L'Espagne après Franco : le mouvement ouvrier pendant la transition démocratique

13 octobre 2020


Texte inédit pour le site de Ballast

Fin 1975 : le géné­ral Franco meurt. Le roi main­tient en place le der­nier pré­sident du gou­ver­ne­ment du dic­ta­teur — il démis­sion­ne­ra quelques mois plus tard, tan­dis que la socié­té se mobi­lise mas­si­ve­ment en faveur d’un retour à la « démo­cra­tie ». Au prin­temps 1977, le Parti com­mu­niste d’Espagne est léga­li­sé ; deux mois plus tard, des élec­tions ont lieu et un pro­jet de consti­tu­tion démo­cra­tique voit le jour au Parlement. Une séquence poli­tique connue sous le nom de « Transición españo­la ». L’heureux avè­ne­ment, en somme, d’un régime par­le­men­taire et libé­ral par la grâce de la loi : tel est le récit qui, trop sou­vent et aujourd’­hui encore, en est fait. La nar­ra­tion est com­mode : elle invi­si­bi­lise les luttes auto­nomes des mou­ve­ments popu­laires, des ouvriers et des gré­vistes — morts com­pris. Contre-his­toire d’une « tran­si­tion ». ☰ Par Arnaud Dolidier


Pendant l’investiture du gou­ver­ne­ment de coa­li­tion de gauche en jan­vier 2020, alors qu’il prend la parole à la tri­bune du Congrès des dépu­tés, Pablo Iglesias, chef de file de Unidas Podemos, remer­cie les mou­ve­ments sociaux de leur sou­tien. Il s’engage à ce que le gou­ver­ne­ment tra­vaille à trans­for­mer leurs reven­di­ca­tions en de futures lois. Cette affir­ma­tion, qui sous-entend que toute action sociale trouve un débou­ché dans la pra­tique gou­ver­ne­men­tale, ren­voie à l’imaginaire de la tran­si­tion espa­gnole1 dans lequel l’action des masses popu­laires s’articule à celle de leurs repré­sen­tants par­le­men­taires. À la mort de Franco en novembre 1975, suc­cèdent, au pre­mier semestre 1976, les luttes de cen­taines de mil­liers de per­sonnes2, notam­ment dans les régions indus­tria­li­sées de l’Espagne. Il est ques­tion de la révi­sion des conven­tions col­lec­tives de divers corps de métiers, mais aus­si d’a­bo­lir la dic­ta­ture. Ce nou­veau cycle d’action col­lec­tive spec­ta­cu­laire pré­ci­pite dès juillet la chute du gou­ver­ne­ment de Carlos Arias Navarro, auquel suc­cède un nou­veau cabi­net, qui s’engage dans la voie du chan­ge­ment poli­tique à tra­vers la négo­cia­tion avec les deux prin­ci­paux par­tis de l’opposition, socia­liste (PSOE) et com­mu­niste (PCE). Ces négo­cia­tions conduisent à l’instauration d’une démo­cra­tie par­le­men­taire et libé­rale entre 1977 et 1978. Selon l’his­to­rio­gra­phie domi­nante, les mobi­li­sa­tions sociales se seraient ran­gées der­rière la ban­nière de l’op­po­si­tion en sous­cri­vant à la stra­té­gie de la « réforme pac­tée » — ce qui aurait per­mis la chute du franquisme.

« La classe ouvrière aurait accep­té des sacri­fices pour en retour béné­fi­cier de la démo­cra­tie. »

L’idée selon laquelle le peuple espa­gnol en géné­ral, et la classe ouvrière en par­ti­cu­lier, auraient sous­crit à cette stra­té­gie révèle une per­cep­tion méca­nique du chan­ge­ment poli­tique : le mou­ve­ment ouvrier est appré­hen­dé comme une enti­té homo­gène dans sa com­po­si­tion, ses reven­di­ca­tions et ses cou­rants idéo­lo­giques. Le mythe consis­tant à pré­sen­ter la tran­si­tion comme une opé­ra­tion juri­dique et poli­tique por­tée par des acteurs au som­met de l’État a été remis en ques­tion. Mais si les masses popu­laires sont désor­mais inté­grées au récit domi­nant, un pos­tu­lat demeure récal­ci­trant : celui d’une classe ouvrière sou­dée der­rière l’op­po­si­tion démo­cra­tique. Le mou­ve­ment ouvrier est ain­si pré­sen­té comme une force poli­tique et sociale ayant per­mis à l’opposition de ren­for­cer son poids pour négo­cier avec le chef de l’État à par­tir de juillet 1976. La classe ouvrière aurait accep­té des « sacri­fices » — notam­ment sur le plan des trans­for­ma­tions sociales et poli­tiques — pour en retour béné­fi­cier de « la démo­cra­tie ». Cette vision fan­tas­mée de l’avènement démo­cra­tique en Espagne — encore pré­sente de nos jours — par­ti­cipe à invi­si­bi­li­ser l’histoire du mou­ve­ment ouvrier espa­gnol des années 1970. Les frac­tions révo­lu­tion­naires, popu­laires et anti­ca­pi­ta­listes du monde des usines sont per­çues comme anec­do­tiques, des­ti­nées à être mar­gi­na­li­sées à mesure de la conso­li­da­tion des nou­velles ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques. Cela par­ti­cipe éga­le­ment à éva­cuer les rap­ports de force dans les usines, et à faire l’impasse sur le pro­ces­sus de subor­di­na­tion et de domes­ti­ca­tion du mou­ve­ment ouvrier aux par­tis poli­tiques de l’opposition.

