Mathilde Larrère : « Il y a deux Républiques ! »


Entretien inédit pour le site de Ballast

La révo­lu­tion et la République : gros mor­ceaux que voi­ci. La pre­mière paraît tenir du rêve impos­sible ou ravive trop sou­vent de loin­taines visions de guillo­tine en place publique ; la seconde est deve­nue le ter­rain de jeu favo­ri des opu­lents et des mafieux, du par­ti unique des affaires (LR-En Marche-PS) à l’ex­trême droite… « Républicain, oui ; mais ce mot ne pré­cise rien », lan­çait déjà Proudhon. Pour en discuter ou en débattre, nous sol­li­ci­tons l’his­to­rienne Mathilde Larrère, chro­ni­queuse pour Arrêt sur images ain­si que Mediapart et direc­trice de l’ou­vrage col­lec­tif Révolutions — Quand les peuples font l’Histoire. Celle qui fer­railla avec Manuel Valls à pro­pos de la figure de Marianne et dis­pense chaque semaine sur Twitter des « fils » his­to­riques et poli­tiques afin de rendre l’Histoire acces­sible au plus grand nombre en jure : « Tout est pos­sible, par­tout, à tout moment. »


Dès qu’il est ques­tion d’Histoire, deux tartes à la crème sur­gissent : « Connaître son pas­sé pour construire l’avenir » et « En tirer les leçons ». À quoi sert-elle, réellement ?

Vaste ques­tion ! Qui en com­porte plu­sieurs en réa­li­té… Passé-pré­sent-futur, quels liens ? Vous avez trois heures… L’histoire, comme dis­ci­pline, per­met d’abord de connaître son pas­sé : un tra­vail à par­tir des sources et des traces qui per­met donc de le com­prendre dans son alté­ri­té avec le pré­sent. Reste que les ques­tions posées par les historien.ne.s au pas­sé sont posées depuis le pré­sent — ce qui fait sou­vent dire que « Toute his­toire est contem­po­raine ». L’historien.ne s’interroge sur le pas­sé et inter­roge le pas­sé dans un pré­sent qui l’habite, le pousse à ques­tion­ner tels ou tels groupe social, ins­ti­tu­tion ou pra­tique, à cher­cher des sources qu’il ou elle n’avait pas uti­li­sé aupa­ra­vant. Cela explique le sur­gis­se­ment de ques­tion­ne­ments his­to­riques en fonc­tion du pré­sent. D’où, par exemple, les pre­miers tra­vaux en his­toire des femmes quand se struc­ture, dans les années 1970, un nou­veau fémi­nisme ; d’où la déci­sion de nous lan­cer dans un livre col­lec­tif sur les révolutions1 alors que Ben Ali « déga­geait » en Tunisie et que la place Tahrir était occu­pée. Le tra­vail his­to­rique per­met de ques­tion­ner les conti­nui­tés, les rup­tures, les actua­li­sa­tions, les modi­fi­ca­tions — en d’autres termes, la lente, chao­tique et fort rare­ment linéaire construc­tion de ce dont nous héri­tons dans le pré­sent. Ce fai­sant, si l’histoire ne suf­fit pas seule à com­prendre le pré­sent, on ne sau­rait le com­prendre en igno­rant le pas­sé. Elle per­met éga­le­ment d’é­ta­blir que ce qui se donne aujourd’hui comme inévi­table ou néces­saire, comme exis­tant « de tout temps », n’est jamais qu’une construc­tion plus ou moins récente, et pour cela tran­si­toire, comme l’ont été toutes les réa­li­tés anté­rieures. L’histoire per­met ain­si de se déprendre des évi­dences du pré­sent, de les ins­crire dans des pro­ces­sus de construc­tion, d’inscrire le pré­sent dans une tem­po­ra­li­té qui, d’abord, intègre le passé.

« Relativisons, tout de même : un McDo sac­ca­gé, on ne va pas en faire un fro­mage — dégueu­lasse qui plus est, dans cette officine ! »

Mais, jus­te­ment, parce qu’on sort du pré­sent, qu’on l’ouvre sur le pas­sé, ce tra­vail per­met de rou­vrir le futur. Quand on s’enferme dans le pré­sent, dans ce que François Hartog appelle le « pré­sen­tisme », quand le pas­sé est comme muséi­fié, sédi­men­té, mis à l’écart, on ne sau­rait pen­ser des futurs. Faire de l’histoire, c’est faire l’histoire des chan­ge­ments pas­sés, des moments de ren­ver­se­ment, de redé­fi­ni­tion des rap­ports de force, des alter­na­tives — qu’elles aient échoué ou réus­si — pen­sées, ten­tées ; ce fai­sant, c’est per­mettre de pen­ser des ren­ver­se­ments futurs, des alter­na­tives futures. La « fin de l’Histoire » (Fukuyama) et le « There is no alter­na­tive » (Margaret Thatcher ayant le copy­right de ce man­tra lar­ge­ment repris) marchent de concert. S’il y a une « leçon à tirer » du pas­sée, c’est d’a­bord que tout peut chan­ger. « Le pas­sé est source d’énergie pré­sente », dit ain­si Jérôme Baschet dans son livre que je ne sau­rais que vous conseiller, Défaire la tyran­nie du pré­sent2  lequel apporte, avec force détails, une réponse éclai­rante à votre question !

