« On a pris l'usine » : trois semaines de blocage en Lozère

8 avril 2023


Texte inédit | Ballast

En Normandie et dans les Bouches-du-Rhône on a vu des raf­fi­ne­ries blo­quées. En région pari­sienne, des inci­né­ra­teurs. Un peu par­tout dans le pays, des facs sont réin­ves­ties par les étu­diants et des bar­rages ont été mis en place pour empê­cher des nœuds logis­tiques de fonc­tion­ner comme ils fonc­tionnent tou­jours. On se mobi­lise par­tout, même là où on ne s’y attend pas. En Lozère, le dépar­te­ment le moins peu­plé de France, une dizaine d’a­gents ont occu­pé pen­dant trois semaines leur usine hydro-élec­trique. Le but : peser, à la mesure de leurs moyens, sur l’é­co­no­mie natio­nale. Une manière aus­si de dire que « même dans les petites val­lées, les endroits les plus recu­lés, les gens sont vent debout contre cette réforme ». Nous sommes allés à leur ren­contre. ☰ Par Roméo Bondon et Camille Marie


Mars 2023, Pied-de-Borne, Lozère.

On retrouve Guillaume, tech­ni­cien prin­ci­pal d’ex­ploi­ta­tion et repré­sen­tant CGT du per­son­nel, qui nous accueille au sein de l’u­sine hydro-élec­trique de Pied-de-Borne. Le site compte l’un des onze amé­na­ge­ments construits sur le Chassezac et ses deux prin­ci­paux affluents, l’Altier et la Borne, avant que la rivière ne se jette dans l’Ardèche. Cette suc­ces­sion de bar­rages, de conduites for­cées et de tur­bines pro­duisent l’é­qui­valent de la consom­ma­tion annuelle de 162 000 per­sonnes — une pro­duc­tion qui, ces trois der­nières semaines, a été tota­le­ment blo­quée. À côté du logo bien connu d’EDF, des dra­peaux de la sec­tion syn­di­cale dépar­te­men­tale et des ban­de­roles ornent encore le por­tail et les bâti­ments, mal­gré la sus­pen­sion du blo­cage quelques jours plus tôt. Une manière, peut-être, d’ac­com­pa­gner la reprise pro­gres­sive du tra­vail sur le site. Pour des­cendre jus­qu’à cette usine-là, il nous a fal­lu emprun­ter vingt kilo­mètres de route étroite et défon­cée par les intem­pé­ries, quit­ter les pla­teaux du Gévaudan pour le fond d’une val­lée très encais­sée, lais­ser sur les hau­teurs les plan­ta­tions de rési­neux, désor­mais rem­pla­cées, à cette alti­tude, par d’é­normes châ­tai­gniers. Chaque virage en épingle semble ren­for­cer l’i­so­le­ment de cette val­lée de moyenne mon­tagne. Mende, Aubenas, Le Puy-en-Velay, Alès : les villes les plus proches, petites pré­fec­tures de Lozère, d’Ardèche, de Haute-Loire et du Gard, sont toutes à plus de soixante kilo­mètres. Sébastien, tech­ni­cien de main­te­nance, nous le confirme : ici, à Pied-de-Borne, « l’en­tre­prise a du mal à faire venir du monde ». L’éloignement des centres urbains n’a pour­tant pas empê­ché une dizaine de gré­vistes de mettre à l’ar­rêt la pro­duc­tion élec­trique de toute une val­lée. Guillaume, Sébastien et Cédric ont tous les trois une tren­taine d’an­nées et s’oc­cupent, à des postes divers, de la main­te­nance des ins­tal­la­tions, ici ou sur un dépar­te­ment voi­sin. Rencontrés sur place, en mani­fes­ta­tion ou joints par télé­phone, ce sont eux qui, par leur récit, nous ont gui­dés dans l’u­sine occupée.