Autonomie ouvrière et culture assembléiste

À la fin des années 1960, la conflic­tua­li­té ouvrière connaît une forte aug­men­ta­tion, devant laquelle le fran­quisme se révèle impuis­sant. La poli­tique de répres­sion menée en réponse accroît la déter­mi­na­tion des gré­vistes et radi­ca­lise les conflits de classes, tout en les poli­ti­sant. C’est à la même époque que les grèves se struc­turent et s’organisent à par­tir d’assemblées clan­des­tines, char­gées d’élaborer des reven­di­ca­tions, de coor­don­ner l’action entre plu­sieurs branches de métiers par l’élection de délé­gués ouvriers (au man­dat impé­ra­tif et révo­cable à tout ins­tant) et de se dis­soudre ensuite. Les tra­vailleurs mettent en place des com­mis­sions ouvrières man­da­tées par les assem­blés pour négo­cier avec le patro­nat. Ces der­nières se struc­turent en un mou­ve­ment socio­po­li­tique, les Commissions Ouvrières (CCOO), dans les­quelles des col­lec­tifs et des orga­ni­sa­tions se livrent une lutte de pou­voir. Le Parti com­mu­niste d’Espagne (PCE) consti­tue le cou­rant majo­ri­taire en leur sein. Il adopte une stra­té­gie qui com­bine actions légales et illé­gales dans les usines, et s’ap­puie sur les assem­blées clan­des­tines afin de rédi­ger des pla­te­formes de reven­di­ca­tions et d’ap­pe­ler à des grèves par­tielles ou à des mani­fes­ta­tions publiques — tout en se pré­sen­tant aux élec­tions syn­di­cales fran­quistes (comme en juin 1975) afin d’obtenir des postes de délé­gués syn­di­caux. En pra­ti­quant l’entrisme dans les struc­tures de l’Organisation syn­di­cale espa­gnole (OSE), syn­di­cat fran­quiste, le PCE veut se don­ner les moyens de coor­don­ner les usines au sein d’un large mou­ve­ment anti­fran­quiste et interclassiste.

[Joan Miró]

À côté du PCE se trouve un ensemble d’organisations mar­xistes-léni­nistes, mais aus­si des col­lec­tifs qui se réclament de l’autonomie ouvrière. Ces der­niers agissent depuis les assem­blées et appré­hendent les assem­blées à la fois comme outil orga­ni­sa­tion­nel et centre de gra­vi­té de l’action anti­fran­quiste et anti­ca­pi­ta­liste. Derrière la façade de l’unité anti­fran­quiste, la classe ouvrière est ain­si tra­ver­sée par des luttes de pou­voir au sein des CCOO — que l’on peut sché­ma­ti­que­ment divi­ser en deux camps : d’un côté, le PCE et les orga­ni­sa­tions com­mu­nistes à sa gauche ; de l’autre, l’autonomie ouvrière. Dans un texte paru en 1972, le mili­tant Julio Sanz Oller sou­ligne les enjeux de cet affron­te­ment : « Il est clair qu’aujourd’hui […] au sein du mou­ve­ment ouvrier espa­gnol seule­ment deux forces vont comp­ter : le PC et le mou­ve­ment auto­nome qui met­tra du temps encore avant d’aboutir à une large orga­ni­sa­tion de classe. Il s’agit, dès main­te­nant, d’éviter que le pre­mier ne mange le second3. » Lorsque Franco meurt en novembre 1975, l’assembléisme est plus fort que jamais. Il consti­tue un défi pour l’opposition démo­cra­tique : si celle-ci entend s’appuyer sur les usines pour faire pres­sion sur le pou­voir fran­quiste, elle craint de se faire débor­der par la radi­ca­li­té ouvrière.