Le mot « révo­lu­tion » semble désor­mais insé­pa­rable de celui de « vio­lence »… Le McDo fra­cas­sé lors du 1er mai a apparemment cham­bou­lé la France entière — quant à la gauche radi­cale, elle s’est copieu­se­ment engueu­lée sur le sujet… Vous écri­vez que la vio­lence « illé­gale » devient « légi­time » lorsque s’opère le « pas­sage » révo­lu­tion­naire : simple constat ou appro­ba­tion militante ?

Commençons par rap­pe­ler que l’association révo­lu­tion-vio­lence est une construc­tion des contre-révo­lu­tion­naires. Quoi de mieux pour déni­grer la révo­lu­tion que de l’associer à la vio­lence ? Quoi de mieux pour oublier le Maximum (1793) que de bran­dir la guillo­tine ? Les Versaillais n’ont rien fait d’autre au len­de­main de la Commune. Et la France (mais c’est quoi, « la France » ?) est d’autant plus « cham­bou­lée » qu’on lui res­sasse images et récits de l’événement violent (rela­ti­vi­sons, tout de même : un McDo sac­ca­gé, on ne va pas en faire un fro­mage — dégueu­lasse qui plus est, dans cette offi­cine !) iso­lé de son contexte. La mons­tra­tion de la vio­lence sert de dis­cours-écran, à but d’effroi et de délé­gi­ti­ma­tion. Passons sur le fait que ce type de dis­cours revient aus­si à ne pas ques­tion­ner les vio­lences poli­tiques hors des périodes révo­lu­tion­naires. La « Terreur rouge » de l’an I (et II) n’a pas fait plus de morts que la « Terreur blanche » du Directoire et de la Restauration. Pourtant, on ne parle que de la pre­mière… Que dire des 20 000 morts de la Semaine san­glante de mai 1871 ? C’est aus­si pour­quoi Jaurès, atta­qué par Clemenceau sur les vio­lences en marge des grandes grèves de 1906, oppo­sait la vio­lence sourde, invi­sible des patrons à celle des ouvriers. Il y a de fait plu­sieurs argu­ments qui peuvent être mobi­li­sés pour légi­ti­mer le recours à la vio­lence : la réponse à la vio­lence d’État ou des patrons (en légi­time défense, presque), et/ou l’argument numé­rique du sou­tien mas­sif à la vio­lence employée (ce à quoi on ajou­tait au XIXe siècle la démons­tra­tion que la vio­lence était pra­ti­quée et sou­te­nue par plu­sieurs classes de la socié­té ; l’union des classes sur les bar­ri­cades, objet d’innombrables images, étant ain­si une figure impo­sée des repré­sen­ta­tions révolutionnaires).

Le siège de Paris, Jean-Louis-Ernest MEISSONIER (1815 - 1891) © RMN-Grand Palais - H. Lewandowski (extrait)

Vous sou­le­vez là une vaste ques­tion : celle de la vio­lence légale/légitime. S’agissant de l’extrait que vous citez, il ne s’agit pas d’une appro­ba­tion mais d’une grille d’analyse de ce qui s’opère dans un phé­no­mène révo­lu­tion­naire. Je par­ti­rai d’un constat : quand une révolte ou une insur­rec­tion menace l’ordre éta­bli, que des biens, ou pire, des per­sonnes sont atta­qués, les res­pon­sables de ces vio­lences sont jugés et condam­nés dès que l’ordre est réta­bli. Au len­de­main de la prise de la Bastille, les pro­ta­go­nistes de l’événement ne sont pas arrê­tés, ni jugés, mais célé­brés, récom­pen­sés et valorisés3. Ainsi, des com­bat­tants de 1830 sont enter­rés en mar­tyrs dans la crypte de la colonne de Juillet à la Bastille où viennent ensuite repo­ser à leurs côtés les com­bat­tants de 1848. Mêmes « vio­lences », des­truc­tions, mises à mort dans les révoltes et les révo­lu­tions, mais la dif­fé­rence de trai­te­ment montre qu’elles ne sont pas per­çues, inter­pré­tées de la même façon. Car la révo­lu­tion par­ve­nant à ren­ver­ser l’ordre bou­le­verse le sens de ce qui est légi­time ou ne l’est pas et construit, a pos­te­rio­ri, les vio­lences qui l’ont por­tée comme légi­times. On pour­rait dire que ce n’est pas d’abord la vio­lence légi­time (ce qui serait bien vague) qui fait la révo­lu­tion, mais la révo­lu­tion qui recon­naît sa vio­lence comme légi­time. Depuis les tra­vaux de Max Weber sur la vio­lence légi­time et son mono­pole par l’État, la notion de vio­lence légi­time, quoique sou­vent tra­vaillée, reste un objet mal­ai­sé à sai­sir. De fait, ce concept peut être uti­li­sé dans le cadre d’une appro­ba­tion mili­tante. Anticiper sur la légi­ti­mi­té de la vio­lence exer­cée, en plus de jus­ti­fier son usage, est aus­si, par consé­quent, un moyen de la défi­nir comme de nature révolutionnaire.

