Ludger Schwarte : « L’architecture est à la base du politique »


Entretien inédit | Ballast

Des ronds-points trans­formés en assem­blées popu­laires, un centre com­mer­cial occu­pé par des mani­fes­tants éco­lo­gistes : la révolte se sai­sit par­fois de lieux inat­ten­dus. Ludger Schwarte, dans sa récente Philosophie de l’ar­chi­tec­ture, tente de sai­sir ce moment pré­cis où les formes archi­tec­tu­rales qui nous entourent per­mettent à la révo­lu­tion de se réa­li­ser. Le res­tau­rant, les bains publics ou le théâtre, affirme-t-il, sont des espaces poli­tiques, et mon­ter sur la table d’un café pour y faire un dis­cours est un acte archi­tec­tu­ral majeur. Si le point de départ n’est pas neuf — les grands chan­tiers poli­tiques s’é­tant tou­jours sai­sis de l’ar­chi­tec­ture pour orga­ni­ser le contrôle ou l’é­man­ci­pa­tion des popu­la­tions —, la thèse l’est davan­tage : il s’a­git de pen­ser une « anar­chi­tec­ture » qui ne pla­ni­fie plus mais invente des espaces ouverts sus­cep­tibles d’ac­cueillir les luttes. 


« Dans quelle mesure l’espace public a‑t-il influen­cé la Révolution à Paris ? » : c’est sur cette « intui­tion » que s’ouvre votre livre. En quoi l’organisation de l’espace serait en elle-même politique ?

L’architecture est la base du poli­tique. Jusque-là, s’il a été ques­tion de l’architecture en phi­lo­so­phie, on l’a seule­ment trop sou­vent étu­diée comme objet esthé­tique. Or l’architecture n’est pas un simple décor ou cadre aléa­toire. On ne peut pas décrire et ana­ly­ser le dérou­le­ment des évé­ne­ments sociaux et poli­tiques sans recou­rir à elle. Je pars d’une consta­ta­tion faite en étu­diant l’histoire des espaces publics : une révo­lu­tion connaît deux types de dra­ma­tur­gies, à savoir l’assaut sur le palais du sou­ve­rain et le ren­ver­se­ment de la sta­tue du sou­ve­rain sur la place de la ville. Ce der­nier modèle a vu le jour à Paris, du 11 au 13 août 1792 : les masses révo­lu­tion­naires arrachent les sta­tues de Louis XIV et Louis XV sur la place des Victoires, la place Vendôme et la place Louis XV — rebap­ti­sée place de la Révolution, et aujourd’­hui place de la Concorde. 100 ans plus tôt, ces lieux n’exis­taient pas à Paris. L’irruption de ces masses humaines, poli­ti­que­ment moti­vées, leur débor­de­ment sur les places et les rues ne se réduit pas à des ques­tions de den­si­té démo­gra­phique ou de répar­ti­tion topo­lo­gique. Si la Révolution fran­çaise passe pour la pre­mière sor­tie bru­tale d’un grand nombre de per­sonnes hors des espaces clos, il a fal­lu pour cela qu’existent des espaces publics nou­vel­le­ment bâtis.

« L’architecture n’est pas un simple décor ou cadre aléa­toire. On ne peut pas décrire et ana­ly­ser le dérou­le­ment des évé­ne­ments sociaux et poli­tiques sans recou­rir à elle. »

De même, de nom­breuses places comme la place Alexander à Berlin, la place Tahrir au Caire, la place de l’Indépendance à Tunis ou la place Maidan à Kiev sont issues de ces archi­tec­tures pari­siennes. Sans l’exis­tence de ces lieux, les mani­fes­ta­tions de masse qui ont pro­vo­qué les révo­lu­tions n’au­raient pas pu sur­ve­nir. C’est le but de mon approche phi­lo­so­phique de l’architecture que de déter­mi­ner le rôle qu’elle a pu jouer dans les évé­ne­ments sociaux. Bien sûr, l’extension des espaces publics n’a cer­tai­ne­ment pas, à elle seule, cau­sé les révo­lu­tions. Prétendre cela serait tout aus­si faux que de dire, à l’inverse, qu’ils en ont été les conte­nants neutres. Mais ces espaces ont cer­tai­ne­ment don­né forme aux évé­ne­ments et donc ren­du pos­sible la révo­lu­tion. L’architecture n’est ni le « médium » ni le « théâtre » de la révo­lu­tion ; sa puis­sance consiste à conce­voir des nou­velles pos­si­bi­li­tés, à rendre pos­sible. Elle est une res­source publique.

Dans Surveiller et punir, Foucault a mon­tré com­ment les tech­niques du pou­voir moderne avaient inves­ti le domaine archi­tec­tu­ral : les écoles, les hôpi­taux, les usines, les pri­sons étaient désor­mais conçus comme des dis­po­si­tifs dis­ci­pli­naires — ce modèle triom­phant dans le célèbre pan­op­ti­con1. Par quelles formes archi­tec­tu­rales passent aujourd’hui le contrôle et la surveillance ?