La grève générale de Vitoria

« Derrière la façade de l’unité anti­fran­quiste, la classe ouvrière est tra­ver­sée par des luttes de pou­voir : d’un côté le PCE et les orga­ni­sa­tions com­mu­nistes à sa gauche ; de l’autre, l’autonomie ouvrière. »

En mai 1976, lorsque les grèves et les mani­fes­ta­tions sont mon­naie cou­rante dans l’ensemble de l’Espagne, Juan Antonio Sagardoy Bengoechea, pro­fes­seur de droit, exprime dans le quo­ti­dien El País son inquié­tude. Il défi­nit l’action des mou­ve­ments ouvriers et popu­laires de la façon sui­vante : « Actuellement en Espagne, toutes les grèves sont sau­vages et l’unique façon de les civi­li­ser, passe par une muta­tion en pro­fon­deur de la struc­ture syn­di­cale, en don­nant la place aux orga­ni­sa­tions libres et auto­nomes des tra­vailleurs qui orientent, qui main­tiennent les grèves, et se res­pon­sa­bi­lisent de ces der­nières4. » Le juriste pré­sente dans toute la presse les usines comme des espaces où règne le chaos. Les grèves assem­bléistes sont qua­li­fiées de « sau­vages » car elles échappent aux canaux de la repré­sen­ta­tion syn­di­cale fran­quiste et ne sont pas enca­drées par les orga­ni­sa­tions de l’opposition — ce qui inquiète la bour­geoi­sie. Pour lui, l’unique moyen de mettre fin à cette situa­tion consiste à pro­mou­voir les cadres du syn­di­ca­lisme anti­fran­quiste afin de neu­tra­li­ser les luttes auto­nomes, dont la plus emblé­ma­tique est celle qui a eu lieu à Vitoria-Gasteiz, au Pays basque, entre jan­vier et mars 1976. Dans ses Mémoires, Manuel Fraga, ministre de l’Intérieur en 1976, décrit la grève géné­rale de Vitoria comme une mobi­li­sa­tion de nature révo­lu­tion­naire, com­pa­rable au Soviet de Petrograd de 1917. Le ton alar­miste qu’il emploie lorsqu’il décrit la « folie » des gré­vistes révèle la crainte de la dic­ta­ture face au mou­ve­ment ouvrier auto­nome. Cette crainte est éga­le­ment par­ta­gée, comme on l’a dit, par l’opposition démo­cra­tique, laquelle redoute le déve­lop­pe­ment d’un mou­ve­ment ouvrier auto­nome capable de remettre en cause son hégé­mo­nie et, dès lors, de l’isoler politiquement.

À l’inverse des mobi­li­sa­tions ouvrières et popu­laires qui ont lieu à la même période dans la capi­tale espa­gnole et en Catalogne, la grève géné­rale de Vitoria n’est pas contrô­lée par les orga­ni­sa­tions syn­di­cales anti­fran­quistes5. À Madrid, par exemple, l’opposition démo­cra­tique — et ses relais syn­di­caux — a pesé de tout son poids pour évi­ter la construc­tion d’une grève géné­rale en pri­vi­lé­giant des grèves sec­to­rielles, ceci afin de res­treindre l’intensité de la mobi­li­sa­tion. Au Pays basque, cette stra­té­gie se heurte à leur manque d’implantation. En jan­vier 1976, dans un contexte où l’ensemble du monde ouvrier espa­gnol lutte pour de meilleures condi­tions de tra­vail, et contre le régime fran­quiste, les mili­tants de la Coordination ouvrière de Vitoria (COV) ini­tient grèves, occu­pa­tions d’usines et mani­fes­ta­tions, fon­dées sur la sou­ve­rai­ne­té des assem­blées et sur l’élection de repré­sen­tants aux man­dats impé­ra­tifs et révo­cables à tout moment.

[Joan Miró]

Comme dans l’ensemble des zones indus­tria­li­sées du pays, le conflit a pour ori­gine la révi­sion des conven­tions col­lec­tives et évo­lue à tra­vers l’incorporation de reven­di­ca­tions poli­tiques. Entre le 9 et le 26 jan­vier 1976, la mobi­li­sa­tion (dont per­sonne n’avait envi­sa­gé qu’elle serait si longue et si mas­sive) s’est éten­due à 6 250 ouvriers des sept grandes usines et des trois usines moyennes de Vitoria. Soit près de deux tiers de l’en­semble des ouvriers. Elle se fonde sur l’as­sem­bléisme et l’au­to­no­mie, pra­tiques de démo­cra­tie ouvrière menant à l’é­la­bo­ra­tion d’un véri­table conseil ouvrier. Celui-ci inclut, via l’ar­ti­cu­la­tion de divers types d’as­sem­blées, non seule­ment l’en­semble des usines métal­lur­giques de la ville, mais aus­si les quar­tiers popu­laires enga­gés dans le conflit. Les assem­blées d’usines se déroulent quo­ti­dien­ne­ment. Soit sur les sites de pro­duc­tion lorsque ceux-ci sont occu­pés par les gré­vistes, soit dans les églises alen­tours lorsque le patro­nat pro­cède à des lock-out6. Ces assem­blées sont déci­sion­nelles : aucun accord sur l’évolution de la grève et ses moda­li­tés d’action ne peut être pris sans la déci­sion des assem­blées d’usines. C’est en leur sein que les ouvriers élisent leurs man­da­tés qui for­me­ront ensuite des Commissions repré­sen­ta­tives, qui elles-mêmes dési­gne­ront la Coordination des com­mis­sions repré­sen­ta­tives (CCR). On compte éga­le­ment des assem­blées com­munes (asam­bleas de conjun­to) réunis­sant les gré­vistes des usines en lutte et les habi­tants des quar­tiers popu­laires. Elles se tiennent deux fois par semaine et ras­semblent plu­sieurs mil­liers de personnes.

