La guerre contre les enfants

6 janvier 2016


Texte inédit pour le site de Ballast

Un petit gar­çon retrou­vé mort sur une plage turque ; des mineurs qui peuvent désor­mais faire l’ob­jet d’une réten­tion admi­nis­tra­tive en France : par­tout, les enfants subissent de plein fouet les consé­quences des déci­sions des adultes. Une régres­sion par rap­port au tra­vail de l’é­du­ca­teur polo­nais Janusz Korczak, dans les années 1920 — un tra­vail qui a don­né nais­sance aux droits de l’en­fant. Explications. ☰ Par Nicolas Séné


gold1 Le petit corps gît face contre terre. Habillé d’un t‑shirt rouge et d’un ber­mu­da bleu, le gar­çon­net est mort sur une plage turque. Son corps vient d’être char­rié par l’océan. Il s’appelait Aylan Kurdi et avait trois ans. Sa famille fuyait la guerre en Syrie pour rejoindre la Grèce. Le 2 sep­tembre 2015, cette pho­to fait le tour du monde et déclenche des réac­tions en chaîne sur les réseaux sociaux : bou­le­ver­se­ment, colère, théo­rie du com­plot ; tout y passe. Le petit Aylan devient le sym­bole des réfu­giés qui se noient en ten­tant de rejoindre l’Europe pour échap­per à la guerre dans leur pays d’origine. Cette pho­to­gra­phie cris­tal­lise alors les pas­sions. Elle doit aus­si ques­tion­ner sur la place des enfants qui, dans des situa­tions extrêmes, se retrouvent les vic­times sinon les plus sym­bo­liques, les plus dépen­dantes des déci­sions des adultes. Au même moment, une vidéo fait le « buzz » sur Internet. Cette fois, la scène se passe à la fron­tière hon­groise. Un gar­çon syrien aux grands yeux clairs lance à un poli­cier : «  Just stop the war, and we don’t want to go to Europe. » Une vidéo de sept secondes où, dans un cri de véri­té enfan­tin, il résume l’absurdité de la situa­tion : s’il n’y avait pas de guerre en Syrie, les réfu­giés ne se mas­se­raient pas aux fron­tières de l’Europe.

Le droit des enfants bafoué

Malheureusement, il n’est nul besoin de vivre des situa­tions de guerre pour qu’une socié­té mal­traite ses enfants. Ainsi, le 23 juillet 2015, La Cimade s’émouvait du fait que « la France léga­lise l’enfermement des enfants der­rière les bar­be­lés ». L’association fait réfé­rence au pro­jet de loi rela­tif au droit des étran­gers en France, débat­tu alors par les dépu­tés. Démontrant les dérives des centres de réten­tion admi­nis­tra­tive, l’association s’inquiétait de « l’amendement 375 por­té par Madame Chapdelaine, dépu­tée socia­liste » qui venait d’être adop­té. Dans l’article 19, la dépu­tée pro­po­sait de « sub­sti­tuer aux mots : enfant mineur de moins de treize ans le mot mineur ». Ainsi est géné­ra­li­sé le fait que « l’étranger qui ne pré­sente pas de garan­ties de repré­sen­ta­tion effec­tives propres à pré­ve­nir le risque men­tion­né au 3° du II de l’article L. 511–1 peut être pla­cé en réten­tion par l’autorité admi­nis­tra­tive dans des locaux ne rele­vant pas de l’administration péni­ten­tiaire, pour une durée de qua­rante-huit heures. » Et La Cimade de pré­ve­nir : « Si le texte reste en l’état, l’article 19 de la loi cou­vri­ra désor­mais les graves abus com­mis par les pré­fets. » Le texte est res­té en l’état et les mineurs étran­gers dont leurs parents sont sans papiers peuvent pas­ser qua­rante-huit heures der­rière les bar­be­lés d’un centre de réten­tion admi­nis­tra­tive avant leur expulsion.

