L’abécédaire de Christine Delphy


Sociologue et fémi­niste, mili­tante de la pre­mière heure au sein du Mouvement de libé­ra­tion des femmes et cofon­da­trice de la revue Nouvelles Questions fémi­nistes, Christine Delphy a éga­le­ment tra­vaillé au lan­ce­ment, en 2002, de la Coalition inter­na­tio­nale contre la guerre menée par les États-Unis en Afghanistan. Elle s’é­le­vait, par là même, contre l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la condi­tion des femmes à des fins mili­taires. Marxiste — ou, plu­tôt, mar­xienne —, elle reven­dique le maté­ria­lisme comme l’« outil même » des groupes oppri­més et s’est atta­chée, sa vie durant, à faire état du « tra­vail domes­tique gra­tuit » dévo­lu aux femmes. Une figure de la théo­rie fémi­niste fran­çaise : incon­tour­nable et cli­vante. Une porte d’en­trée en 26 lettres.


Abolitionnisme : « L’abolitionnisme, c’est le pro­jet d’une socié­té sans pros­ti­tu­tion, mais ce n’est en aucune façon la volon­té de s’en prendre aux prostitué·es, bien au contraire. Dans l’analyse qui sous-tend ce pro­jet, la pros­ti­tu­tion est concep­tua­li­sée comme un des effets du patriar­cat. » (Entretien « Du voile à la pros­ti­tu­tion », blog Féminismes en tous genres, août 2013)

Bien polies : « On se demande par où il faut com­men­cer. En réa­li­té, il faut com­men­cer par tout. Les gens vou­draient que les fémi­nistes res­tent bien polies. Mais j’espère qu’elles ne vont pas res­ter bien polies. Être bien polie, dans cette socié­té, ça ne sert abso­lu­ment à rien. » (« Christine Delphy, 50 ans après la créa­tion du MLF », entre­tien paru dans Le Monde, 22 août 2020)

Capitalisme : « Mes détrac­teurs, de moins en moins nom­breux, sont tou­jours ceux qui pensent que le capi­ta­lisme est la cause de tout. Le sys­tème patriar­cal pré­exis­tait au capi­ta­lisme. Le sys­tème capi­ta­liste n’a pas de rai­son de faire de dif­fé­rence entre les sexes. S’il en fait, c’est bien qu’il y a col­lu­sion entre capi­ta­lisme et patriar­cat. Le capi­ta­lisme actuel appuie le sys­tème le plus spé­ci­fique de l’oppression patriar­cale, soit l’extorsion de tra­vail gra­tuit aux femmes. Car les femmes tra­vaillent aus­si sur le mar­ché du tra­vail et, là, elles sont sous-payées par rap­port aux hommes. » (Entretien paru dans le n° 1272 de la revue Politis, octobre 2013)

Discrétion : « Le mes­sage de Finkielkraut : Faites ce que vous vou­lez, mais de la dis­cré­tion, que diable !, c’est le dis­cours le plus clas­sique, un dis­cours qui paraît ano­din, et jus­te­ment, libé­ral : après tout, on n’est pas tenu de s’afficher. Et c’est pour­tant ce qui montre qu’il n’y a aucune dif­fé­rence entre la posi­tion non-éclai­rée dite homo­phobe et la posi­tion libé­rale : la der­nière n’est pas moins répres­sive, elle est plus hypo­crite, c’est tout. […] La dis­cré­tion, c’est aus­si écou­ter les his­toires hété­ro­sexuelles de ses col­lègues, des voi­sins de res­tau­rant, sans jamais mou­fe­ter, et sans jamais par­ler de soi. C’est être seul·e. C’est men­tir. Un peu, beau­coup, par action, par omis­sion. Même à ses amis. L’estime de soi ne résiste pas long­temps à ce trai­te­ment. Vivre dans la peur, dans le men­songe, dans la soli­tude, dans le mépris de soi : voi­là ce que nous imposent ces libé­raux qui ne demandent que de la dis­cré­tion. » (« L’humanitarisme répu­bli­cain contre les mou­ve­ments homo », Politique la revue, 1997)

Émancipation : « La pra­tique de la non-mixi­té est tout sim­ple­ment la consé­quence de la théo­rie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les oppri­més pour les oppri­més. Cette idée simple, il semble que chaque géné­ra­tion poli­tique doive la redé­cou­vrir. […] Les oppri­més doivent non seule­ment diri­ger la lutte contre leur oppres­sion, mais aupa­ra­vant défi­nir cette oppres­sion elles et eux-mêmes. C’est pour­quoi la non-mixi­té vou­lue, la non-mixi­té poli­tique, doit demeu­rer la pra­tique de base de toute lutte ; et c’est seule­ment ain­si que les moments mixtes de la lutte — car il y en a et il faut qu’il y en ait — ne seront pas sus­cep­tibles de déra­per vers une recon­duc­tion douce de la domi­na­tion. » (« La non-mixi­té : une néces­si­té poli­tique », Lmsi, 2016)