« La mobi­li­sa­tion se fonde sur l’as­sem­bléisme et l’au­to­no­mie, pra­tiques de démo­cra­tie ouvrière menant à l’é­la­bo­ra­tion d’un véri­table conseil ouvrier. »

Ce fonc­tion­ne­ment assem­bléiste se ren­force à mesure que la répres­sion poli­cière et patro­nale s’intensifie. Du côté du patro­nat, on refuse de recon­naître la léga­li­té des assem­blées — ce qui se tra­duit par un sur­saut de radi­ca­li­té ouvrière. Du côté de la police, la répres­sion des mani­fes­tants s’accompagne de rap­ports pour le gou­ver­neur civil qui mettent en avant la trans­for­ma­tion du mou­ve­ment ouvrier : à l’origine pure­ment reven­di­ca­tif, celui-ci est deve­nu une mobi­li­sa­tion popu­laire au sein de laquelle la « nébu­leuse d’extrême gauche » a conduit la mobi­li­sa­tion à la grève géné­rale. Durant ces deux mois de mobi­li­sa­tion, les occu­pa­tions d’usines et les assem­blées ouvrières et popu­laires sont effec­ti­ve­ment à l’initiative de plu­sieurs démons­tra­tions de force — notam­ment lorsque, le 16 février, puis le 23 et enfin le 3 mars, une mul­ti­tude de pro­tes­ta­taires orga­nisent des mani­fes­ta­tions à dif­fé­rents endroits de la ville pour conver­ger ensuite dans le centre en une marche unitaire.

Lors de cette der­nière jour­née de grève géné­rale, le 3 mars, les mani­fes­ta­tions par­ties des quar­tiers péri­phé­riques se réunissent dans le centre-ville. 18 000 mani­fes­tants font face à la police armée en blo­quant les routes, en éri­geant des bar­ri­cades et en se défen­dant par des jets de pierre et de cock­tails Molotov. À 17 heures, une assem­blée com­mune est pré­vue dans l’église de San Francisco. Alors qu’en­vi­ron 5 000 per­sonnes se trouvent à l’intérieur de l’édifice, 7 000 mani­fes­tants conti­nuent d’affronter la police qui leur bloque l’accès. Cette der­nière décide alors d’évacuer le bâti­ment reli­gieux en lan­çant des gre­nades lacry­mo­gènes par les fenêtres, pro­vo­quant la panique des gré­vistes : au moment de leur éva­cua­tion, la police tire à balles réelles, pro­vo­quant une cen­taine de bles­sés (dont 20 griè­ve­ment), et la mort de cinq tra­vailleurs en grève.

[Joan Miró]

Le len­de­main, les ouvriers pour­suivent la lutte et résistent aux attaques de la police, laquelle tente de dis­soudre la tenue d’assemblées. Dans les jours qui suivent, les évé­ne­ments se pré­ci­pitent. Le 5 mars, envi­ron 70 000 tra­vailleurs, femmes, étu­diants, etc., assistent aux funé­railles des ouvriers tués par les forces de l’ordre. Le lun­di 8 mars, une grève géné­rale est orga­ni­sée par un ensemble d’assemblées d’usines et de quar­tiers à tra­vers tout le Pays basque et la Navarre : 600 000 tra­vailleurs des­cendent dans la rue pour exi­ger la dis­so­lu­tion des corps de police armée et un pro­cès pour les cou­pables de la tue­rie. La police tue à nou­veau deux mani­fes­tants ; elle arrête puis tor­ture les prin­ci­paux lea­ders ouvriers de Vitoria, qui sont par la suite empri­son­nés. Cette situa­tion pro­voque la panique du patro­nat : il parle d’une situa­tion « pré-révo­lu­tion­naire » et cède dès lors aux reven­di­ca­tions ouvrières, notam­ment la réad­mis­sion de tous les tra­vailleurs licen­ciés au cours du conflit ain­si que la réou­ver­ture de négo­cia­tions avec les usines en grève. Même les patrons les plus intran­si­geants flé­chissent. Dans les grandes entre­prises métal­lur­giques de Vitoria-Gasteiz, les reven­di­ca­tions sala­riales sont satis­faites et les repré­sen­tants élus par l’assemblée recon­nus. Par ailleurs, la répres­sion du 3 mars appa­raît comme l’événement clef qui pré­ci­pi­te­ra à la fois la chute du gou­ver­ne­ment de Carlos Arias Navarro et l’union des forces de l’opposition démocratique.

