Raphaël Kempf : « L’action politique est de plus en plus criminalisée »


Entretien inédit pour le site de Ballast

Yeux cre­vés, mains arra­chées par de la TNT, retrai­tée décé­dée des suites d’une gre­nade lacry­mo­gène tirée en pleine tête, pho­to­graphes matra­qués, jour­na­listes bles­sés au FlashBall, mani­fes­tants pas­sés à tabac : les plaintes, prises en charge par l’Inspection géné­rale de la police natio­nale (IGPN), se mul­ti­plient depuis la nais­sance du mou­ve­ment des gilets jaunes, dans les rues contre la vie chère et le « pré­sident des riches ». L’acte IV1 res­te­ra peut-être dans les mémoires : près de 2 000 mani­fes­tants inter­pel­lés et plus de 1 700 gardes à vue — sept mois plus tôt2, le régime de Vladimir Poutine arrê­tait quant à lui près de 1 600 mani­fes­tants cri­tiques du « tsar ». Julien Coupat, dan­ge­reu­se­ment équi­pé de crois­sants, d’une cha­suble fluo, d’une bombe de pein­ture et de gouttes pour les yeux3, n’al­lait pas tar­der à être embar­qué par une DGSI l’arme au poing : un cas, sym­bo­lique, par­mi tant d’autres inter­pel­la­tions « pré­ven­tives ». Nous ren­con­trons Raphaël Kempf, avo­cat au bar­reau de Paris, entre deux com­pa­ru­tions immé­diates au tri­bu­nal cor­rec­tion­nel : com­ment le droit pénal est-il ins­tru­men­ta­li­sé par le pou­voir politique ?


L’état d’ur­gence, décré­té suite aux atten­tats ter­ro­ristes de 2015, a ren­du pos­sible l’in­ter­dic­tion de mani­fes­ta­tions et l’as­si­gna­tion de mili­tants à rési­dence. Au motif de notre sécu­ri­té, le pou­voir ne met-il pas en dan­ger la notion même d’État de droit ?

L’état d’urgence a été uti­li­sé dès son ori­gine contre les mou­ve­ments sociaux. Il a été employé la pre­mière fois pen­dant la guerre d’Algérie, en 1955, pour mater les indé­pen­dan­tistes algé­riens et leurs sou­tiens. Le terme de mou­ve­ment social peut paraître dans ce cas un peu ana­chro­nique, mais le prin­cipe demeure le même : la dis­po­si­tion qui sera uti­li­sée en 2016 pour inter­dire à des per­sonnes de mani­fes­ter avait été employée à l’en­contre d’un ins­ti­tu­teur com­mu­niste en poste en Algérie qui sou­te­nait les indé­pen­dan­tistes. Il est uti­li­sé à nou­veau en 1985, en Nouvelle-Calédonie, durant la révolte kanak, puis pen­dant la révolte des ban­lieues en 2005, et, donc, après les atten­tats ter­ro­ristes de novembre 2015. Lors de la COP21, la loi sur l’é­tat d’ur­gence per­met l’in­ter­dic­tion de la mani­fes­ta­tion du 30 novembre 2015. Quelques mois plus tard, au prin­temps 2016, les pré­fets recourent à l’é­tat d’ur­gence pour inter­dire à des per­sonnes prises indi­vi­duel­le­ment de mani­fes­ter. Quant aux assi­gna­tions à rési­dence, elles ont été uti­li­sées dès décembre 2015 contre des mili­tants éco­lo­gistes à Rennes, Paris, en ban­lieue pari­sienne et dans quelques autres endroits. Elles ont tou­ché entre 20 et 30 mili­tants. On per­çoit immé­dia­te­ment com­ment un texte de loi pré­vu pour lut­ter contre le « ter­ro­risme » est uti­li­sé pour répri­mer ou limi­ter la pos­si­bi­li­té d’expression des mili­tants politiques.

Est-ce à dire qu’il y aurait amal­game entre « ter­ro­riste » et « militant » ? 

« On per­çoit immé­dia­te­ment com­ment un texte de loi pré­vu pour lut­ter contre le ter­ro­risme est uti­li­sé pour répri­mer ou limi­ter la pos­si­bi­li­té d’expression des mili­tants politiques. »

Il existe une défi­ni­tion légale du ter­ro­risme dans le code pénal : « Cons­ti­tuent des actes de ter­ro­risme, lors­qu’elles sont inten­tion­nel­le­ment en rela­tion avec une entre­prise indi­vi­duelle ou col­lec­tive ayant pour but de trou­bler gra­ve­ment l’ordre public par l’in­ti­mi­da­tion ou la ter­reur, les infrac­tions sui­vantes […] ». Par exemple, est ter­ro­riste une infrac­tion de vol, un crime de meurtre, d’assassinat, si cet assas­si­nat est accom­pli en rela­tion avec une entre­prise ayant pour but de trou­bler l’ordre public par l’intimidation ou la ter­reur. Mais on a vu, ces der­nières années, ce texte être uti­li­sé contre des mili­tants poli­tiques, notam­ment avec l’affaire de Tarnac, bien que ces mili­tants ne fassent pas de ter­ro­risme armé. La notion juri­dique de ter­ro­risme est uti­li­sée aujourd’­hui contre des per­sonnes qui sont pré­su­mées être liées au ter­ro­risme isla­miste. L’usage concer­nant ces infrac­tions est très liquide car elles peuvent tou­cher des com­por­te­ments extrê­me­ment divers. Par exemple, des pères ou des mères de famille envoient par­fois de l’argent à leurs enfants par­tis sur une « zone » afin qu’ils ne tombent pas dans la misère, ou pour les aider à reve­nir en France : cet acte de sol­li­ci­tude sera qua­li­fié d’acte terroriste.