« Les pou­voirs révo­lu­tion­naires s’installent bien sou­vent dans les lieux mêmes du pou­voir qu’ils viennent de ren­ver­ser, sur les mêmes bancs, sous les mêmes ors. »

D’une cer­taine façon, les révo­lu­tion­naires de la fin du XVIIIe siècle, en repre­nant les phi­lo­sophes des droits de l’homme et du contrat social, avaient posé quelques cadres. Pourquoi les révo­lu­tions anglaise, mais sur­tout amé­ri­caine et fran­çaise, s’ouvrent par des décla­ra­tions des droits de l’homme et du citoyen ? Parce que le droit de résis­tance à l’oppression (qui peut impli­quer la vio­lence), for­mu­lé comme un droit de l’homme, per­met de légi­ti­mer la révo­lu­tion qui s’opère, et donc de légi­ti­mer les vio­lences par les­quelles la révo­lu­tion est pas­sée (ou pas­se­ra). Pour dire les choses un peu sim­ple­ment : Dieu (on y croit, alors) a créé les Hommes dotés de droits natu­rels ; les Hommes se mettent en socié­té pour garan­tir ces droits ; ils contractent, se donnent un gou­ver­ne­ment. Mais si ce gou­ver­ne­ment en vient à vio­ler ces droits, alors les Hommes sont en droit de chan­ger de gou­ver­ne­ment. Et cela peut impli­quer le recours à la vio­lence, d’autant plus que le gou­ver­ne­ment, on s’en doute, ne se laisse pas ren­ver­ser sans résis­tance. « La pru­dence enseigne, à la véri­té, que les gou­ver­ne­ments éta­blis depuis long­temps ne doivent pas être chan­gés pour des causes légères et pas­sa­gères, et l’ex­pé­rience de tous les temps a mon­tré, en effet, que les hommes sont plus dis­po­sés à tolé­rer des maux sup­por­tables qu’à se faire jus­tice à eux-mêmes en abo­lis­sant les formes aux­quelles ils sont accou­tu­més. Mais lors­qu’une longue suite d’a­bus et d’u­sur­pa­tions, ten­dant inva­ria­ble­ment au même but, marque le des­sein de les sou­mettre au des­po­tisme abso­lu, il est de leur droit, il est de leur devoir de reje­ter un tel gou­ver­ne­ment et de pour­voir, par de nou­velles sau­ve­gardes, à leur sécu­ri­té future », peut-on lire dans la Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, en date du 4 juillet 1776 — et ce alors que de nom­breuses vio­lences avaient visé les inté­rêts bri­tan­niques et les agents de la cou­ronne. Le « droit de résis­tance à l’oppression » est for­mu­lé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ; celle de 1793 allant plus loin en ins­ti­tuant « l’insurrection » comme droit et devoir. C’est ce que nous vou­lions expli­quer dans le livre : dans la révo­lu­tion s’opère la trans­for­ma­tion de la vio­lence illé­gale en vio­lence légi­time, sans inten­tion d’approuver en militant.e.s — mais parce que cela per­met de com­prendre la spé­ci­fi­ci­té d’une révolution.

Toutes les révo­lu­tions vic­to­rieuses ont débou­ché sur un pou­voir auto­ri­taire, sinon pire, qu’elles soient fran­çaise, russe, cubaine, chi­noise, algé­rienne ou viet­na­mienne. La gauche a rebon­di, gros­so modo, de deux façons : s’emparer de l’État par la voie élec­to­rale, réfor­miste et non-vio­lente puis garan­tir le plu­ra­lisme ; refu­ser la conquête du pou­voir cen­tral pour bâtir des alter­na­tives locales, mar­gi­nales, séces­sion­nistes ou auto­gé­rées. Penser la révo­lu­tion, c’est donc pen­ser l’État ?

Je m’amuse de voir que vous m’opposez tous les topoï du dis­cours anti-révolutionnaire !

Rien que ça !