J’ai conçu ce livre un peu comme une réponse à Foucault. Il a beau­coup par­lé de l’ar­chi­tec­ture (dans son Histoire de la folie à l’âge clas­sique, dans laquelle il parle du « grand ren­fer­me­ment », puis dans Surveiller et punir ou dans Naissance de la cli­nique) sans avoir consa­cré d’ou­vrage à cette ques­tion. Je crois que la ligne qu’il des­sine reste assez claire et valable. Ça com­mence avec les grandes for­te­resses et les châ­teaux forts, qui sont rem­pla­cés par les palais au XVIIe siècle. On passe des don­jons aux pri­sons, qui s’a­vèrent bien moins mor­telles et où l’on trouve moins l’idée de tor­ture que d’é­du­ca­tion sociale et de mora­li­sa­tion : elles sont plus aérées, ont plus de lumière… Il y a alors une ten­dance aux espaces trans­pa­rents et hygié­niques (et on aper­çoit déjà Le Corbusier à la fin de ce déve­lop­pe­ment). Ce sont des lieux où il faut se com­por­ter selon les normes de la socié­té, où la vie ne paraît et n’a de place que dans la mesure où elle est déjà pro­duite par la norme.

(Gordon Matta-Clark)

Mais aujourd’­hui l’ar­chi­tec­ture est beau­coup plus fine et tech­ni­que­ment plus avan­cée : on n’a plus besoin de pri­sons ou d’é­coles pour for­mer les gens, pour les faire agir, pen­ser ou sen­tir dans la direc­tion du pou­voir et du gou­ver­ne­ment. En d’autres termes, l’architecture n’exerce plus tel­le­ment son pou­voir par la répar­ti­tion de l’espace social, de l’allocation, de l’aménagement du ter­ri­toire — même si cette dimen­sion n’est pas du tout négli­geable. Elle s’intègre dans la sub­jec­ti­va­tion et dans la bio­lo­gie. Les corps y sont des chiffres ; les intel­li­gences des états. L’architecture s’insinue dans les manières de se voir et de se for­mer soi-même, d’être en contact avec les autres. La sur­veillance se construit par exemple par des tech­niques vidéos : on ne sait jamais si la camé­ra de notre ordi­na­teur est allu­mée ou éteinte, on laisse une trace de nous depuis chaque appa­reil qu’on uti­lise. Il n’y a plus de dehors, plus d’au-delà, plus de dési­rs pro­fonds ou de puis­sances de faire autre­ment ; au contraire, même, car ces nou­velles archi­tec­tures et infra­struc­tures de la sur­veillance exercent sur nous une grande ten­ta­tion. La sur­veillance s’est inten­si­fiée et il est plus dif­fi­cile d’y résis­ter, de trou­ver un espace libre.

« La sur­veillance s’est inten­si­fiée et il est plus dif­fi­cile d’y résis­ter, de trou­ver un espace libre. »

Foucault a donc rai­son de décrire l’ar­chi­tec­ture comme une tech­no­lo­gie de pou­voir, contre les autres approches qui exis­taient jus­qu’à son livre et qui la conce­vaient comme un art ou comme un lan­gage. J’ai même pour­sui­vi ses réflexions jus­qu’à Giorgio Agamben, qui consi­dère que nous vivons aujourd’­hui prin­ci­pa­le­ment dans des camps, des camps de concen­tra­tion2. Pour lui, notre vie, nos corps sont aujourd’hui à la dis­po­si­tion des grands appa­reils, sont inves­tis poli­ti­que­ment et bio­lo­gi­que­ment. Je suis d’ac­cord avec ça, mais ce que je vou­lais mon­trer de plus, c’est que l’ar­chi­tec­ture peut aus­si jouer un rôle dans les mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion et de libé­ra­tion. Il y a à ma connais­sance un seul texte très tar­dif de Foucault3 où il réflé­chit sur cette pos­si­bi­li­té. Il y consi­dère cer­taines archi­tec­tures uto­piques du XIXe siècle, en disant qu’elles ont pu être ima­gi­nées comme libé­ra­trices. Il ajoute qu’il peut par exemple y avoir des archi­tec­tures pour toute sorte de pra­tiques éro­tiques libres. Mais fina­le­ment, pour lui, cette dis­po­si­tion dépend tou­jours de la pra­tique des gens et jamais de l’architecture elle-même. Pour moi, les pra­tiques libres de l’é­ro­tisme ou de l’a­mour dépendent de cer­taines infra­struc­tures. Par exemple, les dar­krooms que fré­quen­tait Foucault sont aus­si des archi­tec­tures spé­ci­fiques qui ont ren­du pos­sible ces relations-là.