Foulard : « Se fixer uni­que­ment sur le fou­lard : voi­là une des grandes mani­fes­ta­tions du racisme. On le voit chez l’autre, parce que c’est un signe étran­ger et qu’on ne le sup­porte pas. Ce n’est pas l’infériorité des femmes que l’on ne sup­porte pas. Si la socié­té fran­çaise ne l’acceptait pas, on serait au cou­rant ! Malheureusement, elle la sup­porte très bien. Ce qu’elle ne sup­porte pas c’est le côté exo­tique et étran­ger. Elle se défausse ain­si de sa propre oppres­sion patriar­cale et sexiste en disant que c’est chez l’autre que cela existe, pas chez elle. » (Entretien pour Socialisme inter­na­tio­nal, n° 11, 2004)

Genre : « Qu’est-ce que le sys­tème de genre ? C’est le sys­tème cog­ni­tif qui sépare l’hu­ma­ni­té en deux groupes tota­le­ment dis­tincts, tota­le­ment étanches, exclu­sifs l’un de l’autre et tota­le­ment hié­rar­chi­sés. […] Qu’est-ce que le genre ? En tant que concept, il cor­res­pond à peu près au sexe social. La recherche a prou­vé que la plu­part des dif­fé­rences entre les sexes, les dif­fé­rences de sta­tut social, de richesse et de pou­voir, mais aus­si les dif­fé­rences dites psy­cho­lo­giques, d’ap­ti­tudes et d’at­ti­tudes entre femmes et hommes, ne sont cau­sées ni par le sexe ana­to­mique, ni par les dif­fé­rences de fonc­tion dans la pro­créa­tion que ce sexe ana­to­mique induit. » (Classer, domi­ner, La Fabrique, 2008)

Humanité : « L’égalité-déjà-là n’est pas seule­ment un men­songe : c’est un poi­son qui entre dans l’âme des femmes et détruit leur estime d’elles-mêmes, leur croyance sou­vent fra­gile qu’elles sont des êtres humains à part entière — et pas à moi­tié. C’est un des enjeux du fémi­nisme aujourd’hui — y rame­ner les femmes. Or cela implique non seule­ment de lut­ter contre le patriar­cat mais de faire pas­ser le mes­sage : oui, il faut se battre encore et tou­jours ; non, nulle part, dans aucun pays et dans aucun rap­port social, les domi­nants ne renoncent de bon gré à leurs pri­vi­lèges. Mais com­battre la vision idéo­lo­gique du pro­grès-qui-marche-tout-seul et ne va que dans un sens — le bon — n’est pas suf­fi­sant. » (Un Universalisme si par­ti­cu­lier, Syllepses, 2010)

[Simone de Beauvoir à la Fête du MLF, Vincennes, 1973 | Janine Niépce]

Ingérence : « Les mots ont chan­gé, mais il n’est pas dif­fi­cile de recon­naître sous le nou­veau vocable du devoir d’in­gé­rence la vieille mis­sion civi­li­sa­trice, tou­jours aus­si meur­trière, car elle incor­pore le para­doxe du mis­sion­naire : On sau­ve­ra leurs âmes (leur liber­té) même s’il faut les tuer pour cela. » (Classer, domi­ner, La Fabrique, 2008)

Jeunesse : « Le sta­tut d’enfant — le sta­tut de mineur — est, y com­pris dans nos socié­tés déve­lop­pées, un sta­tut d’infériorité sociale géné­rale, d’incapacité légale, de subor­di­na­tion, et d’appropriation. On le voit bien dans les cas de divorce, la ques­tion est : à qui appar­tiennent les enfants ? Les enfants sont des pro­prié­tés. […] Le père inces­tueux, la mère vio­lente, vont-ils au nom de leur enfant, por­ter plainte contre eux-mêmes ? L’absence de per­son­na­li­té juri­dique des enfants, leur grande soli­tude, leur vul­né­ra­bi­li­té léga­le­ment orga­ni­sée, voi­là aus­si l’une des pierres de touche, sinon la pierre de touche, du sta­tut de mineur — qui est un sta­tut de non-per­sonne. » (Avant-pro­pos à La Domination adulte de Yves Bonnardel, Myriadis, 2015)