« Cette pho­to­gra­phie cris­tal­lise les pas­sions. Elle doit aus­si ques­tion­ner sur la place des enfants qui se retrouvent les vic­times les plus dépen­dantes des déci­sions des adultes. »

En votant ce texte, les dépu­tés dérogent à la Convention inter­na­tio­nale des droits de l’enfant (CIDE) adop­tée par les Nations unies en 1989 et signée par la France le 26 jan­vier 1990. Dans son article 2, la conven­tion est pour­tant claire : « Les États par­ties s’engagent à res­pec­ter les droits qui sont énon­cés dans la pré­sente Convention et à les garan­tir à tout enfant rele­vant de leur juri­dic­tion, sans dis­tinc­tion aucune, indé­pen­dam­ment de toute consi­dé­ra­tion de race, de cou­leur, de sexe, de langue, de reli­gion, d’opinion poli­tique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou repré­sen­tants légaux, de leur ori­gine natio­nale, eth­nique ou sociale, de leur situa­tion de for­tune, de leur inca­pa­ci­té, de leur nais­sance ou de toute autre situa­tion. » Ainsi, les États signa­taires doivent prendre « toutes les mesures appro­priées pour que l’enfant soit effec­ti­ve­ment pro­té­gé contre toutes formes de dis­cri­mi­na­tion ou de sanc­tion moti­vées par la situa­tion juri­dique, les acti­vi­tés, les opi­nions décla­rées ou les convic­tions de ses parents, de ses repré­sen­tants légaux ou des membres de sa famille. »

« Sculpteur de l’âme de l’enfant »

Cette conven­tion, qui confère des droits uni­ver­sels spé­ci­fi­que­ment aux enfants pour leur recon­nais­sance en tant qu’individus à part entière, trouve son fon­de­ment dans la Déclaration des droits de l’enfant. Une décla­ra­tion qui est le tra­vail d’un homme : Henryk Goldszmit, plus connu sous son nom de plume, Janusz Korczak. Né le 22 juillet 1878, ce méde­cin polo­nais a posé les bases de tra­vail pour des géné­ra­tions d’éducateurs d’enfants. Il a mis en place une péda­go­gie révo­lu­tion­naire dans l’orphelinat qu’il a créé deux ans avant la Première Guerre mon­diale. De 1939 à 1942, « il crée, pour ses 240 orphe­lins, un véri­table havre de paix au milieu de l’enfer du ghet­to de Varsovie », explique Stanislaw Tomkiewicz, psy­chiatre et psy­cho­thé­ra­peute, lors d’une confé­rence en 1979. Une révo­lu­tion édu­ca­tive qui sera donc bru­ta­le­ment stop­pée par la bar­ba­rie nazie. Le prin­cipe de Korczak tient en une phrase, qui figure dans sa Déclaration des droits de l’enfant : « Les enfants ne sont pas les per­sonnes de demain, ils sont des per­sonnes d’aujourd’hui1»Puisant dans sa propre enfance sans saveur, Korczak part du pré­sup­po­sé que l’enfant vit sous le joug auto­ri­taire des adultes. « Je m’échappai de ma jeu­nesse comme d’un asile de fous », écri­vait-il. D’après lui, à aucun moment, ni les pen­sées ni la parole de l’enfant ne sont prises en compte comme elles devraient l’être. Partant du prin­cipe qu’« un enfant est quelqu’un qui a besoin de mou­ve­ment », l’oublier c’est l’« étran­gler, le bâillon­ner, bri­ser sa volon­té, consu­mer ses forces, en lui lais­sant seule­ment l’odeur de la fumée. »

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[Jérusalem - Mémorial de Yad Vashem - sculpture en hommage à Janusz Korczak (Berthold Werner)]

