Mais que pensait Guevara ?


Texte inédit pour le site de Ballast

« Je sais que jamais je ne bai­se­rai l’âme / De celle qui ne par­vient pas à m’appeler cama­rade », écri­vit le « poète raté » qu’il se dit être. 50 ans jour pour jour que le Che est tom­bé. Chacun sait le voyage ini­tia­tique en moto­cy­clette, la gueule d’ange dont chaque géné­ra­tion s’éprend, le maquis cubain, les tra­giques épo­pées congo­laises et boli­viennes, le mar­tyr allon­gé sur un lavoir, l’hymne de Buena Vista Social Club et la récu­pé­ra­tion mar­chande du mythe qu’il devint aux quatre coins du monde : inutile d’y reve­nir. Chacun sait les lieux com­muns — et leur dénon­cia­tion n’en est qu’un de plus — et l’on ché­rit la figure de l’internationalisme, la voix d’un com­mu­nisme indo­cile, l’Incorruptible dis­pa­ru pour la jus­tice sociale. Mais on sait peut-être moins les concep­tions qui l’a­ni­maient et la vision de l’émancipation que celui qui tenait Fidel Castro pour un « ardent pro­phète de l’aurore » fai­sait sienne. ☰ Par Émile Carme


Il n’est aucun « mythe » à décons­truire, aucune « véri­té » à mettre au jour, aucune « face cachée » à révé­ler — lais­sons cela aux tapages du com­merce édi­to­rial, à la bouillasse du jour­na­lisme d’o­pi­nion1 et aux fal­si­fi­ca­tions d’un ouvrage réédi­té à l’occasion de ce cin­quan­te­naire2 : tout est dit, écrit, consul­table. Nous n’entreprenons pas un por­trait. Encore moins le récit exhaus­tif de sa vie. Seulement l’esquisse men­tale de cet « enfant du siècle » que le phi­lo­sophe trots­kyste Daniel Bensaïd décri­vit à rai­son comme l’homme de « l’accord par­fait3 » entre gestes et convic­tions. Et il est deux écueils, pareille­ment cou­pables : réduire l’entièreté d’une œuvre et d’un par­cours à la psy­ché de son pro­prié­taire (flic ana­chro­nique de l’inconscient, fouilleur de pou­belles) et faire l’impasse, d’un dédain sco­las­tique, sur l’âme et les entrailles (les idées flot­te­raient dans l’éther d’une huma­ni­té ration­nelle sans odeurs ni affects4). Depuis Nietzsche, au moins, nous ne pou­vons igno­rer que toute pen­sée pro­cède d’une sub­jec­ti­vi­té, que toute phi­lo­so­phie est « exé­gèse du corps5 » et que l’on a « la phi­lo­so­phie de sa per­sonne6 » ; Ernesto Guevara n’échappe pas à la règle.

Quel communisme ?

« Il n’est aucun mythe à décons­truire, aucune véri­té à mettre au jour, aucune face cachée à révé­ler — lais­sons cela aux tapages du com­merce éditorial. »

Sur la place de la Révolution, le 18 octobre 1967, Fidel Castro, pleu­rant la mort de son com­pa­gnon, clame que le Che « a mené les idées du mar­xisme-léni­nisme à leur expres­sion la plus fraîche, la plus pure, la plus révo­lu­tion­naire ». Guevara s’inscrit dans cette tra­di­tion idéo­lo­gique, l’affaire est enten­due. Un mar­xiste convain­cu, sou­cieux du carac­tère scien­ti­fique du cor­pus légué par le pen­seur alle­mand : « On doit être mar­xiste avec autant de natu­rel qu’on est new­to­nien en science ou pas­teu­rien en bio­lo­gie. » Le mar­xisme inter­prète l’Histoire et pré­voit l’avenir, estime-t-il — mais, pré­cisent sitôt Löwy et Besancenot dans leur essai Che Guevara, une braise qui brûle encore, un mar­xisme qu’il entend « non dog­ma­tique, sans véri­tés gra­vées dans le marbre » : Guevara lit d’« un œil cri­tique » mais dans « une adhé­sion constante ». Si Marx et Engels appellent au dépé­ris­se­ment pro­gres­sif de l’État afin de réa­li­ser le com­mu­nisme — la socié­té sans classes —, Lénine remo­dèle le mar­xisme autour d’un par­ti d’avant-garde com­po­sé de révo­lu­tion­naires pro­fes­sion­nels à même de conqué­rir le pou­voir cen­tral, d’un État fort7 garant de la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat, d’une dis­ci­pline mili­ta­ri­sée et d’un lea­der per­çu comme « chef d’orchestre8 ». Guevara, dans les pas du diri­geant russe, se montre par­ti­san d’une socié­té émi­nem­ment struc­tu­rée : « En tête de l’immense colonne, nous n’avons ni honte ni timi­di­té à le dire, marche Fidel ; puis viennent les meilleurs cadres du par­ti, et, immé­dia­te­ment après, si proche que l’on sent sa force énorme, l’ensemble du peuple… »