Bloquer malgré l’isolement

Les cou­pures de cou­rant ciblées ont été le mode d’ac­tion des élec­tri­ciens le plus média­ti­sé depuis le début du mou­ve­ment social contre la réforme des retraites, en jan­vier. Selon l’his­to­rien Stéphane Sirot, c’est « un élé­ment à la fois ori­gi­nal et ori­gi­nel du mou­ve­ment social dans l’élec­tri­ci­té1″, et donc pas un hasard d’en retrou­ver la trace dans cette nou­velle séquence. Toutefois, la prin­ci­pale stra­té­gie adop­tée par les gré­vistes du sec­teur de l’éner­gie n’a pas été celle-là, mais bien le blo­cage des ins­tal­la­tions et la dimi­nu­tion de la pro­duc­tion élec­trique à l’é­chelle natio­nale. Cédric, méca­ni­cien dans la main­te­nance des ouvrages hydro-élec­triques sur cinq dépar­te­ments du Massif cen­tral, revient avec enthou­siasme sur les effets de cette pra­tique à l’é­chelle du pays à l’oc­ca­sion d’une mani­fes­ta­tion au Puy-en-Velay. Visage rond sur­mon­té d’un casque blanc, bleu de tra­vail sur le dos, il cède sa place au coin d’une grande ban­de­role syn­di­cale, l’une de celles qui seront sus­pen­dues plus tard en haut d’une grue devant la pré­fec­ture, pour racon­ter les der­niers mois de mobi­li­sa­tion : « En mars, cer­tains jours, on a sor­ti plus de 20 000 méga­watts du réseau de manière quo­ti­dienne sans péna­li­ser l’u­sa­ger. C’est un tiers de la consom­ma­tion natio­nale. C’est énorme ! On a mon­tré qu’on est en capa­ci­té de peser sur l’é­co­no­mie. » Parmi les sites qui ont été blo­qués, dans les Alpes, les Pyrénées ou, plus proches, en Corrèze ou dans la Loire, celui de Pied-de-Borne figure en bonne place. « Un des pre­miers piquets au niveau natio­nal », note Cédric. « Ça a été un piquet exem­plaire, très propre, très pro­fes­sion­nel, dans le res­pect des outils et entre les gré­vistes. On est fiers d’y avoir par­ti­ci­pé. L’équipe a très bien géré. C’était assez incroyable. » S’il tra­vaille en Haute-Loire, Cédric a tout de même don­né quelques jours et quelques nuits pour « appor­ter un souffle nou­veau, appor­ter à man­ger, ame­ner de la bonne humeur et des infor­ma­tions sur ce qui se pas­sait sur les dif­fé­rentes ins­tal­la­tions. Savoir que ça se fai­sait par­tout en France, qu’ils n’é­taient pas seuls, ça a ras­su­ré et moti­vé ».

« On a sor­ti plus de 20 000 méga­watts du réseau de manière quo­ti­dienne sans péna­li­ser l’u­sa­ger. C’est un tiers de la consom­ma­tion natio­nale. C’est énorme ! »

À Pied-de-Borne, on n’en est pas à la pre­mière occupation.

À l’a­bri d’un pré­fa­bri­qué situé dans la cours de l’u­sine, Guillaume nous l’ex­plique : « Dans l’hy­drau­lique, his­to­ri­que­ment, arrê­ter les usines ça se fait régu­liè­re­ment. Ici, du fait de notre éloi­gne­ment et de l’at­ta­che­ment qu’on a à notre outil de pro­duc­tion, c’est un genre d’ac­tion qu’on fait sou­vent quand il y a des mou­ve­ments sociaux. Agir sur notre outil de pro­duc­tion, c’est quelque chose qui est encou­ra­gé à la CGT. Et nous, notre outil de pro­duc­tion c’est l’u­sine. On l’ar­rête et on reste la jour­née à l’oc­cu­per pour évi­ter que la hié­rar­chie vienne la remettre en ser­vice. » C’est ce qui a été fait lors de la pre­mière mobi­li­sa­tion inter­syn­di­cale, le 19 jan­vier : « On a arrê­té l’u­sine la veille de la manif, au moment de ce qu’on appelle la pointe du soir. D’une jour­née à l’autre, la consom­ma­tion élec­trique est régu­lière. Mais à par­tir de 17 ou 18 heures, tout le monde rentre chez soi et il y a un gros pic de consom­ma­tion. C’est à ce moment-là que ça coûte le plus cher [d’ar­rê­ter l’u­sine], c’est là qu’oc­cu­per fait le plus de mal au por­te­feuille du patron, que notre action a le plus d’im­pact. » Car c’est bien l’in­té­rêt qu’il y a à mettre la pro­duc­tion à l’ar­rêt : si celle-ci est insuf­fi­sante par rap­port à la demande, le four­nis­seur doit ache­ter l’élec­tri­ci­té man­quante sur le mar­ché euro­péen — ce qui lui coûte plus cher. En France, mal­gré l’ou­ver­ture à la concur­rence de ce qui a long­temps été un strict mono­pole, le prin­ci­pal four­nis­seur d’élec­tri­ci­té reste EDF, qui en est aus­si le pre­mier pro­duc­teur, et dont l’État est l’ac­tion­naire majeur. Imposer au four­nis­seur d’a­che­ter de l’élec­tri­ci­té au prix fort, c’est donc mettre une pres­sion éco­no­mique sur les per­sonnes qui gou­vernent, ceux-là même qui imposent leur réforme des retraites.

Sébastien, « syn­di­qué depuis peu », se tient habi­tuel­le­ment plu­tôt à l’é­cart de la poli­tique. Longtemps arti­san-élec­tri­cien et sai­son­nier, il est entré à EDF « un peu par hasard » après s’être ins­tal­lé dans la val­lée. Depuis jan­vier, la poli­tique s’est impo­sée dans son quo­ti­dien : « J’ai trou­vé sym­pa qu’on ait un peu de moyens : neu­tra­li­ser la pro­duc­tion hydro-élec­trique ça pèse dans la balance, alors qu’un arti­san qui va faire grève n’au­ra pas trop d’im­pact. » Au cours de notre dis­cus­sion, il oscille entre fier­té, fatigue et frus­tra­tion : « J’ai par­ti­ci­pé par convic­tion. Je l’ai fait pour moi, pour la bande de col­lègues, pour ma fille, ma femme. C’est presque un acte indi­vi­duel parce qu’on sait que l’im­pact n’est pas fort. Mais il ne faut pas le voir comme un échec : on fait ce qu’on peut avec nos moyens. » À l’is­sue de ces trois semaines de mobi­li­sa­tion, il dresse un bilan contras­té : « Je trouve que c’est beau ce qu’on a fait, même si ça m’a rame­né à la réa­li­té. Pour moi le mili­tan­tisme a des limites et, sur­tout, il faut être cos­taud pour faire ça. »

[Usine hydro-électrique de Pied-de-Borne, Lozère | R.B.]