La révo­lu­tion, c’est la vio­lence ; la révo­lu­tion débouche sur la dic­ta­ture… Mais bon, il faut pou­voir répondre à ça. Je bot­te­rai juste un peu en touche en pré­ci­sant deux choses. Dans le livre, nous avons jus­te­ment choi­si, après en avoir dis­cu­té, de ne tra­vailler que sur les pro­ces­sus révo­lu­tion­naires, et non sur les États post- (voire contre-) révo­lu­tion­naires. Et de nous inter­dire de lire la révo­lu­tion à l’aune de ce sur quoi elle a pu débou­cher, pour la sai­sir dans sa com­plexi­té, sa poly­pho­nie, sa fusion de pro­jets par­fois contra­dic­toires — même si cer­tains ont vite été enter­rés. Dans cette équipe d’historiennes et d’historiens, j’étais la dix-neu­vié­miste : aus­si suis-je bien moins capable que mes co-auteur.e.s de par­ler des révo­lu­tions du XXe siècle dont ils ou elles sont les spé­cia­listes ! Dans les socié­tés éta­to-cen­trées qui sont les nôtres, la révo­lu­tion, pour ren­ver­ser l’ordre éta­bli, a pris la forme de la prise du palais d’Hiver (ou des Tuileries, selon !), puis s’est employée à com­bler le vide en recréant un État fon­dé sur d’autres légi­ti­mi­tés, d’autres sou­ve­rai­ne­tés. Mais en glis­sant sou­vent ses pieds dans les chaus­sures de l’ancien monde. Cela se marque par exemple par le fait que les pou­voirs révo­lu­tion­naires s’installent bien sou­vent dans les lieux mêmes du pou­voir qu’ils viennent de ren­ver­ser, sur les mêmes bancs, sous les mêmes ors. Pas tou­jours, bien sûr : en quit­tant, sous la pres­sion de la marche des femmes des 5 et 6 octobre 1789, la salle des Menus plai­sirs construite pour les états géné­raux à Versailles, l’Assemblée natio­nale consti­tuante a don­né à la révo­lu­tion de nou­veaux espaces de pou­voir… pour finir par s’installer dans un ancien palais aris­to­cra­tique, le palais Bourbon… D’où le fait que dans Premières mesures révo­lu­tion­naires, Éric Hazan et Kamo notent qu’il ne faut pas « s’asseoir dans les fau­teuils vides » mais inven­ter de nou­veaux espaces.

Lénine, par Vladimir Serov (extrait)

La révo­lu­tion peine à pen­ser tota­le­ment un État neuf : elle doit faire avec l’ancien ; elle est aus­si faite par des hommes (plus sou­vent que des femmes) de l’ancien monde ; elle doit donc com­po­ser, métis­ser le pas­sé et le pré­sent. Les formes dic­ta­to­riales des États post-révo­lu­tion­naires sont un mélange de résur­gences de l’ancien (lui-même dic­ta­to­rial) et des pro­jets révo­lu­tion­naires. Ne per­dons pas de vue non plus que les pou­voirs post-révo­lu­tion­naires se construisent sou­vent dans des situa­tions de guerre, civile comme exté­rieure, qui doivent aus­si être prises en compte pour expli­quer — je ne dis pas excu­ser — les formes dic­ta­to­riales des régimes. On note­ra aus­si qu’au cœur d’une révo­lu­tion qui s’en prend à l’État, il peut y avoir des formes de dilu­tion. C’est net dans la guerre d’Espagne, qui est aus­si une révo­lu­tion. Dans les régions « répu­bli­caines » aux mains des anar­chistes, il y a des formes d’alternatives auto­gé­rées et séces­sion­nistes. Au cœur des révo­lu­tions de 1848 et de la Commune de Paris, les ouvriers inventent et construisent des asso­cia­tions qui sont autant d’alternatives à la révo­lu­tion qui, au som­met, ren­versent et recons­truisent tout à la fois en repre­nant les vieilles pierres et le pou­voir central.

« Le révo­lu­tion­naire veut chan­ger le monde, il le dépasse vers l’avenir, vers un ordre de valeurs qu’il invente ; le révol­té a soin de main­te­nir intacts les abus dont il souffre pour pou­voir se révol­ter contre eux. […] Il ne veut ni détruire ni dépas­ser mais seule­ment se dres­ser contre l’ordre », a écrit Sartre dans son Baudelaire. Cette oppo­si­tion entre révo­lu­tion et révolte vous paraît-elle pertinente ?

« Chercher les révoltes au cœur des pro­ces­sus révo­lu­tion­naires et les pro­jets révo­lu­tion­naires au cœur des révoltes. »

Je me retrouve à ne pas être d’accord avec un bout de cita­tion de Sartre… lequel a par ailleurs écrit mille choses très justes sur la révo­lu­tion et la vio­lence révo­lu­tion­naire ! Mon désac­cord porte sur « a soin de main­te­nir intact les abus dont il souffre » : voi­là qui fait por­ter une lourde res­pon­sa­bi­li­té au révol­té dans le main­tien des abus et le prive ensuite de tout pro­jet poli­tique ou social. Nombreux avant Sartre sont ceux qui ont cher­ché à dis­tin­guer révolte et révo­lu­tion. Sous la monar­chie de Juillet, les légi­ti­mistes — les par­ti­sans du régime déchu et de son pré­ten­dant — cher­chaient à décon­si­dé­rer les Trois Glorieuses en affir­mant qu’il ne s’agissait « que d’une révolte qui a réus­si ». À l’inverse, lors du pro­cès qui sui­vit la répres­sion de l’émeute de juin 1832, les accu­sés cher­chèrent à démon­trer que leur révolte (qui ris­quait de leur coû­ter la tête) était une révo­lu­tion qui avait échoué (et que les condam­ner revien­drait pour le régime à condam­ner ses propres ori­gines : habile !). Le 24 février 1848, l’issue des évé­ne­ments est encore incer­taine et le Comité démo­cra­tique de Paris pro­clame sur une affiche : « À la garde natio­nale seule il appar­tient de dis­tin­guer une révo­lu­tion d’une émeute »… Mais il voyait bien que les com­pa­gnies citoyennes se refu­saient à répri­mer les barricades.

