Les identités de frontières de Gloria Anzaldúa


Semaine « Les identités-frontières de Gloria Anzaldúa »

Gloria Anzaldúa est née au Texas en 1942, à la fron­tière du Mexique. On la connaît notam­ment, outre-Atlantique, pour l’ou­vrage cho­ral1 qu’elle a copu­blié en 1982 : la pre­mière grande tri­bune des poè­tesses fémi­nistes non-blanches. Fille d’ou­vrier, la théo­ri­cienne chi­ca­na du « mes­ti­zaje » (« métis­sage ») et de la pen­sée queer n’a eu de cesse de tra­vailler ses concepts à même la ligne de démar­ca­tion qui sépa­rait ces deux États fron­ta­liers : une ligne comme une « bles­sure », disait-elle. Anzaldúa a fait le choix, alors contro­ver­sé, d’une écri­ture où se mélangent toutes ses langues : l’es­pa­gnol, le nahuatl uto-aztèque et l’an­glais. Exilée dans son propre pays, car trop mexi­caine ; exi­lée au sein des luttes de sa com­mu­nau­té, car les­bienne et fémi­niste ; exi­lée des champs d’é­tudes fémi­nistes éta­su­niens, car trop proche de sa culture fami­liale : Gloria Anzaldúa, dis­pa­rue en 2004, s’est employée à pen­ser la créa­tion d’es­paces à même de for­ti­fier ces vécus et ces iden­ti­tés com­po­sites. Nous avons publié un por­trait d’elle dans notre der­nier numé­ro papier ; nous pro­lon­geons ce texte par une semaine thé­ma­tique qui lui sera ici consa­crée : com­ment appré­hen­der la ques­tion des appar­te­nances à par­tir de son œuvre, encore mécon­nue dans l’es­pace fran­co­phone ? Pour com­men­cer, la tra­duc­tion d’un texte qu’elle a écrit en 1992.


Le XXIe siècle est à nos portes et nous voi­ci confronté·es à un retour de bâton et à une sérieuse régres­sion au sein même des ins­ti­tu­tions du savoir. De plus en plus de groupes de haine font leur retour — à l’ins­tar du Ku Klux Klan, des néo­na­zis et autres supré­ma­cistes. Les alliés de la supré­ma­tie blanche, la droite, les avo­cats des « valeurs fami­liales » et les élites uni­ver­si­taires ont ren­du le cli­mat poli­tique pro­pice aux néo­con­ser­va­teurs qui accusent les « mul­ti­cul­tu­ra­listes » de diluer l’i­den­ti­té natio­nale, de faire bais­ser le niveau des canons lit­té­raires et d’of­frir aux per­sonnes de cou­leur, aux ouvrier·es, aux homo­sexuels et aux les­biennes un contrôle hégé­mo­nique. Une vague mul­ti­cul­tu­relle enva­hi­rait les cam­pus, dénoncent-ils […]. Lorsque quelques-uns d’entre nous cri­tiquent le racisme ou l’ho­mo­pho­bie des ins­ti­tu­tions ils s’a­gitent en nous mon­trant du doigt, non sans hur­ler au « poli­ti­que­ment cor­rect » — un terme qui a bonne presse à droite — pour faire taire les voix dissidentes.

« Nous — femmes de cou­leur, per­sonnes issues de la classe ouvrière et homosexuel·les — refu­sons en bloc que nos his­toires, nos récits et nos théo­ries se trouvent pillés, soient ren­dus invi­sibles ou uti­li­sés contre nous. »

La réa­li­té du mul­ti­cul­tu­ra­lisme désta­bi­lise les hommes blancs et met à mal leurs habi­tudes en ouvrant la voie à d’autres his­toires et d’autres points de vue. Il dérègle le récit offi­ciel fan­tai­siste qui a domi­né l’his­toire de ce pays, brise le fan­tasme d’une nation mono­cul­tu­relle et inter­roge l’his­toire colo­niale du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, non seule­ment de l’in­té­rieur mais aus­si en poin­tant du doigt ce qu’il com­met à l’ex­té­rieur de ses fron­tières. Ce mul­ti­cul­tu­ra­lisme rejette les guerres amé­ri­caines dans le tiers-monde2 en même temps que la domi­na­tion impé­ria­liste des Amériques. Cet « Autre », nous insis­tons, ne peut être mis dans un même panier, les pro­blèmes écar­tés d’un revers de main, les dif­fé­rences effa­cées. Nous — femmes de cou­leur, per­sonnes issues de la classe ouvrière et homosexuel·les — refu­sons en bloc que nos his­toires, nos récits et nos théo­ries se trouvent pillés, soient ren­dus invi­sibles ou uti­li­sés contre nous. Nous résis­tons aux ten­ta­tives néo­con­ser­va­trices d’in­ver­sion du pou­voir, les­quelles s’é­ver­tuent à nous dire soi-disant puis­sants, et eux impuis­sants. Cette idée raciste ignore les voix de ceux qui com­posent la colonne ver­té­brale du patri­moine des États-Unis. Quelques dis­ci­plines — on pense aux études fémi­nistes, aux études eth­niques, à cer­tains seg­ments des études amé­ri­caines et lati­no-amé­ri­caines — sont ouvertes d’es­prit et récep­tives à d’autres manières de voir, et sont éga­le­ment poreuses à la lit­té­ra­ture des per­sonnes non-blanches. Mais force est de consta­ter que la plu­part des admi­nis­tra­tions res­tent fer­me­ment cam­pées sur leurs posi­tions. Ils pos­sèdent le pou­voir depuis la créa­tion de ce pays, et n’en­tendent pas l’a­ban­don­ner faci­le­ment. Au milieu de ces attaques d’un autre âge, les per­sonnes de cou­leur, les ouvriers et les Blanc·hes pro­gres­sistes de l’Académie conti­nuent de lut­ter avec achar­ne­ment pour faire de leurs iden­ti­tés plu­rielles un miroir du vrai visage des États-Unis — un visage qui assu­me­rait son aspect mélan­gé, hybride et métissé.