« J’ai bien adhé­ré au mou­ve­ment, pour­suit Sébastien. Il y a eu plu­sieurs temps. D’abord une mobi­li­sa­tion forte dès l’an­nonce de cette réforme, puis le pas­sage en force du 49.3 nous a remis un coup de boost. Pour blo­quer, l’im­pul­sion de base venait des sala­riés, sui­vie par les syn­di­cats bien enten­du. On vou­lait pas se faire avoir, donc on a anti­ci­pé en se disant qu’a­vant qu’on reçoive les mes­sages, on pren­drait les machines. » Les mes­sages, ce sont les signaux reçus depuis un centre de contrôle natio­nal, lorsque l’é­qui­libre entre l’offre et la demande d’élec­tri­ci­té sur le réseau est en dan­ger. Si l’é­cart entre pro­duc­tion et consom­ma­tion se réduit, il y a des risques de cou­pure. Guillaume nous l’a­vait expli­qué quelques jours plus tôt, à Pied-de-Borne : « Quand le mes­sage A arrive à l’u­sine, on n’a plus le droit de prendre les machines loca­le­ment sur fait de grève. On l’a fait il y a quelques années et on a eu une pro­cé­dure dis­ci­pli­naire. Tant que le mes­sage n’est pas sor­ti on peut prendre l’u­sine. » Et si la mise à l’ar­rêt de l’u­sine sus­cite un mes­sage par la suite, peu importe, car celle-ci aura été prise avant l’a­ver­tis­se­ment. Et début mars, Guillaume l’as­sure, « on a pris l’u­sine au bon moment ».

Récit d’une occupation

L’occupation était pré­vue pour le 7 mars, jour d’un appel uni­taire éma­nant de l’in­ter­syn­di­cale. Mais la crainte qu’un mes­sage d’a­lerte ne les empêche de blo­quer la pro­duc­tion a conduit les sala­riés à inves­tir les lieux trois jours plus tôt : « Le dimanche, cer­tains étaient dis­pos, ils sont arri­vés à l’u­sine et ils l’ont mise à l’ar­rêt, raconte Guillaume. D’autres copains étaient d’as­treinte sur une usine secon­daire et ont fait la même chose là-bas. On a pré­ve­nu le char­gé d’ex­ploi­ta­tion local : c’est la per­sonne de l’en­ca­dre­ment qui était d’as­treinte aus­si. Il est impac­té comme nous et plu­tôt bien­veillant là-des­sus. Il a fait remon­ter la nou­velle au Groupement d’ex­ploi­ta­tion hydrau­lique (GEH) et a tem­po­ri­sé. » Si la com­pré­hen­sion du char­gé d’ex­ploi­ta­tion n’é­tonne pas les gré­vistes, celle de leur direc­tion bien plus : « On a fait ça un dimanche après-midi, c’est pas com­mun ! Le lun­di, per­sonne. Le mar­di, pareil. Le mer­cre­di, le DRH est arri­vé les mains dans les poches, voir si ça se pas­sait bien. C’est tout. On n’a eu aucune visite de notre hié­rar­chie directe. » Pourtant, à d’autres occa­sions, la hié­rar­chie, régio­nale ou natio­nale, a su faire pres­sion sur les gré­vistes, comme nous l’in­dique Guillaume. Cette fois, c’est un éton­nant silence qui leur répond. On gage que les cadres, peut-être, à leur tour, étaient favo­rables à la contes­ta­tion : pas de pres­sions, pas de menaces — cer­tains agents ont enchai­né les demi-jour­nées de grève avec des demi-jour­nées de repos, pour que l’ac­tion ne pèse pas trop lourd sur les salaires à la fin du mois.

L’euphorie des pre­mières heures de blo­cage pas­sée, la néces­si­té de réflé­chir à l’or­ga­ni­sa­tion s’im­pose : « On s’est dit que si on vou­lait tenir il fal­lait faire un plan­ning. On a pris un bout de papier et le rou­le­ment a com­men­cé. » Certains seront en grève durant les trois semaines d’oc­cu­pa­tion, d’autres pen­dant quelques jours, d’autres encore pas du tout. Sébastien, lui, a fait grève « toute la pre­mière semaine. Après j’é­tais en congé, mais je suis quand même repas­sé, j’ai dor­mi deux ou trois nuits de plus. C’était très fédé­ra­teur au début. On avait vrai­ment tous l’en­vie de se faire entendre. »