« 600 000 tra­vailleurs des­cendent dans la rue pour exi­ger la dis­so­lu­tion des corps de police armée et un pro­cès pour les cou­pables de la tuerie. »

Cette chute, en juillet 1976, n’empêche en rien l’extension de la colère ouvrière. Le nou­veau gou­ver­ne­ment pré­si­dé par Adolfo Suárez com­prend — comme une majo­ri­té de réfor­mistes fran­quistes qu’il repré­sente — que le chan­ge­ment poli­tique est inévi­table : il faut cette fois pro­cé­der au déman­tè­le­ment des ins­ti­tu­tions dic­ta­to­riales, accé­der à une par­tie des reven­di­ca­tions poli­tiques de l’op­po­si­tion, tout en jouant la carte de la divi­sion entre le PSOE et le PCE. Dans le même temps, ces deux par­tis s’unissent au sein d’une même struc­ture : l’opposition com­prend que la radi­ca­li­té du mou­ve­ment ouvrier consti­tue une entrave à la construc­tion d’un mou­ve­ment inter­clas­siste qui réuni­rait monde des usines, petite bour­geoi­sie et classes moyennes. Cette volon­té de res­treindre l’action ouvrière à une force de pres­sion poli­tique afin de peser lors des négo­cia­tions avec le pou­voir fran­quiste, se tra­duit par la subor­di­na­tion du mou­ve­ment ouvrier à l’action de l’opposition démocratique.

Domestication et criminalisation du mouvement ouvrier autonome

Entre 1976 et 1977, le mou­ve­ment ouvrier conti­nue à se mobi­li­ser dans plu­sieurs régions d’Espagne dans divers sec­teurs (métal­lur­gie, bâti­ment, indus­trie chi­mique, trans­ports publics). Ces mobi­li­sa­tions sont tou­jours orga­ni­sées à par­tir d’assemblés sou­ve­raines et déci­sion­nelles. L’intensité et la pour­suite du cycle d’action pro­tes­ta­taire dérange le gou­ver­ne­ment de Suárez dans sa volon­té de nor­ma­li­ser le champ social afin d’en­ga­ger des réformes struc­tu­relles. Pour y mettre un terme, il invite les cen­trales syn­di­cales dès le mois d’août dans le but de trou­ver des voies de sor­tie à cette situa­tion explo­sive. Lors de ces ren­contres, le gou­ver­ne­ment laisse entendre qu’il sou­haite geler toutes les négo­cia­tions sur les conven­tions col­lec­tives afin de mettre un coup d’arrêt aux grèves. Contre cette voie auto­ri­taire les CCOO7 répondent : « Cela pour­rait créer une situa­tion exces­si­ve­ment conflic­tuelle que nous-mêmes ne pour­rions contrô­ler et ce jusqu’à ce que les lea­ders du mou­ve­ment syn­di­cal n’en puissent plus8. » Pour le syn­di­cat, la radi­ca­li­sa­tion du mou­ve­ment ouvrier s’explique en pre­mier lieu par le degré éle­vé de poli­ti­sa­tion des grèves. Pour y mettre fin, les diri­geants syn­di­caux pro­posent de pro­mul­guer les liber­tés démo­cra­tiques, ce qui per­met­tra de dépo­li­ti­ser les pro­tes­ta­tions : « C’est pré­ci­sé­ment le manque de liber­tés qui a inten­si­fié les conflits, qui les ral­longe, qui intro­duit la poli­tique au sein des entre­prises alors qu’elle devrait avoir un autre espace. Beaucoup de conflits sont dra­ma­tiques à cause de ques­tions poli­tiques qui devraient être posées dans un autre endroit9. »

[Joan Miró]

Cet argu­men­taire révèle chez l’op­po­si­tion une volon­té de dépo­li­ti­ser le mou­ve­ment ouvrier afin de cir­cons­crire son action à des ques­tions sala­riales et éco­no­miques. Elle doit donc peser de tout son poids pour trans­for­mer les pla­te­formes de reven­di­ca­tions. C’est ce que font les prin­ci­pales cen­trales syn­di­cales qui s’unissent au sein d’une même struc­ture, la Coordination des orga­ni­sa­tions Syndicales (COS), qui lance au deuxième semestre 1976 une cam­pagne contre un décret gou­ver­ne­men­tal qui attaque les droits des tra­vailleurs. Les cen­trales syn­di­cales com­prennent qu’elles se font débor­der sur leur gauche par les frac­tions révo­lu­tion­naires et assem­bléistes du mou­ve­ment ouvrier lors de conflits à l’échelle régio­nale ou locale. Dès lors, mal­gré leur concur­rence et leur volon­té d’hé­gé­mo­nie dans le nou­veau champ syn­di­cal en construc­tion, elles s’unissent au sein d’une même struc­ture, la Coordination des orga­ni­sa­tions syn­di­cales (COS), pour construire une mobi­li­sa­tion natio­nale : le cadre est défa­vo­rable à l’autonomie ouvrière ; elle peine à se coor­don­ner au niveau natio­nal. La grève géné­rale de 24 heures lan­cée par la COS le 12 novembre, avec pour seul mot d’ordre le retrait du décret, consti­tue une rup­ture avec les mobi­li­sa­tions du début de l’année. Elle per­met de mon­trer au pou­voir que les cen­trales sont à la tête du mou­ve­ment ouvrier, ce der­nier se mon­trant dis­ci­pli­né et conver­tible en force de pres­sion aux mains de l’op­po­si­tion, dans le cadre des négo­cia­tions avec le gou­ver­ne­ment franquiste.

