années, pour expli­quer ce qu’il se passe. Ce que nous fai­sons c’est mettre la ges­tion néo­li­bé­rale du sys­tème éco­no­mique au centre de notre expli­ca­tion de la crise. Nous devons admettre que la crise n’a rien à voir avec la Transition, mais bien avec la ges­tion néo­li­bé­rale de la poli­tique espa­gnole. C’est-à-dire que la dés­illu­sion face au régime poli­tique n’est pas liée à la mémoire his­to­rique des évé­ne­ments de la Transition, mais à de tout nou­veaux ingré­dients. Ceci nous force à recon­naître quelque chose de vrai­ment triste, qui est que la crise en Espagne ne peut être inter­pré­tée selon un sché­ma gauche-droite, comme je l’a­vais fait dans mon livre sur la tran­si­tion post-fran­quiste. En consé­quence, nous ne pou­vons pas uti­li­ser l’a­na­lyse de gauche que j’a­vais fait de la Transition ; il nous faut nous ser­vir des nou­veaux ingré­dients appor­tés par le mou­ve­ment du 15 Mai — les Indignés —, ce qui met éga­le­ment en lumière la défaite his­to­rique et idéo­lo­gique de la gauche, ces trente-cinq der­nières années, en Espagne. En conclu­sion, le dis­cours ou le rai­son­ne­ment dont j’ai fait montre afin d’ex­pli­quer la Transition dans Disputar la demo­cra­cia n’est pas adé­quat pour un dis­cours poli­tique actuel.

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Mouvement des Indignés, Espagne (DR)

Mais c’est très frap­pant que beau­coup de per­sonnes en Espagne parlent de la Transition de 1975–1978 et de la crise du Régime de 1978. Pour le for­mu­ler autre­ment : com­ment se fait-il que le mou­ve­ment des Indignés se soit concen­tré sur des ques­tions poli­tiques, sur la « vraie démo­cra­tie », alors que ce qui sem­blait en jeu était la crise économique ?

C’est très dur, dans un mou­ve­ment de poli­ti­sa­tion d’une crise, de visua­li­ser un enne­mi qui ne soit pas concret. Seules quelques per­sonnes avec un niveau d’imagination poli­tique et théo­rique éle­vé seraient en mesure de dire que le pro­blème est le capi­ta­lisme. Si on ima­gine un mou­ve­ment de cen­taines de mil­liers de per­sonnes, c’est dif­fi­cile d’imaginer qu’un mot comme « capi­ta­lisme » soit capable de tra­duire tout ce contre quoi ce mou­ve­ment s’oppose – c’est sim­ple­ment logique de poin­ter « les élites », en tant que per­son­ni­fi­ca­tion concrète de la crise. C’est nor­mal que cela se déroule de la sorte. Podemos avance que le pou­voir de la finance est à l’origine d’un sys­tème de gou­ver­nance que nous appe­lons cor­rup­tion – un sys­tème dans lequel ceux qui exercent le pou­voir ne sont pas ceux qui se pré­sentent aux élec­tions. Cela a été l’intuition poli­tique des mou­ve­ments sur les places dès le départ. Et s’est construit autour de l’idée d’un eux unis­sant indis­tinc­te­ment les élites poli­tiques et éco­no­miques — ce qui ne s’appuyait pas sur une ana­lyse his­to­rique maté­ria­liste affi­née, mais était une inter­pré­ta­tion poli­tique logique. Ça a été très effi­cace pour faire sor­tir les gens dans la rue et iden­ti­fier clai­re­ment ceux qui étaient res­pon­sables de la situa­tion actuelle.

« Si on ima­gine un mou­ve­ment de cen­taines de mil­liers de per­sonnes, c’est dif­fi­cile d’imaginer qu’un mot comme “capi­ta­lisme” soit capable de tra­duire tout ce contre quoi ce mou­ve­ment s’oppose. »