« C’était très fédé­ra­teur au début. On avait vrai­ment tous l’en­vie de se faire entendre. »

Très vite, le sou­tien vient de l’ex­té­rieur : des habitant·es du vil­lage apportent du bois pour faire un feu devant l’u­sine, certain·es passent timi­de­ment devant les grilles et, sur­tout, des col­lègues élec­tri­ciens et gaziers des dépar­te­ments voi­sins viennent prê­ter main forte. Cédric a été l’un d’eux : « On s’est mis au ser­vice des col­lègues sur place. On tra­vaille ensemble, on est soli­daires. On a fait des listes avec les volon­taires qui étaient prêts à des­cendre la jour­née, le soir, la nuit, pour que les col­lègues puissent se repo­ser, prendre une douche chez eux. Les jour­nées et les nuits sont longues. Dormir dans des lits de camp et des hamacs dans les bureaux… » Pour Guillaume, l’ex­pli­ca­tion de ce sou­tien est à cher­cher dans l’his­toire du sec­teur. Malgré la mul­ti­pli­ca­tion des filiales, « l’en­tre­prise his­to­rique EDF-GDF a bien tour­né ». Comprendre : peu importe que les gré­vistes portent le bleu brut d’EDF, le bleu nuit d’Enedis ou le fluo de GRDF. « On a clai­re­ment vécu le truc comme s’il n’y avait pas de dis­tinc­tion. » Une soli­da­ri­té et un esprit de corps qui n’a rien d’é­ton­nant, selon l’his­to­rienne Sophie Bérout. Elle rap­pelle que la « CGT Énergie consti­tue […] un des exemples les plus abou­tis, en France, d’un syn­di­ca­lisme qui s’est construit dans une seule entre­prise, en adhé­rant for­te­ment au pro­jet indus­triel de celle-ci, en valo­ri­sant sa poli­tique sociale et sur­tout son sta­tut du per­son­nel consi­dé­ré comme un acquis syn­di­cal2 ».

Aux pas­sages des col­lègues, familles et habitant·es, s’est ajou­té celui, plus inat­ten­du, d’un dépu­té. Après quelques jours d’oc­cu­pa­tion, les gré­vistes pro­fitent d’une réunion publique orga­ni­sée par la NUPES dans un bourg proche pour par­ler de leur action. Michel Sala, dépu­té LFI du Gard, pré­sent ce jour-là, vient leur rendre visite le soir-même sur le site. Une semaine plus tard, il est de retour, cette fois avec quelques pho­to­graphes. Pour cause : un chèque de 10 000 euros est offert aux gré­vistes pour les sou­te­nir. « J’ai été très sur­pris, recon­naît Sébastien. Je ne savais même pas que ça exis­tait ce genre de caisses de sou­tien aux grèves, aux luttes. On s’est dit chouette ! Ceux qui ont du mal finan­ciè­re­ment à pour­suivre la grève ça va les aider à pour­suivre le mou­ve­ment. Je l’ai per­çu comme un sou­tien de la part gens qui n’ont pas les moyens pour faire pres­sion de don­ner un peu de finance pour ceux pour ceux qui les ont. » Guillaume, lui, se montre un peu plus cri­tique : rapi­de­ment, le bruit a cou­ru dans la val­lée, comme por­té par le vent souf­flant entre ses ver­sants étroits, et l’at­ti­tude de quelque riverain·es a chan­gé. Persuadé·es que le blo­cage allait leur cou­per l’élec­tri­ci­té et que les gré­vistes en pro­fi­taient pour se rem­plir les proches — sans tra­vailler —, certain·es habitant·es se sont montré·es méfiant·es. La ges­tion démo­cra­tique de cet argent devient une ques­tion cen­trale, et le choix est fait de le rever­ser à une caisse régio­nale qui s’en occu­pe­ra, pour évi­ter qu’il divise ceux qui, depuis plu­sieurs jours, se serrent les coudes dans la lutte. Le point d’orgue de ce blo­cage est atteint le jeu­di 23 mars. « Un tiers de la pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té a été arrê­tée, aux mains des gré­vistes », assure Guillaume. « Les marges étaient tel­le­ment réduites qu’on a eu un mes­sage B : même en cas de piquet de grève, on est obli­gés de rendre l’u­sine. On l’a ren­due une heure parce que le réseau était en train de s’é­crou­ler. Ils ont fait tur­bi­ner pour rééqui­li­brer un peu et ils ont enle­vé le mes­sage B. On a repris l’u­sine pour l’ar­rê­ter de nou­veau. »

[Cédric, mécanicien dans la maintenance des ouvrages hydro-électriques et représentant CGT du personnel | R.B.]