Karl Marx : « J’utilise le cadre glo­bal de l’a­na­lyse mar­xiste, comme il est évident dans l’im­por­tance que je donne aux modes de pro­duc­tion dans l’or­ga­ni­sa­tion sociale. Cependant, il appa­raît, aux non-mar­xistes, mais encore plus aux mar­xistes, que je me démarque extrê­me­ment de l’a­na­lyse pré­cise de Marx, et de celle des mar­xistes contem­po­rains ortho­doxes. En effet je refuse le dogme de la pré­émi­nence abso­lue du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste sur les autres, et plus encore celui de sa soli­tude : j’ai fait l’hy­po­thèse et la théo­rie d’un autre mode de pro­duc­tion. » (Préface à L’Ennemi prin­ci­pal, tome 1, 2013)

Libération : « Dans l’im­mé­diat on peut poser que la libé­ra­tion des femmes ne se fera pas sans la des­truc­tion totale du sys­tème de pro­duc­tion et de repro­duc­tion patriar­cal. Ce sys­tème étant cen­tral à toutes les socié­tés connues, cette libé­ra­tion implique le bou­le­ver­se­ment total des bases de toutes les socié­tés connues. Ce bou­le­ver­se­ment ne pour­ra se faire sans une révo­lu­tion, c’est-à-dire une prise de pou­voir poli­tique. » (L’Ennemi prin­ci­pal, tome 1, 2013)

Morale : « Mais ce qui serait mal­heu­reux, ce serait qu’un mou­ve­ment poli­tique n’ait pas de morale. Il y a for­cé­ment une morale. Il est là pour avoir une morale, entre autres choses. […] On ne peut pas être sans normes. » (L’Ennemi prin­ci­pal, tome 2, 2013)

Ni putes ni sou­mises : « Cela aurait pu être inté­res­sant. C’est une créa­tion de SOS-Racisme, lui-même crée en par­tie par Julien Dray, l’une des pires expres­sions du PS. Les filles de Ni putes ni sou­mises ont été com­plè­te­ment ins­tru­men­ta­li­sées. Comme le fait tou­jours le pou­voir, il a pris des gens et les a uti­li­sés contre leurs propres inté­rêts. Fadela Amara a quand même dit que l’antisémitisme est la mère de tous les racismes et que c’est contre cela qu’il faut lut­ter en pre­mier ! Voilà des pro­pos hal­lu­ci­nants, venant de la bouche de gens qui subissent une véri­table dis­cri­mi­na­tion et qui disent qu’il faut d’abord lut­ter pour le voi­sin. Les filles de Ni putes ni sou­mises disent ce qu’on veut entendre d’elles, à savoir que la vio­lence mas­cu­line s’exerce dans les ghet­tos magh­ré­bins et noirs. Elles dia­bo­lisent les jeunes hommes qui y vivent. S’il est clair qu’en matière de sexisme et de machisme ils ne sont pas mieux que les autres, il est cer­tain qu’ils ne sont pas pires que les autres. » (Entretien pour Socialisme inter­na­tio­nal, n° 11, 2004)

[Atlanta, 21 mai 2019 | Elijah Nouvelage | Getty Images | AFP]

Objet : « On nous exhorte à consi­dé­rer la reli­gion comme une affaire pri­vée et même intime, qui ne devrait se dire qu’entre soi et soi et se pra­ti­quer de la même façon que la toi­lette, dans le secret des salles de bains. […] La fameuse loi de 1905 (en France) est l’objet d’un contre­sens abso­lu depuis l’affaire du fou­lard. On lui fait dire qu’elle désap­prou­ve­rait les reli­gions, et même qu’elle lut­te­rait contre elles, au nom de la rai­son. Dans cet argu­ment, la rai­son appa­raît comme un syno­nyme caché de l’athéisme. Seul l’athéisme serait rai­son­nable, et si on veut obéir à la rai­son, on devient for­cé­ment athée. Cette concep­tion vou­drait créer une hié­rar­chie entre l’athéisme et les autres croyances ; et elle abou­tit, on le voit en France depuis une dizaine d’années, à plai­der pour la trans­for­ma­tion sour­noise de l’athéisme en reli­gion d’État. […] La liber­té de conscience est — avec le droit à la vie et à ne pas être enfer­mé arbi­trai­re­ment — la pierre d’angle de ce qu’on appelle les droits fon­da­men­taux (ou droits humains, ou liber­tés indi­vi­duelles, ou liber­tés publiques). […] C’est pour­quoi la liber­té de pra­ti­quer son culte, et de le pra­ti­quer publi­que­ment, de même qu’on dif­fuse publi­que­ment ses opi­nions poli­tiques, phi­lo­so­phiques, esthé­tiques, est garan­tie par les Conventions inter­na­tio­nales. » (Un uni­ver­sa­lisme si par­ti­cu­lier, Syllepses, 2010)