Les masses, le par­ti, le lea­der. Guevara évoque volon­tiers la fonc­tion de ce der­nier, qu’il nomme éga­le­ment « grand conduc­teur », dans le dis­po­si­tif révo­lu­tion­naire : Fidel Castro sait mieux que qui­conque se faire l’interprète « des dési­rs et des aspi­ra­tions du peuple ». Lors des ras­sem­ble­ments, « Fidel et la masse com­mencent à vibrer en un dia­logue d’une inten­si­té crois­sante jusqu’à l’apogée », observe-t-il. Structure ver­ti­cale, donc, où le par­ti — cœur bat­tant, organe et noyau dur de la révo­lu­tion (« On ne peut être pour la révo­lu­tion et contre le par­ti com­mu­niste cubain », assure l’Argentin en 1962 à l’intellectuel nord-amé­ri­cain Maurice Zeitlin) — a éga­le­ment pour fonc­tion d’instruire le grand nombre, de l’éduquer : « Le peuple est tou­jours prêt à apprendre ce qu’on lui enseigne », explique-t-il ain­si en 1958 sur les ondes de Radio Rebelde. L’osmose atteinte, la liai­son assu­rée, la masse « réa­lise avec enthou­siasme et dis­ci­pline les tâches qu’établit le gou­ver­ne­ment » : les socia­listes, écrit-il encore, « suivent leur avant-garde, consti­tuée par le par­ti, par les ouvriers d’avant-garde, par les hommes d’avant-garde qui avancent liés aux masses ». Les cadres, consigne-t-il dans une pré­face à un ouvrage de vul­ga­ri­sa­tion consa­cré au mar­xisme-léni­nisme, se doivent d’être « tou­jours meilleurs, plus purs, plus humains que tous les autres » ; ils sont des guides, capables de sen­tir « les dési­rs par­fois obs­curs de la masse ». L’avant-garde — notion essen­tielle de la pen­sée gué­va­riste — marche devant mais à bonne dis­tance : le pont ne doit jamais se bri­ser ; le peuple, dont la voix est « la plus sage et la meilleure orien­ta­tion », reste la bous­sole, mais une bous­sole qui, seule, ne par­vient pas à orga­ni­ser la rup­ture. Il faut « entendre les pul­sa­tions du peuple pour pou­voir les trans­for­mer en idées concrètes », rap­pelle Guevara à l’Union des jeu­nesses com­mu­nistes. La masse émet, le par­ti sculpte, le lea­der ins­taure et tous trois se fécondent mutuel­le­ment. Un jour­na­liste l’interroge : y aura-t-il des élec­tions à Cuba ? Réponse : « Quand le peuple le deman­de­ra. »

Fidel Castro (DR)

Un com­mu­nisme opti­miste, volon­ta­riste (maoïste, en cela, ana­ly­se­ront d’au­cuns), arri­mé à l’horizon : le Che parle de la « socié­té par­faite », celle du com­mu­nisme enfin réa­li­sé, et lance en 1960 que sa géné­ra­tion ver­ra « le monde libé­ré défi­ni­ti­ve­ment » ; il prend l’avenir à témoin, parie, jure que « l’Histoire nous don­ne­ra rai­son ». Un com­mu­nisme réso­lu­ment inter­na­tio­na­liste et anti-impé­ria­liste — sa vie durant, le Che ne cesse d’é­crire sur ce monde qu’il par­court et dont les maux l’ob­sèdent, res­sas­sant, dans le sillage de José Marti, figure de l’indépendantisme cubain, que « tout homme véri­table doit sen­tir sur sa joue le coup don­né à n’importe quel homme » : il s’a­git là, très cer­tai­ne­ment, de la facette la plus connue du Che ; n’y reve­nons pas. L’un de ses meilleurs bio­graphes, Pierre Kalfon, rati­fie les dires du gué­rille­ro lorsque ce der­nier tan­çait le sec­ta­risme : Guevara n’est pas un sec­taire en dépit de son « radi­ca­lisme à outrance » : il amende sa vision de l’URSS, déroge aux mots d’ordre de la pro­pa­gande sovié­tique, n’a pas recours à la mau­vaise foi pour mieux avoir rai­son, consent au débat argu­men­té (sauf avec les enne­mis et les traîtres, s’en­tend, et Guevara ché­rit les coupes franches : « Ou bien on est notre ami, ou bien on est notre enne­mi. ») et n’ap­prouve pas la des­truc­tion des textes de Trotsky par les com­mu­nistes cubains les plus orthodoxes.

« Stalinien, le Che ? Les gros sabots en jurent, les dis­ciples le nient : la véri­té, comme de juste, dode­line et se cherche entre deux chaises. »

Stalinien, le Che ? Les gros sabots en jurent, les dis­ciples le nient : la véri­té, comme de juste, dode­line et se cherche entre deux chaises. Ernesto Guevara fleu­rit la tombe de Staline, quatre ans après l’é­di­fiant rap­port Khrouchtchev, mais évoque, dans des notes, « le ter­rible crime » qui fut le sien, celui d’avoir « ins­ti­tué le culte illi­mi­té de l’autorité » ; Guevara lance que l’on ne sau­rait être com­mu­niste sans avoir lu les qua­torze volumes du Petit Père des peuples mais, tout en avan­çant que « toute révo­lu­tion com­porte, qu’elle le veuille ou non, que cela plaise ou non, une inévi­table part de sta­li­nisme », encer­cle­ment capi­ta­liste oblige, conteste l’exis­tence d’une per­cée sta­li­nienne à Cuba ; Guevara jure face à un por­trait du « regret­té » Staline qu’il ne pren­dra jamais de repos tant qu’il n’au­ra pas vu les « pieuvres capi­ta­listes » anéan­ties mais s’en prend à la bigo­te­rie sta­li­nienne en matière de mœurs, aide à la libé­ra­tion des par­ti­sans du chef de l’Armée rouge et rejette le réa­lisme socia­liste en art ; Guevara qua­li­fie en 1961 l’URSS de « conti­nent des mer­veilles » mais dénonce son manque d’ap­pui aux luttes du tiers-monde puis confie à l’une de ses connais­sances, cinq ans plus tard, que ce qu’il voit en Tchécoslovaquie sovié­tique n’est que l’« échec du socia­lisme9 ». Le mar­xiste cubain Samuel Farber écrit ain­si, dans Che Guevara — Ombres et lumières d’un révo­lu­tion­naire, que le gué­rillé­ro, une fois libé­ré de ses res­pon­sa­bi­li­tés à la tête du gou­ver­ne­ment cubain, se montre très cri­tique à l’en­droit de l’URSS tout en ne rom­pant jamais avec « la concep­tion mono­li­thique du socia­lisme sovié­tique de l’État à par­ti unique ».