Si le mes­sage de rap­pel, aler­tant sur la baisse de pro­duc­tion au niveau natio­nal, conforte dans l’ac­tion et encou­rage à pour­suivre, l’ab­sence de réac­tion de la part du gou­ver­ne­ment entame la moti­va­tion. Sébastien déplore aus­si la manière dont les médias natio­naux et locaux ont trai­té les actions menées dans le sec­teur de l’éner­gie. Ces der­niers se sont bor­nés à ana­ly­ser les taux de gré­vistes, tou­jours supé­rieurs à 40 % lors des jour­nées de mobi­li­sa­tion inter­syn­di­cale par­mi les élec­tri­ciens-gaziers, et à poin­ter du doigt les risques de cou­pures ciblées. De quoi peser sur le moral : « Au bout d’un moment on se pose la ques­tion de la légi­ti­mi­té parce que notre vitrine est très petite. Il y a les chiffres, les cumuls, mais on n’est pas sur un bou­le­vard à Lyon. Il y a les gens du coin qui nous voient, c’est sym­pa, mais c’est un vil­lage de 200 habi­tants. Les jour­nées sont longues. On n’a rien d’autre à faire que d’oc­cu­per les lieux. » Occuper, c’est-à-dire orga­ni­ser la tenue du piquet sur le temps long et, aus­si, trom­per l’en­nui qui risque de s’ins­tal­ler. Guillaume résume ain­si l’es­souf­fle­ment, qui s’est ins­tal­lé pro­gres­si­ve­ment : « Tant que ça a bien tour­né on a conti­nué, et quand on a com­men­cé à se repo­ser sur les mêmes on s’est dit qu’on allait fati­guer. Ce qui nous importe c’est qu’on garde cette entente, qu’on reste unis, pas que le mou­ve­ment crée des ten­sions dans l’é­quipe. Parce que quand on vit en petite com­mu­nau­té pen­dant vingt jours en conti­nu, avec des per­sonnes qui font grève tout le temps et d’autres un peu moins, oui, ça peut géné­rer des ten­sions. » Ce à quoi il faut ajou­ter des trous dans les salaires des gré­vistes, dans un contexte où, comme le rap­pelle Guillaume, « il n’y a pas beau­coup d’emplois dans la val­lée pour les conjoints ou les conjointes. Dans les familles, il n’y a sou­vent qu’un salaire qui rentre ».

Si la date de la prise de l’u­sine a été avan­cée pour dou­bler les mes­sages de sureté du réseau, celle de la fin de l’oc­cu­pa­tion n’a eu de cesse d’être repous­sée. Il a fal­lu tenir encore un peu, jus­qu’à la mobi­li­sa­tion natio­nale sui­vante. La venue du pré­fet, pré­vue le len­de­main, a sem­blé pro­pice pour acter la fin de ces trois semaines d’oc­cu­pa­tion. « On s’est dit que ce serait bien de main­te­nir le piquet au moins jusque-là, pré­cise Guillaume. C’était l’oc­ca­sion de por­ter le mes­sage. Pour qu’en tant que repré­sen­tant de l’État, il fasse remon­ter au gou­ver­ne­ment que même dans les petites val­lées, les endroits les plus recu­lés, les gens sont vent debout contre cette réforme. » Une bonne tren­taine de per­sonnes se sont réunies pour l’ac­cueillir : « L’occasion, aus­si, de finir comme on a com­men­cé : dans un état d’es­prit convi­vial et tous ensemble. On a enle­vé la chaîne du por­tail, on a dit au gars d’as­treinte que le piquet était sus­pen­du pour le moment. » Même récit de la part de Sébastien, qui insiste sur l’en­tente dans l’é­quipe qu’il conve­nait, sur­tout, de conser­ver. Au moment de conclure, il résume fina­le­ment les rai­sons de son enga­ge­ment durant vingt jours, de la manière la plus simple qui soit : « On l’a fait pour le faire. Par convic­tion. Parce qu’il faut le faire. »

« Quand on vit en petite com­mu­nau­té pen­dant vingt jours en conti­nu, avec des per­sonnes qui font grève tout le temps et d’autres un peu moins, ça peut géné­rer des ten­sions. »

Si les gré­vistes se féli­citent d’a­voir pu arrê­ter au bon moment, voire se disent sou­la­gés, pour cer­tains, de retrou­ver leur famille et leur quo­ti­dien, Guillaume recon­naît que « ça fait chier, parce que c’est pas le but d’ar­rê­ter. L’idée, c’é­tait de lâcher le piquet avec le retrait de la réforme ». Le silence du gou­ver­ne­ment est vécu comme du mépris à l’é­gard des sala­riés en lutte, ici à Pied-de-Borne comme par­tout ailleurs en France. « J’ai été dégou­té de voir qu’un piquet de grève comme celui-là, ils s’en foutent, avoue Sébastien. Ils ont per­du certes de l’argent au niveau de la pro­duc­tion, mais on dirait que ça n’a pas ser­vi à grand-chose mal­gré le fait qu’on ait tenu autant de temps. » Cédric enté­rine : « Ce qui nous désole, c’est que le gou­ver­ne­ment est com­plè­te­ment sourd. Il y a des mil­lions de per­sonnes dans la rue, mais il n’é­coute pas, il n’en­tend pas. » Les trois tech­ni­ciens ne baissent pour­tant pas les bras : deux d’entre eux sont venus à la mani­fes­ta­tion sui­vante, une semaine après la fin de l’oc­cu­pa­tion. Toutefois, si le piquet de grève a été sus­pen­du, on a du mal à envi­sa­ger qu’il soit réin­ves­ti. La suite se joue peut-être ailleurs, sur d’autres sites ou dans l’é­lar­gis­se­ment des reven­di­ca­tions. Car pour tous, la suite consiste à s’ins­crire dans la conti­nui­té des luttes menées depuis la créa­tion de l’en­tre­prise : défendre un régime excé­den­taire et la recon­nais­sance de la péni­bi­li­té au nom d’une mis­sion de ser­vice public.