Des lieux dédiés à la maî­trise des foules et pen­sés par le pou­voir pour rendre impos­sible l’émeute ont été réem­ployés par des mou­ve­ments révo­lu­tion­naires4 : la colonne Vendôme lors de la Commune de Paris ; les artères hauss­man­niennes en mai 1968 ; les Champs-Élysées avec les gilets jaunes. Comment se fait-il que de tels lieux ou monu­ments soient ain­si réappropriés ?

Dans un souk ou dans le Paris des petites ruelles médié­vales, il était impos­sible pour des cen­taines voire des mil­liers de gens de s’assembler, de se per­ce­voir mutuel­le­ment et de for­mer un mou­ve­ment de cette ampleur. Il faut donc d’abord ana­ly­ser ces endroits à par­tir de ce qu’ils per­mettent phy­si­que­ment. Deuxièmement, les lieux des­ti­nés à la dis­ci­pline, au contrôle ou même à l’humiliation — car l’architecture de la ville, dans ces dimen­sions-là, est une vio­lence sym­bo­lique —, appellent des réponses vio­lentes. Troisièmement, il est vrai que les foules se réap­pro­prient de tels lieux, mais elles font plus qu’y habi­ter, déve­lop­per leurs rou­tines, appli­quer leurs décors ou bri­co­ler ici où là. Certes les usa­gers dépendent tou­jours des actes archi­tec­to­niques qui sont à l’origine de ces espaces, c’est-à-dire leurs struc­tures pré­con­çues et pré­pro­gram­mées par les archi­tectes, les ingé­nieurs sociaux, les poli­ti­ciens. Pour autant, quand, en 1789, Camille Desmoulins monte sur la table pour haran­guer la foule et crier « Aux armes ! », quand il déclenche ain­si le mou­ve­ment qui va démo­lir la Bastille, il ne se contente pas de se « réap­pro­prier » un espace, il opère à son tour un véri­table acte archi­tec­to­nique qui agit comme un nou­veau prin­cipe d’usage. Car il y invente la tri­bune, typi­que­ment moderne, qui fait pas­ser les autres per­sonnes pré­sentes dans le Palais Royal d’un public dis­per­sé à une masse poli­tique consti­tuée. De manière géné­rale, quoiqu’elles soient tou­jours des mani­fes­ta­tions de la pla­ni­fi­ca­tion humaine, les confi­gu­ra­tions archi­tec­tu­rales excèdent tou­jours les inten­tions, les plans, les signi­fi­ca­tions de leur archi­tecte. Chaque ana­lyse qui cherche à révé­ler de ces espaces leur ordre, leur signi­fi­ca­tion et leur fina­li­té fonc­tion­nelle, est donc erronée.

(Gordon Matta-Clark)

La place est un espace par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sant en ce sens car sa fonc­tion a évo­lué de manière contra­dic­toire au gré du temps et des pou­voirs. Ce sont d’abord les muni­ci­pa­li­tés répu­bli­caines du nord de l’Italie qui les ont ins­ti­tuées à la fin du XIIe siècle, d’après l’exemple antique, pour déve­lop­per de nou­velles formes de vie civile. Dans cette pers­pec­tive, elles peuvent être consi­dé­rées comme autant de car­re­fours dans un réseau de che­mins dif­fé­rents : la place ouvre des options de mou­ve­ment et sup­prime ses divers modes d’ap­pro­pria­tion, elle trans­forme la coexis­tence en union. Ainsi, les « Piazzas » de Venise, Florence, Sienne et Pise sont des mani­fes­ta­tions de mou­ve­ments répu­bli­cains et témoignent de la ger­mi­na­tion de la sou­ve­rai­ne­té popu­laire. Par la suite, un nou­vel élé­ment archi­tec­tu­ral est appa­ru sur la place, à savoir le monu­ment cen­tral ; l’arrivée des sta­tues, à Florence, s’observe jus­te­ment au moment du pas­sage de la consti­tu­tion répu­bli­caine à la consti­tu­tion prin­cière. En occu­pant le centre de la place, la sta­tue équestre de Cosimo sur la Piazza del­la Signoria, par exemple, empêche les formes d’utilisation répu­bli­caines de l’espace et trans­forme le vide cen­tral en un lieu de pro­pa­gande aris­to­cra­tique. C’est ce qu’on a appe­lé « l’es­thé­ti­sa­tion » — mais qui signi­fie concrè­te­ment l’oc­cu­pa­tion, par des monu­ments réac­tion­naires, d’un espace ouvert labo­rieu­se­ment dis­pu­té. À Berlin, quelque chose de simi­laire est en train de se pro­duire avec la recons­truc­tion du châ­teau au centre de la ville. On ne peut pas com­prendre l’organisation archi­tec­tu­rale d’une com­mu­nau­té si on ne l’apprécie pas à par­tir de son inves­tis­se­ment par dif­fé­rentes forces politiques.

