Racisme anti-blancs : quand les mots rompent avec le réel

16 septembre 2019


Texte inédit pour le site de Ballast

À l’origine, une inter­view de Lilian Thuram parue début sep­tembre dans un jour­nal ita­lien : ques­tion­né sur les « cris de singe » racistes que subissent cer­tains joueurs dans les stades, l’ancien foot­bal­leur a esti­mé qu’« il est néces­saire d’avoir le cou­rage de dire que les Blancs pensent être supé­rieurs et qu’ils croient l’être ». S’en est sui­vie une polé­mique média­tique sur le « racisme anti-Blancs » et la vali­di­té, ou non, du concept même. Dans un article publié sur Mediapart, l’historien Nicolas Lebourg avance pour sa part que « le dis­cours tenu par les obsé­dés du racisme anti-Blancs est fac­tuel­le­ment faux », mais qu’il n’est pas pour autant « ration­nel de faire de la for­mule le racisme anti-Blancs n’existe pas un man­tra de gauche ». Mélusine, mili­tante fémi­niste et anti­ra­ciste, a tenu à réagir : le racisme est avant tout un rap­port social sys­té­mique, et ne peut être réduit à un simple sys­tème idéologique.


Quelques jours après qu’a été rejoué, à l’université d’été de la France insou­mise, le débat sur le sens du mot isla­mo­pho­bie, c’est au tour du « racisme anti-blancs »1 de faire son grand retour polé­mique. Colère et las­si­tude : ce n’est plus la droite réac­tion­naire qui mène la danse, ce sont les intel­lec­tuels de gauche. 14 ans après la publi­ca­tion de l’appel contre les « raton­nades anti-Blancs », signé notam­ment par Alain Finkielkraut et Pierre-André Taguieff, la presse n’a plus besoin d’aiguillon pour s’emparer du sujet. Le 9 sep­tembre 2019, Le Monde redif­fu­sait une « enquête » de 2012 sur la « réa­li­té peu étu­diée » du racisme anti-blancs — enquête qui mal­mène hon­teu­se­ment les résul­tats de l’enquête TeO qu’elle pré­tend ana­ly­ser2. Le même jour, Mediapart publiait une chro­nique de l’historien Nicolas Lebourg contre le « dogme » de la gauche anti­ra­ciste qui s’entête à refu­ser toute vali­di­té à ce concept. Un sujet sans doute plus exci­tant que celui des cris de singe dans les stades de foot européens.

« En pré­ten­dant que l’islamophobie ne serait qu’une cri­tique de la reli­gion ou le racisme une idéo­lo­gie de haine, on réduit la focale et le champ de lutte possible. »

Cette éclipse de l’événement raciste à l’origine de la polé­mique résume à elle seule l’enjeu de ces débats. On ne sau­rait les réduire à de simples dif­fé­rends lexi­caux, puisque contes­ter le sens des mots, celui d’islamophobie et celui de racisme, c’est aus­si désar­mer ceux qui s’en servent et, en l’occurrence, pri­ver ceux qui étu­dient et qui com­battent le racisme des outils qui leur sont néces­saires pour le dire, le décrire, l’analyser et, fina­le­ment, com­prendre com­ment le détruire. Il s’agit bien d’une bataille de mots, mais elle n’est pas que cela, elle est tout cela : c’est une bataille à pro­pos de ce qu’il est pos­sible de dire et de mon­trer de la réa­li­té sociale dans laquelle nous vivons, et donc à pro­pos de ce qu’il est pos­sible d’y chan­ger. En pré­ten­dant que l’islamophobie ne serait qu’une cri­tique de la reli­gion ou le racisme une idéo­lo­gie de haine, on réduit la focale et le champ de lutte possible.

Que la droite réac­tion­naire s’emploie à diluer la signi­fi­ca­tion du mot « racisme » en inven­tant des concepts de toutes pièces sans se sou­cier de leur rap­port à la réa­li­té n’est pas sur­pre­nant : elle y a des inté­rêts poli­tiques et maté­riels évi­dents. Mais que la gauche s’obstine à entre­te­nir une obs­cu­ri­té concep­tuelle et lexi­cale sur les ques­tions de racisme, qu’elle refuse de tenir compte des tra­vaux de recherche pro­duits depuis des décen­nies sur ce sujet, qu’elle ne dis­cerne plus les enjeux poli­tiques qu’il y a à bien défi­nir le racisme et son fonc­tion­ne­ment pour le com­battre, voi­là qui met en rage. Pour cette rai­son, il est néces­saire de faire à nou­veau ce qu’on n’imaginait plus devoir faire : reve­nir sur les défi­ni­tions fon­da­men­tales et les démons­tra­tions élé­men­taires, en s’appuyant sur les tra­vaux des cher­cheurs spé­cia­listes des ques­tions de racisme. La chro­nique de Lebourg est un maté­riau adé­quat pour se livrer à ce tra­vail, dans la mesure où elle s’articule à plu­sieurs fal­si­fi­ca­tions concep­tuelles, dis­tor­dant les posi­tions expri­mées par les mondes aca­dé­mique comme militant.

