Proudhon en gilet jaune

8 novembre 2019


Texte inédit pour le site de Ballast

Force est de consta­ter les cor­res­pon­dances entre le mou­ve­ment des gilets jaunes et la pen­sée de celui qu’il est cou­tume de pré­sen­ter comme le père de l’a­nar­chisme, Pierre-Joseph Proudhon : c’est en tout cas ce que l’au­teur de Proudhon contem­po­rain et L’Anarchisme entend ici démon­trer. Remise en cause de la repré­sen­ta­tion, cri­tique de l’o­li­gar­chie libé­rale, affir­ma­tion de la facul­té du peuple à s’au­to­gou­ver­ner en déli­bé­rant et en se don­nant ses propres lois : autant d’é­chos entre le sou­lè­ve­ment popu­laire, qui s’en va « fêter » sa pre­mière année, et le théo­ri­cien bison­tin écroué en 1849 pour « exci­ta­tion à la haine et au mépris du gou­ver­ne­ment de la République ». ☰ Par Édouard Jourdain


Les gilets jaunes sont un mou­ve­ment inédit. S’il a pu être rap­pro­ché de 1789, 1848, 1871 ou Mai 68, et si l’on peut en effet rele­ver cer­taines ana­lo­gies, l’Histoire, on le sait, ne se répète pas. Mais elle demeure éclai­rante à bien des égards et recèle des armes enfouies, qu’il nous appar­tient de déter­rer pour mieux com­prendre le pré­sent et le trans­for­mer en un futur meilleur. L’expérience de Proudhon et ses idées four­nissent de telles armes. Armes de la cri­tique, mais armes construc­tives. Armes à dérouiller, certes, mais armes en état de marche. Tour à tour gar­dien de vaches dès sa prime enfance, ouvrier typo­graphe et jour­na­liste, l’intéressé eut selon ses propres dires « le rare avan­tage, si c’en est un, de naître peuple, d’apprendre ce qui a fait le peuple tel qu’il est aujourd’hui, et de res­ter peuple1 ». Il eut affaire avec de mul­tiples régimes poli­tiques — la monar­chie consti­tu­tion­nelle, la démo­cra­tie par­le­men­taire, l’empire —, mais aus­si l’expérience de la Révolution de 1848. Révolté par la misère qu’avait connue sa famille, la vie et la pen­sée de Proudhon, vouées à la réso­lu­tion du pro­blème social et poli­tique, résonnent aujourd’hui d’un son par­ti­cu­lier sur des sujets comme la repré­sen­ta­tion, la déli­bé­ra­tion et la constitution.

« La vie et la pen­sée de Proudhon, vouées à la réso­lu­tion du pro­blème social et poli­tique, résonnent aujourd’hui d’un son particulier. »

De la Révolution fran­çaise à nos jours, le libé­ra­lisme a encais­sé plu­sieurs crises — celle des années 1930 ayant sous doute conduit au plus ter­rible d’entre les débou­chés, entendre l’avènement des tota­li­ta­rismes. La crise que nous tra­ver­sons actuel­le­ment est d’un autre ordre ; il n’en demeure pas moins une intui­tion, celle qu’un autre ordre poli­tique et social est pos­sible et sou­hai­table. Si aucune alter­na­tive viable n’est envi­sa­gée dans toute sa radi­ca­li­té, l’extrême centre res­te­ra cette anti­chambre du pire (dès lors que la radi­ca­li­té est com­prise comme une réso­lu­tion des pro­blèmes à la racine). Proudhon, en 1848, avait déjà poin­té les dan­gers d’un régime se récla­mant d’un hypo­crite « juste milieu » : « Le juste milieu, connu des phi­lo­sophes sous le nom d’éclectisme, vient de cette dis­po­si­tion d’esprit égoïste et pares­seuse, qui pré­fère aux solu­tions franches des accom­mo­de­ments impos­sibles ; qui accepte la reli­gion mais faite à sa conve­nance ; qui veut de la phi­lo­so­phie mais sans réserve ; qui sup­porte la monar­chie mais com­plai­sante ; la démo­cra­tie, mais sou­mise ; qui pro­clame la liber­té du com­merce, mais en se cou­vrant de pro­tec­tions ; qui s’arrangerait de la gra­tui­té de cir­cu­la­tion du cré­dit, mais en sti­pu­lant un inté­rêt pour ses capi­taux […]. Le juste milieu est l’hypocrisie de la conser­va­tion2. »

Encore faut-il admettre que l’on comp­tait à l’époque de Proudhon des formes de régimes mixtes, invi­tant dans une cer­taine mesure à la coha­bi­ta­tion des idéo­lo­gies et à l’exis­tence de contre-pou­voirs. Nous en sommes reve­nus. Le néo­li­bé­ra­lisme se mêle désor­mais à l’autoritarisme de l’État, cela dans une socié­té inté­gra­le­ment colo­ni­sée par le mar­ché. Qu’est-ce que le néo­li­bé­ra­lisme ? Une double infil­tra­tion : de l’État au sein du mar­ché, lequel doit assu­rer au pre­mier des assises pour son bon fonc­tion­ne­ment (y com­pris de manière auto­ri­taire) ; du mar­ché au sein de l’État, lequel doit éga­le­ment se sou­mettre à la loi de la concur­rence. Une inter­pé­né­tra­tion qui s’ef­fec­tue sans le consen­te­ment du peuple, consi­dé­ré inca­pable de se gou­ver­ner lui-même — comme l’affirme l’un des pères du néo­li­bé­ra­lisme, Walter Lippmann.