En défense d’un service public

Le pro­jet de réforme des retraites est jus­ti­fié par ses défen­seurs par le sou­ci qu’ils ont de « sau­ver » le régime actuel et de conte­nir des dépenses publiques jugées trop impor­tantes. En somme, il s’a­git de faire peser la res­pon­sa­bi­li­té finan­cière du sys­tème social fran­çais sur l’en­semble de la popu­la­tion, tout en déniant à cette même popu­la­tion le droit de don­ner son avis sur la ques­tion. Des injonc­tions contra­dic­toires aux­quelles sont accou­tu­més les agents élec­tri­ciens et gaziers. Leur entre­prise et leur sta­tut, poin­té du doigt comme tout « régime spé­cial », sont nés de la natio­na­li­sa­tion, en 1946, de la pro­duc­tion de l’élec­tri­ci­té et du gaz. Alors, le « modèle EDF », ain­si que l’ont appe­lé les socio­logues Michel Wieviorka et Sylvaine Trinh, est celui d’une « ges­tion sociale où des rap­ports entre acteurs — les diri­geants d’EDF, la haute admi­nis­tra­tion, la CGT, pour l’es­sen­tiel — étaient inté­grés par des conven­tions lar­ge­ment par­ta­gées — confiance dans la science et le pro­grès, iden­ti­fi­ca­tion à la nation, à l’in­té­rêt géné­ral et au ser­vice public3 ». Ce fais­ceau d’hé­ri­tages est tou­jours reven­di­qué par bon nombre d’a­gents, comme le rap­pelle Cédric : « On porte en nous l’his­toire de Marcel Paul, le ministre ouvrier qui a créé EDF. J’ai lu un dis­cours de l’é­poque, un dis­cours où il dit qu’on a un outil indis­pen­sable pour la nation, qu’il faut le pré­ser­ver. » Mais les attaques subies dès les années 1960, dans le cadre de la libé­ra­li­sa­tion de l’é­co­no­mie, et plus encore depuis le début des années 2000, éraflent l’un des piliers du modèle social fran­çais : « C’est ce qu’on risque de perdre si le régime et le sta­tut sautent. Nous, concrè­te­ment, on risque de perdre l’en­vie de sor­tir à trois heures du matin quand il y a un coup de vent. »

[Usine hydro-électrique de Pied-de-Borne, Lozère | R.B.]

En effet, à par­tir 1996, la Commission euro­péenne impose une ouver­ture pro­gres­sive à la concur­rence de la pro­duc­tion, du trans­port et de la dis­tri­bu­tion de l’élec­tri­ci­té. Jusqu’alors éta­blis­se­ment public de carac­tère indus­triel et com­mer­cial (EPIC), EDF devient une socié­té ano­nyme (SA) en 2004 et intro­duit une par­tie de son capi­tal à la Bourse de Paris. Peu à peu, et mal­gré les récentes annonces de rena­tio­na­li­sa­tion, le sta­tut d’ex­cep­tion dont a long­temps béné­fi­cié EDF s’ef­frite, à la manière de celui de la Poste ou de la SNCF, toutes deux socié­tés ano­nymes à capi­taux publics. Or, comme le rap­pelle la socio­logue Yasmine Siblot, c’est une ten­dance contraire à l’es­sence même d’un ser­vice public. Ces der­niers « font exis­ter, au sein d’une éco­no­mie libé­rale, une ges­tion col­lec­tive d’un ensemble de biens et ser­vices jugés indis­pen­sables à la popu­la­tion et contri­buant à lut­ter contre les inéga­li­tés éco­no­miques et sociales. C’est au nom de ces prin­cipes que ces ser­vices sont orga­ni­sés en dehors, ou du moins en marge, des règles du mar­ché4 ». Des prin­cipes, donc, qui jus­ti­fient des modes de for­ma­tion et de recru­te­ment pro­té­gés, ain­si qu’une sécu­ri­té dans l’emploi pour les sala­riés, tout comme la régle­men­ta­tion des tarifs de l’élec­tri­ci­té pour les usa­gers — autant de droits remis en cause depuis vingt ans. Cédric le constate à pro­pos du recru­te­ment. Comme l’a long­temps vou­lu la règle, il a été embau­ché après une alter­nance dans l’en­tre­prise. Mais désor­mais, la règle est deve­nue excep­tion : « On ne com­prend pas. On inves­tit sur des jeunes, on y passe du temps, il y a des tuteurs. Mais il n’y a pas assez de tickets d’embauche. » Guillaume le confirme à son tour, le modèle a per­du de sa superbe et de son attrac­ti­vi­té, noyé dans les injonc­tions à réa­li­ser des éco­no­mies, tout en délais­sant la for­ma­tion des agents et en sup­pri­mant une par une les contre­par­ties à la péni­bi­li­té du travail.