Theo Van Doesburg, Design for Leaded Light Window (1921)

Le racisme, un système social de domination

La ten­ta­tive de Lebourg de don­ner sa chance au concept de racisme anti-blancs repose en effet sur un unique coup argu­men­ta­tif : il sub­sti­tue une défi­ni­tion par­tielle et mino­ri­taire du racisme à celle qu’utilisent réel­le­ment les cher­cheurs et les mili­tants aux­quels il s’attaque : le racisme serait non pas un « sys­tème struc­tu­rel de dis­cri­mi­na­tions sociales » mais un « sys­tème idéo­lo­gique », voire un simple « pro­jet poli­tique », qui pour­rait selon lui être com­pa­ré au com­mu­nisme ou à l’écologie. Il écrit ain­si : « les intel­lec­tuels qui défendent l’idée que le racisme anti-Blancs n’existe pas ins­crivent plus leur ana­lyse dans le cadre des struc­tures sociales que dans celui des pro­jets poli­tiques et des repré­sen­ta­tions cultu­relles au long cours ». Outre le refus d’obstacle que ce glis­se­ment de défi­ni­tion repré­sente, il est lar­ge­ment contes­table : d’abord, parce qu’il choi­sit arbi­trai­re­ment d’ignorer la réa­li­té maté­rielle de la socié­té pour s’intéresser exclu­si­ve­ment aux idées. Ensuite, parce qu’il écarte, sans le jus­ti­fier, la défi­ni­tion qui pré­vaut aujourd’hui et depuis des décen­nies dans les tra­vaux de recherche en sciences sociales et par­mi les mili­tants anti­ra­cistes, en France et à l’étranger.

« Le racisme [est] un prin­cipe d’organisation de la socié­té, un sys­tème de domi­na­tion, fina­le­ment un rap­port social »

Appliquée au sexisme, cette redé­fi­ni­tion aurait par exemple des consé­quences dras­tiques : le terme ne dési­gne­rait alors que les idéo­lo­gies poli­tiques qui reven­diquent expli­ci­te­ment l’essentialisation de la fémi­ni­té, l’infériorité des femmes ou leur relé­ga­tion dans l’espace domes­tique. Autrement dit, il ne concer­ne­rait que des mou­ve­ments reli­gieux conser­va­teurs, cer­tains par­tis de droite ou d’extrême droite et quelques groupes mas­cu­li­nistes confi­den­tiels. Le sexisme ain­si enten­du ne recou­vri­rait ni les repré­sen­ta­tions col­lec­tives, ni les normes sociales rela­tives aux rôles sexués. Il ne par­le­rait ni des habi­tus, ni des pra­tiques atta­chées à la fémi­ni­té ou à la mas­cu­li­ni­té. Il igno­re­rait les inéga­li­tés ins­ti­tu­tion­nelles, les vio­lences, l’exploitation domes­tique, et fina­le­ment toute la maté­ria­li­té quo­ti­dienne et réa­li­sée du sexisme. Il ne dirait, fina­le­ment, rien du patriar­cat, de l’organisation de la socié­té, de la domi­na­tion vécue et entretenue.

C’est pour évi­ter cette impasse idéa­liste que la plu­part des cher­cheurs en sciences sociales pré­fèrent à la défi­ni­tion de Lebourg une défi­ni­tion forte, qui consi­dère le racisme comme un prin­cipe d’organisation de la socié­té, un sys­tème de domi­na­tion, fina­le­ment un rap­port social, celui qu’entretiennent des groupes dis­tin­gués et hié­rar­chi­sés par un prin­cipe racial3. Cette défi­ni­tion per­met de lier la struc­ture et la super­struc­ture, de dire la réa­li­té maté­rielle et l’hégémonie cultu­relle qui vient la jus­ti­fier et l’entretenir. Elle prend au sérieux le pro­ces­sus d’altérisation et d’hostilité — de raci­sa­tion4 — qui, au-delà des idéo­lo­gies poli­tiques et scien­ti­fiques racistes, a façon­né les ima­gi­naires, les corps, le lan­gage et l’organisation sociale, au fil de plu­sieurs siècles d’esclavage, d’exploitation éco­no­mique, d’occupation mili­taire, de ges­tion admi­nis­tra­tive, de dis­cri­mi­na­tions en droit et en fait, de dépré­cia­tion esthé­tique, morale, cultu­relle et symbolique.