[Manifestation à Paris | Stéphane Burlot]

La capacité du peuple ou le refus de la représentation

« Ignorance ou impuis­sance, le Peuple, d’après la théo­rie démo­cra­tique, est inca­pable de se gou­ver­ner : la démo­cra­tie, comme la monar­chie, après avoir posé comme prin­cipe la sou­ve­rai­ne­té du Peuple, abou­tit à une décla­ra­tion de l’incapacité du Peuple3 ! » L’émergence du mou­ve­ment des gilets jaunes a sus­ci­té une polé­mique de savants quant à sa posi­tion vis-à-vis des repré­sen­tants : s’agit-il d’un mou­ve­ment qui cri­tique la toute-puis­sance des élus ou, au contraire, d’un mou­ve­ment qui regrette leur impuis­sance ? Cette manière de poser les alter­na­tives en dit long sur l’incapacité à sou­le­ver la ques­tion de la démo­cra­tie. Ce qui est en jeu n’est pas tant la puis­sance ou l’impuissance des élus que la capa­ci­té poli­tique des citoyens — laquelle va de pair avec une remise en ques­tion radi­cale de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive telle qu’elle existe. C’est que la repré­sen­ta­tion, dans nos démo­cra­ties libé­rales, n’a jamais été capable de repré­sen­ter le peuple — comme le rap­pelle l’ouvrage désor­mais clas­sique de Pierre Rosanvallon, Le Peuple introu­vable. Et pour cause : la repré­sen­ta­tion est enten­due au sens aris­to­cra­tique du terme, où les « meilleurs », c’est-à-dire les plus « capables », sont cen­sés diri­ger la masse des igno­rants, qui, acca­blés par leur tra­vail, n’ont plus le temps de s’occuper de la chose publique.

« La repré­sen­ta­tion est enten­due au sens aris­to­cra­tique du terme, où les meilleurs, c’est-à-dire les plus capables, sont cen­sés diri­ger la masse des ignorants. »

Déjà, en 1793, John Oswald, un Anglais venu en France lors de la Révolution pour par­ti­ci­per aux débats du club des Jacobins, écri­vait un pam­phlet inti­tu­lé Le Gouvernement du peuple, ou plan de consti­tu­tion pour la répu­blique uni­ver­selle. On y lit : « J’avoue que je n’ai jamais pu réflé­chir sur ce sys­tème de repré­sen­ta­tion sans m’étonner de la cré­du­li­té, je dirais presque la stu­pi­di­té avec laquelle l’esprit humain avale les absur­di­tés les plus pal­pables. Si un homme pro­po­sait sérieu­se­ment que la nation pis­sât par pro­cu­ra­tion, on le trai­te­rait de fou. […] Mais le fait est, que quoiqu’il nous soit impos­sible de pen­ser les uns pour les autres, que d’aimer les uns pour les autres, de boire ou de man­ger les uns pour les autres, cepen­dant l’habitude de délé­guer à autrui le soin de pen­ser pour nous, nous fait insen­si­ble­ment désap­prendre à pen­ser tout à fait : et ceci répond mer­veilleu­se­ment bien à l’intention cha­ri­table de ces mes­sieurs, qui veulent nous épar­gner la peine de pen­ser pas nous même4. »

L’un des points les plus ori­gi­naux du mou­ve­ment des gilets jaunes est sa posi­tion par­ti­cu­liè­re­ment cri­tique à l’en­droit du prin­cipe repré­sen­ta­tif. Ont ain­si, en son cœur, été inté­grés des méca­nismes de prévention/conjuration de la repré­sen­ta­tion, comme en témoigne le refus de pré­sen­ter des listes aux élec­tions euro­péennes de 2019. Celles, peu nom­breuses et vive­ment cri­ti­quées, qui ont main­te­nu leur can­di­da­ture ont obte­nu un score désas­treux : moins de 2 %. À l’issue d’un ras­sem­ble­ment de trois jours à Saint-Nazaire, 700 gilets jaunes, repré­sen­tant 235 groupes locaux de toute la France, publiaient le 8 avril de la même année plu­sieurs « appels » com­muns, dont l’un concerne pré­ci­sé­ment la ques­tion de la repré­sen­ta­tion : « Face à la mas­ca­rade des grands débats, face à un gou­ver­ne­ment non repré­sen­ta­tif au ser­vice d’une mino­ri­té pri­vi­lé­giée, nous met­tons en place les nou­velles formes d’une démo­cra­tie directe. Concrètement, nous recon­nais­sons que l’Assemblée des assem­blées peut rece­voir des pro­po­si­tions des assem­blées locales, et émettre des orien­ta­tions comme l’a fait la pre­mière assem­blée des assem­blées de Commercy. Ces orien­ta­tions sont ensuite sys­té­ma­ti­que­ment sou­mises aux groupes locaux. L’Assemblée des assem­blées réaf­firme son indé­pen­dance vis-à-vis des par­tis poli­tiques, des orga­ni­sa­tions syn­di­cales et ne recon­naît aucun lea­der auto­pro­cla­mé. »