À la fois ensei­gnante et écri­vaine mes­ti­za3 [métisse] issue de plu­sieurs cultures, je suis éga­le­ment gouine Chicana Tejana [texane] issue d’un milieu ouvrier. Impliquée dans la lutte anti­co­lo­niale qui s’op­pose à l’as­si­mi­la­tion de nos lit­té­ra­tures, je reven­dique un espace lin­guis­tique qui implique ma langue et mon his­toire per­son­nelle. Les fémi­nistes métisses comme moi cherchent des moyens de trans­for­mer les pra­tiques péda­go­giques et ins­ti­tu­tion­nelles afin qu’elles reflètent la diver­si­té des per­sonnes et puissent pro­té­ger les étudiant·es de cou­leur, les homo­sexuels et les les­biennes contre la vio­lence raciste et hété­ro­sexiste. Les femmes de cou­leur et les ouvrier·es ont été à l’a­vant-garde de ce mou­ve­ment avant même que le terme « mul­ti­cul­tu­rel » ne soit lar­ge­ment repris. Nous avons for­mu­lé la néces­si­té de créer des champs d’é­tudes qui nous repré­sentent, reven­di­qué des approches péda­go­giques qui ne nous réduisent pas au silence et exi­gé des bourses qui puissent ques­tion­ner les hié­rar­chies du pou­voir en place. Nous tenions à ce que nos his­toires, nos connais­sances, nos regards soient accep­tés et vali­dés non seule­ment dans les uni­ver­si­tés mais éga­le­ment dès la pri­maire, le col­lège et le lycée. Les racines d’une édu­ca­tion mul­ti­cul­tu­relle se trouvent dans les expé­riences vécues, au sein des luttes des femmes de cou­leur et dans celles des ouvriers comme des ouvrières. Non pas que d’autres n’aient pas tra­vaillé en ce sens, mais nous sommes présent·es depuis le début, conscient·es que l’ap­pren­tis­sage dépend de la consi­dé­ra­tion de tous les points de vue — ceux des per­sonnes blanches, des per­sonnes de cou­leur, des per­sonnes métis­sées — tout en s’ins­pi­rant de las len­guas [des langues] de nos peuples. […]

[Maya Mihindou | Ballast]

Nous conju­guons notre expé­rience poli­tique au pré­sent ; rai­son pour laquelle nous nous méfions de la manière dont des concepts tels que « mul­ti­cul­tu­ra­lisme », « alté­ri­té » et « diver­si­té » peuvent être tra­duits. Ces termes sont et ont été uti­li­sés contre nous, vidés de leur puis­sance et ren­dus « neutres », dépouillés de leur poten­tiel d’é­man­ci­pa­tion. L’agenda poli­tique se réduit à des efforts de sur­face — une cui­sine inter­na­tio­nale, des vête­ments eth­niques et des halls d’en­tre­prises et d’aé­ro­ports déco­rés de cou­leurs et d’œuvres d’art indi­gènes. […] La diver­si­té est consi­dé­rée comme un petit plus qui ne per­turbe aucune zone de confort. Elle n’est plus qu’une note de bas de page ou une annexe dans le psy­chisme des gens. Nos cultures, nos langues, nos réflexions et nos pro­duc­tions artis­tiques sont caté­go­ri­sées, trans­for­mées en pro­duits com­mer­ciaux ou en contes exo­tiques sans lien avec la réalité. […]

« La diver­si­té est consi­dé­rée comme un petit plus qui ne per­turbe aucune zone de confort. Elle n’est plus qu’une note de bas de page ou une annexe dans le psy­chisme des gens. »