La com­po­si­tion de ces mou­ve­ments était très impor­tante – le sec­teur le plus repré­sen­té était celui des classes moyennes appau­vries. Les places n’ont pas été orga­ni­sées ou domi­nées par des orga­ni­sa­tions de la classe ouvrière, mais par ces sec­teurs qui étaient pré­ci­sé­ment les plus dépour­vus de toute repré­sen­ta­tion col­lec­tive poli­tique ou cor­po­ra­tive. Ceci résonne bien sûr avec ce que Laclau disait : il est dif­fi­cile d’imaginer l’émergence d’un tel mou­ve­ment dans un espace poli­tique où les orga­ni­sa­tions de gauche et les syn­di­cats seraient très pré­sents. Un tel mou­ve­ment ne pou­vait prendre de l’am­pleur que sur les terres déso­lées que la droite néo­li­bé­rale avait créées en Espagne, détrui­sant tous les espaces sociaux liés à la gauche. Si l’on regarde les régions, les Indignés étaient très forts dans des villes comme Madrid et Valence, où vingt-cinq ans de domi­na­tion du PP avait détruit les ins­ti­tu­tions publiques, mais plus faibles dans le Pays Basque et en Catalogne, où la gauche et les syn­di­cats sont forts – là où il y avait une culture poli­tique alter­na­tive pour inter­pré­ter et orga­ni­ser la réponse.

Le mou­ve­ment des Indignés n’était-il pas fort en Catalogne ?

À Barcelone – pas en Catalogne. Ce n’est pas la même chose.

Est-ce que le mou­ve­ment des Indignés vous a surpris ?

Absolument. Quelques semaines plus tôt, lors de notre émis­sion télé­vi­sée, il était ques­tion des révoltes arabes, où se des­si­naient des conclu­sions plu­tôt pes­si­mistes, avan­çant que la crise éco­no­mique pro­vo­quait une agi­ta­tion poli­tique et des mou­ve­ments sociaux dans d’autres espaces géo­po­li­tiques mais pas en Espagne. Comme je l’ai déjà dit, le mou­ve­ment des Indignés a mis un miroir devant la gauche espa­gnole et lui a démon­tré que les par­tis tra­di­tion­nels de gauche n’avaient rien à voir avec l’émergence de ces mou­ve­ments, et que leurs lea­ders ren­con­traient d’énormes dif­fi­cul­tés à sai­sir ce qui était en train de se dérou­ler. Certains d’entre eux ont même réagi avec colère — de vieux lea­ders s’exclamant « J’ai été un indi­gna­do pen­dant trente ans ! Où étiez-vous avant ? » —, en croyant que les mani­fes­tants ne fai­saient que rejoindre un espace poli­tique pré­exis­tant ; ils ne com­pre­naient pas qu’il s’agissait d’un mou­ve­ment nou­veau, qui était la révé­la­tion par excel­lence de leur échec à mettre en action un tel phénomène.

Quelle a été la base socio­lo­gique du mou­ve­ment des Indignés ? Des repor­tages de l’époque sug­gé­raient que la classe moyenne édu­quée mais semi-pro­lé­ta­ri­sée du sec­teur ter­tiaire en était l’acteur clé – l’archétype des jeunes diplô­més tra­vaillant dans des centres d’appel.

« Dans le mou­ve­ment des places des Indignés, il était clair que ces masses popu­laires de la socié­té espa­gnole étaient très mal à l’aise avec les sym­boles de la gauche. »

Il n’y a, à ma connais­sance, aucune étude socio­lo­gique pré­cise de la com­po­si­tion du mou­ve­ment, et c’est très com­pli­qué d’établir un tel pro­fil. Mais, en tant que poli­to­logue, je dirais que c’est la ten­dance géné­rale — de jeunes tra­vailleurs dans des sec­teurs où il y a peu de pré­sence syn­di­cale, iden­ti­fiés d’une manière très laclau­sienne comme étant un milieu popu­laire ou défa­vo­ri­sé, dans le sens où ils ont été éle­vés à croire en une iden­ti­té sociale basée sur un haut niveau de consom­ma­tion pen­dant la longue période de la bulle immo­bi­lière, pour ensuite être pro­je­tés dans une situa­tion d’im­puis­sance et de vul­né­ra­bi­li­té sociale après la crise. Malgré la com­plexi­té de la com­po­si­tion des Indignés, ces classes moyennes appau­vries sont les couches sociales les plus repré­sen­tées. Le mou­ve­ment est allé bien au-delà des grèves géné­rales contre l’austérité pré­cé­dem­ment orga­ni­sées et menées par les syn­di­cats des tra­vailleurs du ser­vice public ou de la classe ouvrière. Dans le mou­ve­ment des places des Indignés, il était clair que ces masses popu­laires de la socié­té espa­gnole étaient très mal à l’aise avec les sym­boles de la gauche, en par­ti­cu­lier les pre­miers jours. Le dra­peau répu­bli­cain pro­vo­quait de la gêne, c’est quelque chose que nous n’avons pas tout de suite com­pris. Mais il a suf­fi de pas­ser un peu de temps sur ces places pour com­prendre que la com­po­si­tion sociale était très dif­fé­rente de celle des grèves géné­rales, qui rele­vaient d’une autre culture politique.