La lutte armée

Ernesto Guevara se reven­dique volon­tiers du prag­ma­tisme. Il n’entend pas être un révo­lu­tion­naire de cafés, pas plus qu’il n’a « l’habitude de par­ler de théo­rie », pré­cise-t-il lors d’une inter­view. La meilleure manière de dire, c’est encore de faire, se plaît à lan­cer celui qui refuse, depuis tou­jours et dans l’un de ses poèmes, de « copu­ler des idées sans fonc­tions pra­tiques ». Et l’action, chez lui, passe notam­ment par le feu. Dans une lettre adres­sée à ses parents, Guevara n’en fait pas mys­tère : « Je crois en la lutte armée comme unique solu­tion pour les peuples qui luttent pour se libé­rer, et je suis consé­quent avec mes convic­tions. » Lutte armée contre les pou­voirs des­po­tiques dont il expli­cite la méthode dans plu­sieurs de ses textes ; ce qu’il théo­rise sous le nom de « foquisme » (de foco, foyer) consiste en une avant-garde mili­ta­ri­sée du peuple et n’a pas besoin d’attendre la fameuse réunion des condi­tions néces­saires à la révo­lu­tion : un « noyau insur­rec­tion­nel » peut y remé­dier. Guevara assure qu’il ne faut pas redou­ter la vio­lence et assume sans détour la guerre civile comme consé­quence de la lutte des classes : nier la guerre civile, écri­vait Lénine, revien­drait à nier toute révo­lu­tion socia­liste — Guevara le cite, et enté­rine. Si le Che estime qu’une mobi­li­sa­tion paci­fique, ou non-vio­lente, s’avère cor­recte d’un point de vue théo­rique (on sait que le jeune Guevara aima Gandhi et qu’il se recueillit, par­ve­nu au pou­voir, sur la tombe du meneur indien), il cer­ti­fie qu’elle ne « marche pas » sur le conti­nent qui est le sien et rap­pelle, à qui lui oppose la prise de pou­voir par les urnes, qu’un coup d’État mili­taire au ser­vice de la classe pos­sé­dante ne manque jamais de ren­ver­ser le régime pro­gres­siste qui a renon­cé aux armes. En 1966, Mario Monje, diri­geant du Parti com­mu­niste boli­vien, répond néga­ti­ve­ment à sa demande d’ap­pui, ajou­tant : « Toi, tu as une mitraillette en tête, dans la mienne, il y a de la poli­tique. »

Il y a la théo­rie. Il y a aus­si celui qui l’échafaude. Guevara — que Castro décrit comme « un maître de la guerre » et « un sol­dat insur­pas­sable » — aime la guerre : véri­té nue et brute. Se battre les armes à la main, dit le Che, voi­là qui porte « la joie de tous à son paroxysme ». Au poète Pablo Neruda, il confie : « Quand nous l’avons faite, nous ne pou­vons plus vivre sans la guerre. À tout ins­tant nous vou­lons y retour­ner. » Impatient d’en découdre, on le voit, au Congo, fon­cer sur le champ de bataille tan­dis que tous se replient, armé d’un fusil-mitrailleur. « Chacun désire ardem­ment » le moment de l’affrontement avec l’ennemi, pro­met celui qui, dans la jungle de la Sierra Maestra, se dit « vivant et assoif­fé de sang » et s’émerveille à la vue d’une car­gai­son d’armes à feu, ce spec­tacle qu’il tient pour le plus « mer­veilleux du monde », ces « ins­tru­ments de la mort ». Dans des Notes de voyage, le jeune homme consi­gna : « Je pren­drai d’assaut les bar­ri­cades ou les tran­chées, je tein­drai mon arme dans le sang et, fou furieux, j’égorgerai tous les vain­cus qui tom­be­ront entre mes mains. Je me vois immo­lé à l’authentique révo­lu­tion. » Fidel Castro n’a jamais tari d’éloges à l’endroit de son cama­rade argen­tin et nul n’ignore le culte qu’il ins­tau­ra dans tout Cuba à sa mémoire, en lieu et place, du reste, du sien propre ; il lui trou­vait tou­te­fois un défaut, son talon d’Achille : « son exces­sive agres­si­vi­té ».