[Manifestation à Paris | Stéphane Burlot]

Ce refus de la repré­sen­ta­tion part d’un prin­cipe clair, qui consti­tue la base d’une démo­cra­tie réelle : une volon­té ne sau­rait se sub­sti­tuer à une autre, fût-ce par la repré­sen­ta­tion, dont le phi­lo­sophe socia­liste Cornelius Castoriadis a lui aus­si sou­li­gné toute l’absurdité : « L’idée que qui­conque pour­rait me repré­sen­ter me paraî­trait insup­por­ta­ble­ment insul­tante, si elle n’était pas hau­te­ment comique5. » Les notions d’efficacité et d’« exper­tise » comme cri­tère de gou­ver­ne­ment, puis de gou­ver­nance, n’ont rien arran­gé quant à la jus­ti­fi­ca­tion de la repré­sen­ta­tion comme confis­ca­tion des capa­ci­tés poli­tiques des citoyens. Au XIXe siècle, Proudhon s’oppose à l’usurpation de l’autorité poli­tique par les experts au nom de l’ignorance sup­po­sée du peuple : « […] je n’ai jamais vu que le juge­ment du plus igno­rant sur les faits de son état et de sa pro­fes­sion, sur ce qui regarde ses inté­rêts et ses droits, fut plus faillible que celui du plus éclai­ré du plus savant. Toute la dif­fé­rence consiste dans le talent d’exposition, qua­li­té acquise, non dans la per­cep­tion de l’idée qui sou­vent, au contraire, est plus obs­cure chez l’érudit que chez l’homme de sa nature6. » Que nous dit Noël, gilet jaune ren­nais, au micro de France Bleu Armorique ? « Même si notre pré­sident pense qu’on est des gens simples et peu culti­vés, eh bien, vous voyez, on a quand même du bon sens, et c’est peut-être ce qui nous aide. » Ou bien Stéphanie ? « Pour qu’on ait confiance en eux, fau­drait peut-être qu’ils aient un petit peu confiance en leur peuple. On n’est pas des illet­trés, on est très impli­qués dans ce qui se passe dans notre pays et on aime­rait avoir un peu plus la parole. On ne va pas voter pour des gens qui après décident pour nous. »

« On n’est pas des illet­trés, on est très impli­qués dans ce qui se passe dans notre pays et on aime­rait avoir un peu plus la parole. »

C’est donc par la réap­pro­pria­tion de la parole que les indi­vi­dus sont sus­cep­tibles de com­bler la brèche qui les sépare de leur capa­ci­té de déci­sion. « Une nation qui se fait repré­sen­ter doit être repré­sen­tée dans tout ce qui la consti­tue : dans sa popu­la­tion, dans ses groupes, dans toutes ses facul­tés et condi­tions7 », note Proudhon. Les voix qui résultent de cette plu­ra­li­té ne sau­raient bien évi­dem­ment confé­rer une parole pleine et abso­lue aux man­da­taires, qui auraient ten­dance, en s’autonomisant, à repro­duire une oli­gar­chie épar­pillée. La parole démo­cra­tique fait tou­jours l’objet d’une réci­pro­ci­té, d’une liai­son et d’un contrôle : parce que la parole est la pre­mière mani­fes­ta­tion du pou­voir, elle n’a pas à être confis­quée. Dès lors, le phi­lo­sophe liber­taire d’as­su­rer : « Le choix des capa­ci­tés, le man­dat impé­ra­tif, la révo­ca­bi­li­té per­ma­nente, sont les consé­quences les plus immé­diates, les plus incon­tes­tables du prin­cipe élec­to­ral. C’est l’inévitable pro­gramme de toute la démo­cra­tie8. »

Les consé­quences poli­tiques de ce pro­gramme se retrouvent dans cette décla­ra­tion des gilets jaunes, elle aus­si issue d’un texte adop­té par l’Assemblée de Saint-Nazaire : « Nous, gilets jaunes réunis en Assemblée des assem­blées appe­lons l’ensemble des GJ ain­si que tous nos conci­toyens à s’engager dans la réap­pro­pria­tion de notre pou­voir poli­tique. Une étape impor­tante de cette recon­quête passe par le niveau local. Nous appe­lons à créer dans chaque com­mune de France où cela est pos­sible une ou plu­sieurs assem­blées citoyennes et popu­laires. Car ce pou­voir nous a été confis­qué comme nous le consta­tons dans de mul­tiples domaines : éco­lo­gie, public/privé (pri­va­ti­sa­tion), démo­cra­tie, etc. Ces assem­blées sont l’expression de la volon­té popu­laire. Chaque assem­blée mène ses propres expé­riences en toute auto­no­mie dans le res­pect de l’intérêt col­lec­tif (en lien avec des asso­cia­tions, gilets jaunes seuls, groupes de citoyens, asso­cia­tions de quar­tiers, pré­sen­ta­tion de listes ou non…). Nous appe­lons les assem­blées citoyennes et popu­laires, ain­si créées, à se fédé­rer en réseau par l’échange de leurs expé­riences. Réapprenons à par­ta­ger nos pré­oc­cu­pa­tions pour défi­nir ensemble ce que nous vou­lons. Réapprenons à vivre ensemble où nous habi­tons. »