Y avait-il une dif­fé­rence géné­ra­tion­nelle aussi ?

Les Indignés étaient un mélange, mais les très jeunes pré­do­mi­naient dans ce mouvement.

Puerta del Sol, 2012 (Emilio Morenatti/AP)

Puerta del Sol, 2012 (Emilio Morenatti/AP)

Ce qui était véri­ta­ble­ment impres­sion­nant après les Indignés, c’é­taient les mareas, ces « vagues » spon­ta­nées d’organisations contre les mesures d’austérité euro­péennes : le mou­ve­ment contre les expul­sions, les tra­vailleurs hos­pi­ta­liers, les ensei­gnants et d’autres… Quelle en a été l’étendue en Espagne ?

L’un des plus pré­cieux legs de 15‑M, dans ce pro­ces­sus d’accumulation poli­tique très rapide, a été cette culture de la mobi­li­sa­tion, qui a offert aux mou­ve­ments sociaux une manière d’agir. Les mareas ont pro­ba­ble­ment réuni moins de per­sonnes que les Indignés, mais leurs méthodes se sont avé­rées bien plus effi­caces. Il y a eu trois prin­ci­paux mou­ve­ments : le réseau anti-expul­sion, PAH [Plataforma de Afectados por la Hipoteca, pla­te­forme des vic­times de prêts hypo­thé­caires], le mou­ve­ment Marea Blanca pour la défense des ser­vices de san­té publique, et Marea Verde pour la défense du ser­vice d’éducation publique. Ils ont tous déve­lop­pé une incroyable capa­ci­té à par­ler de pro­blèmes poli­tiques concrets, un dis­cours public très clair et pré­cis. Ces mareas ont offert un ter­rain de for­ma­tion, une école pour des cadres poli­tiques, autre fonc­tion his­to­rique très impor­tante. Un très grand nombre de ceux qui ont acquis une expé­rience de lea­der­ship dans ces mou­ve­ments sont venus rejoindre Podemos ; les rangs des diri­geants du par­ti sont lar­ge­ment consti­tués de per­sonnes pro­ve­nant de ces mou­ve­ments sociaux. C’était une consé­quence natu­relle : les Indignés ont poli­ti­sé la socié­té civile et s’en est sui­vi ce pro­ces­sus de for­ma­tion d’activistes, qui a mené à l’étape sui­vante : don­ner au mou­ve­ment une expres­sion poli­tique et électorale.

À pro­pos de la créa­tion de Podemos : pour­quoi avez-vous choi­si cet affreux nom qui rap­pelle le slo­gan de la cam­pagne démo­crate aux États-Unis ?

« Les rangs des diri­geants du par­ti sont lar­ge­ment consti­tués de per­sonnes pro­ve­nant de ces mou­ve­ments sociaux. »

C’est un bon nom ! Il vient des mou­ve­ments de masse — Sí se puede ! [Si, c’est possible/on peut !] — qui est le slo­gan de la PAH, le mou­ve­ment anti-expul­sion. En espa­gnol, « Podemos » marche vrai­ment bien. Cela avait été uti­li­sé par deux par­tis d’Amérique latine avant Obama, en Bolivie et au Venezuela, un de gauche et l’autre de droite. Et le pre­mier pré­sident noir des États-Unis est plu­tôt popu­laire en Espagne. Ça a été repris par des com­pa­gnies de mar­ke­ting qui l’ont tes­té et l’ont trou­vé réus­si. Vous pou­vez le voir sur toutes sortes de pan­neaux publi­ci­taires, ce qui ne nous nuit en aucune façon.

Sur la manière dont les grands par­tis ont géré la crise : c’était le PSOE diri­gé par Zapatero qui a démar­ré le pro­gramme d’austérité ?