En octobre 2001, un mois après les atten­tats du 11 sep­tembre, Daniel Vaillant, un socia­liste, alors ministre de l’Intérieur sous le gou­ver­ne­ment Jospin, a pro­po­sé un ensemble de mesures pour lut­ter contre le ter­ro­risme. La pre­mière d’entre elles est la dis­po­si­tion 78–2‑2. Cet article du code de pro­cé­dure pénale per­met au pro­cu­reur de la République d’au­to­ri­ser les poli­ciers à contrô­ler les iden­ti­tés des per­sonnes qui se situent dans une zone et une période don­nées, sans avoir à jus­ti­fier d’aucune rai­son. Ces poli­ciers peuvent aus­si pro­cé­der à la visite des véhi­cules et à la fouille des bagages — en temps nor­mal, un poli­cier ne peut vous contrô­ler dans la rue que s’il vous reproche une infrac­tion. 17 ans après, ce même article est uti­li­sé contre des per­sonnes sou­hai­tant se rendre à l’une des mani­fes­ta­tions des gilets jaunes. Le same­di 8 décembre, le pro­cu­reur de la République a ain­si auto­ri­sé les poli­ciers à contrô­ler et fouiller les sacs et les véhi­cules de toute per­sonne dans la ville de Paris, de 6 heures du matin à minuit. Cela me paraît tota­le­ment dis­pro­por­tion­né : une telle zone géo­gra­phique concerne poten­tiel­le­ment des mil­lions de per­sonnes ! On a pro­cé­dé à des inter­pel­la­tions dites « pré­ven­tives » : dans les faits, plus d’un mil­lier de per­sonnes ont été contrô­lés, inter­pel­lés et pla­cés en garde à vue afin de les empê­cher de par­ti­ci­per à la manifestation.

Par Cyrille Choupas

Cette his­toire est d’autant plus grave que Daniel Vaillant avait alors jus­ti­fié cet article à l’Assemblée natio­nale en disant en sub­stance : « Nous sommes dans un moment excep­tion­nel, juste après les atten­tats, il faut se pro­té­ger du ter­ro­risme. Je vous pro­pose donc cette mesure, en la limi­tant dans le temps et dans sa maté­ria­li­té. » La mesure était limi­tée à deux ans, jusqu’au 31 décembre 2003 ; Sarkozy, au pou­voir, déci­de­ra de la rendre pérenne. Vaillant par­lait de limi­ta­tion dans le temps mais aus­si dans le champ d’application de cette mesure — aux actes de ter­ro­risme, aux tra­fics de drogue et d’armes (car consi­dé­rés comme finan­çant le ter­ro­risme) ; Sarkozy l’a éten­due aux vols et recels. Aujourd’hui, elle est uti­li­sée pour des infrac­tions de droit commun.

« Toutes ces gardes à vue faites pour empê­cher des per­sonnes de mani­fes­ter sont scan­da­leuses. C’est illé­gal au vu de l’histoire et de la généa­lo­gie des textes. »

Le 8 décembre 2018, le pro­cu­reur a donc auto­ri­sé les poli­ciers à contrô­ler toute per­sonne dans Paris, toute la jour­née, afin de recher­cher des infrac­tions rela­tives à la légis­la­tion sur les armes, les vols, les recels et les stu­pé­fiants. En appli­ca­tion de la cir­cu­laire de la ministre de la Justice du 22 novembre der­nier, des pro­cu­reurs ont pris des réqui­si­tions simi­laires dans toute la France : j’ai pu le consta­ter à Pontoise, mais aus­si à Lisieux, où des per­sonnes ont été inter­pel­lées de manière ultra-pré­ven­tive, plus qu’en amont de la mani­fes­ta­tion pari­sienne ! C’est un détour­ne­ment de pou­voir total, de l’ob­jet même de la loi ; ce qui est recher­ché, ce n’est pas véri­ta­ble­ment ces infrac­tions-là mais bien une infrac­tion très spé­ci­fique de pré­pa­ra­tion de vio­lences. Toutes ces gardes à vue faites pour empê­cher des per­sonnes de mani­fes­ter sont scan­da­leuses. C’est illé­gal au vu de l’histoire et de la généa­lo­gie des textes ; c’est même contraire à une déci­sion du Conseil consti­tu­tion­nel du 24 jan­vier 2017, qui rap­pelle que les réqui­si­tions doivent concer­ner des lieux et périodes où des infrac­tions ont été préa­la­ble­ment consta­tées — ce qui n’é­tait pas le cas de réqui­si­tions aus­si larges.