Cédric ne cesse de le rap­pe­ler, s’il défend son régime spé­cial parce qu’il est « auto­nome, indé­pen­dant, excé­den­taire », c’est aus­si qu’il rend accep­table les risques encou­rus dans son métier : « Dans mon poste, je dois por­ter des charges de plu­sieurs dizaines de kilos, taper à la masse pen­dant des heures, me glis­ser dans des conduits rem­plis d’eau et de boue qui sentent les égouts, être accro­ché à un har­nais pour tra­vailler sus­pen­du en hau­teur, tra­vailler en com­bi­nai­son amiante pour démon­ter de l’a­miante, tra­vailler en milieu plom­bé, avec des sol­vants, des rayon­ne­ments ioni­sants, avec des risques d’ex­plo­sion en cas de sou­dure et d’u­ti­li­sa­tion de la meu­leuse, des risques bruit et TMS [troubles mus­cu­lo-sque­let­tiques]. Il y a le fait d’être expo­sé à l’a­miante, aux agents chi­miques dan­ge­reux, aux can­cé­ri­gènes et aux muta­gènes, de tra­vailler en horaires déca­lés… Et pour tous ces risques on a des cri­tères de péni­bi­li­té. » La liste des contraintes avec les­quelles il faut com­po­ser est si longue qu’on se demande com­ment le méca­ni­cien conti­nue à trou­ver au quo­ti­dien l’en­vie de rem­plir ses tâches : « Le fait d’être expo­sé comme ça fait par­tie du métier. On le sait, donc on se pro­tège en consé­quence. Jusqu’à pré­sent, on savait qu’il y avait une com­pen­sa­tion der­rière. Mais demain, pour­quoi j’i­rais m’ex­po­ser autant, me mettre autant en dan­ger si c’est pour n’a­voir rien en retour ? »

« Travailler en 3x8 comme chez nous, ça équi­vaut à perdre 7 à 8 ans d’es­pé­rance de vie. »

À l’é­chelle indi­vi­duelle, on conçoit que les tra­vailleurs d’EDF se posent la ques­tion, comme des mil­lions d’autres. Guillaume nous rap­pelle le prix à payer des horaires déca­lés : « Travailler en 3x85 comme chez nous, ça équi­vaut à perdre 7 à 8 ans d’es­pé­rance de vie. » Prenons le recul néces­saire pour com­prendre les effets de cette réforme sur l’en­semble du sys­tème des pen­sions : Guillaume et Cédric nous l’ont rap­pe­lé, le régime d’EDF est excé­den­taire, du fait de coti­sa­tions plus éle­vées. Régulièrement, donc, leur régime par­ti­cu­lier reverse une par­tie de ses excé­dents au régime géné­ral, et notam­ment à cer­taines caisses qui, elles, sont défi­ci­taires, comme celle des agri­cul­teurs. Tous les tra­vailleurs et les tra­vailleuses ont donc inté­rêt, dans l’é­tat actuel du sys­tème, à défendre ces conquis sociaux, qui béné­fi­cient à tous. C’est aus­si là que se joue l’é­lar­gis­se­ment des reven­di­ca­tions : il ne devrait jamais être ques­tion de sup­pri­mer ces régimes, sauf à vou­loir tirer l’en­semble du sys­tème vers le bas, mais bien de les défendre. L’augmentation des coti­sa­tions est d’ailleurs l’une des solu­tions pro­po­sées par certain·es éco­no­mistes pour com­pen­ser, à termes, les effets liés à l’aug­men­ta­tion de la popu­la­tion retraitée.

Ce sens de la mis­sion de ser­vice public anime de manière una­nime les agents : les condi­tions dans les­quelles le blo­cage s’est dérou­lé en attestent. Dès le pre­mier jour, l’ob­jec­tif est clair pour tous : la mise à l’ar­rêt ne doit pas se faire aux dépens des usa­gers, ni de la sécu­ri­té. Il n’est pas ques­tion de mettre en dif­fi­cul­té des riverain·es, des pro­me­neurs et pro­me­neuses, ou encore des pêcheurs, à l’a­mont comme à l’a­val du bar­rage. Même en contexte de grève, la ges­tion de l’eau est prise en charge face au risque de mon­tée du niveau de l’eau sur les berges, en amont, et au risque d’as­sè­che­ment de cer­tains bas­sins, à l’a­val. Guillaume insiste : « On a fait les choses avec toute notre conscience pro­fes­sion­nelle, parce qu’on connaît les risques d’une mau­vaise ges­tion du cours d’eau. » D’où son exas­pé­ra­tion quand les jour­na­listes de la presse locale s’empressent de deman­der aux agents en grève « à qui ils coupent l’élec­tri­ci­té ». Non seule­ment les gré­vistes ne s’en sont-ils pris qu’aux finances d’EDF, mais en plus ils l’ont fait avec pro­fes­sion­na­lisme. Dès les pre­miers jours du blo­cage, les agents ont reçu des mes­sages de sou­tien de gré­vistes d’autres sec­teurs, pro­po­sant de les rejoindre à Pied-de-Borne pour les aider à tenir le site. L’aide exté­rieure est poli­ment refu­sée, pour ne pas com­pro­mettre la sécu­ri­té du site ni le dégra­der : « On peut se féli­ci­ter d’a­voir fait une action propre », c’est-à-dire sans débor­de­ments, sans heurts. Guillaume s’en amuse d’ailleurs : « Le patron n’a tou­jours pas deman­dé qu’on fasse le ménage. » Voilà qui consis­te­rait seule­ment à enle­ver une ban­de­role et quelques dra­peaux. Guillaume, en tant que délé­gué du per­son­nel, ne cache pas son sou­la­ge­ment que l’ac­tion se soit dérou­lée de cette manière, et qu’elle ait pris fin avant que des ten­sions s’ins­tallent dans l’é­quipe : « Ce qui compte, au-delà du mou­ve­ment, c’est qu’on puisse conti­nuer à bos­ser ensemble. »

