Frédéric Lordon : « Je serais l’homme politique le plus navrant de l’univers » [3/3]


Entretien inédit sur le site de Ballast

L’estime que Frédéric Lordon porte à Pierre Bourdieu est connue. Et il ne fait pas l’ombre d’un doute que le pre­mier repren­drait à son compte les mots du second, mal­me­nant dans l’un de ses livres « l’illu­sion bio­gra­phique », la psy­cho­lo­gie et le genre auto­bio­gra­phique. On l’en­tend très bien. Mais on entend aus­si que l’a­na­lyse socio­lo­gique n’é­puise pas tout et qu’il y a, quand même, matière à dis­cu­ter la chair et l’os. C’est donc, dans le cadre de ce der­nier volet (et tou­jours dans l’ar­rière-salle d’un café), que nous avons ten­té d’y voir plus clair : com­ment celui que tout des­ti­nait à deve­nir consul­tant finan­cier s’est-il retrou­vé à être l’une des voix contem­po­raines du com­mu­nisme ? Lordon rechigne à par­ler de lui autre­ment que du bout des lèvres ; « ten­ter » est le bon mot.


[lire le deuxième volet]


En 2008, à la ques­tion de savoir si l’économiste que vous étiez comp­tait deve­nir phi­lo­sophe, vous répon­diez : « En aucun cas ! Je n’en ai ni la com­pé­tence spé­ci­fique, ni sur­tout l’envie. » Il se trouve que, dix ans plus tard, vous l’êtes. Que s’est-il passé ?

Un évé­ne­ment admi­nis­tra­tif. J’ai chan­gé de sec­tion au CNRS : j’étais chez les éco­no­mistes, jusqu’en 2012. À force, ils vou­laient me foutre dehors, je vou­lais par­tir, on devait finir par s’entendre. J’exagère un peu avec la réduc­tion à l’événement admi­nis­tra­tif, qu’on lira plus adé­qua­te­ment comme un scru­pule de ma part à endos­ser sans autre forme de pro­cès la qua­li­té de phi­lo­sophe, pour laquelle j’ai un grand res­pect et que, n’ayant pas sui­vi son cur­sus propre, je ne me per­met­trais pas d’usurper. Et puis tout de même : ça fai­sait un moment que le spi­no­zisme pre­nait de plus en plus de place dans mes tra­vaux — il y avait quand même une logique intel­lec­tuelle à ce dépla­ce­ment ins­ti­tu­tion­nel. Ma chance tient à ce que les phi­lo­sophes, fina­le­ment, aient la défi­ni­tion la plus souple de leur propre dis­ci­pline, et conti­nuent d’une cer­taine manière de se tenir à ce magni­fique adage de Canguilhem pour lequel « il n’y a pas de matière étran­gère pour la phi­lo­so­phie ». J’apportais « ma » matière, prise dans l’économie poli­tique et les sciences sociales, et ce que j’en fai­sais à l’aide de ma lec­ture de Spinoza a paru pou­voir se cou­ler dans l’idée que les phi­lo­sophes du CNRS se font de leur tra­vail. Et puis il y a aus­si que les phi­lo­sophes sont les der­niers à valo­ri­ser comme ils le font l’écriture de livres, et pas seule­ment les articles de quinze pages — for­mi­dable res­pi­ra­tion. Il reste, quant au fond, que je conti­nue de me situer dans un entre-deux un peu indis­tinct, qui n’est plus tout à fait des sciences sociales mais pas encore com­plè­te­ment de la phi­lo­so­phie — mais la condi­tion a‑topique1 ne m’a jamais déplu.