La loi sur l’état d’urgence a intro­duit dans le droit com­mun ce qui rele­vait du domaine de l’exceptionnel…

Cette loi per­met un cer­tain nombre de mesures déro­ga­toires au droit com­mun, qui donnent plus de pou­voir au pré­fet, à la police et à l’exécutif. Elle per­met l’ap­pli­ca­tion de ces mesures lorsque l’état d’urgence est décla­ré ; si tel n’est pas le cas, elles ne peuvent être appli­quées. La loi SILT (Sécurité inté­rieure et lutte contre le ter­ro­risme) du 30 octobre 2017 fait entrer dans le droit com­mun un cer­tain nombre de mesures pré­vues par l’état d’urgence, mais elles sont limi­tées exclu­si­ve­ment à la lutte contre le ter­ro­risme. Je n’ai pas obser­vé, pour l’ins­tant, de ten­ta­tive de qua­li­fier des oppo­sants poli­tiques de ter­ro­ristes en ver­tu de cette loi — c’est là l’une de nos prin­ci­pales inquié­tudes. Mais peut-être que cela vien­dra, puisque l’exemple de l’ar­ticle 78–2‑2 nous montre à quel point on ne peut que dif­fi­ci­le­ment croire le législateur.

Existe-t-il d’autres cas du même type ?

Il y a un article très simi­laire au 78–2‑2, le 78–2, qui per­met des contrôles d’i­den­ti­té sans rai­son. Les deux sont essen­tiel­le­ment uti­li­sés pour faire la chasse aux sans-papiers ; ils ne servent pas à inter­pel­ler des per­sonnes qui com­mettent des délits ou des crimes. D’ailleurs, un contrôle d’identité n’a jamais empê­ché une infrac­tion : si vous com­met­tez un fla­grant délit, on le voit ; il n’y a pas besoin de contrôle d’identité et on peut vous arrê­ter. Il suf­fit d’aller au tri­bu­nal voir les audiences du juge des liber­tés et de la déten­tion (JLD), en charge de véri­fier si les étran­gers en situa­tion irré­gu­lière peuvent être libé­rés ou non des centres de réten­tion admi­nis­tra­tive. Les JLD se doivent de véri­fier si les textes de loi sont cor­rec­te­ment appli­qués. Dans ce cadre, des avocats4 ont contes­té cette loi devant le Conseil consti­tu­tion­nel et ce der­nier a répon­du qu’il fal­lait que ces articles soient uti­li­sés de manière jus­ti­fiée, c’est-à-dire que le pro­cu­reur se devait de jus­ti­fier que des infrac­tions avaient été com­mises dans la zone où l’on contrôle les identités.

Par Cyrille Choupas

Pour la mani­fes­ta­tion des gilets jaunes du 8 décembre, les réqui­si­tions visaient toute la ville de Paris. Or les infrac­tions du same­di pré­cé­dent ne concer­naient que cer­taines zones et non l’ensemble de la ville. Cette déci­sion du pro­cu­reur de Paris, qui n’est pas un magis­trat indé­pen­dant puisque pla­cé sous l’au­to­ri­té du ministre de la Justice, est à mes yeux illé­gale. Par exemple, j’ai défen­du quelqu’un qui a été arrê­té dans un par­king sou­ter­rain à 7 heures 15 du matin entre Bastille et Gare de Lyon ; avant la mani­fes­ta­tion, donc, et hors du lieu de la mani­fes­ta­tion. Cette per­sonne a pas­sé deux jours en garde à vue et une nuit au tri­bu­nal avant d’être jugée, et a donc été empê­chée de se rendre à la manifestation.

« Un dis­po­si­tif pré­ven­tif est bien plus atten­ta­toire aux liber­tés qu’un dis­po­si­tif répressif. »

Le deuxième volet de la stra­té­gie de répres­sion judi­ciaire pour empê­cher les gilets jaunes de mani­fes­ter est le délit de par­ti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment for­mé, même de façon tem­po­raire, en vue de com­mettre des vio­lences ou des dégra­da­tions. C’est l’article 222–14‑2 du code pénal, créé par une loi de 2010 sous Sarkozy : cette loi a été pro­po­sée par Estrosi, dépu­té à l’époque, pour lut­ter contre les vio­lences qui pour­raient être com­mises — je sou­ligne le condi­tion­nel — par des jeunes de ban­lieue. L’idée alors défen­due était de dire : « On a des jeunes de ban­lieue qui se regroupent en bas des barres d’immeubles et on ne sait pas ce qu’ils font, mais peut-être attendent-ils les flics pour les caillas­ser. » Mais il était léga­le­ment impos­sible d’ar­rê­ter des per­sonnes qui n’a­vaient rien fait, à qui on ne pou­vait rien repro­cher ! Alors Estrosi a eu l’i­dée de les pour­suivre pour pré­pa­ra­tion de vio­lence ou de dégra­da­tion. Après quelques faits divers, c’est pas­sé dans la loi — mal­heu­reu­se­ment, le Conseil consti­tu­tion­nel l’a validé.

Qu’en est-il alors de la pré­somp­tion d’innocence ?