Dans son orphe­li­nat, Janus Korczak engage un réel tra­vail d’observation de l’enfant au quo­ti­dien (au lever, aux repas, dans les temps de loi­sirs, au cou­cher, etc.). Son objec­tif : réa­li­ser un grand livre où serait regrou­pé ce tra­vail scien­ti­fique avec les résul­tats des expé­riences sociales qu’il a menées. Un autre regard por­té sur les enfants prend alors forme : « Les jeux des enfants ne sont pas fri­voles. Découvrir un secret, trou­ver un objet caché, se prou­ver qu’il n’y a rien qu’on ne puisse retrou­ver — tout est là. » Son action fait le tour du monde de l’éducation et dans les années 1920, il est le péda­gogue en vogue qui applique les méthodes actives propres à l’éducation popu­laire. La péda­go­gie active, c’est « apprendre en fai­sant »l’apprenant est mis en situa­tion pour mobi­li­ser ses com­pé­tences et les faire évo­luer au cours de la for­ma­tion. L’enfant est non seule­ment pré­ser­vé dans son inté­gri­té mais est appe­lé à s’organiser, se confron­ter, réflé­chir, en un mot s’émanciper : « Blesser le cœur d’un poète, c’est écra­ser un papillon. » Pour Korczak, les papillons doivent s’envoler libre­ment. Entre autres méthodes sub­ver­sives auprès des jeunes délin­quants qu’il recueille, Korczak décide de ne pas empê­cher la vio­lence de cer­tains de ses pen­sion­naires mais de l’apprivoiser. Ainsi, il met en place une boîte aux lettres dans l’orphelinat. Chaque enfant qui veut se battre contre un de ses cama­rades doit ain­si lui écrire qua­rante-huit heures avant pour le pré­ve­nir et lui don­ner ren­dez-vous. Avec cette méthode, Korczak fait en sorte que l’enfant intel­lec­tua­lise ses émo­tions et pense à ses actes. Pour lui, « tout comme un méde­cin diag­nos­tique une mala­die à par­tir des plaintes du malade, l’éducateur doit prendre conscience de l’état d’esprit de son élève : « ce qu’une fièvre, une toux ou une nau­sée est pour le méde­cin, un sou­rire, une larme ou une rou­geur doit l’être pour l’éducateur » ». Docteur Korczak applique le diag­nos­tic au champ social : « Et si la méde­cine visait essen­tiel­le­ment à soi­gner un enfant malade, le but de la péda­go­gie était d’éduquer l’enfant dans sa tota­li­té. En tant qu’éducateur, Korczak se voyait comme « le sculp­teur de l’âme de l’enfant. » ». « C’est dans une âme folle que nous for­ge­rons une âme sen­sée », écri­vait encore celui qui a fait le « ser­ment de faire res­pec­ter l’enfant et de défendre ses droits ». Son ana­lyse des causes des pro­blé­ma­tiques des enfants était liée à l’examen minu­tieux du contexte social. Un enfant n’est pas mau­vais par nature mais l’environnement dans lequel il évo­lue influe sur ce qu’il devient. Alors, « quand diable arrê­te­rons-nous de pres­crire de l’aspirine contre la pau­vre­té, l’exploitation, l’illégalité et le crime ? », s’enflammait Korzcak pour qui chaque atteinte à un enfant le bles­sait tout aus­si personnellement.

La République des enfants

« L’enfant est non seule­ment pré­ser­vé dans son inté­gri­té mais est appe­lé à s’organiser, se confron­ter, réflé­chir, en un mot s’émanciper. »

Considérant les enfants comme une classe sociale à part entière, dans son labo­ra­toire social, Korczak met en place la République des enfants pour qu’ils s’organisent : « La phi­lo­so­phie de base de la répu­blique des enfants était : les enfants ne sont pas les per­sonnes de demain, mais ce sont des per­sonnes d’aujourd’hui. Ils ont le droit d’être pris au sérieux ; d’être trai­tés par les adultes avec ten­dresse et res­pect, comme des égaux pas comme des esclaves que leurs maîtres com­mandent. On devrait lais­ser croître en eux ce pour quoi ils sont faits, quelque soit la direc­tion prise par leur désir : l’espoir du futur, pour cha­cun d’entre eux, c’est leur « per­sonne incon­nue ». » Korczak, qui se défi­nit comme « méde­cin de for­ma­tion, péda­gogue par hasard, écri­vain par amour et psy­cho­logue par néces­si­té », com­mence alors l’ébauche de la Déclaration des droits de l’enfant. Cette auto­ges­tion donne nais­sance, par exemple, à un sys­tème judi­ciaire au sein même de l’institution. Le tri­bu­nal se tient tous les same­dis matins. Les enfants élisent par­mi eux qui seront avo­cats, juge, pro­cu­reur. Devant cette cour offi­cielle recon­nue par tous, les accu­sés défilent suite à un délit et peuvent faire l’objet d’une peine. Tout un arse­nal légis­la­tif per­met de répondre aux infrac­tions du quo­ti­dien. L’originalité de ce tri­bu­nal est que les adultes peuvent être jugés comme l’a déjà été Korczak lui-même. Le rap­port adulte-enfant est ain­si rétabli.