« Les gré­vistes ont dû non seule­ment com­battre la répres­sion poli­cière et patro­nale, mais éga­le­ment les manœuvres des diri­geants syndicaux. »

Les grèves assem­bléistes et auto­nomes per­sistent pour­tant tout au long de l’année 1977. La mobi­li­sa­tion des ouvriers de l’usine Roca en Catalogne entre novembre 1976 et février 1977, celle du bâti­ment dans les Asturies au prin­temps 1977 ou celle des cor­don­niers dans la pro­vince d’Alicante en août et sep­tembre, sont autant d’exemples qui témoignent de la volon­té du mou­ve­ment ouvrier de ne pas se lais­ser repré­sen­ter ni de voir ses objec­tifs défi­nis par des cen­trales qui veulent frei­ner les luttes sociales. Dans tous ces conflits, les gré­vistes ont dû non seule­ment com­battre la répres­sion poli­cière et patro­nale, mais éga­le­ment les manœuvres des diri­geants syn­di­caux qui ont tout fait pour court-cir­cui­ter le fonc­tion­ne­ment hori­zon­tal des grèves. Le pou­voir a conscience qu’il doit ini­tier une « tran­si­tion syn­di­cale » afin de déman­te­ler les struc­tures du syn­di­ca­lisme fran­quiste et favo­ri­ser l’instauration de nou­velles normes de repré­sen­ta­tions sala­riales capable, entre autres, de mar­gi­na­li­ser l’assembléisme ouvrier. Des réformes sont ini­tiées tout au long de l’année 1977, à tra­vers des réunions entre les prin­ci­paux syn­di­cats et l’État. Mais c’est avec la signa­ture des pactes de la Moncloa en octobre 1977 que s’ouvre une nou­velle séquence poli­tique carac­té­ri­sée par une perte de vitesse des mobi­li­sa­tions auto­nomes. Ces accords, de nature libé­rale, ont pour effet de géné­ra­li­ser les contrats à durée déter­mi­née et de faci­li­ter les licen­cie­ments des tra­vailleurs. Ils répondent en cela aux exi­gences du patro­nat et attaquent les droits acquis par la classe ouvrière en 1976. Ces pactes sont aus­si l’occasion d’une mise en scène autour du chef de l’État et de l’unité natio­nale, fon­dée sur un « dis­cours du consen­sus » qui se tra­duit par le dis­cré­dit d’une grande par­tie du réper­toire ouvrier d’action col­lec­tive. C’est à par­tir de ce dis­cours, qui montre la démo­cra­tie fon­dée sur des valeurs de civisme, de dia­logue et de res­pon­sa­bi­li­té, que les piquets de grève ou encore les occu­pa­tions d’usines sont pré­sen­tés comme autant de pra­tiques anti-démo­cra­tiques et ana­chro­niques : « L’assembléisme refuse de com­prendre que son époque héroïque de lutte contre le syn­di­ca­lisme fran­quiste est révo­lue. Il doit y avoir d’autres pro­ta­go­nistes à pré­sents, les syn­di­cats libres10. »