Cela fait plus d’un siècle qu’il y a dans les textes de loi des ten­ta­tives pour punir l’intention pré­ven­ti­ve­ment. Un dis­po­si­tif pré­ven­tif est bien plus atten­ta­toire aux liber­tés qu’un dis­po­si­tif répres­sif. Un dis­po­si­tif répres­sif punit un acte une fois qu’il est com­mis, alors qu’un dis­po­si­tif pré­ven­tif vous punit ou vous prive de votre liber­té avant même que vous ayez com­mis quoi que ce soit. Ces ten­ta­tives existent depuis long­temps avec la notion d’« asso­cia­tion de mal­fai­teurs », désor­mais acquise, qui pro­vient des lois scé­lé­rates pro­mul­guées à la fin du XIXe siècle pour lut­ter contre les anar­chistes. L’article 222–14‑2 rela­tif à la par­ti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment n’avait, à ma connais­sance, qua­si­ment jamais été uti­li­sé jusqu’à très récem­ment. Depuis 2015, dans les pre­mières mani­fes­ta­tions où j’ai été ame­né à inter­ve­nir comme avo­cat, les per­sonnes que je défen­dais étaient géné­ra­le­ment pour­sui­vies pour le délit de par­ti­ci­pa­tion à un attrou­pe­ment : un vieux délit. C’est l’idée de punir des gens qui s’attroupent et causent des troubles à l’ordre public. Mais il faut qu’il y ait un acte posi­tif qui existe ; ce n’est donc pas de l’ordre du pré­ven­tif, cela sanc­tionne un acte effec­tif. On peut dis­cu­ter du bien-fon­dé de ce délit mais, au moins, il reste dans l’esprit de la loi. Ce délit d’attroupement est un « délit poli­tique » : cette notion du droit fran­çais dis­tingue le délin­quant poli­tique (dont les agis­se­ments ont pour mobile des convic­tions poli­tiques) du délin­quant de droit com­mun, et accorde aux per­sonnes pour­sui­vies pour un tel délit des mesures favo­rables — notam­ment le fait de ne pas pou­voir être jugées en com­pa­ru­tion immédiate.

Par Cyrille Choupas

Très rapi­de­ment, ce dis­po­si­tif légal a embê­té le pro­cu­reur de la République : il ne pou­vait plus avoir recours aux com­pa­ru­tions immé­diates pour les per­sonnes arrê­tées en mani­fes­ta­tion pour délit d’at­trou­pe­ment. Le délit de par­ti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment for­mé en vue de com­mettre des vio­lences ou des dégra­da­tions — créé en 2010, donc — per­met de détour­ner ce dis­po­si­tif. C’est d’autant plus pra­tique pour l’accusation qu’il per­met d’arrêter des per­sonnes de manière pré­ven­tive. J’ai défen­du, par exemple, des per­sonnes accu­sées de par­ti­ci­pa­tion à un grou­pe­ment alors qu’elles avaient été arrê­tées et pour­sui­vies seules — par­fois avant même la mani­fes­ta­tion et en dehors de celle-ci. Un de mes clients, le lun­di sui­vant la mani­fes­ta­tion des gilets jaunes, a com­pa­ru seul dans le box alors que le motif de l’ac­cu­sa­tion était celui du « grou­pe­ment for­mé en vue de com­mettre des vio­lences ou des dégra­da­tions »… Je l’ai défen­du en disant « Vous ne pou­vez pas le condam­ner pour un grou­pe­ment puis­qu’il est tout seul » ; le ver­dict a été « On le condamne quand même ». C’est un chan­ge­ment de logique juridique.

Dans le cas des arres­ta­tions pré­ven­tives de gilets jaunes, com­ment prou­ver une volon­té de par­ti­ci­per à un désordre public ?

« En 1789, une bande de cas­seurs a pris la Bastille pour obte­nir un mois plus tard une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. »

Ont été arrê­tées les per­sonnes qui avaient sur elles du maté­riel qu’on va ensuite défi­nir comme étant du maté­riel de pro­tec­tion… Certaines sont venues avec des fumi­gènes et ont été arrê­tées pour cela. Ce n’est pas avec des fumi­gènes qu’on peut com­mettre des vio­lences ou des dégra­da­tions : ça fait un peu de bruit et de lumière, comme dans les stades de foot, c’est donc de l’ordre du fes­tif et non de l’of­fen­sif. Je défends des per­sonnes qui ont été arrê­tées à plu­sieurs cen­taines de kilo­mètres de Paris, avant les mani­fes­ta­tions : trois gilets jaunes qui venaient de Bretagne pour par­ti­ci­per le same­di matin à la mani­fes­ta­tion, contrô­lés par la gen­dar­me­rie au niveau d’un péage en Normandie. Ils avaient dans leur voi­ture du maté­riel de pro­tec­tion et des outils d’ar­ti­san, comme une scie. Les gen­darmes ont consi­dé­ré qu’ils allaient à la mani­fes­ta­tion pour cas­ser ou com­mettre des vio­lences. Ils ont été pla­cés en garde à vue, y ont pas­sé la jour­née, ont été relâ­chés puis convo­qués devant le tri­bu­nal pour être jugés avec confis­ca­tion de leur gilet jaune et de leurs affaires. C’est tota­le­ment scan­da­leux. Cinq per­sonnes ont été arrê­tées dans le Val-d’Oise, à 50 kilo­mètres de Paris, dans des condi­tions similaires.