Korczak s’est tou­jours consi­dé­ré comme un édu­ca­teur et non pas comme un pro­fes­seur. « Un pro­fes­seur était une per­sonne payée à l’avance pour faire entrer quelque chose dans la tête de l’enfant, alors qu’un édu­ca­teur fai­sait sor­tir quelque chose de l’enfant. » Il peut appa­raître comme évident au regard de son tra­vail et de son huma­nisme que son enga­ge­ment poli­tique pen­chait à gauche. Sur ce plan aus­si, Korczak était « à la croi­sée des che­mins ». « Je res­pecte l’idée du com­mu­nisme », écrit-il « mais comme la pure eau de pluie, quand elle des­cend le long des gout­tières, elle se pol­lue. » Son ana­lyse de la situa­tion de l’époque est une pho­to­gra­phie des failles du sys­tème qui se des­sine alors : « Pendant la révo­lu­tion, comme tou­jours dans la vie, les malins et les pru­dents atteignent tou­jours les som­mets, tan­dis que les naïfs et les fidèles sont balayés. » Korczak qui lut­ta sa vie entière contre toute forme d’autoritarisme ne goûte pas au modèle révo­lu­tion­naire dont « les pro­grammes […] n’étaient pas seule­ment pha­ri­saïques au point d’être ennuyeux, ils étaient une ten­ta­tive san­gui­naire et tra­gique pour trans­for­mer et restruc­tu­rer la socié­té – un amal­game de folie, de vio­lence et d’audace qui révé­lait un mépris catas­tro­phique de la digni­té humaine. »

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[Ghetto de Varsovie (DR)]

Un îlot dans le ghetto

La bar­ba­rie, Korczak et ses orphe­lins la subi­ront de plein fouet quand les nazis enva­hirent la Pologne et que l’établissement se retrou­va en plein ghet­to de Varsovie. La faim, la ver­mine et la sur­po­pu­la­tion dété­riorent les condi­tions sani­taires à une vitesse hal­lu­ci­nante. Les corps et les esprits souffrent. « C’était deux mondes dis­tincts — avant le ghet­to et après le ghet­to. Seulement une rup­ture abso­lue, sou­daine. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un demi mil­lion de per­sonnes entas­sées les unes sur les autres dans un espace res­treint, clos de murs, mènent une vie nor­male. Au début, vous pou­viez vous sen­tir nor­mal, mais au bout d’un moment vous n’étiez plus sain d’esprit. Le ghet­to était un monde fou et nous nous com­por­tions comme des fous », témoigne Misha Wroblewski, la seule pro­fes­seure à l’orphelinat de Korczak à avoir sur­vé­cu. Tout ce contre quoi le péda­gogue avait lut­té, il le retrouve alors chaque jour sur le trot­toir. Des enfants des rues qui errent, grap­pillent ce qu’ils peuvent auprès d’adultes zom­bies. Quand un enfant pous­sait ses der­niers râles sur la chaus­sée, Korczak s’agenouillait à côté de lui. Quelques mots tendres, une caresse sur les che­veux, il l’accompagnait dans ces der­niers moments. Il eut même l’idée de conce­voir des petites caisses en bois pour que les enfants des rues passent leurs der­nières heures à l’abri. Mais cela ne sera jamais réa­li­sé. Quoiqu’il en soit, Korczak est le pre­mier à prendre en compte la mort des enfants. Il consacre d’ailleurs un article de sa décla­ra­tion des droits de l’enfant au sujet : « L’enfant a le droit de mou­rir pré­ma­tu­ré­ment » — « Le pro­fond amour de la mère pour son enfant doit lui lais­ser le droit de mou­rir pré­ma­tu­ré­ment, d’avoir un cycle de vie de un ou deux prin­temps seule­ment… Tous les arbris­seaux ne deviennent pas des arbres. » 

« La bar­ba­rie, Korczak et ses orphe­lins la subi­ront de plein fouet quand les nazis enva­hirent la Pologne et que l’établissement se retrou­va en plein ghet­to de Varsovie. »