L’assembléisme, légi­ti­mé autre­fois par le com­bat anti­fran­quiste, est à pré­sent invi­té à quit­ter la scène du théâtre démo­cra­tique. Ce dis­cré­dit s’accompagne aus­si de la pro­mo­tion du syn­di­ca­lisme coges­tion­naire et se tra­duit par l’instauration de nou­velles normes de repré­sen­ta­tion sala­riale dans les usines. La tenue des élec­tions syn­di­cales fin 1977 et début 1978, puis la mise en place de comi­tés d’entreprise qui assignent l’assemblée à un rôle d’information et non plus de déci­sion, per­mettent aux deux syn­di­cats majo­ri­taires — CCOO et UGT11 — d’assoir leur hégé­mo­nie et leur mono­pole de la repré­sen­ta­tion sociale. Ce pro­ces­sus de nor­ma­li­sa­tion de la repré­sen­ta­tion ouvrière conduit à la mar­gi­na­li­sa­tion des résis­tances auto­nomes. En effet, depuis les élec­tions légis­la­tives de juin, la loi d’amnistie d’octobre 1977 et la signa­ture des pactes de la Moncloa, le dis­cours du consen­sus par­ti­cipe à dis­cré­di­ter les conflits de classe fon­dés sur l’assembléisme, dont les actions col­lec­tives, accu­sées de fomen­ter la vio­lence et por­tées par une logique d’affrontement, seraient contraires à l’instauration d’une convi­via­li­té paci­fique. Dès lors, les grèves qui, sous le fran­quisme, étaient répri­mées au nom de la « sub­ver­sion », sont à pré­sents cri­mi­na­li­sées au nom de « la démo­cra­tie ». Cette inver­sion dis­cur­sive est menée grâce à la mise en place de nou­velles moda­li­tés de repré­sen­ta­tion sala­riale dans les usines, mais s’instaure éga­le­ment par une ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la vio­lence terroriste.

[Joan Miró]

C’est que l’Espagne des années 1978–1979 se carac­té­rise par une recru­des­cence d’at­ten­tats. Ils par­ti­cipent à ali­men­ter l’image d’une démo­cra­tie atta­quée de toute part12. Les dis­cours publics pro­duisent ain­si des ana­lyses fon­dées sur une natu­ra­li­sa­tion de la vio­lence, dans les­quelles un atten­tat ter­ro­riste ou un piquet de grève sont per­çus comme deux moda­li­tés d’action sui­vant une même logique : atta­quer la démo­cra­tie. Dès lors, le dis­cours du consen­sus agit direc­te­ment comme une injonc­tion à se com­por­ter de façon « res­pon­sable », en pri­vi­lé­giant dia­logue et civisme. Quelques années après la mort du dic­ta­teur, les dis­cours domi­nants contri­buent à balayer tout sou­ve­nir de la résis­tance anti­fran­quiste et à assi­gner les ouvriers à leur propre tâche. Ces der­niers n’auraient ni la légi­ti­mi­té ni les com­pé­tences pour s’occuper de poli­tique. Se construisent alors les nou­velles figures sociales du désordre : après l’ennemi inté­rieur rouge sous le fran­quisme, et avant la figure de l’ennemi ter­ro­riste basque à par­tir des années 1980, c’est celle de l’ouvrier/délinquant qui est pri­vi­lé­giée, dis­cré­di­tant par là même les luttes ouvrières et ren­voyant à la marge toute forme de résistance.

Démocratie ouvrière et démocratie libérale

D’après Jacques Rancière, la démo­cra­tie consiste en un ren­ver­se­ment sin­gu­lier de l’ordre des choses : ceux qui ne seraient pas des­ti­nés à s’oc­cu­per des affaires com­munes, s’en mêlent et s’y adonnent pour­tant13. La démo­cra­tie se tra­duit alors par l’é­mer­gence de « paroles en excès ». Ces paroles, dans l’Espagne des années 1970, sont por­tées par la classe ouvrière. Ses pra­tiques de démo­cra­tie directe, auto­nomes et assem­bléistes, ain­si que ses reven­di­ca­tions poli­tiques, ont mis en dan­ger l’établissement d’une démo­cra­tie libé­rale où les citoyens sont assi­gnés à demeu­rer spec­ta­teurs de l’ac­tion par­le­men­taire. La crainte des classes domi­nantes de voir les masses popu­laires et ouvrières s’auto-organiser a conduit à l’union des par­tis et des syn­di­cats de l’opposition. Ces der­niers, en aban­don­nant leur stra­té­gie de rup­ture, ini­tient alors un pro­ces­sus négo­cié de chan­ge­ment poli­tique avec les réfor­mistes fran­quistes. Dans les usines, cette stra­té­gie de nor­ma­li­sa­tion se tra­duit, entre 1976 et 1978, par l’instauration d’une « tran­si­tion syn­di­cale » avec de nou­velles moda­li­tés de repré­sen­ta­tion. Dans ce dis­po­si­tif, l’assemblée n’est plus l’espace poli­tique de la grève mais se conver­tit en un ins­tru­ment au ser­vice du syn­di­ca­lisme coges­tion­naire, assi­gnée à un unique rôle d’in­for­ma­tion. Et, dans le même temps, le dis­cours du consen­sus par­ti­cipe à dis­cré­di­ter les conflits de classes tout en les cri­mi­na­li­sant : s’en­suit une mar­gi­na­li­sa­tion des luttes. Luttes qui, aujourd’hui encore, consti­tuent un hors-champ dans les récits triom­phants de la tran­si­tion espagnole.