Il y a là condam­na­tion pour pos­ses­sion de maté­riel de pro­tec­tion : y a‑t-il eu des délits ?

C’est une ques­tion d’appréciation des juges. Les condam­na­tions sont rela­tives à ce que les per­sonnes pos­sé­daient sur elles ou dans leur voi­ture, comme un mar­teau ou un fumi­gène. Mais après toute cette débauche de gardes à vue et d’in­cri­mi­na­tions, il y a eu peu d’emprisonnements effec­tifs. On peut donc dire qu’il y a un détour­ne­ment du droit pénal — puisque celui-ci est fait pour arrê­ter des per­sonnes qui ont effec­ti­ve­ment com­mis des infrac­tions. En 1789, une bande de cas­seurs a pris la Bastille pour obte­nir un mois plus tard une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui pré­voit qu’on ne peut être puni que pour un fait avé­ré vio­lant la loi. C’est en cela qu’il y a chan­ge­ment de para­digme : on viole les prin­cipes de 1789.

Par Cyrille Choupas

Le peu de condam­na­tions prouve bien qu’il s’a­git d’un usage poli­cier et admi­nis­tra­tif du droit pénal. Cependant, cer­taines d’entre elles peuvent être très lourdes — comme dans l’affaire de Valence, où quatre gilets jaunes ont été envoyés en pri­son pen­dant 10 jours après la mani­fes­ta­tion du 8 décembre, avant d’être libé­rés puis condam­nés le 26 décembre à des peines de pri­son ferme (un an pour mon client), assor­ties d’une inter­dic­tion de mani­fes­ter d’une durée de trois ans (la peine maxi­male pré­vue par le code). Pour des per­sonnes sans aucun anté­cé­dent judi­ciaire, ces peines sont dis­pro­por­tion­nées et font direc­te­ment écho à la cir­cu­laire du minis­tère de la Justice du 22 novembre der­nier — spé­ciale « gilets jaunes ». Dans cette affaire, le pro­cu­reur a pro­non­cé à l’audience des réqui­si­tions qui sui­vaient à la lettre l’esprit de cette cir­cu­laire — démon­trant, si besoin en était, qu’il n’est pas une auto­ri­té judi­ciaire indé­pen­dante. En outre, il a fait des réfé­rences abjectes à l’antisémitisme de cer­tains gilets jaunes à Paris : rien à voir avec l’af­faire de Valence ! Ou com­ment le point Godwin peut être atteint par un magis­trat dans ses réqui­si­tions. J’ai évi­dem­ment fait appel de cette condamnation.

En temps « nor­mal », com­ment s’organise l’indépendance de la jus­tice vis-à-vis de l’exécutif ? 

« Le peu de condam­na­tions prouve bien qu’il s’a­git d’un usage poli­cier et admi­nis­tra­tif du droit pénal. »

Attention, il ne faut pas uti­li­ser le terme de « jus­tice » : c’est une confu­sion répan­due, qui est même entre­te­nue dans une cer­taine mesure. Il y a deux choses : la jus­tice qui juge, c’est-à-dire les juges du siège, qui vont déci­der si telle per­sonne est cou­pable ou inno­cente et quelle peine il faut infli­ger. Ces juges sont indé­pen­dants, il n’y a pas de doute à avoir là-des­sus. Ensuite, il y a des magis­trats du par­quet, qui accusent — ce qu’on appelle le minis­tère public, à savoir le pro­cu­reur de la République et ses sub­sti­tuts. Historiquement par­lant, le pro­cu­reur de la République a pu être qua­li­fié de pré­fet judi­ciaire. Un pré­fet est nom­mé en Conseil des ministres, il exé­cute les ordres que lui donne le gou­ver­ne­ment ; il est le bras armé de l’État dans le dépar­te­ment. Bien qu’un peu datée, cette expres­sion est par­lante car elle met bien en évi­dence le lien de subor­di­na­tion du pro­cu­reur vis-à-vis du gou­ver­ne­ment. C’est le pro­cu­reur de la République qui décide de pour­suivre quelqu’un devant un tri­bu­nal et qui sou­tient l’accusation ; c’est lui qui peut choi­sir qu’une per­sonne soit jugée en com­pa­ru­tion immé­diate parce qu’elle a été arrê­tée à une mani­fes­ta­tion avec du sérum phy­sio­lo­gique, par exemple. Depuis Christiane Taubira, il ne peut plus rece­voir d’instructions du garde des Sceaux dans un dos­sier indi­vi­duel ; mais les pro­cu­reurs ne sont pas struc­tu­rel­le­ment indé­pen­dants car leurs condi­tions de nomi­na­tion, d’avancement et de car­rière ne sont pas indé­pen­dantes. Ainsi, pour la Cour euro­péenne des droits de l’homme, le pro­cu­reur n’est pas consi­dé­ré comme une auto­ri­té judi­ciaire indé­pen­dante. Le pro­cu­reur actuel de Paris, Rémy Heitz, est l’ancien direc­teur des Affaires cri­mi­nelles et des grâces (DACG), l’un des plus hauts postes du minis­tère de la Justice…