À la suite de la place urbaine, vous décri­vez suc­ces­si­ve­ment le parc, la rue ou encore le cime­tière comme autant d’« excep­tions », rom­pant avec l’architectonique du pou­voir et ouvrant « la pos­si­bi­li­té d’événements révo­lu­tion­naires ». Qu’en serait-il des ronds-points, tels qu’ils ont pu être appro­priés par les gilets jaunes ?

« Les car­re­fours et les ronds-points sont des nœuds de com­mu­ni­ca­tion qui ont inévi­ta­ble­ment un poten­tiel public. Ça n’est pas un hasard si ces lieux-là ont été investis. »

Les car­re­fours et les ronds-points sont des nœuds de com­mu­ni­ca­tion qui ont inévi­ta­ble­ment un poten­tiel public. Ça n’est pas un hasard si ces lieux-là ont été inves­tis. Si la plu­part du temps les villes ou les vil­lages ont été construits sans espace public — les places sont plu­tôt une excep­tion dans l’his­toire archi­tec­tu­rale mon­diale —, on n’a jamais pu évi­ter d’en faire aux car­re­fours. Je crois que ce livre répond un peu à ce mou­ve­ment qui trans­forme les routes com­mu­ni­ca­tion­nelles en lieux de mani­fes­ta­tion pour ceux qui n’ont pas été écou­tés avant, qui ont eu l’im­pres­sion de ne pas avoir eu de voix dans le sys­tème poli­tique fran­çais. Mais je ne sou­tiens pas auto­ma­ti­que­ment ce mou­ve­ment : il y a une ten­dance dans la phi­lo­so­phie poli­tique fran­çaise à consi­dé­rer que chaque mou­ve­ment social, chaque émeute, chaque révolte est d’emblée bon — c’est le cas selon moi du phi­lo­sophe George Didi-Huberman, qui a fait une expo­si­tion et un livre5 sur l’in­sur­rec­tion. En Allemagne, où l’ex­trême droite des­cend tous les lun­dis dans les rues, comme ça a déjà été le cas dans les années 1920, la phi­lo­so­phie poli­tique est plus pru­dente et ne fait pas aveu­glé­ment l’é­loge de la masse. Certes, depuis la Seconde Guerre mon­diale, par exemple chez la deuxième géné­ra­tion de l’École de Francfort, la phi­lo­so­phie poli­tique alle­mande a peut-être été trop éta­tiste, trop réfor­miste, elle n’a pas vrai­ment posé la ques­tion de la démo­cra­tie. Mais il faut savoir dis­tin­guer les mou­ve­ments qui tendent vers la libé­ra­tion, vers des manières de se com­por­ter pro­pre­ment libé­ra­trices, et non pas machistes ou anti­sé­mites. Car il y a aus­si des insur­rec­tions réac­tion­naires. La façon d’utiliser l’es­pace public en dit beau­coup, et peut-être davan­tage que le trai­te­ment média­tique, sur la direc­tion d’un mou­ve­ment. Le public tel que je le défends dans mon livre est inclu­sif — contre la vio­lence et contre les com­por­te­ments machistes ou racistes dans les rues.

Vous oppo­sez la concep­tion de l’es­pace public que vous défen­dez à la réflexion actuelle sur le bien com­mun, que vous cri­ti­quez en par­tie. Pourquoi cette distinction ?

Elle est essen­tielle. Les gens qui tra­vaillent sur la notion de bien com­mun ont vu quelque chose de simi­laire à ce que je sou­ligne et pour lequel je lutte. Mais il faut être net dans les concepts. Le bien com­mun reste atta­ché à l’idée de com­mu­nau­té, or la com­mu­nau­té est for­mée de ceux qui ont une place et une voix, de ceux qui comptent déjà, qui ont un nombre et un nom, une iden­ti­té, qui font par­tie d’un ensemble éta­bli et iden­ti­fiable. Il y a des com­mu­nau­tés consti­tuées, mais la démo­cra­tie consiste à ouvrir des res­sources publiques pour ceux qui n’ont pas encore de place. Car les com­mu­nau­tés ont ten­dance à se refer­mer sur elles-mêmes et à deve­nir fas­cistes — la construc­tion d’un « nous » exclu­sif impli­quant la des­truc­tion du « vous », et sur­tout de l’« Autre » qui n’a pas d’identité valide. Ça a été une faute concep­tuelle faite, entre autres, par Jürgen Habermas et Hannah Arendt, qui déve­loppent leur concep­tion de l’es­pace public à par­tir d’une fausse éty­mo­lo­gie : ils rap­prochent le terme « public » du mot grec koi­nôn, qui cor­res­pond à la com­mu­nau­té, alors qu’il fau­drait plu­tôt le lier éty­mo­lo­gi­que­ment au thea­tron, qui désigne « ceux qui se sont ras­sem­blés pour voir » et qui incluent « ceux qui ne sont pas le peuple » — les esclaves, les femmes, les immi­grés —, mais qui font aus­si par­tie de ce public. Il fau­drait donc trou­ver une archi­tec­ture qui éta­blisse des infra­struc­tures pour le public, c’est-à-dire pour tous, même ceux qu’on ne connaît pas, ceux qui n’ont pas de voix, qui n’ont pas d’i­den­ti­té. Contre cette notion de com­mu­nau­té, j’essaie d’am­pli­fier l’i­dée de res­source publique, dont la mise en forme serait la tâche de l’architecture.