Mestiza, qui est en réa­li­té un terme ancien, est un mot qui parle de nos tra­ver­sées com­munes en tant que per­sonnes hybrides. J’ai vou­lu inves­tir ce mot car il est plus inclu­sif qu’un mes­ti­zaje sim­ple­ment racial. La plu­part des Chican@s4, des Latin@s, des Asiatiques et des Amérindiens sont de sang-mêlé. Moitié chicano/moitié blanc, moi­tié japonais/moitié blanc, et ain­si de suite. Cet autre racial, ou « nos/otras« 5 — un mot que j’ai divi­sé volon­tai­re­ment pour lais­ser voir que « nous » est à la fois for­mé de nous et des autres —, creuse les mots qui révèlent nos héri­tages. La nou­velle mes­ti­za est un sym­bole qui fra­gi­lise l’hé­gé­mo­nie […], qui brise les labels théo­riques uti­li­sés pour nous mani­pu­ler et nous contrô­ler […]. Percer des trous dans leurs com­par­ti­ments, dans leurs théo­ries, c’est com­men­cer à bri­ser les murs. Celles qui entrent tels des mules de Troie dans les aca­dé­mies, inté­grées par le sys­tème uni­ver­si­taire, courent le risque d’être récu­pé­rées. Retenues cap­tives entre les murs, bibe­ron­nées aux grandes théo­ries. Elles sont fati­guées que leur esprit soit occu­pé par des hommes blancs, can­sa­das de la recon­quis­ta de la mente [fati­guées par la recon­quête de leur esprit], épui­sées par cette occu­pa­tion qui leur faire perdre la tête. Elles n’en peuvent plus d’être flin­guées par la langue, par l’é­cri­ture, par les dis­cours théo­riques. Le sty­lo est une arme qui est uti­li­sée contre elles. Le sty­lo est cette arme qui fait de nous des pri­son­nières de guerre au cœur des usines de pro­duc­tion intel­lec­tuelle. Mais nous appre­nons à manier le stylo. […]

Une crise d’identité

À la tête de ces mou­ve­ments, ces nou­velles mes­ti­zas se sentent sou­vent usées par le prix qu’elles ont dû payer pour une édu­ca­tion qui ne les a pas prises en compte. La fac­ture est éle­vée pour les fémi­nistes de cou­leur, pour les cher­cheurs et cher­cheuses queer, les acti­vistes et les artistes qui pro­duisent de nou­velles connais­sances, conscient·es de pou­voir faire entrer de nou­velles repré­sen­ta­tions dans l’en­sei­gne­ment supé­rieur. Nous, métisses de plu­sieurs cultures, savons bien ce qu’il en coûte de fran­chir les fron­tières, nous connais­sons les dan­gers mais ne ces­sons jamais de tra­ver­ser ces lignes de feu. Chicana teja­na, pat­lache, mujer del nue­vo mun­do [Chicana texane, les­bienne, femme du nou­veau monde], je suis fati­guée d’être la voix contre-éman­ci­pa­trice, fati­guée d’être le retour du refou­lé, la femme sym­bo­lique aux traits amé­rin­diens. Les États-Unis sont en pleine crise d’i­den­ti­té. Les conservateur·trice·s vou­draient que l’en­sei­gne­ment supé­rieur reste une ins­ti­tu­tion euro-anglo6. Ils veulent gar­der un pays euro-anglo, agran­dir le monde euro-anglo, impé­ria­li­ser le tiers-monde. Mais notre pré­sence rend com­plexe leur hégé­mo­nie. Car nous disons : « Yo tam­bién soy America. » [« Moi aus­si je suis l’Amérique »] L’Amérique ne s’ar­rête pas aux fron­tières mexi­caines et cana­diennes : elle englobe l’Amérique du Nord, l’Amérique cen­trale, l’Amérique du Sud et le Canada. Il ne faut plus confondre ce mot d’Amérique avec les États-Unis. Ce sont toutes ces terres ras­sem­blées, el Nuevo Mundo [le Nouveau Monde]. Mais cette crise d’i­den­ti­té ne concerne pas seule­ment les per­sonnes hété­ro­sexuelles blanches et mono­cul­tu­relles qui dénoncent l’in­va­sion du mul­ti­cul­tu­ra­lisme sur les cam­pus. La crise est éga­le­ment res­sen­tie par les métisses, par les per­sonnes de cou­leur, les femmes et les les­biennes qui habitent tant de réa­li­tés différentes. […]

[Maya Mihindou | Ballast]