Personnellement, je ne sou­haite pas que le pro­cu­reur soit indé­pen­dant : il est nor­mal que celui-ci veuille mettre en place une poli­tique gou­ver­ne­men­tale. C’est la rai­son pour laquelle je peux le cri­ti­quer et dire que tel choix est un choix poli­tique. S’il était indé­pen­dant, à par­tir de quelle légi­ti­mi­té ses choix seraient-ils pris ? Au nom de quoi pren­drait-il telle ou telle déci­sion ? Il me paraît nor­mal qu’un gou­ver­ne­ment démo­cra­ti­que­ment élu — bien que je sois en désac­cord avec le gou­ver­ne­ment actuel, vous l’au­rez com­pris —, un gou­ver­ne­ment qui tire sa légi­ti­mi­té du peuple, et ce même si les ins­tances sont évi­dem­ment per­fec­tibles, puisse don­ner des ins­truc­tions sur la poli­tique pénale qu’il entend mener. Pour résu­mer : struc­tu­rel­le­ment, oui, il y a un lien entre l’ac­cu­sa­tion faite par le pro­cu­reur et le gou­ver­ne­ment (ici en par­ti­cu­lier la garde des Sceaux), mais non pas avec la jus­tice en soi.

Par Cyrille Choupas

Quelle dif­fé­rence y a‑t-il, en matière de réponses judi­ciaires, entre une com­pa­ru­tion immé­diate et un pro­cès dif­fé­ré dans le temps ?

Le risque d’incarcération, tout bon­ne­ment. En clair : aller en pri­son. Si vous faites une garde à vue, et qu’à son issue on vous relâche et vous demande de vous repré­sen­ter au tri­bu­nal dans trois mois, vous êtes libre, vous pou­vez ren­trer chez vous, vous avez le temps de joindre un avo­cat et de pré­pa­rer votre défense. Dans la com­pa­ru­tion immé­diate, vous finis­sez votre nuit en garde à vue, on vous conduit au tri­bu­nal — où vous pou­vez dor­mir encore, soit une nuit de plus de pri­va­tion de votre liber­té — et vous pas­sez devant le tri­bu­nal le len­de­main. Dans ces condi­tions, vous êtes très fati­gué, vous man­quez de temps pour pré­pa­rer votre défense. S’ajoute une pres­sion consi­dé­rable qui s’exerce sur vous : ces audiences sont extrê­me­ment sui­vies puis­qu’elles se déroulent deux jours après les mani­fes­ta­tions. L’opinion publique veut savoir ce qu’il va en être du trai­te­ment judi­ciaire : va-t-on envoyer en pri­son les « casseurs » ?

À Mantes-la-Jolie, des lycéens ont été arrê­tés sans motif valable a prio­ri, donc au nom de la seule sus­pi­cion. De plus, cer­tains pré­ve­nus ont été enten­dus sans avo­cat5

« On uti­lise la garde à vue comme un moyen de punir des per­sonnes alors que la police n’a rien à leur reprocher. »

À ma connais­sance, les jeunes de Mantes-la-Jolie ont été pla­cés en garde à vue et celles-ci ont toutes été levées sans suite judi­ciaire. C’est durant leur garde à vue qu’ils ont été inter­ro­gés sans la pré­sence d’un avo­cat, ce qui est tota­le­ment illé­gal pour un mineur. C’est donc un pur scan­dale. Ça pose sur­tout le pro­blème de l’in­ter­pel­la­tion col­lec­tive, selon moi illé­gale, car le code de pro­cé­dure pénale pré­voit que l’on ne peut inter­pel­ler quelqu’un que s’il y a des élé­ments qui per­mettent de pen­ser que cette per­sonne, indi­vi­duel­le­ment, a com­mis un crime ou un délit. Lorsqu’il y a inter­pel­la­tion col­lec­tive, on n’est pas capable d’af­fir­mer que toutes les per­sonnes ont quelque chose à se repro­cher indi­vi­duel­le­ment. L’interpellation col­lec­tive est donc contraire à la logique du droit. À tous points de vue, il n’est pas tolé­rable d’in­ter­pel­ler 100 per­sonnes à la fois et de les pri­ver de leur liber­té. Malheureusement, depuis plu­sieurs années, cette pra­tique est mise en œuvre — notam­ment dans les mani­fes­ta­tions, qui se ter­minent par­fois avec plu­sieurs cen­taines de per­sonnes en garde à vue. On uti­lise la garde à vue comme un moyen de punir des per­sonnes alors que la police n’a rien à leur reprocher.