Ernesto Guevara, mort en Bolivie (LAPRENSA /AFP-MARC HUTTEN / Archivo, cine)

Le Che a tué, sans contre­dit : il raconte, dans le maquis cubain, avoir notam­ment abat­tu à bout por­tant et d’une balle dans la tête un pay­san qui les avait tra­his (« Quand nous infli­geons la peine de mort, nous le fai­sons cor­rec­te­ment ») — il n’hé­si­tait pas, en revanche, à épar­gner la vie des pri­son­niers et pro­po­sa, le jour de son arres­ta­tion en Bolivie, de soi­gner les bles­sés de l’ar­mée qui l’a­vait cap­tu­ré et s’en allait le tuer (les témoi­gnages abondent ; ain­si du Che arrê­tant la main de l’un de ses cama­rades, prêt à abattre un pri­son­nier, la bataille ter­mi­née : « Tu crois qu’on est pareils à eux ? »). Biographes et his­to­riens peinent à s’ac­cor­der sur le nombre d’exécutions approu­vées ou dili­gen­tées par Guevara en sa qua­li­té de res­pon­sable de la com­mis­sion d’é­pu­ra­tion et de pro­cu­reur suprême de la for­te­resse de La Cabaña, au len­de­main de l’ef­fon­dre­ment du régime pro-état­su­nien de Batista : entre quelques dizaines et 550, envi­ron, bien que plu­sieurs voix s’é­lèvent afin de lui dénier toute res­pon­sa­bi­li­té10 — acteurs de la dic­ta­ture déchue et cri­mi­nels de droit com­mun, pour l’es­sen­tiel ou l’entièreté. Lors d’en­tre­tiens menés dans les années 2000, Castro assume ces exé­cu­tions au nom de la jus­tice révo­lu­tion­naire : elles évi­tèrent en sus, ajoute-t-il, les lyn­chages de rue, la ven­geance indi­vi­duelle et le res­sen­ti­ment populaire.

La morale de l’homme nouveau

« Biographes et his­to­riens peinent à s’ac­cor­der sur le nombre d’exécutions approu­vées, com­man­dées ou dili­gen­tées par Guevara. »

Leimotiv du Che. L’homme, par trop lourd de ses « tares » anciennes, doit entre­prendre un « tra­vail conti­nuel » afin d’« extir­per » ses défauts : point de com­mu­nisme sans cela. L’homme n’est qu’un « pro­duit non ache­vé » et le peuple, pro­clame-t-il en 1962 à l’Union des jeu­nesses com­mu­nistes, est capable, oui, de « se débar­ras­ser des mes­qui­ne­ries humaines ». Il faut éra­di­quer en lui le goût pour le pro­fit et tour­ner la page de l’homme loup pour son pro­chain, le rem­pla­cer par « un autre type d’homme », un homme com­plet, conscient, libé­ré de la mar­chan­dise — lors d’un dis­cours pro­non­cé à la Havane deux ans plus tôt, enca­dré par le minis­tère de la Santé publique, Guevara fait savoir que des « nou­veaux types d’humains » sont en train de naître à Cuba : ces enfants apprennent la science révo­lu­tion­naire et la lec­ture. L’être de demain aura tué l’individualiste qui le ronge ou le guette et le futur ver­ra « l’utilisation totale de tout indi­vi­du au pro­fit de la col­lec­ti­vi­té » ; le bon­heur passe par le fait de se sen­tir « rouage de la machi­ne­rie » et il est « cri­mi­nel » de se pré­oc­cu­per du confort des uns quand tant d’autres n’ont rien (des pro­pos qui méritent d’être nuan­cés à la lumière d’autres décla­ra­tions : l’individu — être unique et membre d’une col­lec­ti­vi­té — est un « fac­teur fon­da­men­tal » et la « per­son­na­li­té » de cha­cun doit être res­pec­tée en tant qu’elle peut jouer un « grand rôle mobi­li­sa­teur »).

Guevara dresse le por­trait de l’authentique révo­lu­tion­naire — on peut, sans crainte de for­cer la ligne, son­ger à quelque auto­por­trait : « Il doit unir à un esprit pas­sion­né un cer­veau froid et prendre des déci­sions dou­lou­reuses sans sour­ciller. » La ten­dresse de « l’homme ordi­naire » lui est inter­dite ; il sait que sa vie se pla­ce­ra sous le signe du sacri­fice : ses enfants ne l’appelleront jamais « père », son épouse aura à s’adapter et ses amis seront les amis de la révo­lu­tion. « Il n’y a pas de vie en dehors de celle-ci », écrit-il. « Un homme qui consacre sa vie entière à la révo­lu­tion ne peut se lais­ser dis­traire par la pen­sée de ce qui manque à un enfant, de ses chaus­sures usées, du strict néces­saire qui manque à sa famille. S’il se laisse han­ter par ces pré­oc­cu­pa­tions, il créé un ter­rain favo­rable au déve­lop­pe­ment de la cor­rup­tion. » Mais, tient-il tou­te­fois à pré­ci­ser, il ne faut pas pêcher par extré­misme : il convient de gar­der en soi « une grande dose d’humanité » afin de ne pas s’isoler du grand nombre… Guevara rap­pelle que l’homme com­mu­niste a voca­tion à « déve­lop­per sa sen­si­bi­li­té » au point d’éprouver de l’angoisse dès l’instant où un homme est assas­si­né à la sur­face de la pla­nète : l’autre devient par­tie de soi pour éri­ger le nous de l’émancipation. Amour et haine : les deux piliers, célèbres et par­tout cités, posés par Guevara. Le révo­lu­tion­naire — qu’il décrit comme « le degré le plus éle­vé de l’espèce humaine » dans son Journal de Bolivie — doit être « ani­mé par de grands sen­ti­ments d’amour » et celui qui lutte pour la révo­lu­tion doit nour­rir une « haine intran­si­geante de l’ennemi » afin de se muer en une « effi­cace, vio­lente, sélec­tive et froide machine à tuer ».