[Assemblée de Commercy, dans la Meuse | Stéphane Burlot]

Délibérer, pour quoi faire ?

L’approche déli­bé­ra­tive du libé­ra­lisme dif­fère fon­da­men­ta­le­ment de l’approche déli­bé­ra­tive des gilets jaunes, qui cor­res­pond davan­tage à la phi­lo­so­phie liber­taire et plus encore à celle de Proudhon. La théo­rie libé­rale s’en tient géné­ra­le­ment à la force du meilleur argu­ment, sans prendre en compte les inéga­li­tés de pou­voir et les inéga­li­tés éco­no­miques. Le libé­ra­lisme envi­sage trois moda­li­tés de déli­bé­ra­tion dif­fé­rentes : un modèle éli­tiste, un modèle asso­cia­tif et un modèle par­ti­ci­pa­tif. Dans le modèle éli­tiste, la divi­sion entre les citoyens et les repré­sen­tants est claire et nette : seuls les repré­sen­tants sont suf­fi­sam­ment éclai­rés pour pou­voir défi­nir ce qu’est le bien com­mun. Comme le sou­tient Sieyès — sans doute l’un des théo­ri­ciens les plus signi­fi­ca­tifs de ce modèle —, les citoyens « se nomment des repré­sen­ta­tions bien plus capables qu’eux-mêmes de connaître l’intérêt géné­ral, et d’interpréter à cet égard leur propre volon­té9 ». Le dépu­té du Tiers état aux États géné­raux estime ain­si que la France ne sau­rait être une démo­cra­tie mais un régime repré­sen­ta­tif. Dans l’approche asso­cia­tive, la socié­té civile est en dia­logue avec ses repré­sen­tants afin de déter­mi­ner les orien­ta­tions poli­tiques. La déli­bé­ra­tion a lieu à la fois entre les élus et les dif­fé­rentes asso­cia­tions qui com­posent la socié­té civile. Les par­te­naires sociaux, que ce soient les repré­sen­tants des sala­riés ou des patrons, peuvent aus­si déli­bé­rer entre eux de manière à éclai­rer du mieux pos­sible les élus qui, en der­nière ins­tance, pren­dront les déci­sions adé­quates à ce qui leur semble être le bien com­mun. Ce modèle a été par­ti­cu­liè­re­ment déve­lop­pé par le phi­lo­sophe alle­mand Jürgen Habermas. Enfin, l’approche par­ti­ci­pa­tive estime que les citoyens sont suf­fi­sam­ment éclai­rés pour pou­voir prendre des déci­sions après déli­bé­ra­tion au sein de leurs asso­cia­tions, de leur lieu de tra­vail, de leur école, etc. Si leur pou­voir est supé­rieur aux modèles pré­cé­dents, il n’en demeure pas moins subor­don­né à celui des repré­sen­tants. Autrement dit, leur marge de manœuvre ne peut excé­der les cadres de la loi qui est exclu­si­ve­ment éla­bo­rée par ceux-ci.

« Ce n’est pas un hasard si les gilets jaunes s’en sont par­fois pris vio­lem­ment aux médias, cen­sés garan­tir le bon fonc­tion­ne­ment d’une démo­cra­tie libé­rale délibérative. »

Si l’approche déli­bé­ra­tive des gilets jaunes peut rejoindre cer­tains aspects des théo­ries libé­rales de la déli­bé­ra­tion, elle en remet en cause un prin­cipe fon­da­men­tal : l’égalité for­melle, en par­ti­cu­lier entre les repré­sen­tants et les citoyens, et en géné­ral entre des citoyens qui n’ont pas le même pou­voir. Ce n’est pas un hasard si les gilets jaunes s’en sont par­fois pris vio­lem­ment aux médias, cen­sés garan­tir le bon fonc­tion­ne­ment d’une démo­cra­tie libé­rale déli­bé­ra­tive. Il s’a­vère que les médias consti­tuent, aux yeux des mani­fes­tants, une oli­gar­chie qui ne repré­sente en rien la plu­ra­li­té de la socié­té fran­çaise. Pour réa­li­ser une démo­cra­tie déli­bé­ra­tive digne de ce nom, la pre­mière condi­tion est de réen­vi­sa­ger radi­ca­le­ment l’égalité des pou­voirs, qu’ils soient éco­no­mique, poli­tique ou… média­tique. La seconde condi­tion, qui découle de la pre­mière, est alors que la voix des citoyens ne se réduise pas à un son qui se perd dans le silence du désert ou dans le brou­ha­ha du mar­ché : les voix doivent comp­ter en consti­tuant autant de capa­ci­tés qui concourent à des prises de déci­sion communes.