Les per­sonnes métisses inté­rio­risent toutes ces concep­tions […]. Nous nous défor­mons en les subis­sant. Et par­mi nous, beau­coup se sont arra­chées de leurs com­mu­nau­té eth­niques, de leurs com­mu­nau­tés de races, de leurs com­mu­nau­tés de classes. Nous sommes en quête de termes et de manières d’être dans le monde qui ne nous détruisent pas com­plè­te­ment ni ne nous assi­milent, afin de don­ner sens à nos his­toires et d’en tirer des ensei­gne­ments pour ceux qui vien­dront après nous. […] La nou­velle mes­ti­za est dans une tour d’i­voire entou­rée de murs blancs. Il est dif­fi­cile de fran­chir la porte et beau­coup n’y par­viennent pas. Mais une fois qu’elle l’a fran­chie, elle devient une sorte de che­val de Troie, une « mule » de Troie infil­trée dans la for­te­resse, por­teuse de nou­velles idées. Cette mis­sion devient vite très lourde pour elle, car elle porte une triple res­pon­sa­bi­li­té. Celle d’é­tu­dier la culture domi­nante qu’on lui dit d’ap­prendre grâce à la bourse obte­nue. Celle de ten­ter de décou­vrir des choses en lien avec sa propre culture, de deman­der la per­mis­sion d’in­ter­ro­ger d’autres sujets, de rédi­ger des articles et de pro­po­ser de nou­veaux champs de recherche. Ses inté­rêts peuvent dépas­ser ce que lui per­met sa bourse anglaise ou amé­ri­caine. Accablée par le poids de ces tâches, elle se retrouve séduite et absor­bée par le sys­tème au lieu de le subvertir. […]

« Issue de la classe ouvrière, j’ai eu beau­coup de mal à obte­nir les avan­tages du sta­tut d’é­cri­vain. Avant ça, on m’a fait taire, on m’a ren­due invisible. »

Ces murs et ces portes closes qui entourent les champs de recherches et les bâti­ments du savoir sont conçus pour que nous n’y entrions pas et pour nous rete­nir cap­tives si nous y par­ve­nons. On demande à la métisse de gra­vir de hautes marches. Faire le lien entre les dif­fé­rentes réa­li­tés sera tolé­ré, mais vous serez seule. L’attachement à sa com­mu­nau­té pour­ra entrer en contra­dic­tion avec sa quête intel­lec­tuelle, sur­tout quand celle-ci renie l’al­té­ri­té. Mon expé­rience en est un bon exemple. Lorsque j’ai com­men­cé mes études supé­rieures, j’é­tais l’une des deux seules Chicanas du dépar­te­ment de lit­té­ra­ture com­pa­rée de l’u­ni­ver­si­té du Texas à Austin. Je me suis sen­tie iso­lée et mar­gi­na­li­sée. Quand je suis par­tie après avoir ter­mi­né mon cycle de cours, deux conseillers sont venus me rap­pe­ler que nous vivions en « Amérique » et qu’il n’exis­tait pas de lit­té­ra­ture chi­ca­na. Au début et au milieu des années 1970, les études fémi­nistes n’é­taient pas encore des sujets recon­nus par l’u­ni­ver­si­té. Je n’é­tais pas auto­ri­sée à pro­po­ser une approche mul­ti­cul­tu­relle des études fémi­nistes et de la lit­té­ra­ture chi­ca­na et espa­gnole. Pourtant, étu­dier uni­que­ment la lit­té­ra­ture amé­ri­caine-anglaise et lati­no-amé­ri­caine ne me satis­fai­sait pas. […] Aujourd’hui [en 1992, ndlr], parce que je suis une autrice publiée et une per­sonne payée pour mes confé­rences, les pro­fes­seurs m’é­coutent. Est-ce qu’ils prennent en compte ce que je dis ? C’est une autre affaire.

[…] Nous sommes des rats de biblio­thèque qui ron­geons les canons ; des ter­mites qui gri­gno­tons les fon­da­tions. C’est un com­bat de se faire une place, de chan­ger l’a­ca­dé­mie afin qu’elle n’in­va­lide, n’é­ra­dique ou n’é­crase pas les liens que nous entre­te­nons avec nos milieux d’o­ri­gines. Pour la classe ouvrière et les gens de cou­leur, cela signi­fie qu’il faut savoir bri­ser les bar­rières qui nous ont empêché·es d’en­trer dans les uni­ver­si­tés. Issue de la classe ouvrière, j’ai eu beau­coup de mal à obte­nir les avan­tages du sta­tut d’é­cri­vain. Avant ça, on m’a fait taire, on m’a ren­due invi­sible. […] Je suis pas­sée du côté des « pauvres » à celui des « nan­tis », eux que j’ai tou­jours consi­dé­rés comme des oppres­seurs. J’ai l’ha­bi­tude de tra­ver­ser beau­coup de fron­tières. Passer dans le camp des oppres­seurs fabrique une iden­ti­té com­plexe. Ce que je suis pose pro­blème. Notre ges­tion de l’argent est pro­gram­mée par notre classe d’o­ri­gine. L’endoctrinement est si pro­fon­dé­ment ancré en nous qu’il est dif­fi­cile d’en sor­tir. Les per­sonnes issues de la classe ouvrière ont du mal à fran­chir les bar­rières de classe qui existent dans les ins­ti­tu­tions du savoir — ce sont ces mêmes bar­rières qui les empêchent d’al­ler à l’é­cole, de s’ex­pri­mer, de faire entendre leur voix. Les nou­velles mes­ti­zas […], pré­cur­seuses, vivent dans des zones fron­ta­lières entre les cultures, les races, les langues et les sexes. Dans cet état à l’entre-deux, la mes­ti­za peut être média­trice, tra­duc­trice ; elle sait négo­cier et navi­guer à l’in­té­rieur de ces dif­fé­rents lieux. Nous sommes quo­ti­dien­ne­ment en négo­cia­tion avec ces mondes, conscientes que le mul­ti­cul­tu­ra­lisme est une façon de les voir et les inter­pré­ter mais est, aus­si, une métho­do­lo­gie de résistance.