Ernesto Guevara (DR)

Reste donc à prê­cher par l’exemple. Toujours. Au résis­tant fran­çais David Rousset, Guevara explique ain­si vou­loir éri­ger « le par­ti du sacri­fice ». Une fois par­ve­nu à la tête de la Banque cen­trale de Cuba, il baisse le salaire de ses adjoints et ne touche pas le sien ; en visite offi­cielle au Japon, il inter­dit à trois sol­dats de pas­ser leur soi­rée dans un caba­ret — on ne gas­pille pas « l’argent du peuple en orgie avec des putes » ; on lui demande un auto­graphe et le voi­ci tour­nant les talons, lâchant qu’il n’est pas un acteur de ciné­ma ; un jour­na­liste l’appelle « Che » : il refuse la fami­lia­ri­té et exige qu’on lui donne du « com­man­dant Guevara » ; un gué­rille­ro entre dans son bureau, bien mis et hono­ré à l’idée de le ren­con­trer au len­de­main de la vic­toire contre Batista : Guevara lève à peine les yeux et, s’adressant au jeune homme à la troi­sième per­sonne du sin­gu­lier comme s’il n’était pas là, prie « cette chose » qui se trouve face à lui de quit­ter les lieux — on ne fait pas le coquet, on donne tout, érein­té, pour le peuple ; un cama­rade débarque avec une Jaguar aban­don­née : le Che lui intime l’ordre de s’en débar­ras­ser dans l’heure puisqu’elle lui confère des airs de « gigo­lo » ; un col­la­bo­ra­teur com­met une erreur grave et Guevara ne manque pas de l’envoyer pour un temps dans un camp de tra­vail à l’ouest de l’île — il revien­dra poin­ter, comme si de rien n’était ; on lui pro­pose un verre de lait après qu’il est inter­ve­nu, sans masque, dans une usine de plas­tique en flammes : il s’enquit de savoir s’il y a à boire pour tous les tra­vailleurs pré­sents — non ?, il refuse donc ; des membres du Parti offrent à sa famille plus de den­rées que le pro­to­cole ne l’y auto­rise : l’apprenant, le Che s’en offusque et punit les res­pon­sables ; des étu­diants l’invitent à don­ner une confé­rence et lui pro­posent d’être rému­né­ré : il s’indigne, esti­mant qu’il y a là « injure » ; un cui­si­nier se sert en pre­mier au Congo : Guevara le condamne à trois jours sans man­ger ; au Congo tou­jours, l’un de ses gué­rille­ros couche avec une Africaine : Guevara assure, hon­neur du mili­tant oblige, qu’il doit se marier avec elle mais le Cubain l’est déjà, marié, au pays — Guevara insiste : le com­bat­tant se suicide.

« Non seule­ment je ne suis pas un modé­ré mais j’essaierai de ne l’être jamais », assène bien sûr celui que l’économiste Nestor Lavergne décri­vit comme un homme rigou­reux, exi­geant, peu démo­crate et très cen­tra­li­sa­teur : « un type bien ». Quand George Orwell aspire à bâtir un socia­lisme par et pour l’homme ordi­naire, dos aux saints comme aux ascètes, Guevara exhorte nuit et jour à l’arrachement, au dépas­se­ment, à l’effort : il est quelques accents robes­pier­ristes chez ce lati­no asth­ma­tique en treillis qui n’aurait cer­tai­ne­ment pas bou­dé la Vertu chère à l’avocat d’Arras — « ce sen­ti­ment sublime sup­pose la pré­fé­rence de l’intérêt public à tous les inté­rêts par­ti­cu­liers11 ».

« Il sait ce qu’il veut »

« Quand George Orwell aspire à bâtir un socia­lisme par et pour l’homme ordi­naire, dos aux saints comme aux ascètes, Guevara exhorte nuit et jour à l’arrachement, au dépas­se­ment, à l’effort. »

« J’ai un carac­tère explo­sif », admit le Che, conscient de ce qu’il tenait pour un défaut. Castro avoua, dans les pages de la colos­sale Biographie à deux voix, que son défunt com­plice se mon­trait « par­fois rigide », ce que l’intéressé ne cachait nul­le­ment : « Je suis extrê­me­ment rigide dans mes actes », écri­vit un jour le com­man­dant à ses parents. Le por­trait est, peu ou prou, una­nime. Le jeune Guevara est volon­tiers décrit comme vif, peu por­té sur la toi­lette (et fier de cela), batailleur, bai­seur, fou de livres, très cri­tique, insa­tiable, franc jusqu’à la bru­ta­li­té (« Mes qua­li­tés diplo­ma­tiques n’ont jamais été très grandes », consi­gne­ra-t-il dans son Journal du Congo), iro­nique et doué d’un rire conta­gieux ; le com­man­dant Guevara est à l’envi dépeint comme rabat-joie, impla­cable, en retrait, peu disert, sar­cas­tique, culti­vé, cou­ra­geux, iras­cible et maniant l’humour noir. Au maquis, il tem­pête contre les « lavettes » et les « trouillards », son sac débor­dant de bou­quins, et traite de « mange-merde », son juron favo­ri, qui­conque le contra­rie ; au gué­rille­ro qui lui pro­pose son aide, le voyant épui­sé, le Che crache : « Occupe-toi plu­tôt de ta mère. »