Victor Hugo livre de nom­breuses pages des Misérables sur la dif­fé­rence entre révolte et révo­lu­tion — lui qui rap­porte dans son roman la révolte de 1832, à l’ombre de celle de juin 1848, qu’il avait condam­née en son temps. D’ailleurs, révolte ou révo­lu­tion, ces jour­nées de juin qui, loin de se dres­ser seule­ment contre la fer­me­ture des ate­liers natio­naux ou de n’être que des émeutes de crève-la-faim, comme on a pu le dire, por­taient le rêve de la Sociale, celui de février ? Révolte ou révo­lu­tion, cette Commune de Paris qui ne dure que quelques mois, échoue à dépas­ser le cadre pari­sien et se fait écra­ser dans le sang ? Et la révolte des canuts, n’était-elle pas, elle aus­si, por­teuse de pro­jets poli­tiques ? Dans notre livre, nous avons consa­cré un cha­pitre à la Commune mais seule­ment évo­qué les canuts dans le cha­pitre sur 1830 : ce que nous jus­ti­fions entre autre par la place que prend immé­dia­te­ment la Commune et qu’elle conserve dans la mémoire des révo­lu­tions. Au XIXe siècle, les pen­seurs tranchent sou­vent en consi­dé­rant que la révo­lu­tion seule agrège à sa cause quand la révolte échoue à dépas­ser le groupe de ceux qui se sou­lèvent. La révo­lu­tion per­met une tem­po­raire union des classes, ce à quoi la révolte ne par­vient pas. Mais en pen­sant une révo­lu­tion pro­lé­ta­rienne, Marx redis­tri­bue les cartes. La ques­tion de la dif­fé­rence entre révolte et révo­lu­tion, donc celle de leur oppo­si­tion, est émi­nem­ment com­plexe : je serais bien pré­somp­tueuse de la régler d’un coup de plume, qui plus est face à Jean-Paul Sartre ! Je m’en sor­ti­rai en disant que plu­tôt que de les oppo­ser, il faut cher­cher à les rap­pro­cher. À cher­cher les révoltes au cœur des pro­ces­sus révo­lu­tion­naires et les pro­jets révo­lu­tion­naires au cœur des révoltes.

Combat devant l'Hôtel de Ville le 28 juillet 1830, Jean-Victor Schnetz, 1833 (extrait)

Vous avez évo­qué la Terreur, sous la Révolution fran­çaise. Dans votre livre, vous dites qu’elle n’a jamais exis­té en tant que « poli­tique glo­bale » et qu’il s’agit là d’une invention.

Je reprends là ce qu’écrivent les his­to­riens de la Révolution fran­çaise : Jean-Clément Martin4, Guillaume Mazeau5, Michel Biard6. Pour résu­mer : il n’y a pas une poli­tique de la « Terreur » mais des poli­tiques, les­quelles ont, de juin 1793 à juillet 1794, entrai­né à la fois l’élimination de cen­taines de mil­liers d’opposants, la stig­ma­ti­sa­tion de com­mu­nau­tés et l’invasion de pays étran­gers mais ont aus­si ins­pi­ré des pro­jets inédits de réduc­tion des inéga­li­tés poli­tiques et sociales. Il ne s’agit donc pas de nier les vio­lences ni les régres­sions démo­cra­tiques mais de mon­trer qu’elles n’ont jamais fait sys­tème et qu’on ne sau­rait réduire la période à cela. La « Terreur » comme « patho­lo­gie de la démo­cra­tie » (Cynthia Fleury) a été inven­tée par ceux qui ont pris le pou­voir en 1794, à la mort des robes­pier­ristes, afin de se pré­sen­ter en vic­time de Robespierre : un mythe ensuite repris par toute une tra­di­tion libé­rale. La « Terreur » ain­si construite donne l’impression d’un excès d’État avec à sa tête un dic­ta­teur en herbe. Les tra­vaux his­to­riques qui ana­lysent les dis­cours et les pra­tiques effec­tives montrent qu’au contraire c’est une déré­gu­la­tion qui est à la source des vio­lences. Il y a une grande hété­ro­gé­néi­té sur le ter­ri­toire et une dis­cor­dance entre dis­cours et pra­tiques. Ce ne sont pas des ordres de tuer qui sont trans­mis d’en haut mais des chaînes de com­man­de­ment rom­pues qui expliquent les mas­sacres. Nulle pré­sence d’un « sys­tème de ter­reur », donc, si ce n’est dans le voca­bu­laire au cœur de l’univers de fan­tasme que fut et reste la Révolution fran­çaise. Qui plus est, en 1793, la répres­sion poli­tique et la ter­reur d’État qui se carac­té­rise par un usage extrême et ciblé de la vio­lence n’est pas nou­velle : les Français la subissent depuis long­temps ; elle était pra­ti­quée dans toutes les monar­chies de l’Europe moderne. La nou­veau­té serait plus à cher­cher dans le fait que, pour la pre­mière fois, elle était sou­mise à un impé­ra­tif de léga­li­té, de jus­tice et de morale.