[Maya Mihindou | Ballast]

Les théories du mestizaje : l’inscription des frontières

[…] Ces notions de mes­ti­zaje per­mettent d’autres lec­tures de la culture, de l’Histoire et des arts, en pre­nant en compte ceux des dépos­sé­dés et des mar­gi­naux. Les textes pro­duits par des per­sonnes ayant plu­sieurs cultures révèlent ce qu’il en est de cette lutte pour déco­lo­ni­ser la sub­jec­ti­vi­té. Pour ces per­sonnes, il ne s’a­git pas sim­ple­ment de sau­pou­drer un peu de leurs tra­di­tions et de remettre sur table cette vieille oppo­si­tion binaire : « Nous avons rai­son / eux ont tort. » Il s’a­git de rendre com­plexe ces dicho­to­mies en ne ces­sant d’in­ter­ro­ger la manière dont ces per­sonnes négo­cient plu­sieurs mondes au quo­ti­dien. […] Mon iden­ti­té est tou­jours en mou­ve­ment ; elle change à mesure que je tra­verse chaque jour des uni­vers dif­fé­rents : celui de l’u­ni­ver­si­té, celui de ma com­mu­nau­té d’o­ri­gine, celui de mon tra­vail, de la com­mu­nau­té les­bienne, mili­tante et uni­ver­si­taire. Être une Chicana n’est pas suf­fi­sant. Être intel­lec­tuelle n’est pas suf­fi­sant. Être écri­vaine n’est pas suf­fi­sant. Être d’o­ri­gine ouvrière ne l’est pas non plus. Ces iden­ti­tés font toutes par­ties de moi, mais aucune n’est tout à fait ce que je suis. Je ne peux pas dire : ça, c’est la vrai moi. Je suis tout ça à la fois. Les per­sonnes blanches qui s’en­tourent d’a­mis de divers milieux et qui s’in­té­ressent à dif­fé­rentes cultures deviennent des métis intel­lec­tuels. Peut-être ne sont-ils pas des métis émo­tion­nels, et cer­tai­ne­ment pas métis d’un point de vue bio­lo­gique, mais il peut y avoir de l’empathie entre les per­sonnes de cou­leur et les per­sonnes blanches, sen­sibles et poli­ti­que­ment conscientes. […]

Les théories de la Découverte

« Si elle est une femme de cou­leur, être un pont signi­fie qu’elle est pré­sente dans le monde blanc, qu’elle se fait tra­duc­trice et médiatrice. »

[…] La base fon­da­men­tale des théo­ries de la « Découverte » révèle la dévas­ta­tion du colo­nia­lisme. Notre lutte contre le colo­nia­lisme, qui dure depuis 500 ans, se pour­suit alors même que le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain consacre 87 mil­liards de dol­lars à faire de la publi­ci­té sur les 500 ans de cette « décou­verte ». Ils vont réqui­si­tion­ner trois navires — le Niña, le Pinta et le Santa Maria — depuis l’Angleterre en direc­tion de trois villes dif­fé­rentes du pays : New York, Washington et Boston. Parmi les orga­ni­sa­teurs cer­tains disent : « Oui, mon­trons un peu de l’his­toire des Indiens. » Un maigre mor­ceau est éri­gé en sym­bole, bien vite digé­ré et lis­sé, comme ils savent le faire de leurs théo­ries hégé­mo­niques. Nous ne célé­brons pas le géno­cide et la résur­gence d’un nue­vo racis­mo y la recon­quise de al mente [d’un nou­veau racisme et de la recon­quête de nos esprits].