Enrique Oltuski, ministre cubain, dira : « Impossible de ne pas l’admirer. Il sait ce qu’il veut. Il ne vit que pour cela. » Salvador Allende confie­ra que deux hommes, sur Terre, l’impressionnèrent — l’un d’eux est celui que l’on devine : son regard, dit le Chilien, était empli de fer­me­té, d’ironie, de soli­tude et de ten­dresse. Benigno, gué­rille­ro sous ses ordres au Congo puis en Bolivie, rap­porte dans son récit Vie et mort de la révo­lu­tion cubaine que le méde­cin était un homme de convic­tion, capable de tout pour la lutte, du meilleur comme du pire, ce pire qu’il redou­tait d’ailleurs tant ses puni­tions « étaient vrai­ment féroces » — ses hommes éprou­vaient « vis-à-vis de lui à la fois de l’admiration et de la peur ». « Quand le Che s’emportait, il ne vous lais­sait jamais expli­quer pour quelle rai­son vous aviez com­mis une erreur, il ne vous lais­sait tout sim­ple­ment pas ouvrir la bouche, et le mieux était encore de se taire. J’ai énor­mé­ment aimé le Che, j’aurais été prêt à tout don­ner pour lui, y com­pris ma vie, n’importe quand, mais de là à faire de lui un homme par­fait, il y a loin. » Souvent, conte-t-il encore, vit-il le Che écou­ter un homme puis, repre­nant la parole, conclure : « Ce que tu me racontes, c’est de la merde. » Mais ce même Che refu­sait tout pri­vi­lège, se trai­tait avec la même dure­té qu’il trai­tait ses hommes, ne redou­tait pas le dan­ger ni la mort, n’hésitait jamais à secou­rir ses cama­rades sous le feu de l’ennemi ; ses troupes, pour­suit le colo­nel cubain, le regar­daient comme « un sur­homme à la bra­voure abso­lue ».

La Havane (DR)

Don Quichotte et moine-soldat

L’usage entend dis­tin­guer — sinon oppo­ser — l’aventurier du mili­tant ; le pre­mier a le goût du neuf et du risque (grand large, cro­chets du droit, bars de nuit et hautes mon­tagnes) et roule sa bosse sans foi ni sou­ci des attaches et d’autrui ; le second, har­na­ché à ses idéaux, che­mine pour plus grand que lui (la Cause, la Révolution, le Salut) et par­fois perd sa vie pour mieux l’offrir. Découpage à la hache, pour sûr, mais l’outil ne manque pas d’arguments. Guevara mal­mène tou­te­fois l’affaire : barou­deur et dis­ciple, bour­lin­gueur et affi­lié. Un homme d’action12 en mis­sion. Une tête brû­lée qui a le sens du devoir et rêve d’une ges­tion admi­nis­tra­tive sem­blable à « un par­fait méca­nisme d’horlogerie ». L’avide lec­teur de Jack London qu’il est n’a de cesse, sur­tout en pri­vé, d’assumer son désir d’aventure — « mais un aven­tu­rier d’un type dif­fé­rent, un de ceux qui risquent leur peau pour démon­trer leurs véri­tés… » Il se sait « vaga­bond impé­ni­tent » et, dans une lettre à sa com­pagne Hilda Gadea, évoque son « esprit anar­chique qui [lui] fait rêver d’horizons » ; s’il est mon­té à bord du Granma aux côtés de Castro afin de prendre d’assaut le Cuba de Batista, ce ne fut pas tant en vue de l’emporter — il esti­mait l’opération presque vouée à l’échec — que « par un lien roman­tique de sym­pa­thie et d’aventure », admet-il dans ses Souvenirs de la guerre révo­lu­tion­naire.

« Pourquoi, demande un jour Debray à Guevara en pleine forêt boli­vienne, se montre-t-il à ce point aimable avec Castro et si cas­sant avec tous les autres ? »

Un vaga­bond et un guer­rier, han­té par le sacri­fice. Il forme, avec les élé­ments les plus har­dis, un « pelo­ton-sui­cide », c’est son nom, pour mener les assauts ris­qués contre les troupes du dic­ta­teur cubain. Si Guevara refuse d’être com­pa­ré à Jésus — « Je ne suis ni le Christ ni un phi­lan­thrope ; je suis tout le contraire du Christ […]. J’essaie d’envoyer à terre l’adversaire plu­tôt que de me lais­ser mettre en croix. » —, il y a tou­te­fois en lui l’âme d’un mar­tyr : « J’offre mon sang », répond-il en 1958 aux ques­tions d’un repor­ter argen­tin. Il confie à Alberto Granado, son vieil ami, qu’il est un « pro­phète ambu­lant » et n’est pas fait pour vivre der­rière un bureau ni pour cre­ver grand-père et en appelle, bien que conscient de la dan­ge­ro­si­té du terme, à une « mys­tique », celle du socia­lisme. De pas­sage en Égypte, Nasser, sur­pris, lui demande les rai­sons qui le poussent à évo­quer à ce point la mort : mieux vaut vivre pour la révo­lu­tion, modère le diri­geant pan­arabe. « Mon sort est de mou­rir comme un gué­rille­ro », confie enfin Guevara, scribe de son propre des­tin, avant de par­tir en Bolivie et d’y res­ter à jamais. Régis Debray, conseiller du prince Fidel et auteur de Révolution dans la révo­lu­tion, s’y ren­dit jus­te­ment afin de ren­con­trer le Che : il se fit arrê­ter à son retour et pas­sa quatre années au cachot. L’Argentin deve­nu cubain, racon­te­ra le Français, pre­nait « un malin plai­sir » à faire pleu­rer ses hommes : il n’avait « aucun sens de la psy­cho­lo­gie » et, écri­ra-t-il en 2006, serait tenu à l’heure qu’il est par le tout-Paris pour « macho rétro et insor­table » — il pra­ti­quait les « mon­tées aux extrêmes » et la peine de mort, se mon­trait « réso­lu­ment homo­phobe » et par­ti­san d’une socié­té dis­ci­pli­naire13. Debray ajoute : « Le méca­nisme clas­sique : je suis altruiste pour l’humanité mais pas pour l’autre. On a vrai­ment la struc­ture du sec­taire par­fait, comme pou­vaient l’être saint Dominique, les saints et les mar­tyrs chré­tiens. »