Les pra­tiques de déli­bé­ra­tion obser­vées sur les ronds-points ou dans les assem­blées concordent avec ce que Proudhon appe­lait la « rai­son col­lec­tive ». Celle-ci affirme la réa­li­té du plu­ra­lisme. Elle est l’expression de la confron­ta­tion des points de vue, laquelle per­met un éclai­rage mutuel et rend pos­sible la prise de déci­sions en meilleure connais­sance de cause. Proudhon s’ex­plique ain­si : « Lorsque deux ou plu­sieurs hommes sont appe­lés à se pro­non­cer contra­dic­toi­re­ment sur une ques­tion, soit de l’ordre natu­rel, soit, et à plus forte rai­son, de l’être humain, il résulte de l’élimination qu’ils sont conduits à faire réci­pro­que­ment de leur sub­jec­ti­vi­té, c’est-à-dire de l’absolu que le moi affirme et qu’il repré­sente, une manière de voir com­mune, qui ne res­semble plus du tout, ni pour le fond ni pour la forme, à ce qu’aurait été sans ce débat leur façon de pen­ser indi­vi­duelle. Cette manière de voir, dans laquelle il n’entre que des rap­ports purs, sans mélange d’élément méta­phy­sique et abso­lu­tiste, consti­tue la rai­son col­lec­tive ou rai­son publique10. » La rai­son col­lec­tive est donc par­ti­cu­liè­re­ment liée à la délibération.

[Commercy | Stéphane Burlot]

On retrouve là l’interaction des dimen­sions indi­vi­duelle et col­lec­tive : cha­cun pense, rai­sonne par lui-même et argu­mente pour défendre sa posi­tion per­son­nelle, tout en par­ti­ci­pant à un dia­logue où la récep­tion de nou­veaux points de vue enri­chit et trans­forme les sub­jec­ti­vi­tés de cha­cun. Chaque membre social a « deux esprits et deux lan­gages, un esprit d’intérêt, de spé­cu­la­tion et de jus­tice propre, et un esprit d’intérêt géné­ral, de phi­lo­so­phie syn­thé­tique, et de jus­tice uni­ver­selle… Une langue pour nos idées par­ti­cu­lières et une langue pour nos idées géné­rales11 ». La légi­ti­mi­té d’une déci­sion résulte donc néces­sai­re­ment pour Proudhon d’un pro­ces­sus de déli­bé­ra­tion où ont pu se confron­ter les indi­vi­dus concer­nés par la déci­sion à prendre. C’est de cette manière que le peuple peut s’éduquer par lui-même — Proudhon parle de « démopédie ».

« Le débat, lorsqu’il ne sup­pose pas des par­ti­ci­pants dotés d’un réel pou­voir, n’est pas une com­po­sante de la démocratie. »

L’isolement dis­pa­raît alors au pro­fit du prin­cipe de socia­bi­li­té. L’individu n’est pas écra­sé par la col­lec­ti­vi­té : au contraire. En par­ti­ci­pant à plu­sieurs com­mu­nau­tés (quar­tier, métier, famille, asso­cia­tion, etc.), il déve­loppe sa liber­té et sa per­son­na­li­té. On retrouve ici la théo­rie de la liber­té chère au théo­ri­cien anar­chiste, qui dis­tingue deux types de liber­té : « La liber­té est de deux sortes : simple, c’est celle du bar­bare, du civi­li­sé même qui ne recon­naît d’autre loi que celle du cha­cun chez soi, cha­cun pour soi ; com­po­sée, lorsqu’elle sup­pose, pour son exis­tence le concours de deux ou plu­sieurs liber­tés. Au point de vue bar­bare, liber­té est syno­nyme d’isolement : celui-là est le plus libre dont l’action est la moins limi­tée par celle des autres ; l’existence d’un seul indi­vi­du sur toute la face du globe don­ne­rait ain­si l’idée de la plus haute liber­té pos­sible. Au point de vue social, liber­té et soli­da­ri­té sont termes iden­tiques : la liber­té de cha­cun ren­con­trant dans la liber­té d’autrui, non plus une limite, comme dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793, mais un auxi­liaire, l’homme le plus libre est celui qui a le plus de rela­tions avec ses sem­blables12. » Ajoutons que pour Proudhon — cela est fon­da­men­tal —, la dis­cus­sion et le débat ne sont pas sépa­rables de la par­ti­ci­pa­tion effec­tive des êtres à l’élaboration des normes et à la prise de décision.