(Gordon Matta-Clark)

Le sens de ce public-là n’est alors plus le même que celui qui est pro­duit par une forme étatique…

Depuis le XVIe siècle et la tra­duc­tion par Jean Bodin du latin res publi­ca en « État », on confond usuel­le­ment les notions d’État et de public. Bien sûr, le public peut béné­fi­cier des « ser­vices publics » qui lui sont dédiés, et c’est une bonne chose que l’État mette à dis­po­si­tion des friches ou des toi­lettes — ou quoi que ce soit. Mais tels qu’on les conçoit le plus sou­vent, les ser­vices publics sont adres­sés aux citoyens d’un État ; ils ne fonc­tionnent donc que dans le cadre d’un État. Or le public dont je parle inclut aus­si ceux qui ne sont pas citoyens. On n’a pas suf­fi­sam­ment vu que la com­mu­nau­té et la citoyen­ne­té ne sont pas iden­tiques au public. Jusqu’au siècle der­nier, les femmes n’étaient pas consi­dé­rées comme citoyennes au sens poli­tique du terme. Et depuis 20 à 30 ans, on a vu émer­ger de larges mou­ve­ments d’é­man­ci­pa­tion qui ont lut­té pour les droits de groupes n’étant pas inclus dans la com­mu­nau­té sociale, éco­no­mique ou poli­tique. En ce sens, l’idée de démo­cra­tie radi­cale devrait aus­si inter­ro­ger ce qui est conçu comme com­mu­nau­té dans le com­mu­nisme (et par là, l’idée même du com­mu­nisme) : le com­mu­nisme sovié­tique n’a pas été suf­fi­sam­ment inter­na­tio­na­liste parce que ceux qui fai­saient par­tie du peuple étaient tou­jours défi­nis éco­no­mi­que­ment ou ethniquement.

À « l’i­déo­lo­gie pla­ni­fi­ca­trice de l’ar­chi­tec­ture » que vous cri­ti­quez, vous oppo­sez une archi­tec­ture éman­ci­pa­trice que vous qua­li­fiez d’« anar­chi­tec­ture ». Pourtant, un pro­jet tel que celui du Bauhaus en Allemagne dans l’entre-deux guerres se vou­lait révo­lu­tion­naire tout en pas­sant par des trai­tés et une théo­rie de l’ar­chi­tec­ture. Est-ce qu’il faut renon­cer à toute pla­ni­fi­ca­tion pour ima­gi­ner un acte archi­tec­to­nique émancipateur ?

« L’idée de démo­cra­tie radi­cale devrait aus­si inter­ro­ger ce qui est conçu comme com­mu­nau­té dans le communisme. »

J’oppose ce que j’appelle « l’architectonique » — défi­nie par Emmanuel Kant comme l’art des sys­tèmes — à l’architecture pro­pre­ment dite. L’architectonique implique l’idée qu’un ordre ration­nel pré­dé­ter­mine les buts et les objec­tifs, les moyens et les fonc­tions ; elle cherche à recou­vrir toute forme de contin­gence et d’autonomie indi­vi­duelle. Ainsi conçue, l’architecture devient un sys­tème, un pro­gramme, une struc­ture, qui opère comme la loi fon­da­men­tale de notre exis­tence et de notre force d’agir. Notre action se voit alors réduite à l’alternative entre se confor­mer, réa­li­ser le plan (y com­pris dans la dimen­sion créa­tive de l’appropriation) ou se « mal » com­por­ter. De la même manière, le Bauhaus était domi­né par le dis­cours du plan, par l’idée d’une pro­gram­ma­tion sociale. Il croyait non seule­ment pou­voir pré­voir mais même pla­ni­fier le futur, par le tableau com­plet de la socié­té, la cal­cu­la­bi­li­té de la cir­cu­la­tion, de l’évolution, des fonc­tions, etc. Il était basé sur le pos­tu­lat ratio­na­liste selon lequel chaque homme éclai­ré devrait être d’accord avec le consen­sus ration­nel de prin­cipe, maté­ria­li­sé par l’ar­chi­tec­to­nique. Or de telles pré­sup­po­si­tions éli­minent toute ouver­ture de l’horizon, et avec elle toute poten­tielle éman­ci­pa­tion… Elles sug­gèrent qu’on peut se pas­ser d’un vrai pro­ces­sus d’accord et impliquent donc qu’on nie l’humanité de ceux qui ne s’y conforment pas. L’erreur du Bauhaus a consis­té à croire que l’émancipation se jouait au niveau du plan, des para­mètres et de la classe, mais pas au niveau du sin­gu­lier. Or l’émancipation est sin­gu­lière ou elle n’est pas.