Un saint dou­blé d’un soli­taire. Et Guevara le sait mieux que per­sonne. « Je n’ai ni foyer, ni femme, ni enfants, ni parents, ni frères. Mes amis ne sont mes amis qu’autant qu’ils pensent poli­ti­que­ment comme moi », écrit le mari et le père de famille qu’il est à sa propre mère, sur du papier à en-tête Air India, en 1959. Guevara va jusqu’à admettre qu’il ne sait pas com­ment le Cubain ordi­naire est fait — « Je ne consi­dère plus les gens que comme des sol­dats », lâche-t-il d’un ton que l’on devine amer. Si, nous dit Debray dans plu­sieurs de ses livres, Castro se montre curieux de tout, pré­ve­nant, cha­leu­reux, cour­tois, séduc­teur et sym­pa­thique, le Che reste à l’écart, lisant, rumi­nant, ins­pi­rant la crainte et la révé­rence. Pourquoi, demande un jour Debray à Guevara en pleine forêt boli­vienne, se montre-t-il à ce point aimable avec Castro et si cas­sant avec tous les autres ? Le révo­lu­tion­naire de répondre : il n’a pas la faconde du lea­der cubain, pas son sens inné du contact humain ; lui reste donc le silence : « Tout chef doit être un mythe pour ses hommes. » Et de conclure : « Si les gens ne m’aiment pas de prime abord, au moins me res­pectent-ils, car je suis dif­fé­rent. » Guevara reco­pie ces vers de Neruda, « Je pars. Je suis triste : mais je suis tou­jours triste » ; et s’il décla­ra naguère que la soli­tude rele­vait à ses yeux d’un « manque d’éducation » que la révo­lu­tion ne man­que­ra pas de pal­lier, il n’en confie pas moins, au Congo, la soli­tude qui le sub­merge, comme jamais. Un soli­taire qui lègue à ses enfants, pour seul tes­ta­ment et héri­tage, quelques lignes sur une feuille de papier : « Grandissez comme de bons révo­lu­tion­naires. […] Rappelez-vous que l’im­por­tant c’est la révo­lu­tion et que cha­cun de nous, seul, ne vaut rien. » C’est un « ermite armé », raconte encore Debray dans Loués soient nos sei­gneurs, un pur, un homme de morale et d’ascèse, un ange exter­mi­na­teur qui se sou­cie peu du prin­cipe de réa­li­té et n’entend pas, contrai­re­ment à Castro, lou­voyer, négo­cier, s’allier sans y croire. Surhomme et inhu­main, adepte de l’au­to­cri­tique voire de la mor­ti­fi­ca­tion, « bour­reau de lui-même et des autres » ; conclu­sion de l’écrivain : le Che fut un « homme anti­pa­thique et admi­rable ».

Ernesto Guevara ne sau­rait être un modèle en vue d’œu­vrer à quelque rup­ture démo­cra­tique et anti-auto­ri­taire ; il n’en demeure pas moins qu’il devint bien plus que ce qu’il fut : une méto­ny­mie mon­diale de la contes­ta­tion de l’ordre mar­chand, cynique, concur­ren­tiel et (néo)colonial — le phi­lo­sophe Miguel Benasayag évoque à juste titre un « pay­sage Che », une « sub­ver­sion gué­va­riste14 » dépas­sant le seul Guevara. Cet ordre qu’il nous reste, sous d’autres formes, à déman­te­ler. Si l’on gagne tou­jours à dénu­der nos chi­mères15, ne bra­dons jamais les nôtres à nos enne­mis : ques­tion­nons le Che en tenant ferme à nos réponses.


BIBLIOGRAPHIE

Toutes les cita­tions du pré­sent article pro­viennent des ouvrages sui­vants, sous la plume de Guevara : Souvenirs de la guerre révo­lu­tion­naire (édi­tions Mille et une nuits, 2007), Justice glo­bale (édi­tions Mille et une nuits, 2007), Journal de Bolivie (édi­tions Mille et une nuits, 2008), Journal du Congo (édi­tions Mille et une nuits, 2009), Le Socialisme et l’homme (Aden, 2006) et Écrits sur la révo­lu­tion (Aden, 2007).