Le débat, lorsqu’il ne sup­pose pas des par­ti­ci­pants dotés d’un réel pou­voir, n’est pas une com­po­sante de la démo­cra­tie. C’est au mieux un moment convi­vial d’échanges, comme on peut le retrou­ver à un dîner entre amis, au pire une mas­ca­rade qui sert à légi­ti­mer en der­nière ins­tance le mono­logue du pou­voir, comme l’a démon­tré la tenue du « grand débat » d’Emmanuel Macron : « Il ne suf­fit pas, rap­pelle Proudhon, de mani­fes­ta­tions élec­to­rales, plus ou moins équi­voques, de pro­fes­sions de foi publiées dans les jour­naux ; de confé­rences plus ou moins sui­vies don­nées par quelques ora­teurs, avec la per­mis­sion de la police… Il faut agir poli­ti­que­ment et socia­le­ment, faire appel, par tous les moyens légaux, à la force col­lec­tive, mettre en branle toutes les puis­sances du pays et de l’État13. » C’est ce que s’efforcent de faire les gilets jaunes, à la fois au cours des mani­fes­ta­tions, sur les ronds-points et dans leurs assem­blées. Cela suf­fit-il ? Ne faut-il pas agir à un niveau plus glo­bal en chan­geant la Constitution, quitte à ce que ce soient les citoyens eux-mêmes qui l’écrivent ? Cette idée est sou­le­vée par une par­tie des gilets jaunes ; bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité, elle mérite que l’on s’y penche.

[Commercy | Stéphane Burlot]

Pour une nouvelle constitution ?

Est-ce qu’une nou­velle consti­tu­tion per­met­trait de résoudre le pro­blème poli­tique ? L’idée d’une VIe République réap­pa­rait à l’en­vi comme remède miracle à toute crise. N’y retrouve-t-on pas une forme de féti­chisme, et donc d’esquive des pro­blèmes fon­da­men­taux ? L’expérience de Proudhon peut, ici aus­si, s’a­vé­rer éclai­rante. En sep­tembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte revient en France puis est élu aux élec­tions par­tielles dans cinq dépar­te­ments. Il a des sou­tiens dans l’ar­mée, la bour­geoi­sie mais aus­si le peuple : il se pose en effet comme l’an­ti-Cavaignac — qui avait per­mis la bou­che­rie de Juin — et affiche sa pré­oc­cu­pa­tion des pro­blèmes sociaux (il a notam­ment écrit une bro­chure sur l’ex­tinc­tion du pau­pé­risme). Bonaparte dis­pose donc d’un champ élec­to­ral rela­ti­ve­ment large, qui lui per­met de nouer des contacts de l’ex­trême gauche à l’ex­trême droite. Aussi n’est-ce pas par hasard que, lors de son retour d’exil, l’une des pre­mières per­sonnes qu’il demande à ren­con­trer n’est autre que Proudhon. Ils se voient le 26 sep­tembre devant témoins, afin d’é­vi­ter des spé­cu­la­tions qui n’au­raient pas lieu d’être ; très vite, Proudhon se méfie. Il se doute bien que le sou­hait de Bonaparte est avant tout de se trou­ver un allié à l’ex­trême gauche qui n’hé­site pas à se mon­trer cri­tique envers la Montagne.

« Bonaparte dis­pose donc d’un champ élec­to­ral rela­ti­ve­ment large, qui lui per­met de nouer des contacts de l’ex­trême gauche à l’ex­trême droite. »

La course à la pré­si­dence se pro­file ; Bonaparte se pré­pare. En octobre, l’Assemblée décide, sous l’in­fluence de Lamartine, de faire élire le pré­sident de la République au suf­frage uni­ver­sel. C’est là pour Proudhon l’une des choses les plus dan­ge­reuses qui soient : non seule­ment le pré­sident ne pour­ra plus être révo­qué par l’Assemblée, mais il se ver­ra en prime direc­te­ment intro­ni­sé par le peuple, lui confé­rant une légi­ti­mi­té et des pou­voirs exor­bi­tants — de la monar­chie de droit divin, nous pas­se­rions ain­si, par le biais du suf­frage uni­ver­sel, à une monar­chie de droit popu­laire. Le 20 décembre de la même année, Louis-Napoléon Bonaparte l’emporte avec 74,2 % des voix. La réac­tion de Proudhon est acerbe : « La voix du peuple, dit-on, est la voix de Dieu : cette idée nous revient sans cesse depuis que nous voyons fonc­tion­ner le suf­frage uni­ver­sel. Il faut conve­nir pour­tant que le peuple a par­lé cette fois comme un homme ivre. Mais, dit le pro­verbe, il est un dieu pour les ivrognes14. » Dans un véhé­ment article du Peuple15, il s’en prend à la pré­si­dence et à la Constitution qui, selon lui, est inca­pable de limi­ter les pou­voirs de l’é­lu suprême : la sépa­ra­tion des pou­voirs entre le légis­la­tif et l’exé­cu­tif ne fait qu’a­jou­ter à la confu­sion et au conflit des auto­ri­tés, en ver­tu du prin­cipe onto­lo­gique consis­tant à sépa­rer l’âme du corps. Ces pro­pos ne l’empêchent pas de ter­mi­ner par cette injonc­tion iro­nique : « À Dieu ne plaise que j’excite le peuple au mépris, pas plus qu’à l’émeute, pour ce chif­fon de papier qu’il appelle aujourd’hui sa CONSTITUTION16 ! »

