Mawda, 2 ans, tuée par la police

21 avril 2021


Texte inédit | Ballast

La nuit du 17 mai 2018, la police belge prend en chasse une camion­nette de migrants tra­ver­sant le pays : un poli­cier tire, une enfant kurde de 2 ans meurt d’une balle dans la tête. Deux ans et demi plus tard, le ver­dict du pro­cès tombe. L’affaire du meurtre de la petite Mawda illustre bien des aspects des poli­tiques migra­toires et sécu­ri­taires actuelles. En Belgique, les faits de vio­lence poli­cière ne cessent de faire par­ler d’eux — ils sont deve­nus heb­do­ma­daires. Face à quoi, les pro­tes­ta­tions popu­laires se déve­loppent. Le 8 mars der­nier, une femme noire, après avoir vou­lu por­ter assis­tance à une per­sonne ayant fait un malaise dans la rue, a été vio­lem­ment pla­quée au sol par la police lié­geoise, pro­vo­quant une nou­velle fois des émeutes. Un récit du ver­dict. ☰ Par Yanna Oiseau


11 h 17, gare de Bruxelles-Central, train en direc­tion de Mons. Nous sommes le 12 février 2021, jour de ver­dict pour le pro­cès rela­tif à l’af­faire Mawda. Un froid polaire règne sur le pays ; la neige tom­bée il y a cinq jours ne fond pas. La tem­pé­ra­ture indique ‑7 °C. La presse natio­nale a jugé bon de sor­tir, ce matin-là, l’in­for­ma­tion sur la régu­la­ri­sa­tion défi­ni­tive des parents de Mawda : le fait date pour­tant de décembre der­nier. La dépêche est publiée dès 5 heures, comme une actua­li­té brû­lante, une info de der­nière minute. De mau­vaise augure. Je retrouve dans le train trois des avo­cates de la famille de Mawda, ain­si qu’une quin­zaine d’ac­ti­vistes du comi­té de soutien.

« Je retrouve dans le train trois des avo­cates de la famille de Mawda. »

13 h 10. La juge déclare l’au­dience ouverte. Nous sommes dans la salle aux pas per­dus, où un écran a été ins­tal­lé pour que la tren­taine de per­sonnes que nous sommes — ayant été auto­ri­sées à entrer dans l’en­ceinte du tri­bu­nal — puis­sions suivre le ver­dict. Seules dix per­sonnes ont pu accé­der à la grande salle d’au­dience. On y aper­çoit Shamden et Prhst Shawri, les parents de Mawda, assis légè­re­ment en hau­teur der­rière les quatre avo­cats qui les repré­sentent. Face à eux, sur l’autre flanc de la salle, les deux hommes ira­kiens accu­sés pour l’un d’être le chauf­feur du véhi­cule pris en course par la police et pour l’autre le pas­seur. Deux hommes for­cés sur les routes de l’exil qui contestent ces accu­sa­tions, avan­çant qu’ils ont été choi­sis au hasard des occu­pants de la camion­nette. Cette nuit-là, ils étaient en tout 26. Au centre de la salle, en hau­teur, les trois juges. En bas, face à eux, dos à la salle, le poli­cier qui a tiré le coup de feu.

7 mai 2018. 

Lamine Bangoura voit arri­ver à son domi­cile huis­sier et police, pour un arrié­ré de loyer de 1 500 euros. Comme il refuse d’être expul­sé de chez lui, des patrouilles de ren­fort sont appe­lées : leurs véhi­cules, nom­breux, bloquent la rue en bas de l’im­meuble. Très vite ce sont huit poli­ciers qui entrent, lui menottent pieds et mains et s’en vont pra­ti­quer un pla­quage ven­tral meur­trier, à quatre sur son torse, sous pré­texte qu’ils se seraient sen­tis en dan­ger. Depuis ces décla­ra­tions de la police, faites plus d’un mois après les évé­ne­ments, des images cir­culent sur les réseaux. On y entend Lamine pous­ser des cris rauques, gla­çants : il étouffe. À l’ar­ri­vée de l’am­bu­lance, il est déjà trop tard. Cela fait trois ans, et son corps est tou­jours à la morgue. La pre­mière année, il était rete­nu par ordre du juge, le temps de l’en­quête, qui a fini par pro­non­cer un non-lieu. Il n’y aurait pas de charges suf­fi­santes pour ouvrir un pro­cès1. Une somme de 8 000 euros avait alors été exi­gée de la famille afin de récu­pé­rer le corps de leur fils, somme impos­sible à ras­sem­bler. La fac­ture s’é­lève aujourd’­hui à 30 000 euros. Lamine n’a tou­jours pas été enter­ré et la famille Bangoura pour­suit son combat.