Les Mémoires des com­mu­nards rendent sou­vent compte de leur affec­tion pour la République. À l’exception de la France insou­mise, l’idéal répu­bli­cain ne semble plus sou­le­ver les cœurs anti­ca­pi­ta­listes. La « République bour­geoise » sonne comme un pléo­nasme ; l’extrême droite jure être plus répu­bli­caine que qui­conque ; le Printemps répu­bli­cain n’a de pas­sion que pour les musul­mans. À quel moment ce signi­fiant a‑t-il per­du, pour une par­tie signi­fi­ca­tive de la gauche, sa charge sub­ver­sive et émancipatrice ?

« Le par­ti Les Républicains, l’extrême droite et le Printemps répu­bli­cain s’inscrivent dans l’héritage de l’autre République, la bour­geoise, la conservatrice. »

Il y a tou­jours eu deux répu­bliques. La « République bour­geoise », libé­rale, et la Sociale. La République mon­ta­gnarde contre celle des Thermidoriens et du Directoire. La République de février 1848 contre celle qui ferme les ate­liers natio­naux. La Commune d’un côté, la République des oppor­tu­nistes de l’autre… Deux répu­bliques, deux Mariannes. La Sociale à bon­net phry­gien, che­veux déta­chés, poi­trine décou­verte, guer­rière, com­bat­tante ; la Marianne sage, cou­ronne de lau­rier ou de rayon, che­veux atta­chés, buste cou­vert, sage­ment assise, désar­mée. Deux répu­bliques dont les contem­po­rains du XIXe siècle ont par­fai­te­ment conscience qu’elles existent toutes les deux, qu’elles s’opposent et qu’elles ne sau­raient se ras­sem­bler que dans les cas où il faut lut­ter contre la monar­chie (ou contre la droite natio­na­liste à la fin du XIXe). Allez, je vous cite Hugo, sa pro­fes­sion de foi pour les légis­la­tives par­tielles de juin 1848. Un Hugo alors tout juste ral­lié à la République, qu’il ne pou­vait envi­sa­ger que conser­va­trice : « Deux répu­bliques sont pos­sibles. L’une abat­tra le dra­peau tri­co­lore sous le dra­peau rouge […] ; fera ban­que­route, rui­ne­ra les riches sans enri­chir les pauvres, anéan­ti­ra le cré­dit, qui est la for­tune de tous, et le tra­vail, qui est le pain de cha­cun, abo­li­ra la pro­prié­té et la famille, pro­mè­ne­ra des têtes sur des piques, rem­pli­ra les pri­sons par le soup­çon et les vide­ra par le mas­sacre, met­tra l’Europe en feu et la civi­li­sa­tion en cendres, fera de la France la patrie des ténèbres, égor­ge­ra la liber­té, étouf­fe­ra les arts, déca­pi­te­ra la pen­sée, nie­ra Dieu […]. L’autre sera la sainte com­mu­nion de tous les Français dès à pré­sent, et de tous les peuples un jour, dans le prin­cipe démo­cra­tique ; fon­de­ra une liber­té sans usur­pa­tions et sans vio­lences, une éga­li­té qui admet­tra la crois­sance natu­relle de cha­cun, une fra­ter­ni­té, non de moines dans un couvent, mais d’hommes libres […]. De ces deux répu­bliques, celle-ci s’appelle la civi­li­sa­tion, celle-là s’appelle la ter­reur. Je suis prêt à dévouer ma vie pour éta­blir l’une et empê­cher l’autre. »