Prise de conscience : « Il est nor­mal que les femmes soient anti­fé­mi­nistes ; c’est le contraire qui serait éton­nant. Et la prise de conscience, le deve­nir-fémi­niste n’est pas une Pentecôte sou­daine et bru­tale ; la conscience n’est pas acquise en une fois et une fois pour toutes ; c’est un pro­ces­sus long et jamais ter­mi­né, dou­lou­reux de sur­croît, car c’est une lutte de tous les ins­tants contre les évi­dences : la vision idéo­lo­gique du monde, et contre soi. » (L’Ennemi prin­ci­pal, tome 1, 2013)

Queer : « Il sem­ble­rait qu’on aban­donne l’idée de lutte col­lec­tive pour une trans­for­ma­tion sociale. On parle d’actes de sub­ver­sion indi­vi­duelle ou de résis­tance indi­vi­duelle. C’est le cas dans le mou­ve­ment queer. On a l’impression que tout ce qu’on peut espé­rer, c’est mettre quelques grains de sable dans le sys­tème et non plus le défaire. » (Entretien paru dans le n° 1272 de la revue Politis, octobre 2013)

Réalité : « Le secret du mou­ve­ment des années 1970, c’est d’avoir uti­li­sé les décou­vertes pro­fondes des pay­sans chi­nois et du mou­ve­ment Noir amé­ri­cain : par­ler la souf­france pour se rap­pe­ler la souf­france. Car la lutte poli­tique, si elle n’est pas ali­men­tée sans cesse par la conscience vécue, qua­si­ment char­nelle, de la réa­li­té de l’oppression, devient un com­bat phi­lan­thro­pique ; et quand des femmes deviennent les phi­lan­thropes d’elles-mêmes, ne se sou­viennent plus ou veulent oublier qu’elles sont les humi­liées et les offen­sées dont elles parlent, la force n’est plus avec elles. Garder, retrou­ver les sources de cette force, c’est aus­si l’un des défis du nou­veau siècle pour le mou­ve­ment fémi­niste. » (Un uni­ver­sa­lisme si par­ti­cu­lier, Syllepses, 2010)

Sexisme : « La socié­té fran­çaise dans son ensemble, avec l’aide d’une grande par­tie des femmes qui se disent fémi­nistes, est arri­vée à faire d’une pierre deux coups : d’une part, à accu­ser toute une par­tie de la popu­la­tion [« les Arabes et les Noirs »] de défauts ignobles — elle serait non seule­ment sexiste mais aus­si homo­phobe, anti­sé­mite — et, d’autre part, à absoudre com­plè­te­ment de sexisme la socié­té domi­nante. Le résul­tat, c’est qu’on ne parle plus du sexisme géné­ral de notre socié­té, tous hommes confon­dus. » (Entretien « La fabri­ca­tion de l’Autre par le pou­voir », Migrations et socié­tés, 2011)

Tenues : « Les vête­ments sont gen­rés : ils signi­fient, entre autres choses, la hié­rar­chie entre hommes et femmes. Et les vête­ments des femmes, qu’il s’agisse des talons hauts, avec la réduc­tion de la mobi­li­té et du confort qu’ils entraînent, ou du voile inté­gral (niqab), qui limite aus­si la mobi­li­té et le confort, disent clai­re­ment que pour plaire aux hommes les femmes doivent volon­tai­re­ment se mettre dans des situa­tions où leur infé­rio­ri­té sta­tu­taire est mar­quée, à la fois par le sens (com­pris par tout le monde) du vête­ment et par les consé­quences concrètes qu’il entraîne (comme l’incapacité de cou­rir, et donc la vul­né­ra­bi­li­té), consé­quences qui font d’ailleurs par­tie de son sens. » (Entretien « La fabri­ca­tion de l’Autre par le pou­voir », Migrations et socié­tés, 2011)