Lorsque Proudhon, deve­nu dépu­té, est som­mé de s’ex­pli­quer sur cet article, il avance l’ar­gu­ment sui­vant : il a tou­jours défen­du la Constitution mais s’est atta­qué à l’exécutif, au pré­sident, pour défendre les pré­ro­ga­tives de l’Assemblée. C’est pour­quoi Proudhon s’in­surge lorsque les par­ti­sans de Bonaparte émettent le désir de dis­soudre l’Assemblée dans l’espoir que celle-ci soit de leur cou­leur : le pré­sident, selon la Constitution, est inféo­dé à l’Assemblée ; il ne sau­rait être nul­le­ment ques­tion que leurs pou­voirs s’égalent, encore moins qu’il ait l’aval sur elle pour faire régner l’ar­bi­traire. C’est toute la dif­fé­rence entre le régime monar­chique et le régime répu­bli­cain : avec la monar­chie, tout gra­vite autour du corps du roi (par­le­ments, états géné­raux, chambre des pairs et des dépu­tés, etc.) et lui est subal­terne — en ce sens, la Constitution repose entiè­re­ment sur la figure monar­chique du pou­voir exé­cu­tif. Avec le régime répu­bli­cain, c’est désor­mais le légis­la­tif qui prime sur l’exécutif.

[Manifestation à Paris | Stéphane Burlot]

Aussi Proudhon avance-t-il qu’en fai­sant remon­ter du pou­voir exé­cu­tif au légis­la­tif la per­pé­tui­té d’action, le gou­ver­ne­ment s’est, pour ain­si dire, spi­ri­tua­li­sé. « Ce n’est plus le corps qui domine, c’est l’intelligence17. » Le pou­voir de l’Assemblée ne peut cepen­dant être abso­lu et vio­ler la Constitution au nom de la majo­ri­té : la Constitution prend en effet toute son impor­tance lors­qu’il s’a­git de pro­té­ger le droit des mino­ri­tés contre le pou­voir de la majo­ri­té. Le res­pect de la Constitution, du fait que l’u­na­ni­mi­té et la volon­té géné­rale du peuple res­tent des rêves irréa­li­sables, demeure la condi­tion sine qua non pour évi­ter la guerre civile. La vio­ler, c’est consa­crer le règne de la tyran­nie des majo­ri­tés : « Omnipotence des majo­ri­tés ! — C’est la déci­ma­tion des citoyens. Avec ce sys­tème on va loin, très loin ! Avec ce sys­tème on com­mence par l’emprisonnement des citoyens, on finit par la guillo­tine en per­ma­nence18. »

« Une démo­cra­tie réelle exige la remise en cause de notre sys­tème éco­no­mique afin que les indi­vi­dus puissent se réap­pro­prier le temps indis­pen­sable à la pré­oc­cu­pa­tion de la chose publique. »

Proudhon ne la féti­chise tou­te­fois pas. Sa défense est liée aux cir­cons­tances poli­tiques plus qu’à sa théo­rie poli­tique, qui compte davan­tage sur l’or­ga­ni­sa­tion fédé­rale des forces poli­tiques et éco­no­miques, ain­si que sur la morale des citoyens. En cela, il rejoint par­fai­te­ment le juge­ment du même Castoriadis : « Un bout de papier peut bien avoir une valeur pro­cla­ma­toire, ser­vir vague­ment de garde-fou, mais il n’as­su­re­ra jamais lui-même sa propre vali­di­té. De fait, toute ins­ti­tu­tion ou consti­tu­tion s’ap­puie sur des forces pré­sentes dans la socié­té, ce qui veut dire que d’autres forces peuvent la ren­ver­ser. La ques­tion de la garan­tie effec­tive des ins­ti­tu­tions concerne donc l’en­semble de la socié­té : il faut que les pra­tiques d’au­to­gou­ver­ne­ment et de liber­té y soient pro­fon­dé­ment enra­ci­nées, que l’é­du­ca­tion des citoyens cor­res­ponde à cette fin19. » La démo­cra­tie est le seul régime qui pose ses propres normes, normes qui ne sont pas garan­ties par des normes supé­rieures et exté­rieures. C’est pour­quoi « la démo­cra­tie est cer­tai­ne­ment un régime tra­gique, sujet à l’hubris, on le sait et on le voit dans la der­nière par­tie du Ve siècle à Athènes, elle doit faire face à la ques­tion de son auto­li­mi­ta­tion20 ». L’autonomie sup­pose en effet que l’homme est aus­si res­pon­sable qu’il est libre, liber­té dif­fi­cile qui n’est assor­tie d’aucune garan­tie. Autrement dit, l’homme démo­cra­tique accepte le risque de la tragédie.