Con los ojos y la lengua como pluma en la mano izquierda7

Afin de res­ter en vie et de ne pas se faire trop mal­me­ner à l’u­ni­ver­si­té, il est impor­tant d’é­la­bo­rer des stra­té­gies de sur­vie et de résis­tance. L’une d’entre elles entend mobi­li­ser trois capa­ci­tés dif­fé­rentes : com­mu­ni­quer, apprendre et agir — que je repré­sente dans un des­sin par une main gauche avec, sur la paume, une paire d’yeux, une bouche avec une langue pen­dante et la pointe d’un sty­lo au bout de la langue. Los ojos [les yeux] repré­sentent la vision et la connais­sance qui mènent à la com­pré­hen­sion. Cela implique d’ap­prendre à se connaître et, en tant que métisses issues de plu­sieurs cultures, de savoir regar­der à par­tir de plu­sieurs points de vue […] et simul­ta­né­ment dans plu­sieurs direc­tions, en pre­nant la peine d’in­té­grer toutes ces pers­pec­tives dif­fé­rentes. La len­gua [la langue] est sym­bole de la parole, celle qui rompt le silence en par­lant, en com­mu­ni­quant et en écri­vant. La langue four­chue d’un ser­pent est le signal que j’u­ti­lise quand j’emploie mes deux langues. […] La mes­ti­za est en mesure d’é­ta­blir des liens. Tout d’a­bord, elle se situe à la fron­tière, elle est un pont. Elle tisse des liens entre sa com­mu­nau­té d’o­ri­gine et la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire, elle en tisse d’autres entres les groupes fémi­nistes et ceux qui ne sont pas poli­ti­sés, elle fait le lien entre la langue espa­gnole et la langue anglaise. Elle a le choix : celui d’être un pont, ou bien un pont-levis, ou encore un banc de sable ou une île en fonc­tion de la façon dont elle se défi­nit et de sa rela­tion avec le monde. Elle sent quand il est temps de faire des coa­li­tions ou des alliances. Si elle est une femme de cou­leur, être un pont signi­fie qu’elle est pré­sente dans le monde blanc, qu’elle se fait tra­duc­trice et média­trice. Si elle est un pont-levis, cela signi­fie qu’elle se retire une par­tie du temps pour dire : « Je n’ai rien à faire avec les hété­ros, les Blancs, les mâles, etc. J’ai besoin de temps pour me retrou­ver et être avec les miens. J’ai besoin de temps pour me rechar­ger, me régé­né­rer. » La per­sonne qui choi­sit d’être une île veut dire : « Je ne veux plus jamais avoir affaire aux hété­ros ou aux Blancs. » Mais être une île est fon­da­men­ta­le­ment impos­sible parce que nous dépen­dons des uns et des autres pour ce qui est utile au quo­ti­dien, comme la nour­ri­ture ou le loge­ment. Une image encore dif­fé­rente serait celle du banc de sable, qui relie l’île au conti­nent. C’est cette image natu­relle que j’ai choi­sie me concer­nant, parce qu’elle passe, aus­si, sous l’eau ; ain­si j’ai le choix, je peux être seule quand j’en ai déses­pé­ré­ment besoin ou je peux me connec­ter aux autres. Ma créa­ti­vi­té naît dans la soli­tude, mais néces­site tout de même un contact étroit avec les autres membres de mes diverses com­mu­nau­tés, qui nous per­met de dis­cu­ter de nos expé­riences mutuelles dans le monde. […]

[Maya Mihindou | Ballast]

Ce tra­vail de pas­se­relle sou­lève de nom­breuses inter­ro­ga­tions : d’où viens-je ? qu’est-ce que ma culture ? com­ment me posi­tion­ner ? Pour les per­sonnes blanches, cette ques­tion implique d’être clair sur qui vous êtes et ce que vous appor­tez dans le col­lec­tif. Il importe de se deman­der : que faire de mes pri­vi­lèges ? com­ment puis-je les uti­li­ser pour les nos/otras ? Si les femmes de cou­leur sont une res­source pour moi, com­ment puis-je être une res­source pour elles ? J’ai consta­té que, lorsque les per­sonnes blanches s’a­lignent sur les com­bats des femmes de cou­leur, leur com­pré­hen­sion des luttes change. Lorsqu’une femme blanche pro­pose de tra­vailler avec nos/otras, nous lui deman­dons la même chose que nous deman­dons à nous-mêmes : qu’est-ce que vous y gagnez ? quelle est la moti­va­tion de votre tra­ver­sée ? Le plus sou­vent, elle se pose­ra des ques­tions : est-ce que je fais par­tie de ces femmes blanches qui pié­tinent d’autres cultures ? est-ce que je suis de celles qui portent leur culpa­bi­li­té et dési­rent en être libé­rées ? suis-je encore l’une de celles qui dit : « Regardez-moi, je ne suis pas raciste, sinon je ne pour­rais pas tra­vailler avec vous » ? Nous por­tons tous et toutes des moti­va­tions incons­cientes — à la fois posi­tives et négatives.