Illustrations de ban­nière et de vignette : Joan Miró


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  1. Le terme de tran­si­tion désigne la séquence poli­tique qui sépare la mort du dic­ta­teur Franco en novembre 1975 de la vic­toire du PSOE aux élec­tions légis­la­tives de 1982. Elle se carac­té­rise par le pas­sage gra­duel et négo­cié, entre réfor­mistes fran­quistes et par­tis de l’opposition démo­cra­tique, d’un régime dic­ta­to­rial vers un régime par­le­men­taire.[]
  2. En 1976, 1 568 grèves sont recen­sées pour 3 639 000 gré­vistes et 13 572 000 heures de tra­vail per­dues. Ces chiffres ne fai­blissent pas les années sui­vantes car en 1977 on recense tou­jours 1 194 grèves (pour 2 956 000 gré­vistes) et 1 128 grèves en 1978 (avec 3 864 000 gré­vistes). Source : Anuarios de estadís­ti­cas labo­rales y de asun­tos sociales, Ministerio del Trabajo y Seguridad social, cité dans, Garcia, M.A, « Las huel­gas labo­rales en el esta­do español. Tendencias, moti­vos, dis­tri­bu­ción y convo­cantes », Arxius, 18, p. 93–117.[]
  3. Julio Sanz Oller, La lar­ga mar­cha del movi­mien­to obre­ro español hacia su auto­nomía, Barcelone, mai 1972.[]
  4. Juan Antonio Sagardoy Bengoechea, « Actualmente todas las huel­gas son sal­vajes », El País, 13/05/1976.[]
  5. À Madrid et en Catalogne, les délé­gués syn­di­caux des CCOO qui ont rem­por­té les élec­tions syn­di­cales fran­quistes en juin 1975 ont été dési­gnés, dans de nom­breux sec­teurs, comme repré­sen­tants des gré­vistes. La coop­ta­tion de la repré­sen­ta­tion ouvrière leur ont per­mis de neu­tra­li­ser la radi­ca­li­té des luttes tout en œuvrant à frei­ner la construc­tion de grèves géné­rales au pro­fit de grèves sec­to­rielles.[]
  6. Ou grève patro­nale. Fermeture pro­vi­soire d’une entre­prise, déci­dée par l’employeur.[]
  7. En juillet 1976, une assem­blée de 650 délé­gués des CCOO donne une écra­sante vic­toire à la ligne défen­due par le PCE. Cela se tra­duit par le pas­sage du mou­ve­ment socio-poli­tique, dans lequel les bases avaient une rela­tive liber­té, à celui de syn­di­cat, qui ins­taure une struc­tu­ra­tion ver­ti­cale de l’or­ga­ni­sa­tion. Le but : écar­ter les ten­dances conseillistes et mar­xistes-léni­nistes. Bien que les CCOO se pré­sente comme une orga­ni­sa­tion de classe et de lutte, dès le deuxième semestre 1976, elles consti­tuent la cour­roie de trans­mis­sion de la stra­té­gie de la « réforme pac­tée » choi­sie par le PCE.[]
  8. Nicolas Sartorius, « Conversación con un minis­tro », Triunfo, 18/09/1976.[]
  9. Ibid.[]
  10. « El radi­ca­lis­mo asam­blea­rio », Diario 16, 27/09/1977.[]
  11. Contrairement aux CCOO, qui s’appuient sur leur héri­tage assem­bléiste et gardent une pos­ture de syn­di­cat de lutte, l’Union géné­rale des tra­vailleurs (UGT), qua­si-grou­pus­cu­laire en 1976, par­vient rapi­de­ment à deve­nir la seconde force espa­gnole grâce à l’aide finan­cière du SPD alle­mand et de la puis­sante fon­da­tion Ebert. Ce sou­tien finan­cier et logis­tique leur per­met de concur­ren­cer les CCOO et de construire une stra­té­gie basée sur une col­la­bo­ra­tion étroite avec le patro­nat.[]
  12. En 1978, l’or­ga­ni­sa­tion Euskadi ta Askatasuna (ETA) assas­sine 31 per­sonnes et réa­lise 25 atten­tats entre début octobre et décembre, mois où se tient le réfé­ren­dum pour l’approbation de la Constitution. De plus, l’extrême droite est res­pon­sable d’une tren­taine d’ac­tions par­mi les­quelles des agres­sions envers des mili­tants ou jour­na­listes. Enfin, quelques mili­taires pro­je­taient un coup d’État et pré­voyaient la prise d’as­saut du Palais de la Moncloa. Ces actions ter­ro­ristes s’accompagnent de l’intégration de mesures d’exceptions dans le droit pénal et par­ti­cipent à la cri­mi­na­li­sa­tion de toute action col­lec­tive, au nom du main­tien de l’ordre. Voir Sophie Baby, Le mythe de la Transition paci­fique. Violence et poli­tique en Espagne (1975–1982), Casa de Velázquez, 2012.[]
  13. Jacques Rancière, La haine de la démo­cra­tie, La fabrique, 2005.[]

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