Un autre usage de la garde à vue vise de jeunes raci­sés, sou­vent mineurs et venants de ban­lieue. On peut avoir l’im­pres­sion que les ban­lieues sont des zones d’expérimentation de la loi. J’ai eu à défendre un jeune arrê­té au lycée Suger à Saint-Denis en mars 2017, lors des mou­ve­ments de blo­cage des lycées qui ont explo­sé à la suite des vio­lences et du viol com­mis sur le jeune Théo. Des petites échauf­fou­rées se sont dérou­lées devant l’é­ta­blis­se­ment ; les poli­ciers les ont nas­sés puis ont inter­pel­lé une cin­quan­taine de lycéens d’un seul tenant, avant de les pla­cer en garde à vue pour cause d’« attrou­pe­ment ». Leur garde à vue a été pro­lon­gée à 48 heures — pro­lon­ga­tion auto­ri­sée uni­que­ment par le pro­cu­reur de la République de Bobigny. De ce que j’ai pu savoir de la pro­cé­dure, des sub­sti­tuts du pro­cu­reur ont en fait été dépê­chés sur place puisque la loi pré­voie que seul le pro­cu­reur de la République peut don­ner son accord pour chaque cas indi­vi­duel. Ils se sont donc ren­dus au com­mis­sa­riat de Saint-Denis pour ordon­ner la pro­lon­ga­tion des gardes à vues de jeunes lycéens, des mineurs, à la chaîne, comme à l’u­sine. Il faut ima­gi­ner les sub­sti­tuts du pro­cu­reur ali­gnés en rang d’oi­gnons, pre­nant les dos­siers un à un et tam­pon­nant la pro­lon­ga­tion de 24 heures. Une sorte d’industrie judi­ciaire. Cela avait fait un peu de bruit à l’époque. Huit jeunes ont été pour­sui­vis ; je défends l’un d’eux.

Par Cyrille Choupas

Y a‑t-il une dif­fé­rence de trai­te­ment selon la chambre devant laquelle le pré­ve­nu est pré­sen­té en com­pa­ru­tion immédiate ?

Lundi 10 décembre, pour faire face à l’af­flux de défé­rés, il y a eu trois chambres sup­plé­men­taires ouvertes pour juger les gilets jaunes. Et selon la chambre, en effet, les peines dif­fé­raient. Mon client a été condam­né avec six mois de sur­sis ; un autre, défen­du par une consœur dans une chambre à côté pour peu ou prou les mêmes faits, a eu quatre mois de pri­son ferme avec man­dat de dépôt… Il y a une per­sonne qui, pen­dant que nous par­lons, est en pri­son tan­dis que l’autre est chez elle. Une consœur a défen­du son client dans une autre chambre, avec des faits un peu dif­fé­rents : 500 euros d’a­mende avec inter­dic­tion de séjour à Paris — comme c’é­tait sys­té­ma­ti­que­ment le cas dans cette chambre. Il n’y a eu aucune homo­gé­néi­té dans les sanc­tions pénales qui ont été pro­non­cées après les manifestations…

On ne compte plus, ces der­nières années, les conflits entre le pou­voir d’État et les divers mou­ve­ments sociaux : sala­riés Air France, éco­lo­gistes, zadistes, mili­tants anti­nu­cléaires… Ruffin affirme être sur écoute et une figure média­tique des gilets jaunes vient d’être pla­cée en garde à vue, avant d’être relâ­chée : est-ce légi­time ou outran­cier de par­ler d’une cri­mi­na­li­sa­tion gran­dis­sante de l’op­po­si­tion poli­tique en France ?

« On n’a jamais vu de poli­ciers en com­pa­ru­tion immédiate. »

En 1981, Mitterrand arrive au pou­voir ; l’une de ses pre­mières mesures est celle du 4 août 1981, qui dit : « Sont amnis­tiées les infrac­tions sui­vantes : délits com­mis à l’oc­ca­sion de réunions, de mani­fes­ta­tions sur la voie publique, dans les lieux publics et les éta­blis­se­ments uni­ver­si­taires ou sco­laires, à l’oc­ca­sion de conflits rela­tifs aux pro­blèmes de l’en­sei­gne­ment et de conflits du tra­vail, à l’oc­ca­sion d’ac­ti­vi­tés syn­di­cales et reven­di­ca­tives » ; ou encore : sont amnis­tiés des « délits com­mis à l’occasion de conflits rela­tifs à des pro­blèmes agri­coles, ruraux, arti­sa­naux ou com­mer­ciaux : infrac­tions com­mises en rela­tion avec des élec­tions de toutes sortes ». C’est fas­ci­nant ! Il est impor­tant que le pou­voir légis­la­tif et poli­tique décide d’am­nis­tier des per­sonnes pour­sui­vies pour des délits dans le cadre de mou­ve­ments sociaux et poli­tiques, du fait qu’ils étaient dans leur droit. C’est une délin­quance « par­ti­cu­lière », poli­tique ; on peut effa­cer l’ar­doise, c’est l’i­dée du par­don. Aujourd’hui, nous n’a­vons plus cela : au contraire, l’ac­tion poli­tique est de plus en plus cri­mi­na­li­sée. Ce n’est pas dû à la seule machine judi­ciaire : ce sont avant tout des poli­ciers — donc le minis­tère de l’Intérieur — qui inter­pellent, par­fois sur réqui­si­tion du pro­cu­reur. Puis le pro­cu­reur pour­suit et la jus­tice condamne. Ce pro­ces­sus joue comme aver­tis­se­ment ; il fait peur. Il fau­drait remettre cette idée d’am­nis­tie dans l’horizon des luttes, au sein des mou­ve­ments sociaux. La thé­ma­tique de l’an­ti-répres­sion, de com­ment s’or­ga­ni­ser pour se défendre, existe déjà au niveau des tri­bu­naux et du pénal, mais il fau­drait por­ter le regard plus loin : reven­di­quer l’a­bro­ga­tion de lois et l’exi­gence d’amnistie. L’abrogation de l’ar­ticle 222–214‑2, qui pré­voit depuis 2010 le délit de grou­pe­ment en vue de vio­lences ou dégra­da­tions, devrait être por­tée par un pro­gramme politique.