Theo Van Doesburg, Counter Composition XIV (1925)

Les blancs, un groupe social dominant

C’est donc sur une défi­ni­tion réduc­trice du racisme que s’appuie Lebourg lorsqu’il dénonce l’essentialisation raciste consis­tant à pré­tendre qu’un « groupe bio­lo­gique » (sic) pour­rait avoir le mono­pole d’une idéo­lo­gie poli­tique. Ce fai­sant, il conteste un argu­ment que per­sonne n’avance, sans doute parce qu’il mécon­naît pro­fon­dé­ment les nom­breux tra­vaux de sciences sociales sur le groupe blanc. « L’un des pro­blèmes majeurs des polé­miques actuelles est qu’elles tiennent la sub­di­vi­sion raciale entre Blancs et Noirs comme un fait acquis, natu­rel et mul­ti­sé­cu­laire », affirme Lebourg. De fait, l’ensemble de la lit­té­ra­ture sur le sujet démontre le contraire. L’organisation raciale du monde social est tou­jours envi­sa­gée non comme une réa­li­té intem­po­relle ou néces­saire, mais comme le pro­duit d’une his­toire longue, dont la forme actuelle est l’héritière de l’Empire, de l’esclavage et de la colo­ni­sa­tion euro­péens5. Les cher­cheurs fran­çais ont d’ailleurs par­ti­cu­liè­re­ment étu­dié la consti­tu­tion socio­his­to­rique du groupe blanc, notam­ment en colo­nies, à tra­vers la créa­tion admi­nis­tra­tive des caté­go­ries raciales ou l’évolution des sciences racia­listes6.

« Les blancs sont en réa­li­té appré­hen­dés comme un groupe social pro­duit par le racisme lui-même : ils sont blancs parce qu’ils entre­tiennent un rap­port de domi­na­tion par­ti­cu­lier avec les groupes racisés. »

Aux États-Unis, la construc­tion du groupe blanc comme posi­tion socioé­co­no­mique dont les fron­tières varient dans le temps et l’espace a éga­le­ment don­né lieu à une lit­té­ra­ture impor­tante7. Ainsi, contrai­re­ment à ce que croit Lebourg, lorsque les cher­cheurs parlent des blancs, ils ne parlent ni d’une race supé­rieure décrite par les idéo­logues du XIXe siècle, ni d’un groupe par­ta­geant des cri­tères bio­lo­giques — dont celui de la peau blanche. Les blancs sont en réa­li­té appré­hen­dés comme un groupe social pro­duit par le racisme lui-même : ils sont blancs parce qu’ils entre­tiennent un rap­port de domi­na­tion par­ti­cu­lier avec les groupes raci­sés, parce qu’ils sont dis­tin­gués des non-blancs, parce qu’ils occupent, toutes choses égales par ailleurs, une posi­tion sociale et sym­bo­lique qui leur est supé­rieure. Le qua­li­fi­ca­tif « blanc » ne désigne pas une qua­li­té de l’être, mais bien une pro­prié­té sociale : il ne dit pas l’identité des indi­vi­dus, mais leur posi­tion dans la socié­té, dans le rap­port de domi­na­tion raciste.

On peut donc déjà com­prendre pour­quoi le refus du concept de racisme anti-blancs n’a rien d’un dogme, mais est la consé­quence néces­saire du fonc­tion­ne­ment du sys­tème raciste, com­pris comme la domi­na­tion des blancs sur les non-blancs. Non pas parce que les blancs seraient par nature domi­na­teurs et racistes, mais parce que les blancs, qui n’ont aucune exis­tence de nature, n’existent comme groupe qu’à tra­vers la domi­na­tion qu’ils exercent effec­ti­ve­ment sur les autres groupes sociaux, et qui se tra­duit à la fois par une hégé­mo­nie cultu­relle et par une orga­ni­sa­tion sociale inéga­li­taire, cha­cune faci­le­ment consta­table. Finalement, il s’agit presque d’un pro­blème de logique : les défi­ni­tions posées, l’impasse concep­tuelle est claire.