Ses orphe­lins, Korczak ne les lais­se­ra jamais tom­ber et c’est jusqu’au bout qu’il résiste pour leur offrir le meilleur. Son prin­cipe est clair : « Comme on n’abandonne pas un enfant malade dans la nuit, on n’abandonne pas des enfants dans une époque comme celle-ci. » Ainsi, quelques jours avant l’évacuation du ghet­to, il refuse l’exil qu’on lui pro­pose. Au matin du 6 août 1942, les nazis encerclent la zone. Irena Sendlerowa qui a par­ti­ci­pé au sau­ve­tage de 2 500 enfants juifs du ghet­to, a été spec­ta­trice de cette marche vers la mort. Elle témoigne le 6 février 1997 auprès de l’Académie des Sciences sur ce jour funeste2 : « J’ai vu Korczak mar­cher avec les enfants, de l’orphelinat Dom Sierot (« Ma Maison ») vers leur mort ! Il était alors déjà très malade, mais il se tenait encore droit comme un « i », le visage impas­sible, appa­rem­ment maître de lui-même. Ouvrant ce tra­gique cor­tège, il por­tait le plus jeune enfant sur un bras et en tenait un autre par la main. Cette scène a été rap­por­tée à maintes reprises, et chaque fois d’une manière dif­fé­rente, mais il n’y a pas néces­sai­re­ment contra­dic­tion entre ces des­crip­tions : n’oublions pas que la route qui menait de l’orphelinat à la Umschlagsplatz était longue. Je les ai aper­çus lorsqu’ils tour­naient à l’angle de la rue Zelazna pour emprun­ter la rue Leszno. Les enfants étaient sur leur trente et un dans leurs beaux uni­formes de toile bleue. Le cor­tège avan­çait quatre par quatre, avec entrain, en rythme et digne­ment vers la Umschlagsplatz – vers le camp de la mort ! » Ils seront tous gazés à leur arri­vée au camp de Treblinka.

Aujourd’hui, la force du mes­sage de Janusz Korczak n’a pas bais­sé en inten­si­té. Il per­met même de mesu­rer la grande régres­sion qui s’est effec­tuée ces der­nières années en matière de droit des enfants. À l’instar du mineur délin­quant. Fin 2005, Nicolas Sarkozy pro­po­sait un « dépis­tage pré­coce des enfants pré­sen­tant des troubles du com­por­te­ment » dans son pro­jet de loi sur la pré­ven­tion de la délin­quance. Un « dépis­tage » qui sera fina­le­ment aban­don­né dans le texte défi­ni­tif en février 2007. Cette concep­tion semble pour­tant avoir impré­gné les esprits. Un sché­ma de pen­sée qui per­met d’éluder tota­le­ment la ques­tion sociale. « L’enfant délin­quant est encore un enfant… Malheureusement les souf­frances engen­drées par la pau­vre­té se pro­pagent comme des poux : sadisme, crime, gros­siè­re­té et bru­ta­li­té se nour­rissent d’elle », écri­vait encore Korczak. De son côté, le psy­chiatre Boris Cyrulnik, connu pour avoir vul­ga­ri­sé le concept de rési­lience (renaître de sa souf­france) a pour­sui­vi l’analyse de l’éducateur polo­nais : « Grâce à la tech­no­lo­gie des armes et des trans­ports, le XXe siècle a décou­vert une bar­ba­rie que ni l’Antiquité ni le Moyen Âge n’a­vait connue, la guerre contre les enfants. » Hier comme aujourd’hui, dans ces guerres contre les enfants, gar­dons à l’esprit Korczak pour qui « il est heu­reux pour le genre humain que nous soyons inca­pables de for­cer les enfants à céder aux coups por­tés à leur bon sens et à leur huma­ni­té. »


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  1. Betty Jean Lifton, Janusz Korczak — Le roi des enfants, Éditions Robert Laffont, 1989. Sauf men­tion contraire, les cita­tions sont issues de cette bio­gra­phie.[]
  2. Conférences Korczak — Janusz Korczak. Le droit de l’enfant au res­pect« J’ai vu Korczak mar­cher avec les enfants vers leur mort » – Commissaire aux droits de l’homme, Conseil de l’Europe.[]

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