Fidèle au Bourdieu de l’Esquisse pour une auto-ana­lyse, vous refu­sez de céder du ter­rain à l’autobiographie, à la figure de l’auteur, à la nar­ra­tion indi­vi­duelle. Mais tout le monde n’appelle pas, un jour, à « blo­quer » la socié­té au nom de « l’insoumission » et de « l’affranchissement » lors d’une occu­pa­tion de place ! Pas d’individu-roi, soit, mais demeure tout de même ce que vous appe­lez vous-même l’inge­nium2, les dis­po­si­tions sin­gu­lières et psy­chiques, affec­tives ! Pourquoi serait-ce dépla­cé de cher­cher à com­prendre com­ment, tout « socia­le­ment dis­po­sé à atter­rir chez les domi­nants » que vous étiez, le train a déraillé ?

« Je conti­nue de me situer dans un entre-deux un peu indis­tinct, qui n’est plus tout à fait des sciences sociales mais pas encore com­plè­te­ment de la philosophie. »

C’est une enquête qui n’aurait assu­ré­ment rien de dépla­cé. Tout et tous sont offerts à la recons­ti­tu­tion de leurs déter­mi­na­tions. Pour ce qui me concerne, ce qu’il y aurait à recons­ti­tuer est de l’ordre d’une bifur­ca­tion, car, en effet, c’est une his­toire de déraille­ment. La ques­tion est de com­prendre com­ment un fils de la bour­geoi­sie, qui n’a jamais connu qu’une vie de bour­geois, a été épar­gné de toute dif­fi­cul­té maté­rielle, a sui­vi le cur­sus hono­rum auquel le pré­dé­ter­mi­nait sa classe (Les Ponts, le MBA d’HEC), qui du reste se voyait lui-même dans ces années-là — 1986 — appe­lé à une car­rière de win­ner, la ques­tion est de savoir com­ment cet indi­vi­du, par glis­se­ments suc­ces­sifs, se retrouve d’abord cher­cheur plu­tôt que consul­tant chez McKinsey (je me sou­viens d’avoir envoyé le mon­tant de ma bourse doc­to­rale à l’enquête « salaires » d’HEC exprès pour tirer la moyenne vers le bas), éco­no­miste hété­ro­doxe, sym­bo­li­que­ment pouilleux, plu­tôt qu’orthodoxe, phi­lo­sophe (donc au fond de l’inutilité), et pour finir debout sur des palettes place de la République. Soit une tra­jec­toire qui contre­dit en tout ce qu’une socio­lo­gie (trop) simple aurait fait dire à mes condi­tions ini­tiales. Précisément parce que la socio­lo­gie n’est plus suf­fi­sante, je ne peux pas répondre à votre ques­tion. Et ceci parce que, cette his­toire convo­quant des déter­mi­na­tions tout à fait idiosyncratiques3, sans doute pour par­tie de l’ordre de l’inconscient, d’abord il n’est pas dit que j’en aie moi-même le fin mot, ensuite parce que même si je l’avais, je ne vous le don­ne­rais pas.

Ici, cepen­dant, je m’avoue à moi-même d’une inco­hé­rence indé­fen­dable : car, sans doute pro­jec­ti­ve­ment, j’ai une pas­sion par­ti­cu­lière pour les his­toires de bifur­ca­tions indi­vi­duelles, les his­toires de déraille­ment, les nais­sances tar­dives (à la poli­tique, à l’intellectualité), et qu’il n’y a pas plus fas­ci­nant, et plus appro­prié à l’enquête spi­no­ziste, que ces « bas­cules » — ici, par excel­lence, le concept d’inge­nium montre sa supé­rio­ri­té sur celui d’habitus, en l’occurrence son plus grand pou­voir de réso­lu­tion, comme on dit en optique. L’incohérence, en tout cas, c’est que là où pour ma part je renâcle à par­ler davan­tage, j’ai ter­ri­ble­ment envie d’en faire par­ler d’autres. Et, là où Chantal Jaquet s’est inté­res­sée à la bifur­ca­tion pro­pre­ment socio­lo­gique des trans­classes, rien ne m’intéresserait plus que de faire une enquête sur les bas­cules poli­tiques, les bas­cules de la croyance. Il se trouve que je reçois assez régu­liè­re­ment des mails de per­sonnes qui me racontent des his­toires de tan­gentes très impres­sion­nantes. Et puis je pense à Nicolas Fensch qui a racon­té lui-même sa propre dia­go­nale, du gaul­lisme au cor­tège de tête, en pas­sant par le Quai de Valmy et la pri­son. Ce sont des his­toires extra­or­di­naires, fas­ci­nantes, qui inci­dem­ment, au-delà de leurs cas, disent une période de crise, c’est-à-dire une période où des degrés de liber­té s’ouvrent, et où l’on voit s’o­pé­rer des dépla­ce­ments nor­ma­le­ment inconcevables.