Ce qu’il s’agit de rete­nir avant tout, c’est qu’« aucune règle abs­traite, aucun com­man­de­ment uni­ver­sel avec un conte­nu concret, ne peut nous déga­ger de la charge et de la res­pon­sa­bi­li­té de notre agir21 ». Dans la pers­pec­tive d’un gou­ver­ne­ment de soi qui sup­pose l’autolimitation, c’est sans doute l’exercice de la phro­nê­sis, tra­duite en latin par pru­den­tia, pru­dence, qui est déter­mi­nante, davan­tage qu’une soi-disant « exper­tise ». Par consé­quent, une véri­table démo­cra­tie n’est pos­sible que grâce à une culture et une édu­ca­tion des citoyens ou du peuple : les pro­cé­dures démo­cra­tiques, rota­tions, déli­bé­ra­tions, élec­tions, sont autant de « pièces d’un pro­ces­sus poli­tique édu­ca­tif actif, visant à exer­cer, donc à déve­lop­per chez tous les capa­ci­tés cor­res­pon­dantes et par là à rendre aus­si proche que pos­sible de la réa­li­té effec­tive le pos­tu­lat de l’égalité poli­tique22 ». En per­met­tant aux indi­vi­dus de deve­nir auto­nomes, la pai­deia (« édu­ca­tion » au sens civique, en grec) s’accompagne néces­sai­re­ment de déci­sions poli­tiques sub­stan­tives, la démo­cra­tie consis­tant ain­si à réa­li­ser l’autonomie indi­vi­duelle et col­lec­tive ain­si que le bien com­mun — que l’on trouve der­rière tout droit et toute pro­cé­dure. L’autonomie sup­pose la par­ti­ci­pa­tion géné­rale à la poli­tique et, par­tant, la créa­tion d’un espace public qui cesse d’être l’espace pri­vé de la bureau­cra­tie, des hommes poli­tiques ou des rois. L’existence d’un espace public où cha­cun a la pos­si­bi­li­té de prendre la parole et de peser dans la confec­tion de la loi n’est pas uni­que­ment sou­te­nue par des garan­ties juri­diques : l’essentiel réside dans les mœurs de citoyens capables de défendre les valeurs de la démo­cra­tie. Une démo­cra­tie réelle, qui puisse être inves­tie, exige donc la remise en cause de notre sys­tème éco­no­mique afin que les indi­vi­dus puissent se réap­pro­prier le temps indis­pen­sable à la pré­oc­cu­pa­tion de la chose publique. Cela sup­pose bien évi­dem­ment la dis­pa­ri­tion des classes sociales.


Photographie de ban­nière et de vignette : Stéphane Burlot


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  1. Proudhon, De la jus­tice dans la Révolution et dans l’Église, Garnier, 1858, t. I, p. 46.[]
  2. Proudhon, Confessions d’un révo­lu­tion­naire, Tops/Trinquier, 1997, p. 31–32.[]
  3. Proudhon, Solution du pro­blème social, Lacroix, 1868, p. 91.[]
  4. John Oswald, Le Gouvernement du peuple, ou plan de consti­tu­tion pour la répu­blique uni­ver­selle, Éditions de la Passion, 1996, p. 51.[]
  5. Castoriadis, Les Carrefours du laby­rinthe, t. II : Domaines de l’homme, Points, 1999, p. 78.[]
  6. Proudhon, Carnets, Les presses du réel, 2005, p. 637.[]
  7. Proudhon, Contradictions poli­tiques, Marcel Rivière, 1952, p. 273.[]
  8. Proudhon, Solution du pro­blème social, op.cit., p. 79.[]
  9. Emmanuel Sieyès, « Sur l’organisation du pou­voir légis­la­tif et la sanc­tion royale », dans François Furet et Ran Halévi (dir.), Orateurs de la Révolution fran­çaise, vol. 1, Gallimard, 1989, p. 1025.[]
  10. Proudhon, De la jus­tice dans la Révolution et dans l’Église, t. II, op.cit., p. 387–388.[]
  11. Proudhon, Cours d’économie poli­tique, cité par S. Chambost dans Proudhon et la norme, p. 248.[]
  12. Proudhon, Confessions d’un révo­lu­tion­naire, op. cit., p. 203.[]
  13. Proudhon, De la capa­ci­té poli­tique des classes ouvrières, Éditions du monde liber­taire, 1977, p. 317.[]
  14. Proudhon, Le Peuple, n° 31 – 18 décembre 1848.[]
  15. Le Peuple, n° 3 – Sans date, « La Présidence ».[]
  16. Ibid.[]
  17. Proudhon, Le Peuple, n° 91 – 17 février 1849.[]
  18. Proudhon, Le Peuple, n° 127 – 26 mars 1849.[]
  19. Cornelius Castoriadis, La Cité et les lois, Séminaires 1983–1984, Éditions du Seuil, 2008, p. 129.[]
  20. Castoriadis, Les Carrefours du laby­rinthe, t. IV : La Montée de l’insignifiance, op. cit., p. 202.[]
  21. Castoriadis, Les Carrefours du laby­rinthe, t. IV : La Montée de l’insignifiance, op. cit., p. 256.[]
  22. Ibid., p .284.[]

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