« Ce tra­vail de pas­se­relle sou­lève de nom­breuses inter­ro­ga­tions : d’où viens-je ? qu’est-ce que ma culture ? com­ment me positionner ? »

La plu­part du temps nous ne savons pas pour­quoi nous fai­sons les choses. Au bout de 10 ans, une femme de cou­leur pour­ra déduire : « Oh ! j’ai fait ça parce que je vou­lais que les Blancs m’aiment. » Les per­sonnes de cou­leur ont tel­le­ment été oppri­mées par les Blancs qu’elles attendent sou­vent leur vali­da­tion, leur amour et leur auto­ri­sa­tion. Nous avons été tant vio­lées ; nous avons faim de cet amour et de cette inté­gra­tion. Dans bien des cas, si nous ne l’ob­te­nons pas, cer­taines d’entre nous seront en colère, se rebel­le­ront, quand d’autres se rési­gne­ront et décla­re­ront for­fait. Et puis d’autres devien­dront des ponts. La plu­part du temps, nous ne savons pas pour­quoi nous réagis­sons de telle ou telle manière. 10 ans après, deve­nues fémi­nistes, les­biennes ou post-fémi­nistes, nous regar­dons der­rière nous : « À l’é­poque, ma réflexion était faus­sée. Ce que je vou­lais de ces Blancs/de cette communauté/de ces gouines, etc., c’é­tait qu’elles me disent que j’é­tais quel­qu’un de bien. » C’est un désir dan­ge­reux pour toutes les femmes de cou­leur et pour les femmes blanches car cela nous pose dans ce sché­ma de la patro­na, la bonne matriarche blanche, et du pauvre nécessiteux.

Parfois, les rôles s’in­versent et c’est la per­sonne blanche qui veut tirer quelque chose de son étudiant·e de cou­leur. Elle, fémi­niste et ensei­gnante, vou­drait être accep­tée et vali­dée. Elle vou­drait qu’on lui dise : « C’est un beau pro­jet. Tu es tel­le­ment mul­ti­cul­tu­relle. Tu te bats contre le racisme. » Au même moment, son étu­diante de cou­leur réa­li­se­ra que sa pro­fes­seure ne veut sur­tout pas qu’elle se dise « Chicana » ou « Indienne ». L’enseignante refu­se­ra toute inter­ac­tion de l’é­lève avec sa com­mu­nau­té eth­nique, pré­fé­rant le voir cou­pé de ses racines. Elle argue­ra néan­moins qu’étudiant·es et professeur·es sont sur un pied d’é­ga­li­té. Pourtant, dans ce cadre, l’étudiant·e joue le rôle qu’on lui assigne. Et plus la dif­fé­rence de culture et de classe est grande, plus ces dyna­miques sont intenses. Ce sont des dyna­miques de pou­voir qui se jouent au cœur de ce lien. […]

[Maya Mihindou | Ballast]

Origines

Ces der­nières années, le terme « ori­gines » a mau­vaise répu­ta­tion : quelques-un·es consi­dèrent que tout est socia­le­ment construit. Selon eux, les « ori­gines » n’existent pas. Les décons­truc­ti­vistes et cer­taines théo­ri­ciennes fémi­nistes affirment qu’elles sont roman­cées et idéa­li­sées à outrance. Cette affir­ma­tion est en par­tie réelle. Nous avons bien ten­dance à roman­cer les ori­gines et la culture, mais la nou­velle mes­ti­za est consciente de ces tra­vers. Elle se penche sur le pas­sé et exa­mine les aspects de sa culture qui ont fait pres­sion sur les femmes.

Le pas­sé se construit simul­ta­né­ment de plu­sieurs façons. En pre­mier lieu, le point de vue du spec­ta­teur change d’une époque à l’autre […]. Deuxièmement, le pas­sé n’a jamais été racon­té comme il devrait dans les livres d’his­toire. C’est un pas­sé écrit par les conqué­rants, qui déforme et réprime l’his­toire des femmes comme celle des gens de cou­leur. Si les théo­ri­ciens blancs affirment que « les ori­gines » sont un sujet peu attrayant, peut-être est-ce parce qu’ils ne tiennent pas à fouiller dans leur propre pas­sé. Ils pour­raient être sur­pris de décou­vrir qu’un de leurs ancêtres a réduit des per­sonnes en escla­vage, vio­lé des femmes indi­gènes ou arra­ché des terres aux Indiens. De ma place de métisse, je regarde aus­si mes ancêtres blancs qui ont pré­ci­sé­ment fait cela ; je regarde éga­le­ment les Aztèques et leur cruau­té. Je regarde en face les aspects du pas­sé qui ne sont pas attrayants.