Je tente d’exposer ce que pour­rait être une « anar­chi­tec­ture », une archi­tec­ture qui ne soit pas une archi­tec­to­nique, et qui per­mette une vie plus libre, plus démo­cra­tique, une vie an-archique dans le sens de sans gou­ver­ne­ment : une archi­tec­ture qui ne soit pas celle qui gou­verne les gens mais celle qui les aide, qui est pour eux une pos­si­bi­li­té, une res­source. Par exemple, pour l’exposition « Making Things Public » coor­don­née par Bruno Latour et Peter Weibel en 2005 à Karlsruhe, en Allemagne, j’ai pré­sen­té le modèle d’un par­le­ment uto­pique, construit avec des amis archi­tectes (le bureau « Hütten und Paläste »6). Notre modèle repo­sait sur deux prin­cipes : pre­miè­re­ment la pos­si­bi­li­té de s’assembler de dif­fé­rentes manières, sans for­mer d’unité et se confor­mer à « l’idée de l’Un »7, incluant ain­si une plu­ra­li­té des corps, des per­cep­tions, de manières de s’articuler ; et deuxiè­me­ment, des par­cours d’un public dis­per­sé, ouvrant la pos­si­bi­li­té de flâ­ner, d’observer ou d’intervenir, sans avoir de titre ou d’identification par­ti­cu­lière, ce qui ouvre l’assemblé à « n’importe qui », au public sans nombre, et aux sujets et thèmes qui n’ont pas encore de place dans le dis­cours, dans le débat légitime.

(Gordon Matta-Clark)

De nos jours, alors même qu’il y a un désir de rendre la ville dis­po­nible à tous et toutes, son uti­li­sa­tion reste inégale, et notam­ment en fonc­tion du genre : hommes et femmes ne fré­quentent pas les mêmes espaces ni de la même manière. Que peut l’ar­chi­tec­ture pour rendre l’es­pace égalitaire ?

Le meilleur exemple pour le com­prendre est l’histoire du res­tau­rant. Le res­tau­rant a été inven­té dans l’es­pace pari­sien au XVIIIe siècle, autour du Palais royal. Les cafés exis­taient depuis long­temps dans les mar­chés et des tri­co­teuses y allaient. Mais les res­tau­rants, ces lieux où l’on se res­tau­rait avec des soupes ou des bouillons, accueillaient plu­tôt des femmes de la haute bour­geoi­sie en rai­son du grand luxe qu’il y avait à l’intérieur. Cela leur a per­mis de se rendre en ville et de dia­lo­guer, d’être en contact avec d’autres per­sonnes. Il s’agissait d’espaces intimes, de classe et de luxe, mais qui étaient en même temps des espaces publics, bien que res­treint — le public n’est pas tou­jours les masses. Et ce sont eux qui ont assu­ré la pré­sence de ces femmes dans les pre­mières mani­fes­ta­tions de la Révolution fran­çaise ! Si la marche des femmes vers Versailles a en retour acquis une cer­taine légi­ti­mi­té, c’est aus­si parce que c’é­tait en par­tie des femmes de la haute bour­geoi­sie ou même de l’a­ris­to­cra­tie qui avaient été appe­lées depuis le res­tau­rant vers la rue. Il faut donc lais­ser mar­cher son ima­gi­naire archi­tec­tu­ral pour for­mer des archi­tec­tures qui ne soient pas machistes, comme ça a été le cas pour ces femmes au XVIIIe siècle.

« Si la France ou l’Allemagne étaient de vraies démo­cra­ties, il devrait y avoir dans chaque vil­lage un lieu de ren­contre entre citoyens. »

Si cela ne fonc­tionne pas aujourd’hui, c’est d’abord à cause de l’ar­chi­tec­to­nique telle que je la décris, qui ima­gine qu’on naît avec une iden­ti­té et les fonc­tions qui en découlent néces­sai­re­ment. C’est dans ce sens que Jacques Rancière cri­tique l’ap­proche socio­lo­gique de Pierre Bourdieu : pour ce der­nier, on devrait pou­voir défi­nir une fois pour toutes des iden­ti­tés et éta­blir un tableau d’ensemble, à par­tir duquel mener une poli­tique ou une archi­tec­ture mul­ti­fonc­tion­nelle adap­tée à ces iden­ti­tés. Comme s’il n’y avait pas de trans­gres­sions de classe, comme s’il y avait des femmes, des hommes, des LGBTQ, des enfants, et des espaces cor­res­pon­dant à cha­cun. On peut au contraire ima­gi­ner des espaces adap­tés pour tout genre, tout corps, tout désir ou sen­si­bi­li­té, mais qui soient néan­moins des espaces ouverts, des sortes de mem­branes, per­met­tant aux dif­fé­rentes formes de vie de s’ou­vrir à d’autres sociabilités.