[Guillaume, technicien principal d'exploitation et représentant CGT du personnel | R.B.]

Avant de nous rac­com­pa­gner au por­tail de l’u­sine, Guillaume, syn­di­qué depuis tou­jours — « c’est une affaire de famille » —, s’en­thou­siasme de l’ef­fet que leur action, et plus géné­ra­le­ment, de l’ef­fet que ce mou­ve­ment a sur les tra­vailleurs et tra­vailleuses, qui voient davan­tage l’in­té­rêt de rejoindre une orga­ni­sa­tion syn­di­cale pour se défendre au tra­vail. La ques­tion se pose tou­jours de mas­si­fier la mobi­li­sa­tion : visi­bi­li­ser les actions de blo­cage, qui redonnent à celles et ceux qui tra­vaillent du pou­voir et de la confiance, est l’une des stra­té­gies pos­sibles. Au sein de l’en­tre­prise EDF, des pro­jets de réforme struc­tu­relle, sans cesse remis sur la table, néces­si­te­ront, à court terme, que les agent·es se sai­sissent à nou­veau des moyens de lutte. Guillaume évoque par exemple le pro­jet d’ou­ver­ture à la concur­rence de la ges­tion des bar­rages hydro-élec­triques, sous la pres­sion de l’UE, qui pour­rait ame­ner de grands groupes indus­triels à mettre la main sur l’eau douce et l’eau potable. Nous sommes alors au len­de­main des mani­fes­ta­tions contre les méga­bas­sines à Sainte-Soline, où des dizaines de mil­liers de per­sonnes ont dénon­cé l’ac­ca­pa­re­ment de la res­source en eau par l’a­gro-indus­trie, avec la com­pli­ci­té de l’État.

La lutte menée, trois semaines durant, dans cette petite val­lée de Lozère, semble tout à coup réson­ner avec l’ac­tua­li­té natio­nale, mal­gré l’é­loi­gne­ment. D’un bas­sin ver­sant à l’autre, les reven­di­ca­tions sociales, éco­no­miques et éco­lo­giques se répondent comme des échos. L’été venant, on ne se bai­gne­ra plus en amont de l’u­sine, dans ce cours d’eau qu’elle tur­bine, avec la même ingé­nui­té. On sau­ra que plus bas des tech­ni­ciens en régulent le débit, pro­duisent de l’éner­gie et veillent à ce que l’eau, à l’a­val, soit jus­te­ment partagée.


Photographies de ban­nière et de vignette : bar­rage du Raschas, Lozère | R.B.


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  1. Stéphane Sirot, « Un siècle de cou­pures de cou­rant dans les grèves des élec­tri­ciens. De la cen­tra­li­té à la mar­gi­na­li­sa­tion (1905–2004) », Annales his­to­riques de l’élec­tri­ci­té, vol. 1, n° 6, 2008.[]
  2. Sophie Béroud, « Les opé­ra­tions Robin des bois au sein de la CGT Énergie. Quand la cause des chô­meurs et des sans contri­bue à la redé­fi­ni­tion de l’ac­tion syn­di­cale », Revue fran­çaise de science poli­tique, vol. 59, n° 1, 2009.[]
  3. Michel Wieviorka et Sylvaine Trinh, Le Modèle EDF : essai de socio­lo­gie des orga­ni­sa­tions, La Découverte, 1989.[]
  4. Yasmine Siblot, « Trop de ser­vices publics ? », dans Fondation Copernic (dir.), Manuel indo­cile de sciences sociales, La Découverte, 2019.[]
  5. Le tra­vail en 3x8 ren­voie au rou­le­ment de trois équipes ou trois per­sonnes sur le même poste toutes les huit heures, de façon à assu­rer la conti­nui­té du tra­vail durant 24 heures. En découlent des horaires déca­lées, par­fois appe­lés horaires aty­piques, qui alternent tra­vail de jour et de nuit en fonc­tion du rou­le­ment.[]

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