Oui, en 2011. Zapatero a pro­ba­ble­ment été le pré­sident socia­liste qui a été le plus loin dans les réformes des droits civils, et même sur le plan de la poli­tique étran­gère, par­ti­cu­liè­re­ment en rela­tion avec les États-Unis — en reti­rant les troupes espa­gnoles d’Irak, quoique pour les envoyer en Afghanistan. Dès le départ, il était assez timide sur les ques­tions sociales. Mais il y eut un virage en sep­tembre 2011 : l’accord avec le Parti popu­laire pour chan­ger l’article 135 de la Constitution, intro­dui­sant ain­si un pla­fond sur le défi­cit public au niveau natio­nal, régio­nal et muni­ci­pal. Ça a été le moment qui a cris­tal­li­sé la réa­li­té de la Grande Coalition et l’a ren­due claire aux yeux de tous. Cela a eu le même effet dévas­ta­teur sur le Parti socia­liste que pour tous les pré­cé­dents par­tis sociaux-démo­crates euro­péens, de la Troisième Voie de Tony Blair à l’Agenda 2010 de Gerhard Schröder. Cela a prou­vé qu’il était impos­sible pour cette nou­velle ver­sion du social-libé­ra­lisme de pré­ser­ver l’apparence d’un gou­ver­ne­ment d’alternative sous le para­digme de l’austérité. Sans ques­tion­ner ce para­digme, l’espace d’un pro­jet social-démo­crate comme alter­na­tive s’est effondré.

Même lorsqu’ils tentent de sor­tir de ce piège dis­cur­sif, ils se confrontent à d’intenables contra­dic­tions. Voici un exemple concret pour l’illustrer : l’autre jour, j’ai ren­con­tré un groupe appe­lé les Économistes contre la Crise. Sa com­po­si­tion est assez hété­ro­clite mais il y a prin­ci­pa­le­ment des éco­no­mistes proches du Parti socia­liste. Ils ont construit un pro­gramme éco­no­mique sen­sé et ils sou­hai­te­raient que l’ensemble de la gauche, du PSOE à Podemos, puisse s’unir autour de lui. J’ai lu ce pro­gramme et je leur ai dit : « Si ceci est la plate-forme, je peux négo­cier avec le Parti socia­liste immé­dia­te­ment – nous pou­vons entrer au gou­ver­ne­ment demain. » Mais je sais par­fai­te­ment qu’il est abso­lu­ment impos­sible pour le PSOE de mettre en œuvre ce pro­gramme. Il y a beau­coup de gens, même par­mi les éco­no­mistes du PSOE, qui com­prennent que le para­digme de l’austérité est inap­pli­cable, mais le par­ti lui-même ne peut pas sor­tir de ce modèle.

Le PSOE a diri­gé le pays pen­dant des années avec un modèle éco­no­mique basé sur l’inflation immo­bi­lière et les bulles d’emprunts. Ne sont-ils pas les pre­miers res­pon­sables de son effondrement ?

« À Madrid, il y a un écart allant jusqu’à sept ans de dif­fé­rence d’es­pé­rance de vie d’un quar­tier à l’autre. »

Absolument. Mais l’ironie réside dans le fait que le Parti socia­liste a créé les condi­tions maté­rielles pour un modèle de gou­ver­nance qui auto­rise l’hégémonie du Parti popu­laire. En dépit du fait qu’il ait eu à gérer les retom­bées de la crise depuis 2011, le PP s’est mon­tré plus résis­tant aux consé­quences de l’échec de ce modèle éco­no­mique. Tous les scru­tins – excep­tion faite de l’Andalousie qui est un cas par­ti­cu­lier – montrent que le PP amé­liore ses scores. Le PSOE a créé les condi­tions pour que son adver­saire pré­su­mé réussisse.

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Podemos (DR)

Comment des­si­ne­riez-vous la géo­gra­phie de l’austérité en Espagne ?

D’abord, il y a l’inégalité ver­ti­cale, qui est immé­dia­te­ment visible dans les villes d’Espagne. À Madrid, il y a un écart allant jusqu’à sept ans de dif­fé­rence d’es­pé­rance de vie d’un quar­tier à l’autre – le même écart qu’il y a entre l’Espagne et le Mexique se retrouve à l’intérieur de la capi­tale. C’est aus­si le cas entre les régions – il y a une très vaste dif­fé­rence de niveau de vie entre l’Andalousie ou l’Estrémadure et le Pays Basque, par exemple. À Valence, le PP a eu une poli­tique com­bi­nant des dépenses mas­sives dans de gros pro­jets de construc­tion – évé­ne­ments spor­tifs et palaces, construits prin­ci­pa­le­ment grâce à la cor­rup­tion –, alors que des élèves d’écoles publiques étu­dient dans des struc­tures pré­fa­bri­quées, sans chauf­fage, et la dette publique par habi­tant est l’une des plus éle­vées d’Europe. C’est la par­faite image du modèle de gou­ver­nance de la droite néolibérale. […]

Comment Podemos déter­mi­ne­ra ses poli­tiques de coa­li­tion après les élec­tions régio­nales et muni­ci­pales du 24 mai ?