Universel : « Le fémi­nisme doit être mon­dial ou ne pas être. Il doit prendre en compte les luttes de toutes les femmes du monde, et de tous les groupes de femmes. Ces femmes ne peuvent lut­ter qu’à par­tir de leur propre vie et de leur propre expé­rience. Un fémi­nisme qui exclut la vie et l’expérience de cer­taines femmes ne peut pas être valable. De la même façon qu’un socia­lisme qui exclu­rait l’expérience d’une cer­taine couche de la popu­la­tion ou de cer­tains sec­teurs pro­fes­sion­nels ne le serait pas. C’est le pro­blème de géné­ra­li­ser à par­tir d’un cas par­ti­cu­lier, et de pré­tendre déte­nir l’universel, spé­cia­li­té typi­que­ment occi­den­tale. » (Entretien pour Socialisme inter­na­tio­nal, n° 11, 2004)

[Brésil, mobilisation en mémoire de l'assassinat de Marielle Franco | Bernado G. | Flickr | CC BY-2.0]

Viol : « On voit sou­vent les formes vio­lentes ou mar­chandes de la sexua­li­té — le viol, la pros­ti­tu­tion — comme une uti­li­sa­tion des femmes au ser­vice de besoins des hommes, besoins qui sont posés comme phy­siques et non pas comme sociaux. On com­mence à voir, avec les ana­lyses fémi­nistes du viol, qu’il n’en est rien. Le viol ne cor­res­pond pas à un besoin phy­sique, mais à une volon­té d’humilier, de rabais­ser, de nier l’humain chez les femmes. Dans tous les sys­tèmes de domi­na­tion, il se crée une idéo­lo­gie qui jus­ti­fie la domi­na­tion : les dominé.e.s sont des êtres inférieur·es. » (Entretien « Du voile à la pros­ti­tu­tion », blog Féminismes en tous genres, août 2013)

W. Bush : « Le motif moral — ici la libé­ra­tion des femmes afghanes — fait appel à des valeurs en appa­rence pro­gres­sistes : mais en appa­rence seule­ment ; car à l’examen, elles consistent en la croyance plus ou moins consciente en la mis­sion de l’Occident ; or nous ne croyons avoir une telle mis­sion que parce que nous croyons pos­sé­der la civi­li­sa­tion ; aucun jour­na­liste, aucun homme poli­tique, aucun intel­lec­tuel, n’a cri­ti­qué l’équation faite par G.W. Bush et ses épi­gones entre Occident et civi­li­sa­tion après les atten­tats du World Trade Center — au contraire, un consen­sus total s’est déga­gé pour y voir une attaque contre la civi­li­sa­tion. » (Classer, domi­ner, La Fabrique, 2008)

XIXe siècle : « Le terme Patriarcat était peu uti­li­sé jus­qu’au début des années 1970, c’est à dire jus­qu’à la renais­sance du fémi­nisme dans les pays occi­den­taux. Cependant ce terme fai­sait par­tie du lan­gage cou­rant, mais prin­ci­pa­le­ment sous la forme de l’ad­jec­tif patriar­cal. D’ailleurs c’est sur­tout la lit­té­ra­ture, et par­ti­cu­liè­re­ment la lit­té­ra­ture du XIXe siècle, qui en a fait un mot fami­lier. En revanche, les sciences humaines l’i­gno­raient et l’i­gnorent encore le plus sou­vent. » (« Le patriar­cat, le fémi­nisme et leurs intel­lec­tuelles », Nouvelles Questions Féministes, n° 2, 1981)

Yeux : « Je pense que l’on ne peut pas iso­ler la sexua­li­té de l’ensemble de la culture. Je me suis tou­jours deman­dé quelle place don­ner à la sexua­li­té. Moi, je ne crois pas aux besoins sexuels. Car l’espèce humaine n’est pas une espèce qui a des ins­tincts. Donc je ne crois pas du tout qu’il y ait des besoins sexuels, ni des pul­sions d’ailleurs. […] Malheureusement, il y a aus­si un vrai pro­blème poli­tique à jus­ti­fier la pros­ti­tu­tion de cette façon‑là ! […] On le voit bien puisque le terme de pul­sion n’est uti­li­sé que pour les hommes (c’est ce qu’ils disent aux juges, ils ont des rideaux rouges qui leur tombent sur les yeux : Monsieur le juge, j’ai eu une pul­sion, je ne sais pas ce qui s’est pas­sé). » (« Genre à la fran­çaise ? », Sociologie°3, vol. 3, 2012)

Zizi : « Ce zizi est un mar­queur de la classe domi­nante. […] Ils prêtent à leur zizi des pou­voirs magiques ; c’est nor­mal, ils le pensent comme ori­gine de leurs pri­vi­lèges — d’où les théo­ries les plus far­fe­lues. » (Extrait du DVD L’Abécédaire de Christine Delphy, Florence & Sylvie Tissot, 2015)


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