Essais, récits et bio­gra­phies cités ou évo­qués : Che Guevara, une braise qui brûle encore d’Olivier Besancenot et Michael Löwy (édi­tions Mille et une nuits, 2007), Che Guevara — Ombres et lumières d’un révo­lu­tion­naire de Samuel Farber (Syllepse, 2017), Le Cas Guevara de Léo Sauvage (La Table ronde, 1971), Che — Ernesto Guevara, une légende du siècle de Pierre Kalfon (Seuil, 1997), Biographie à deux voix de Fidel Castro et Ignacio Ramonet (Fayard, 2007), La Face cachée du Che de Jacobo Machover (Armand Colin, 2017), Les Masques de Régis Debray (Gallimard, 1997), Loués soient nos sei­gneurs de Régis Debray (Gallimard, 2000), Supplique aux nou­veaux pro­gres­sistes du XXIe siècle de Régis Debray (Gallimard, 2006), Vie et mort de la révo­lu­tion cubaine de Benigno (Fayard, 1996), Ernesto Guevara, connu aus­si comme le Che de Paco Ignacio Taibo II (Payot, 2001), Che Guevara — Le temps des révé­la­tions de Jean Cormier (édi­tions du Rocher, 2017) et Che Guevara, du mythe à l’homme — aller-retour de Miguel Benasayag (Bayard, 2003).


image_pdf
  1. Nous son­geons bien sûr à Laurent Joffrin, com­pa­rant il y a peu et en toutes lettres, dans les colonnes de Libération, Guevara aux jiha­distes.[]
  2. Dans La Face cachée du Che, paru aux édi­tions Armand Colin, Jacobo Machover n’hésite pas à mani­pu­ler le Sartre d’Annie Cohen-Solal afin de prê­ter à Guevara une phrase assas­sine, contre le père de l’existentialisme, qu’il n’a tout sim­ple­ment pas pro­non­cée : on se repor­te­ra, pour le véri­fier, à la page 82 de l’édition 2017 du livre de Machover et à la page 514 de la bio­gra­phie de Cohen-Solal, édi­tion 1985, au Grand livre du mois.[]
  3. « Le Che, un pen­seur d’actes ou la tra­gé­die d’un enfant du siècle », inter­ven­tion de juillet 1997.[]
  4. La poli­to­logue Janette Habel s’op­pose ain­si, dans les pages de Politis, à une lec­ture « psy­cho­lo­gi­sante » du Che afin de contes­ter la dure­té de l’homme, tenant à ses yeux de la légende noire (n° 1472, octobre 2017).[]
  5. Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, coll. 10/18, p. 41.[]
  6. Préface au Gai Savoir, Le Livre de poche, 2006, p. 65.[]
  7. En dépit, bien sûr, de L’État et la Révolution paru en 1917.[]
  8. Voir Jean-Jacques Marie, Lénine — La Révolution per­ma­nente, Payot, 2011.[]
  9. « Todo aquí es abur­ri­do, gris y sin vida. No es el socia­lis­mo, es el fra­ca­so del socia­lis­mo », dixit Ulises Estrada Lescaille.[]
  10. Dans Che Guevara — Le temps des révé­la­tions, paru en 2017 aux édi­tions du Rocher, Jean Cormier convoque plu­sieurs témoi­gnages afin de dis­cul­per le Che : celui-ci n’a­vait « pas de pou­voir » en la matière et « n’a­vait rien à voir » avec les tri­bu­naux mili­taires. Aleida March, épouse de Guevara, contes­ta éga­le­ment son impli­ca­tion et, même, sa pré­sence lors des exé­cu­tions. Dans le pre­mier tome de Ernesto Guevara, connu aus­si comme le Che, l’é­cri­vain et jour­na­liste Paco Ignacio Taibo II assure qu’il approu­vait « cer­tai­ne­ment » les pelo­tons mais que l’ac­cu­sa­tion visant à le trans­for­mer en bou­cher san­gui­naire est « tota­le­ment infon­dée » : le Che, note-t-il encore, pro­met­tait le tri­bu­nal révo­lu­tion­naire à qui­conque enten­dait châ­tier indi­vi­duel­le­ment les bour­reaux de l’an­cien régime.[]
  11. Maximilien de Robespierre, Œuvres com­plètes, tome X, p. 353.[]
  12. C’est ain­si qu’il se décrit à Kabila, dans une lettre publiée dans son Journal du Congo.[]
  13. Voir Supplique aux nou­veaux pro­gres­sistes du XXIe siècle, Gallimard, 2006.[]
  14. Voir Miguel Benasayag, Che Guevara, du mythe à l’homme — aller-retour, Bayard, 2003.[]
  15. Selon le beau mot dépei­gnant Diogène de Sinope.[]

REBONDS

☰ Lire « Si on m’assassine… » — par Salvador Allende (Memento), sep­tembre 2017
☰ Lire notre abé­cé­daire du sous-com­man­dant Marcos, mai 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Olivier Besancenot : « Le récit natio­nal est une impos­ture », octobre 2016
☰ Lire notre abé­cé­daire de George Orwell, octobre 2016
☰ Lire notre entre­tien avec Gérard Chaliand : « Nous ne sommes pas en guerre », décembre 2015
☰ Lire notre article « Jack London : his­toire d’un mal­en­ten­du », Émile Carme, décembre 2015
☰ Lire notre entre­tien avec Breyten Breytenbach : « On n’a pas net­toyé les caves de l’Histoire ! », juin 2015
☰ Lire notre semaine consa­crée à Daniel Bensaïd, avril-mai 2015
☰ Lire notre entre­tien avec Michael Löwy : « Sans révolte, la poli­tique devient vide de sens », décembre 2014

Émile Carme

Découvrir d'autres articles de



Nous sommes un collectif entièrement militant et bénévole, qui refuse la publicité. Vous pouvez nous soutenir (frais, matériel, reportages, etc.) par un don ponctuel ou régulier.