La théo­rie archi­tec­tu­rale reste essen­tiel­le­ment urbaine. Pourtant, vous sou­li­gnez qu’il serait réduc­teur de s’ar­rê­ter là. Marx affir­mait dans Le 18 bru­maire de Louis Bonaparte qu’il serait impos­sible à la socié­té pay­sanne de deve­nir un agent révo­lu­tion­naire à cause du carac­tère dis­per­sé de ses membres, de leur manque de ren­contres. Cette ana­lyse tient-elle encore ?

Oui. En ville aus­si, d’ailleurs. Ce qui me frappe en Suisse — qui est pour­tant sou­vent consi­dé­rée comme proche d’une démo­cra­tie directe —, c’est qu’il n’y a qua­si­ment aucun espace construit pour que les citoyens se parlent. Il y a dans cer­tains can­tons des prés ou des pelouses que l’on peut uti­li­ser pour cela, mais il n’y a pas de lieux de ren­contre pré­vus comme tel. Les mai­ries res­tent des lieux d’ad­mi­nis­tra­tion et de pou­voir cen­tral, et non des lieux démo­cra­tiques. Dans la plu­part des villes et des vil­lages, l’é­glise reste le seul endroit où une com­mu­nau­té se ras­semble. On y entre en tant que membre d’une com­mu­nau­té reli­gieuse et les com­por­te­ments sont pres­crits par les auto­ri­tés reli­gieuses — qui peuvent par­fois être tolé­rantes, bien sûr. Mais dans une socié­té laïque, chaque vil­lage devrait avoir un lieu de ren­contre, une salle où tous les same­dis les gens qui veulent se ren­con­trer et se par­ler se voient, où ils puissent orga­ni­ser des évé­ne­ments et échan­ger sur ce qui est néces­saire à la com­mu­nau­té. On a beau­coup négli­gé cet élé­ment. Souvent, ce sont les bars qui s’en chargent, mais dans pas mal de petits vil­lages un bar ne peut plus fonc­tion­ner éco­no­mi­que­ment. Si l’on vit à la cam­pagne, on ne doit pas avoir besoin d’une ville à proxi­mi­té pour voir des gens. J’ai vu dans cer­tains endroits, en Grèce ou en Allemagne, des res­tau­rants qui ne fonc­tion­naient plus être rache­tés par les citoyens du vil­lage qui le géraient ensuite de manière com­mu­nau­taire. Si la France ou l’Allemagne étaient de vraies démo­cra­ties, il devrait y avoir dans chaque vil­lage un lieu de ren­contre entre citoyens pour qu’ils forment leur opi­nion, qu’ils échangent des argu­ments et forment des lois : ça me semble la pre­mière tâche à entreprendre.

(Gordon Matta-Clark)

Vous insis­tez sur l’as­pect sen­sible de nos inter­ac­tions avec l’ar­chi­tec­ture. En quoi l’architecture, en orga­ni­sant les contacts phy­siques, les ren­contres cor­po­relles, per­met-elle des modes d’expression différents ?

Les moments d’ex­pres­sion se passent beau­coup en exté­rieur, en ville, mais d’autres espaces publics existent et les espaces de ren­contre les plus impor­tants ne sont pas néces­sai­re­ment dans le centre-ville. Les véri­tables ren­contres — lorsque vous ren­con­trez quelqu’un qui n’est pas déjà connu de votre famille ou de vos proches — ont sou­vent lieu dans des espaces publics dif­fé­rents. Ça peut être la plage. Si la plage est un espace où l’on peut faire des ren­contres, c’est parce qu’on s’y exprime, bizar­re­ment, contre les normes sociales — celles qui nous disent com­ment s’ha­biller, se com­por­ter. La fai­néan­tise, le non-tra­vail, la fes­ti­vi­té du corps y sont visibles, un peu de la même manière que dans les thermes pour les Grecs et les Romains. Ce sont des lieux de ren­contre et d’expérimentation qui per­mettent, grâce à un élé­ment inha­bi­tuel (l’eau, la mer), de prendre des dis­tances vis-à-vis des normes et d’interroger les notions d’exhibition, d’intimité, etc. Contrairement à cet index socio-éco­no­mique que consti­tuent les vête­ments, nous sommes là presque nus, en maillot, et la manière dont la socié­té forme les corps ou les vête­ments ne joue plus vrai­ment. De tels espaces sont donc socia­le­ment très impor­tants mais mal­heu­reu­se­ment, ils sont en déclin. On a beau­coup négli­gé le poten­tiel de tels espaces pour que de nou­velles ren­contres se forment. Je n’ai rien contre le cadre fami­lial, mais il cloi­sonne les indi­vi­dus dans l’es­pace pres­crit pour eux au moment de leur nais­sance. Si j’énumère dans le livre une ving­taine de lieux qui ont joué un rôle dans l’es­pace public au XVIIIe siècle, ce n’est pas pour dire que ce sont ces espaces qui seront for­cé­ment les clés pour l’a­ve­nir, mais plu­tôt pour encou­ra­ger une cer­taine inven­ti­vi­té, une cer­taine ima­gi­na­tion pour rendre pos­sible l’émancipation.