[« Stop à la justice de classe, Stop à la justice raciste », 24 janvier 2021 | Krasnyi Collective | krasnyicollective.com

Avant de démar­rer la lec­ture des 50 pages du pro­non­cé, la juge annonce : « Ce tri­bu­nal constate que les conseils des par­ties civiles ont lar­ge­ment plai­dé lors du pro­cès et dans les conclu­sions sur le trai­te­ment inhu­main et dégra­dant qu’ont subi les vic­times. » Les parents et le frère de Mawda, alors âgé de 4 ans, avaient été empê­chés de mon­ter dans l’am­bu­lance qui allait ame­ner la petite fille — elle mour­ra avant d’ar­ri­ver aux urgences. Ils ont été humi­liés et déte­nus. « Aussi légi­times que les inter­ro­ga­tions des par­ties civiles puissent être, il n’ap­par­tient pas à ce tri­bu­nal de se pro­non­cer sur des élé­ments qui dépassent lar­ge­ment le cadre de sa sai­sine […] et qui ne concernent que le com­por­te­ment des trois pré­ve­nus lors de la course pour­suite du 17 mai 2018. »

« Les parents et le frère de Mawda, alors âgé de 4 ans, avaient été empê­chés de mon­ter dans l’am­bu­lance qui allait ame­ner la petite fille. »

Les avo­cats de la famille avaient dès le départ dénon­cé l’a­to­mi­sa­tion absurde d’une affaire hau­te­ment poli­tique vers diverses juri­dic­tions, empê­chant éga­le­ment toute enquête sur les res­pon­sa­bi­li­tés des poli­tiques migra­toires actuelles, tout comme sur les nom­breux men­songes poli­ciers et judi­ciaires qui ont mar­qué les heures et jours sui­vants les évé­ne­ments. Parmi ceux-là : rumeurs pro­pa­gées sur l’u­ti­li­sa­tion d’un enfant bélier, enfant jeté par la camion­nette, suc­ces­sion de ver­sions contra­dic­toires et men­son­gères du par­quet aux médias, pre­mière ana­lyse d’un méde­cin légiste qui réfute la cause de la mort par balle, etc2. Un seul jour­na­liste de grande antenne a rele­vé la digni­té d’une pro­fes­sion, ayant fait une enquête appro­fon­die et édi­fiante sur les faits et la suc­ces­sion des men­songes officiels.

Août 2019.

Mehdi Bouda est per­cu­té en plein centre ville, sur un pas­sage pié­ton, par un véhi­cule de police rou­lant à plus de 98 km/h. Ce n’est que le len­de­main que la famille sera aver­tie de la mort de ce jeune de 17 ans, par des agents de police venus à sa porte lui pré­sen­ter la pho­to de son corps ensan­glan­té, sans égard, sans aucune expli­ca­tion. Quelques heures plus tôt, un ancien voi­sin, sol­li­ci­té par un jour­na­liste sur le sujet, avait appe­lé la famille, sans que cette der­nière ne com­prenne de quoi il s’a­gis­sait. Car la presse ne man­que­ra pas de relayer aus­si­tôt les com­mu­ni­qués de police, avec son lot de dis­cours, deve­nus clas­siques. Ici, une par­mi tant d’autres : « un jeune dea­ler qui aurait cou­ru en voyant la police arri­ver ». C’est par elle-même, au tra­vers de ses recherches pour com­prendre les faits, que la famille décou­vri­ra que c’est un véhi­cule de police qui a fau­ché leur fils. Son grand frère Ayoub et tous les proches de Mehdi pour­suivent leur com­bat pour la véri­té, la jus­tice et la dignité.

[« Stop à la justice de classe, Stop à la justice raciste », 24 janvier 2021 | Krasnyi Collective | krasnyicollective.com

Les pré­su­més chauf­feur et pas­seur écoutent la tra­duc­tion — à tra­vers des casques, le visage caché par des masques — de la longue et détaillée lec­ture chro­no­lo­gique de la course-pour­suite. Seul le regard de l’un est ren­du visible par l’angle choi­si par une camé­ra qui s’at­tarde lon­gue­ment sur eux : l’é­pui­se­ment s’y lit. Le visage du poli­cier, lui, ne sera jamais fil­mé. Les deux hommes contestent ces accu­sa­tions. Voici deux ans et demi qu’ils sont en pri­son. Pour une même nuit de faits, ils subi­ront deux pro­cès. L’un à Mons, pour « entrave méchante à la cir­cu­la­tion ayant entraî­né la mort » et « rébel­lion » ; l’autre à Liège, pour « tra­fic d’êtres humains ». Deux pro­cès pour une même affaire.