C’est tout d’abord un pro­blème stra­té­gique pour nous, car notre prin­ci­pal objec­tif – nous avons été très clairs là-des­sus – sont les élec­tions géné­rales de novembre. Ainsi, chaque déci­sion et chaque situa­tion doit être ana­ly­sée à la lumière de la posi­tion dans laquelle nous serions pour les pro­chaines élec­tions géné­rales. En même temps, il y a une large volon­té poli­tique pour le chan­ge­ment, et cela implique une situa­tion où quelqu’un doit assu­mer ce rôle. Il y a bien sûr la ques­tion du nombre mais, der­rière ces chiffres, se cache notre capa­ci­té à mettre la pres­sion aux autres. Quand ils nous demandent « Ferez-vous des accords avec le Parti socia­liste ? », nous répon­dons tou­jours : « les socia­listes devront faire un virage à 180 degrés ». Nous savons qu’au sein du PSOE il y a deux ten­dances. La pre­mière a une logique de sys­tème, ou de régime, qui sou­tient que la prin­ci­pale prio­ri­té est de nous stop­per, d’arrêter ce mou­ve­ment – pour eux, cela va se tra­duire par une grande coa­li­tion avec le Parti Populaire ou avec Cuidadanos. La seconde répond à une logique de par­ti, qui sait que ce type de tra­jec­toire va entraî­ner l’implosion du PSOE – et don­ne­rait à Podemos de la place pour pros­pé­rer. Donc, cela dépen­dra du résul­tat, cela dépen­dra de notre ana­lyse des situa­tions, pre­nant en compte notre habi­li­té à exploi­ter ces contra­dic­tions sur le ter­rain de nos adver­saires de manière pro­duc­tive – notam­ment si, comme les son­dages le sug­gèrent, nous nous diri­geons vers un sys­tème à quatre par­ties, avec des pour­cen­tages entre 15 et 25 %. […]

Comment les can­di­dats de Podemos sont choisis ?

« Nous expé­ri­men­tons un nou­veau scé­na­rio : faire concou­rir des can­di­dats sans visi­bi­li­té médiatique. »

Des pri­maires ouvertes par vota­tion en ligne – tout le monde peut concou­rir ; il est seule­ment néces­saire d’avoir l’approbation d’un des cercles Podemos, local ou sec­to­riel, et tous les membres peuvent voter. Aux élec­tions du 24 mai ; nous expé­ri­men­tons un nou­veau scé­na­rio : faire concou­rir des can­di­dats sans visi­bi­li­té média­tique, alors qu’une des carac­té­ris­tiques de Podemos, jusqu’à main­te­nant, est que nos diri­geants sont très visibles dans la sphère média­tique. Cela sera le pre­mier test pour la marque — pour ain­si dire — Podemos : tra­vailler avec des can­di­dats qui viennent de la socié­té civile, qui ont un pro­fil pro­fes­sion­nel solide, par exemple, mais sans expo­si­tion publique jusqu’à pré­sent. Nous allons voir com­bien la « marque » — c’est un mot hor­rible, mais vous com­pre­nez le sens —, nous allons voir quelle force elle a lorsque les can­di­dats ne sont pas connus.

Donc, à la dif­fé­rence des autres par­ties poli­tiques, la sélec­tion des can­di­dats est en dehors de vos mains – vous ne savez pas qui ils seront ?

Il n’y a pas eu de grosse sur­prise. Systématiquement, les pri­maires ont pro­duit des can­di­dats qui avaient déjà un pro­fil actif et tra­vaillaient très dur dans les dif­fé­rentes struc­tures de Podemos, donc la méthode a été assez « hon­nête » dans ses résul­tats. Le fait que nous ne connais­sions pas une par­tie de nos can­di­dats ou de nos cadres vient du fait que nous sommes une si jeune orga­ni­sa­tion, gran­dis­sant si vite que nos struc­tures se sont mul­ti­pliées, et bien évi­dem­ment il y a des gens par­tout que nous ne connais­sions pas avant. Mais ce sont qua­si­ment tou­jours des gens qui pro­viennent de Podemos et y ont joué un rôle actif. Il n’y a pas de carac­tère aléa­toire — pas de grosse sur­prise. Ils sont pas­sés par les mêmes expé­riences que nous. Ils sont Podemos.


Texte ori­gi­nal : « Spain On Edge », www.newleftreview.org, 26 mai 2015 — tra­duit de l’an­glais par Farid Belkhatir, Cihan Gunes et Alexis Gales.
Portrait d’Iglesias en vignette d’in­tro­duc­tion : © Alejandro Torrús.

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