[Stéphane Burlot | Ballast]

En 1988, vous votez pour qui ?

Juquin au pre­mier tour, le com­mu­niste réfor­ma­teur. Deux ans avant, je votais RPR aux légis­la­tives : conscience poli­tique de bulot, mimé­tisme paren­tal de classe, c’est vous dire si je reviens de loin ! (rires) Le tout sur fond d’inculture crasse en tout. Car jusqu’à un âge avan­cé je ne m’intéresse qu’à la phy­sique et à la lit­té­ra­ture alpine, vous voyez le tableau. J’ai tou­jours été très impres­sion­né par des per­sonnes, il est vrai géné­ra­le­ment pas­sées par la khâgne, qui avaient lu les Méditations méta­phy­siques ou la Recherche du temps per­du à 15 ans. Moi à 15 ans, je lis Montagnes Magazine… (rires) Et puis un jour de décembre, j’avais 22 ans, pen­sant expé­dier avec un livre quel­conque un cadeau de Noël, je suis entré dans une librai­rie — La Hune. Et là d’un coup, sans crier gare, ça m’est tom­bé des­sus : la Pentecôte ! Claudel et son pilier4. D’abord, cer­né par tous ces livres, le scan­dale de ma propre igno­rance. Ensuite la cer­ti­tude abso­lue que j’avais trou­vé mon lieu. Spinoza a vrai­ment rai­son : nous sen­tons et nous expé­ri­men­tons que nous sommes éter­nels. Et il n’y a pas plus belle lec­ture de cette phrase énig­ma­tique que celle qu’en fait Deleuze : même le der­nier des abru­tis, un jour il com­prend un petit quelque chose — ne serait-ce, comme moi ce jour-là, qu’il y a quelque chose à com­prendre. Et c’est ça l’éternité au pré­sent de l’indicatif.

Et la ren­contre avec le mar­xisme se pro­duit à quel moment ?

« Je n’ai pas ces­sé de rec­ti­fier mon agen­da de pen­sée à la lumière des évé­ne­ments de l’époque — et elle n’en a pas été avare. »

Très vite, et par l’économie. L’économie, c’est ma solu­tion syn­thé­tique de bifur­ca­tion : les maths (les Ponts), les « choses de l’é­co­no­mie » (HEC), le tout arri­mé à l’intuition qu’un bon moyen, peut-être le meilleur, de tenir un point de vue cri­tique sur la socié­té contem­po­raine sup­pose de l’attraper « par l’économie ». Je vais au sémi­naire de DEA de Robert Boyer : il enseigne la théo­rie de la régu­la­tion, d’inspiration mar­xienne. J’ai lu le des­crip­tif du sémi­naire, je n’ai à peu près rien com­pris, mais lorsque je l’entends par­ler je sais ins­tan­ta­né­ment que c’est ça que je veux faire. J’avais urgem­ment besoin d’une édu­ca­tion intel­lec­tuelle : l’hé­té­ro­doxie régu­la­tion­niste me l’a don­née, mar­xisme compris.

Votre pre­mier ouvrage est paru en 1997 : dans quelle mesure l’époque, et ses évé­ne­ments mon­diaux, a‑t-elle pesé sur le déve­lop­pe­ment de votre sen­si­bi­li­té idéologique ?