« Les deux hommes contestent ces accu­sa­tions. Voici deux ans et demi qu’ils sont en prison. »

La juge pour­suit sa lec­ture. Arrive le moment de l’im­pact. On entend qu’il est 2 heures du matin pas­sées de quelques minutes, lorsque « la vitre sur le côté [conduc­teur] de la camion­nette explose », que la camion­nette quitte l’au­to­route et s’ar­rête sur un par­king deux minutes plus tard, qu’un appel au secours est lan­cé… Dans la salle, la camé­ra se tourne vers les les parents et filme les larmes de la mère. Elle n’a pas le casque de tra­duc­tion sur les oreilles. S’ensuit tout un détail des com­mu­ni­ca­tions radio sur l’u­sage fait d’une arme ; le méde­cin légiste qui, vers 4 heures du matin, assure que la mort n’est pas due à un tir d’arme à feu. Pendant sa lec­ture de l’é­tat du corps de l’en­fant éta­bli dans le rap­port de la police, la juge regarde, comme sou­cieuse, les parents. Une des avo­cates est allée s’ins­tal­ler à côté de la mère ; elle lui parle. Le père est tour­né vers l’in­ter­prète assis juste à sa gauche et l’é­coute attentivement.

L’écrasante majo­ri­té du récit des « faits éta­blis » pro­vient des sources poli­cières : les nom­breuses com­mu­ni­ca­tions radio, les ana­lyses tech­niques de leur maté­riel, les rap­ports éta­blis au moment des faits, sur le par­king de cette aire d’au­to­route ou à l’hô­pi­tal. La famille, elle, n’a que sa parole, recueillie lors d’in­ter­ro­ga­toires et d’au­di­tions. À peine quelques secondes du dérou­lé des faits sont pas­sées dans le récit chro­no­lo­gique. Nous enten­dons à pré­sent la ver­sion des parents. Alors que sont reprises les décla­ra­tions du père, qui confirment celles de la mère — jamais, tout au long de la course-pour­suite, elle n’a per­du l’en­fant de ses bras —, cette der­nière quitte la salle. Elle gagne celle aux pas per­dus pour s’oc­cu­per un moment de son troi­sième enfant, gar­dé par des per­sonnes du comi­té de sou­tien : un petit gar­çon qui ne doit pas avoir plus de 2 ans et dont les traits res­semblent for­te­ment à ceux de Mawda.

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10 avril 2020.

La police prend en chasse deux jeunes pour « non res­pect des règles de dis­tan­cia­tion sociale ». Nous sommes à Anderlecht, com­mune où les actes poli­ciers vio­lents et racistes font régu­liè­re­ment la chro­nique. Adil est sur son scoo­ter, il prend la fuite. Passant par des zones où le véhi­cule de police ne peut le suivre, les agents à son bord appellent des ren­forts. Quelques minutes plus tard, alors qu’Adil roule et est presque arri­vé chez lui, il est per­cu­té de plein fouet par un autre véhi­cule de police qui vient le coin­cer, d’en face, rou­lant à 70 km/h. Son corps est pro­je­té à 20 mètres de là. Adil meurt. Aucune trace de frei­nage ne sera trou­vée sur le sol, indi­quant que la voi­ture lui a bien fon­cé des­sus. Alors que le Comité Justice pour Adil et ses proches attendent qu’une enquête et un pro­cès public se tiennent, le Parquet demande, via les médias, qu’un non-lieu soit décla­ré. Le com­bat continue.

« L’écrasante majo­ri­té du récit des faits éta­blis pro­vient des sources policières. »

Les dif­fé­rents ser­vices de police à l’œuvre ce jour-là auraient eu des pro­blèmes de com­mu­ni­ca­tion, influen­çant ain­si le dérou­lé des évé­ne­ments. Pourquoi la course-pour­suite a‑t-elle même démar­ré ? Pourquoi un tel dis­po­si­tif poli­cier est-il déployé pour prendre en chasse un véhi­cule avec des migrants à son bord, dont des enfants, sur plus de 70 kilo­mètres, au milieu de la nuit ? La police belge demande à la police fran­çaise — dont la fron­tière approche — de « dres­ser un bar­rage pro­fond ». La fron­tière, voi­ci donc la raison ?