Les com­mu­nards sont répu­bli­cains, oui, bien sûr ! Mais leur répu­blique est la Sociale. Une répu­blique qui est aus­si celle de la France insou­mise, qui manie les réfé­rences à 1793 ou à la Commune, qui fut celle des socia­listes puis des com­mu­nistes après 1936 — et dont on retrouve l’héritage dans la Constitution de la IVe République. Les Républicains (le par­ti), l’extrême droite et le Printemps répu­bli­cain s’inscrivent dans l’héritage de l’autre République, la « bour­geoise », la conser­va­trice, celle des poli­tiques éco­no­miques libé­rales. Pourquoi la République a‑t-elle per­du de sa charge sub­ver­sive et éman­ci­pa­trice ? Il faut d’abord rap­pe­ler que ce n’est pas nou­veau et que bien sou­vent, à gauche, la République a per­du cette charge pour ensuite la retrou­ver. Après juin 1848, le mou­ve­ment ouvrier et les socia­listes rejettent la République qui les a écra­sés : ils n’iront pas mou­rir sur les bar­ri­cades du 4 décembre pour la sau­ver. Mais sous l’Empire auto­ri­taire, ils renouent avec les sou­ve­nirs de la Sociale et tentent de la réa­li­ser avec la Commune. Nouvelle décep­tion après la Semaine san­glante : la République est de nou­veau récu­pé­rée par sa frange conser­va­trice… Mais suite aux affaires Boulanger et Dreyfus, c’est autour des valeurs de la République éman­ci­pa­trice que se refonde le modèle répu­bli­cain. Années 1920 : pour les com­mu­nistes, la République bour­geoise est sans espoir. Mais voi­ci que les ligues prennent la rue ; on craint un com­plot fas­ciste. Thorez, dans un contexte inter­na­tio­nal qui le pousse aux fronts popu­laires, revêt l’écharpe tri­co­lore, entonne La Marseillaise et se récon­ci­lie avec une République qu’il veut sociale. Elle le sera au len­de­main de la guerre. De nos jours, la dif­fi­cul­té est que la République conser­va­trice, de nou­veau, l’a empor­té. Elle semble d’autant moins mena­cée que, comme vous le signa­lez, même l’extrême droite se dit répu­bli­caine ! Difficile, dès lors, de por­ter la République éman­ci­pa­trice — d’autant plus quand son his­toire est dou­ce­ment sor­tie des pro­grammes sco­laires et que domine l’impression qu’il n’y aurait qu’une République… Sauf qu’il y en a bien deux !

L'arrestation de Louise Michel, Jules Girardet, 1871 (extrait)

La Commune de Paris reste, comme vous nous l’a­vez dit, une ins­pi­ra­tion vivace : de Nuit Debout à Tolbiac en pas­sant par la ZAD… Est-ce l’échec de cette révo­lu­tion — comme celle, plus tard, des spar­ta­kistes et des par­ta­geux espa­gnols — qui la rend para­doxa­le­ment si dési­rable à nos mémoires par­fois sujettes au romantisme ?

La Commune, la Révolution alle­mande de 1919 et la Révolution espa­gnole sont d’abord et avant tout dési­rables du fait de leur conte­nu, bien plus que du fait de leur échec. Oui, les mar­tyrs, ça pousse au désir de ven­geance ; oui, les échecs donnent envie de remettre l’ouvrage sur le métier tout en tirant les leçons de ce qui a pu foi­rer. Mais si l’on s’y réfère, c’est pour les pro­jets d’alternatives sociales et poli­tiques qu’ils portent, chacun.

L’effondrement de l’URSS et l’extension du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste aux quatre coins du monde ont annon­cé cette fameuse « fin de l’Histoire ». Plus per­sonne ne par­lait de « révo­lu­tion », sinon pour par­ler du Goulag ; le sou­lè­ve­ment zapa­tiste a bous­cu­lé la donne et, depuis 2012, le Rojava en porte à son tour les cou­leurs. L’Europe est-elle condam­née à regar­der au loin pour espérer ?

Réponse 1 : l’historien.ne ne peut rien savoir de l’avenir. Réponse 2 : l’historien.ne sait en revanche une chose, tout est pos­sible, par­tout, à tout moment ; et sou­vent, on ne l’attendait pas du tout ! Réponse 3 : C’est jus­te­ment quand on espère, que les choses sont possibles.

Le socio­logue et éco­no­miste Bernard Friot lie révo­lu­tion et éman­ci­pa­tion du tra­vail. Poursuivre la sor­tie du tra­vail capi­ta­liste pour arri­ver à l’institution com­mu­niste du tra­vail, en somme. Il insiste sur la notion de « déjà-là » et les bases révo­lu­tion­naires dont nous dis­po­sons. Faut-il en finir avec l’idée de révo­lu­tion enten­due comme basculement ?

Je ne sais pas si vous êtes allés voir la pièce Amargi ! Anti-tra­gé­die de la dette et de la mon­naie, de Judith Bernard ?

Oui !

« Mais lut­ter tout de même. Toujours. Sans se réfu­gier dans nos tours d’ivoires aca­dé­miques mais en entrant dans l’arène, quitte à fer­railler par­fois vio­lem­ment, quitte à s’en prendre plein la gueule. »

Eh bien, dans la der­nière par­tie, elle met en scène cette socié­té que prône Friot. Je vous assure que c’est un bas­cu­le­ment, une rup­ture com­plète. Alors oui, quelque part, il y a du « déjà-là », notam­ment dans le régime de la Sécurité sociale tel qu’il a été pen­sé en 1947 ; pour autant, l’étendre à tout le fonc­tion­ne­ment de la socié­té n’en serait pas moins un chan­ge­ment pro­fond, l’exception deve­nant la norme. À l’inverse, toutes les révo­lu­tions pas­sées s’appuyaient aus­si sur un déjà-là, qu’il ait été pen­sé, ten­té puis effa­cé, qu’il existe ailleurs ou dans un petit recoin. L’image de rup­ture com­plète des révo­lu­tions pas­sées est en réa­li­té plus com­plexe, dans les faits…

L’historien Eric Hobsbawm écrit dans L’Âge des extrêmes que la jeu­nesse vit dans le « pré­sent per­ma­nent » et qu’elle n’a plus « aucun lien orga­nique avec le pas­sé ». Comment ne pas lais­ser le pas­sé aux conser­va­teurs ou aux réac­tion­naires ; com­ment rendre aux morts leur par­fum de scan­dale éman­ci­pa­teur ; com­ment, fina­le­ment, faire de la mémoire autre chose qu’un bien pieux « devoir » ?