Vous par­liez de l’af­faire Théo ; il y a aus­si celle d’Adama Traoré — et bien d’autres encore. Pourquoi, en dépit des mobi­li­sa­tions et d’une média­ti­sa­tion gran­dis­sante, la police reste-t-elle à ce point intouchable ?

Pour faire recon­naître les vio­la­tions de la loi pénale com­mises par des forces de l’ordre, on s’op­pose à un mur. J’ai été récem­ment sai­si du cas d’un jeune, vic­time il y a quelques années d’un tir de Flash-Ball, à Argenteuil, lors d’une opé­ra­tion de poli­ciers débar­quant tels des cow­boys. Le jeune homme avait immé­dia­te­ment dépo­sé plainte : elle n’a tou­jours pas été exa­mi­née… Pendant ce temps, il a été pour­sui­vi par la jus­tice, jugé puis relaxé. C’est une jus­tice à deux vitesses : on envoie en com­pa­ru­tion immé­diate, et par­fois en pri­son, des per­sonnes incul­pées de vio­lence à l’en­contre des forces de l’ordre ; par contre, on n’a jamais vu de poli­ciers en com­pa­ru­tion immé­diate… Je ne défends pas l’i­dée de péna­li­sa­tion et suis cri­tique vis-à-vis de la com­pa­ru­tion immé­diate — pour tout le monde —, mais la péna­li­sa­tion est pré­vue par les textes et fait par­tie de la vie en socié­té, et de mon tra­vail, évi­dem­ment. Ce qu’il faut défendre, c’est le mot d’ordre por­té par le comi­té Adama : « Vérité et jus­tice ». Et si véri­té et jus­tice doivent pas­ser par une condam­na­tion, dont acte. Mais la condam­na­tion ne doit pas être notre pers­pec­tive politique.

Par Cyrille Choupas

L’un des repré­sen­tants du col­lec­tif Désarmons-les nous a deman­dé de vous poser une ques­tion : si l’on obtient une juris­pru­dence favo­rable à la remise en cause de l’u­ti­li­sa­tion des gre­nades GLI F4, voire qu’on abou­tit à leur inter­dic­tion, com­ment s’as­su­rer qu’elle pour­ra valoir éga­le­ment pour d’autres armes ?

Pour le moment, il n’y en a pas, mais si c’é­tait le cas, cette juris­pru­dence pour­rait éven­tuel­le­ment être uti­li­sée pour deman­der l’in­ter­dic­tion d’autres armes. Tout dépend de la déci­sion. Néanmoins, il ne faut pas trop attendre de la jus­tice et de la juris­pru­dence ; ce qui compte, c’est le com­bat poli­tique. Il y a plus de chances d’ob­te­nir l’interdiction des GLI F4 — qui est qua­li­fiée par la loi comme une arme de guerre — et des autres armes uti­li­sées dans le cadre du main­tien de l’ordre et des mani­fes­ta­tions par un rap­port de force politique.


Photographie de vignette : Camille Le Petit
Photographie de ban­nière : Cyrille Choupas


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  1. Le 8 décembre 2018.
  2. Le 5 mai 2018.
  3. « Interpellé par 5 voi­tures de la DGSI, pla­cé 36h en garde à vue », Lundi AM, 19 décembre 2018.
  4. Note de Raphaël Kempf : Notamment maître Ruben Garcia, qui a fait un tra­vail remar­quable sur le sujet.
  5. Voir « Arrestation de lycéens à Mantes-la-Jolie : des mineurs inter­ro­gés sans avo­cat », Le Parisien, 7 décembre 2018.

REBONDS

☰ Lire notre témoi­gnage « Violences poli­cières, un élu raconte », décembre 2018
☰ Lire notre article : « Bure, labo­ra­toire de la répres­sion », Gaspard d’Allens, novembre 2018
☰ Voir notre port­fo­lio « Jaune rage », Cyrille Choupas, novembre 2018
☰ Lire notre entre­tien avec Laure Ortiz : « La sécu­ri­té a absor­bé toutes les liber­tés », jan­vier 2018
☰ Lire notre témoi­gnage « Montrer que la lutte paie », juillet 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Issa Bidard : « Un jeune de Neuilly ne va jamais cou­rir s’il est contrô­lé », mars 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Mathieu Rigouste : « Les vio­lences de la police n’ont rien d’accidentel », février 2017


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