« Les idées en vogue à l’é­poque de l’es­cla­vage et au début de la colo­ni­sa­tion sont encore d’actualité. »

C’est effrayant pour les Blancs de se rap­pe­ler : « Qui est mon peuple ? » Car de nom­breux immi­grants venus d’Europe étaient des pri­son­niers libé­rés, arri­vés comme déser­teurs de diverses causes — condam­nés et cri­mi­nels. Il existe une culpa­bi­li­té col­lec­tive comme il existe un sen­ti­ment de culpa­bi­li­té indi­vi­duel. Cela ne signi­fie nul­le­ment que la culpa­bi­li­té du père est auto­ma­ti­que­ment et géné­ti­que­ment trans­mise à ses enfants. Agir aujourd’­hui à la manière d’un arrière-arrière-grand-père supré­ma­ciste — qui pen­sait les Blancs au-des­sus des per­sonnes de cou­leur —, c’est être aus­si cou­pable que ses ancêtres. Au contraire, refu­ser et décré­ter « Non, ce n’est pas mon idéo­lo­gie » déres­pon­sa­bi­lise des péchés de ses ancêtres. Malgré tout, les idées en vogue à l’é­poque de l’es­cla­vage et au début de la colo­ni­sa­tion sont encore d’ac­tua­li­té. Quand Bush8 ouvre la bouche, c’est ce qu’on entend.

Nous ne ces­sons pas de nous défendre des attaques d’un nou­veau conser­va­tisme, et nous voi­ci pour­tant dans une impasse — impos­sible de recu­ler. Une piqûre de rap­pel s’im­pose. Le mot « mul­ti­cul­tu­ra­lisme » est en voie de démo­li­tion ; il importe donc de le défi­nir avec pré­ci­sion. S’accrocher à des concepts étran­gers à nos modes de pen­sée est aus­si absurde que de croire aux valeurs fami­liales que l’on nous vend — signe d’une seule obses­sion : que les choses soient exac­te­ment comme elles étaient, alors que le monde a chan­gé. Mais il est trop tard, les murs sont fis­su­rés et nous ne renon­ce­rons pas à nos posi­tions, même si le retour de bâton est rude. Laisser les idées noires et la dés­illu­sion immo­bi­li­ser nos luttes nous fera perdre ce que nous avons gagné.

Le mul­ti­cul­tu­ra­lisme entend inclure d’autres récits : se tra­ta de otras nar­ra­ti­vas. D’autres nar­ra­tions. Des his­toires d’i­den­ti­tés qui s’en­ra­cinent quelque part. Une his­toire est tou­jours l’a­dap­ta­tion d’une autre plus ancienne. Voici mon adaptation.


[lire le deuxième volet]


Le pré­sent papier est une tra­duc­tion incom­plète du texte « The New Mestiza Nation: A Multiculturel Movement", écrit en 1992 et publié en 2009 dans The Gloria Anzaldua rea­der (Duke University Press, 2009). Il a été traduit par Maya Mihindou, pour Ballast — la tra­duc­trice tient à remer­cier Meiga Loho-Noya pour son aide, ain­si que Camille Back.
Illustrations : Maya Mihindou
Le texte inté­gré aux illus­tra­tions est une tra­duc­tion du poème « Al otro lado » de Gloria Anzaldúa, paru dans Je trans­porte des explo­sifs on les appelle des mots aux édi­tions Cambourakis. 


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  1. This Bridge Call My Back : Writings of Radical Women of Color, conçu avec Cherrie Moraga.[]
  2. Anzaldúa s’empare de cette expres­sion, désor­mais révo­lue, pour en pro­po­ser un autre sens : celui d’une alliance pos­sible entre les femmes de cou­leur issues du pro­lé­ta­riat des États-Unis [ndlr].[]
  3. Tous les mots en espa­gnol le sont éga­le­ment dans la ver­sion ori­gi­nale, anglaise [ndlr].[]
  4. Écrit ain­si, le terme englobe les genres fémi­nins, mas­cu­lins et neutres [ndlr].[]
  5. Cette écri­ture du mot espa­gnol « noso­tras », qui signi­fie « nous » au fémi­nin, a été adop­tée par Gloria Anzaldúa. Scindé ain­si, il se tra­dui­rait en fran­çais par : « Nous/autres » [ndlr].[]
  6. Le terme « anglo » recouvre, dans la com­mu­nau­té lati­no, les Américains blancs ori­gi­naires du monde anglo­phone [ndlr].[]
  7. Avec des yeux et une langue comme une plume dans la main gauche.[]
  8. George Herbert Walker Bush, père de George W. Bush, alors pré­sident des États-Unis [ndlr].[]

REBONDS

☰ Lire notre entre­tien avec Françoise Vergès : « La lutte déco­lo­niale élar­git les ana­lyses », avril 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Patrick Chamoiseau : « Il n’y a plus d’ailleurs », février 2019
☰ Lire notre abé­cé­daire de Frantz Fanon, jan­vier 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Saïd Bouamama : « Des Noirs, des Arabes et des musul­mans sont par­tie pre­nante de la classe ouvrière », mai 2018
☰ Lire notre tra­duc­tion : « Anarchisme et révo­lu­tion noire », Lorenzo Kom’boa Ervin, décembre 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Eryn Wise : « Nous vivons un moment his­to­rique », décembre 2016


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