Dans cette concep­tion très cor­po­relle de la démo­cra­tie, où le contact serait néces­saire à la dis­cus­sion, les formes déma­té­ria­li­sée de débat semblent consti­tuer une impasse…

On a trop fait l’éloge de la « e‑démocratie », du rôle des « réseaux sociaux » ou d’Internet dans les mou­ve­ment sociaux ces der­niers temps. Il est vrai que les gens peuvent plus faci­le­ment se concer­ter, échan­ger leur avis ou se ren­sei­gner avec les moyens digi­taux d’aujourd’hui qu’avec les tracts et les pam­phlets du XVIIIe siècle. Pourtant, leur rôle reste le même, à savoir celui de moyen de com­mu­ni­ca­tion. Une révo­lu­tion ne se passe ni à la télé, ni sur Internet. Pour qu’une révo­lu­tion ait lieu, il faut prendre la rue, se ras­sem­bler dans une place et cas­ser la porte du pou­voir. Pour que la démo­cra­tie se réa­lise, il faut la conce­voir à un niveau plus phy­sique, plus soma­tique que ne l’a fait la théo­rie déli­bé­ra­tive. Il ne s’agit pas seule­ment d’échanger des argu­ments, de for­mer un dis­cours ou une déci­sion ration­nelle, mais de rendre visible des corps qui ne se laissent pas encore repré­sen­ter. Pour cela, il faut trou­ver une archi­tec­ture qui invente de nou­veaux espaces et favo­rise les ren­contres en-deçà des cli­chés et des pré-construc­tions sociales. Sinon, il reste les car­re­fours et les ronds-points…


Photographie de ban­nière : Gordon Matta-Clark


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  1. Le pan­op­tique est un modèle d’ar­chi­tec­ture car­cé­rale ima­gi­né par le phi­lo­sophe anglais Jeremy Bentham au XVIIIe siècle. Les cel­lules sont orga­ni­sées sur un plan cir­cu­laire autour d’un poste de sur­veillance, afin que les déte­nus se sachent à tout moment sur­veillés, même si aucun garde n’est réel­le­ment en train de le faire. Ce modèle a ins­pi­ré à Michel Foucault ses réflexions sur la socié­té dis­ci­pli­naire, qu’il déve­loppe dans Surveiller et Punir : à la répres­sion mise en spec­tacle sous l’Ancien régime, suc­cède un régime poli­tique de sur­veillance géné­ra­li­sé par le biais d’un contrôle social exer­cé par cha­cun sur tous.
  2. Voir Moyens sans fins, Paris, Payot et Rivages, 1995 et Homo Sacer, vol. I : Le Pouvoir sou­ve­rain et la vie nue, Seuil, 1997.
  3. Michel Foucault, « Espace, savoir et pou­voir » [1982], texte n° 310 dans Dits et écrits, t. II, Gallimard, 2001.
  4. Walter Benjamin met en évi­dence l’im­por­tance de l’ar­chi­tec­ture dans le contrôle des foules à par­tir de l’exemple pari­sien dans son essai Paris, capi­tale du XIXe siècle. Pour lui, « l’i­déal de Haussmann, en matière d’ur­ba­nisme, c’é­taient les pers­pec­tives ouvertes à tra­vers de longues enfi­lades de rues. […] Le véri­table but de Haussmann était de pro­té­ger la ville contre la guerre civile. Il vou­lait rendre à jamais impos­sible l’é­rec­tion de bar­ri­cades à Paris. […] Haussmann pense y faire obs­tacle de deux manières. La lar­geur des bou­le­vards doit inter­dire la construc­tion de bar­ri­cades, et de nou­velles per­cées doivent rap­pro­cher les casernes des quar­tiers ouvriers. Les contem­po­rains qua­li­fient le pro­jet d’embel­lis­se­ment stra­té­gique. […] La bar­ri­cade renaît pen­dant la Commune. Elle est plus puis­sante et mieux gar­dée que jamais ». (Allia, 2003).
  5. Georges Didi-Huberman, Désirer, déso­béir, vol. 1 : Ce qui nous sou­lève, Paris, Minuit, 2019.
  6. « Cabanes et palais ».
  7. Cette idée ren­voie, dans Le Discours de la ser­vi­tude volon­taire de La Boétie, à l’unité fan­tas­ma­tique d’une « socié­té toute ras­sem­blée et pos­sé­dant une seule et même iden­ti­té orga­nique » (Claude Lefort, « Le Nom d’Un », dans Étienne de La Boétie, Le Discours de la ser­vi­tude volon­taire, Payot, 1976, p. 292). Le pou­voir ne se main­tient que grâce à cette image illu­soire mais sédui­sante d’un « corps » social homo­gène et uni­fié.

REBONDS

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