La boucle est bou­clée, pour­rait-on dire, avec votre pre­mière ques­tion ! Je me gar­de­rai bien de dire que la jeu­nesse vit dans un pré­sent per­ma­nent — pour­tant, j’ai un pro­fond et total res­pect (et même de l’ad­mi­ra­tion) pour Hobsbawm. Il faut faire, en outre, la dif­fé­rence entre un pas­sé vécu et un pas­sé rap­por­té. Tout.e militant.e qui fait le récit de sa vie enchaîne les sou­ve­nirs de ses mobi­li­sa­tions, cha­cune contri­buant à lui construire son pas­sé de luttes, des sou­ve­nirs de bar­ri­cades ou de manifs, un savoir-faire qui s’enrichit et qu’il ou elle réac­tive natu­rel­le­ment à chaque mobi­li­sa­tion. Le pri­mo militant/manifestant/occupant de sa fac n’a pas cette expé­rience per­son­nelle. Là, de fait, il n’a pas de lien « orga­nique » avec un pas­sé qui serait le sien. Mais s’y sup­plée par­fois la mémoire fami­liale, sou­vent essen­tielle et dont l’importance dans l’engagement est lar­ge­ment docu­men­tée par les études por­tant sur ces ques­tions : je pense par exemple aux tra­vaux de Julie Pagis sur Mai 68. Enfin, il y a le pas­sé qu’on apprend à l’école, à tra­vers les cours d’histoire. Comment dès lors ne pas lais­ser le pas­sé aux réac­tion­naires ? Eh bien, en fai­sant de l’histoire ! Et je dis bien de l’histoire, avec ses méthodes, ses doutes, ses tâton­ne­ments. Pas de la « mémoire ». Une his­toire des luttes, une his­toire des rêves, une his­toire des moments d’empo­werment — tout en décons­trui­sant les romans natio­naux et les ten­ta­tives de muséi­fier le pas­sé. En occu­pant l’es­pace du plus qu’on peut. En s’organisant en asso­cia­tion comme peuvent le faire le Comité de vigi­lance face aux usages publics de l’histoire ou le col­lec­tif Aggiornamento, qui tra­vaille sur les pro­grammes sco­laires et pro­pose des alter­na­tives pas­sion­nantes. Il faut lire, écrire, tra­vailler, publier et dif­fu­ser. Et dif­fu­ser par­tout, avec tous les sup­ports. « Vulgariser », comme on dit. En inves­tis­sant les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, YouTube ; en publiant des tri­bunes, en créant des blogs, en fai­sant des bandes des­si­nées (c’est le pro­jet de l’Histoire des­si­née de la France des édi­tions La Découverte), en par­ti­ci­pant à l’écriture de pièces (comme le fait Guillaume Mazeau), en ani­mant des pod­casts (comme le nou­veau venu Paroles d’histoire), des émis­sions (comme Les Détricoteuses que j’anime avec Laurence De Cock sur Médiapart, ou Quand l’histoire fait dates sur Arte, de Patrick Boucheron), en mul­ti­pliant les inter­ven­tions, les ren­contres dans des librai­ries, des biblio­thèques, des théâtres, des uni­ver­si­tés popu­laires ou des pri­sons. Difficile de lut­ter contre les Bern, Deutsch et consorts, aux­quels le ser­vice public ouvre ses pla­teaux. Difficile aus­si de lut­ter dans ces temps de retour du roman natio­nal. Mais lut­ter tout de même. Toujours. Sans se réfu­gier dans nos tours d’ivoires aca­dé­miques mais en entrant dans l’arène, quitte à fer­railler par­fois vio­lem­ment, quitte à s’en prendre plein la gueule.


Illustration de ban­nière : extrait de la toile La Rue Montorgueil, à Paris, Fête du 30 juin 1878, de Claude Monet
Portrait de Mathilde Larrère : Stéphane Burlot, pour Ballast


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  1. M. Larrère, F. Chartreux, M. Chirio, V. Lemire et E. Palieraki, Révolutions — Quand les peuples font l’Histoire, Belin, 2013.
  2. Jérôme Baschet, Défaire la tyran­nie du pré­sent. Temporalités émer­gentes et futurs inédits, Paris, La Découverte, 2018.
  3. Voir à ce pro­pos le tra­vail d’Haim Burstin.
  4. Notamment dans son der­nier ouvrage, La Terreur, véri­té et légende, Paris, Perrin, 2018.
  5. « La Terreur, labo­ra­toire de moder­ni­té », dans Pour quoi faire la révo­lu­tion, Marseille, Agone, 2012.
  6. Politique de la Terreur, Rennes, PUR, 2008.

REBONDS

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