14 h 50. Le Tribunal retient que le tir du poli­cier a tué l’en­fant parce que la camion­nette aurait vou­lu per­cu­ter le véhi­cule de police, ce qui aurait dévié ce der­nier dans sa ten­ta­tive d’é­vi­ter le choc. Pas le fait qu’il tenait une arme, bras ten­du, vers une camion­nette emplie de 26 per­sonnes, sans aucun doute en panique après des kilo­mètres de course-pour­suite. Une arme bra­quée à hau­teur de l’a­vant du véhi­cule, à la vue du conduc­teur de cette nuit-là. « Tous les élé­ments du dos­sier per­mettent de déter­mi­ner avec cer­ti­tude que… »

9 jan­vier 2021.

La ville vit sous un couvre-feu qui démarre à 22 heures. Ibrahima filme une inter­ven­tion poli­cière qu’il croise sur son che­min. La police le voit et lui intime d’ar­rê­ter, en se diri­geant vers lui. Il part. Une course-pour­suite s’en­suit, jus­qu’à ce qu’il soit inter­cep­té. Il est presque 19 heures. Ibrahima meurt à 20 h 22, au com­mis­sa­riat de police. La cause ? « Un malaise ». Les poli­ciers se ren­dront au domi­cile fami­lial pour annon­cer le décès de ce fils, à 2 h 30 du matin. Ils diront à la famille qu’ils l’a­vaient arrê­té pour non res­pect du couvre-feu, alors que sa mort est décla­rée bien avant celui-ci. Un ras­sem­ble­ment pour récla­mer jus­tice et véri­té se tient le 13 jan­vier 2021. Il se retrou­ve­ra face à un dis­po­si­tif poli­cier de très grande enver­gure. C’est l’é­tin­celle. Plus d’une cen­taine d’ar­res­ta­tions admi­nis­tra­tives, des jeunes arrê­tés tout au long de la nuit, mis à genou et main­te­nus mains der­rière la tête, comme nous le rela­te­ra une voi­sine ayant sui­vi ces scènes depuis sa fenêtre.

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14 h 52. La seconde juge prend la parole. Cette fois, lec­ture est faite de l’autre aspect du jour : « entrave méchante à la cir­cu­la­tion » — l’ac­cu­sa­tion envers le pré­su­mé chauf­feur dans la salle. « Méchante veut dire être conscient de la prise de dan­ger », peu importe l’in­ten­tion. Il est accu­sé d’a­voir ren­du la cir­cu­la­tion dan­ge­reuse, de par sa « conduite intem­pes­tive », et d’a­voir com­mis « de graves infrac­tions au code de la route » pou­vant créer un acci­dent3. La camé­ra est fixe sur les deux hommes ira­kiens, le même regard de l’un, la même concen­tra­tion sérieuse de l’autre.

« Que se passe-t-il ? Le pré­su­mé chauf­feur parle, il refuse de s’arrêter. »

15 h 22. La juge inter­rompt sa lec­ture et réagit, disant qu’elle ne lais­se­ra pas cela se pro­duire dans sa salle d’au­dience. Que se passe-t-il ? Le pré­su­mé chauf­feur parle, il refuse de s’ar­rê­ter. On ne l’en­tend pas d’i­ci, il n’a pas de micro. Seule nous par­vient la voix de la juge. « Je com­prends que cela soit dif­fi­cile pour vous mais vous avez pu par­ler pen­dant le pro­cès, main­te­nant ce n’est plus le temps de par­ler. Vous devez écou­ter le ver­dict de ce tri­bu­nal. » L’homme ne semble pas s’ar­rê­ter pour autant. Des applau­dis­se­ments de sou­tien éclatent de la salle aux pas per­dus. Cet homme a déjà été inter­rom­pu lors des jours d’au­dience de novembre et décembre, alors qu’il rela­tait son his­toire, les rai­sons qui l’a­vaient pous­sé à fuir son pays, les condi­tions dans les­quelles tout s’é­tait dérou­lé. Une pause avait alors été déci­dée, lui cou­pant la parole. Il n’a­vait pas repris après la pause. Aujourd’hui aus­si, la juge inter­rompt la séance.