Theo Van Doesburg, Simultaneous Counter Composition (1929)

Les non-blancs et l’idéologie raciste

Dans ces condi­tions, qu’en est-il du rap­port des non-blancs à l’idéologie raciste ? Lebourg écrit en effet — et c’est une phrase qui mérite d’être relue à plu­sieurs reprises pour en goû­ter l’insulte : « Penser qu’un Noir ne pour­rait être raciste devrait éveiller chez les anti­ra­cistes l’écho de la phrase jus­te­ment décriée de Nicolas Sarkozy sur “l’homme afri­cain” qui ne serait “pas entré dans l’Histoire” ». À nou­veau, Lebourg n’entend le racisme que comme une idéo­lo­gie poli­tique et s’étonne qu’on puisse croire que les non-blancs ne seraient pas capables d’adhérer à toutes les idéo­lo­gies ima­gi­nables. Et à nou­veau, en dis­tor­dant le sens des mots, il fausse les idées qu’il prête à ceux dont il se fait le contradicteur.

« Les blancs comme les non-blancs sont pris dans la toile de la domi­na­tion raciste, et s’extraire de l’hégémonie cultu­relle est, pour les non-blancs, une condi­tion néces­saire de leur émancipation. »

Parce qu’évidemment, les per­sonnes non blanches peuvent être racistes. Elles peuvent l’être parce que, comme l’ensemble de la socié­té, elles sont per­méables à l’hégémonie cultu­relle qui façonne depuis l’enfance leur vision du monde et d’elles-mêmes. Elles peuvent l’être en tant qu’elles par­tagent mal­gré elles l’échelle de valeurs et la gram­maire sym­bo­lique du groupe domi­nant : elles peuvent, elles aus­si, accep­ter la natu­ra­li­té de la divi­sion raciale, la supé­rio­ri­té esthé­tique et morale des blancs, la valo­ri­sa­tion des traits phy­siques ou cultu­rels qui les rap­prochent du modèle hégé­mo­nique et donc le rejet de ceux qui en paraissent plus éloi­gnés. Ainsi, elles peuvent plei­ne­ment par­ti­ci­per à la repro­duc­tion du sys­tème raciste et, confor­mé­ment aux caté­go­ries domi­nantes de la socié­té dans laquelle elles vivent et aux repré­sen­ta­tions qui leur sont asso­ciées, exer­cer dis­cri­mi­na­tion, vio­lence et exclu­sion à l’égard d’autres groupes raci­sés. Les expres­sions ponc­tuelles de haine envers le groupe domi­nant elles-mêmes doivent être consi­dé­rées dans le cadre géné­ral de l’hégémonie blanche et des caté­go­ri­sa­tions raciales qu’elle impose, comme une vio­lence de réac­tion — condam­nable évi­dem­ment à titre indi­vi­duel, mais révé­la­trice d’aucune struc­ture poli­tique et sociale à ren­ver­ser. Comme l’écrit Frantz Fanon, les blancs comme les non-blancs sont pris dans la toile de la domi­na­tion raciste, et s’extraire de l’hégémonie cultu­relle est, pour les non-blancs, une condi­tion néces­saire de leur éman­ci­pa­tion8.

Cette asy­mé­trie concep­tuelle fon­da­men­tale n’est pas une injus­tice faite aux blancs, elle dérive de l’inégalité sociale effec­ti­ve­ment réa­li­sée. Le racisme n’avait en effet pas à être, néces­sai­re­ment, une hégé­mo­nie blanche. Mais il se trouve qu’il l’est, parce que l’histoire contin­gente l’a fait ain­si, avec la construc­tion scien­ti­fique et idéo­lo­gique des races humaines qui a remo­de­lé pro­fon­dé­ment les moda­li­tés d’expression de la domi­na­tion sur l’ensemble de la pla­nète ; avec la conquête euro­péenne du monde, la mise en escla­vage indus­trielle et la colo­ni­sa­tion ; les géno­cides et les mas­sacres per­pé­trés sur les cinq conti­nents ; la mon­dia­li­sa­tion impé­ria­liste, extrac­ti­viste et inéga­li­taire ; l’organisation raciste actuelle des socié­tés dites occi­den­tales et l’hégémonie cultu­relle qui s’étend bien au-delà de leurs fron­tières9. Cela ne signi­fie pas qu’il n’existe pas d’autres rap­ports sociaux racistes, aujourd’hui, dans d’autres pays du monde, ni qu’il n’aurait pas pu exis­ter dans une réa­li­té paral­lèle, un sys­tème raciste oppri­mant les blancs. Seulement que, dans le monde dans lequel nous vivons, l’hégémonie blanche est incon­tes­table, maté­rielle, plu­ri­cen­te­naire et vivace.

Theo Van Doesburg, Counter Composition V (1924)

Malgré ces erreurs fac­tuelles, ces redé­fi­ni­tions arbi­traires et la mécon­nais­sance des tra­vaux scien­ti­fiques sur le racisme qu’elle révèle, la chro­nique de Lebourg a eu un grand suc­cès dans les cou­rants réac­tion­naires de la gauche répu­bli­caine10 : en effet, elle par­ti­cipe au tra­vail géné­ral de sape des mots uti­li­sés pour dire le racisme — le racisme struc­tu­rel, maté­riel, ins­ti­tu­tion­nel, indé­bou­lon­nable — en rela­ti­vi­sant l’importance des struc­tures sociales au pro­fit d’une ana­lyse idéa­liste libé­rée de tout impé­ra­tif de rela­tions avec le réel. Il est temps de se deman­der pour­quoi autant d’intellectuels de gauche sont si peu effa­rou­chés de se caler sur le tem­po des obses­sions de l’extrême droite, à une époque où l’ensemble de l’espace poli­tique se droi­tise et où les poli­tiques inéga­li­taires et répres­sives se dur­cissent. Pourquoi ces intel­lec­tuels, la presse pro­gres­siste et les par­tis poli­tiques de gauche ne prennent pas au sérieux les tra­vaux scien­ti­fiques sur le racisme et ali­mentent acti­ve­ment les efforts trans­par­ti­sans de dis­cré­dit qui visent les mou­ve­ments mili­tants anti­ra­cistes. Pourquoi, enfin, ils font si peu de cas de la vio­lence raciste subie par des mil­lions de per­sonnes dans leur pays, cette vio­lence éco­no­mique, phy­sique, sociale et sym­bo­lique qui n’est ni théo­rique, ni poten­tielle, mais qu’ils n’hésitent pas à rela­ti­vi­ser — peut-être au nom de la défense des inté­rêts de leur propre groupe social.


Image de minia­ture : Theo Van Doesburg, Composition VIII
Image de ban­nière : Theo Van Doesburg, Simultaneous Counter-Composition (1929–30)


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  1. Note de la rédac­tion : Nous avons res­pec­té la volon­té de l’au­trice d’é­crire « blanc » et « non-blanc » sans majus­cule. Celle-ci s’en explique dans d’autres articles : elle n’ap­plique pas la règle typo­gra­phique de la majus­cule aux peuples ou aux groupes eth­niques puis­qu’elle entend dési­gner, dans ce cadre de réflexion, un groupe social.[]
  2. Élise Vincent, « Racisme anti-Blancs : la for­mule qui fâche », Le Monde, 25 octobre 2012, repu­blié le 9 sep­tembre 2019.[]
  3. Lila Belkacem [et al.], « Prendre au sérieux les recherches sur les rap­ports sociaux de race », Mouvements, février 2019.[]
  4. Colette Guillaumin, L’Idéologie raciste. Genèse et lan­gage actuel, Mouton, 1972.[]
  5. Nell Irvin Painter, The History of White People, W. W. Norton & Company, 2010.[]
  6. Sylvie Laurent et Thierry Leclère (dir.), De quelle cou­leur sont les Blancs ?, La Découverte, 2013.[]
  7. Noel Ignatiev, How the Irish Became White : Irish-Americans and African-Americans in the 19th Century, Routledge, 1995 ; Karen Brodkin, How Jews Became White Folks and What That Says About Race in America, Rutgers University Press, 1998.[]
  8. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, 1952.[]
  9. Amélie Le Renard, Le Privilège occi­den­tal. Travail, inti­mi­té et hié­rar­chies post­co­lo­niales à Dubaï, Presses de Sciences Po, 2019 ; recen­sion de Mehdi Derfoufi dans Orient XXI, publiée le 6 sep­tembre 2019.[]
  10. Note de l’au­trice : notam­ment au sein du Printemps Républicain, à com­men­cer par Gilles Clavreul qui en est l’un des cofon­da­teurs, ou encore un cer­tain nombre de mili­tants du Parti socia­liste.[]

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