Le 24 jan­vier 2021 se tient un ras­sem­ble­ment à Bruxelles : « Stop à la jus­tice de classe, stop à la jus­tice raciste ». Initialement pré­vu le 5 décembre 2020, il avait été inter­dit. Plus encore, un arrê­té offi­ciel du bourg­mestre de la ville avait été pla­car­dé devant le Palais de Justice, aux relents de chasse aux sor­cières, calom­niant, amal­ga­mant pêle-mêle tous les col­lec­tifs orga­ni­sa­teurs et allant jus­qu’à atta­quer nom­mé­ment des mili­tants. Pas plus auto­ri­sé ce jour de jan­vier, de nom­breuses familles de vic­times et de Comité Vérité et Justice annu­le­ront, à contre-cœur, leur pré­sence. Alors qu’un ras­sem­ble­ment de 150 per­sonnes et d’une heure était dit tolé­ré par la police au pied du Monts des Arts, un dis­po­si­tif mas­sif encercle rapi­de­ment les per­sonnes pré­sentes. Ce jour-là, alors que la presse offi­cielle parle de 150 mani­fes­tants, la police pro­cé­de­ra à l’ar­res­ta­tion de plus de 230 per­sonnes, dont 86 mineurs, prises dans les mailles de cette nasse géante et aveugle aux abords de la gare cen­trale, en plein centre ville, lieu hau­te­ment fré­quen­té en fin de semaine. Dès le len­de­main, des témoi­gnages révè­le­ront des séances d’hu­mi­lia­tion, de bru­ta­li­té et de vio­lence col­lec­tive dans la caserne où ont été par­quées toutes les per­sonnes arrê­tées. Le bourg­mestre de la ville, ques­tion­né sur les faits, défen­dra sa police. L’affaire, mal­gré son ampleur et sa gra­vi­té, n’au­ra fait que peu de bruit ; plu­sieurs actions col­lec­tives se pré­parent, dont une plainte de parents de mineurs arrê­tés. Chose rare : même un syn­di­cat poli­cier dénonce les bru­ta­li­tés poli­cières com­mises ce jour.

[Bruxelles, rassemblement à la mémoire d'Ibrahima, 14 janvier 2021 | Krasnyi Collective | krasnyicollective.com

15 h 37. La séance reprend. Quand il lui sera deman­dé s’il sou­haite encore par­ler, l’homme accu­sé d’être le chauf­feur répon­dra que non.

Verdict. Le poli­cier est recon­nu cou­pable d’ho­mi­cide invo­lon­taire et est condam­né à 1 an de pri­son avec sur­sis et une amende de 400 euros. L’homme dési­gné comme étant le chauf­feur est recon­nu cou­pable d’en­trave méchante à la cir­cu­la­tion ayant entraî­né la mort et condam­né à 4 ans de pri­son ferme4. Le troi­sième pré­ve­nu est acquit­té — dans ce pro­cès seule­ment, car celui de Liège est tou­jours en cours. En dépit des demandes de son avo­cat, il ne sera pas libé­ré non plus.

Une com­mis­sion d’en­quête par­le­men­taire, deman­dée par cer­taines voix pour mettre à jour les res­pon­sa­bi­li­tés poli­tiques en jeu, aura-t-elle fina­le­ment lieu ?

Le 10 mars, on apprend que le poli­cier a déci­dé de faire appel de cette déci­sion de justice.


Photographies de ban­nière et de vignette : Bruxelles, ras­sem­ble­ment à la mémoire de Mawda, 22 décembre 2018 | Krasnyi Collective | krasnyicollective.com


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  1. Cette déci­sion de jus­tice a été à nou­veau confir­mée mi-mars.[]
  2. Zin TV a fait une vidéo de 17 minutes pour retra­cer le trai­te­ment média­tique de cette affaire.[]
  3. Ce volet de l’ac­cu­sa­tion n’est pas du tout ano­din. La qua­li­fi­ca­tion « entrave méchante à la cir­cu­la­tion ayant entraî­né la mort » appelle des condam­na­tions allant entre 3 et 20 ans. En com­pa­rai­son, la qua­li­fi­ca­tion d’ho­mi­cide invo­lon­taire, rete­nue contre le poli­cier, connaît une peine maxi­male de 2 ans. Les avo­cats de la famille deman­daient « coups et bles­sures ayant entraî­né la mort sans inten­tion de la don­ner », dont les peines sont bien plus longues, entre 10 et 15 ans. Ces dif­fé­rences de qua­li­fi­ca­tion signi­fient déjà qu’une bataille avait été per­due, puisque le poli­cier encou­rait de manière sûre une peine moindre que les pré­su­més chauf­feurs et pas­seurs.[]
  4. Le comi­té de sou­tien Justice4Mawda conteste cette accu­sa­tion.[]

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