Dans une mesure qui n’a pas ces­sé de se confir­mer — et d’illustrer une véri­té très géné­rale : on pense dans une conjonc­ture. Ce pre­mier livre était mar­qué par la décou­verte des mar­chés finan­ciers comme ins­tance nor­ma­tive sur­veillant et déter­mi­nant les poli­tiques éco­no­miques. Ici se diag­nos­ti­quait la migra­tion de la sou­ve­rai­ne­té : aban­don­nant les corps poli­tiques, cap­tée par le capi­tal finan­cier. Depuis, je n’ai pas ces­sé de rec­ti­fier mon agen­da de pen­sée à la lumière des évé­ne­ments de l’époque — et elle n’en a pas été avare : mon­tée du pou­voir action­na­rial, récur­rence des crises finan­cières. Mais la grande per­cus­sion, comme pour beau­coup, c’est la crise de 2008 : éveillé à l’intellectualité dans la deuxième moi­tié des années 1980, en plein libé­ra­lisme triom­phant, c’est-à-dire en pleine éra­di­ca­tion du mar­xisme, je réa­lise en 2008 com­bien sans m’en rendre compte j’en ai pris le pli, et que je ne me suis jamais posé à moi-même la ques­tion anti­ca­pi­ta­liste à pro­pre­ment par­ler. Je réa­lise à quel point même des éco­no­mistes hété­ro­doxes se disant mar­xistes comme ceux de la régu­la­tion avaient éva­cué cette ques­tion de leur pay­sage de pen­sée. Je me sou­viens de l’avoir écrit dans la Revue de la régu­la­tion en 2009, en rap­pe­lant la conclu­sion de l’un des ouvrages fon­da­teurs de la théo­rie de la régu­la­tion5, qui appe­lait à pen­ser la réso­lu­tion de la crise du for­disme pas seule­ment dans les coor­don­nées d’une tran­si­tion d’un régime d’accumulation à un autre, donc dans le capi­ta­lisme, mais éven­tuel­le­ment dans celles de la sor­tie du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste lui-même. C’était en 1978 — der­niers feux. Et il n’en a plus jamais été ques­tion pour trente ans. C’était quand même un fameux lou­pé col­lec­tif, et j’en avais été partie.

[Stéphane Burlot | Ballast]

« Je suis venu à l’idée com­mu­niste par inad­ver­tance », avez-vous dit un jour.

Voilà, tout est dit. C’est un aveu, cette « inad­ver­tance ». Quand je relis cet entre­tien, je prends la mesure des dépla­ce­ments. Je me fais un peu honte aussi.

Votre adhé­sion au com­mu­nisme s’est faite via la res com­mu­na, la « récom­mune », bref, la chose com­mune. Mais le com­mu­nisme n’est pas qu’une idée : c’est aus­si une pra­tique, une his­toire et même une mytho­lo­gie, avec ses récits, ses moments épiques et ses mar­tyrs. Quel rap­port entre­te­nez-vous avec tout ça ?

Un rap­port de consti­tu­tion tar­dive, mais puis­sam­ment moteur — comme l’est un ima­gi­naire poli­tique, cette chose men­tale col­lec­tive qu’on fabrique avec de la réa­li­té his­to­rique. De consti­tu­tion tar­dive et conti­nuée, où n’en finissent pas de venir s’intégrer de nou­velles his­toires. Par exemple, celle de l’Autonomie ita­lienne qui, à part les « sur­vi­vants » réfu­giés en France, n’existerait pas (ou si peu) dans les têtes sans les trans­mis­sions de La Fabrique, de Marcello Tari à Tiqqun, des édi­tions de l’é­clat qui tra­duisent La Horde d’or ou de la revue Période. C’est fou comme ça tient à peu de choses, et à peu de gens, que le fil d’une mémoire de lutte ne se brise pas com­plè­te­ment. Mais ce qui est encore plus fou, c’est que celui-ci ait failli se bri­ser quand il s’agit sans doute de l’un des évé­ne­ments poli­tiques les plus consi­dé­rables de l’histoire euro­péenne contem­po­raine. Si l’Autonomie ita­lienne n’entre pas dans nos ima­gi­naires poli­tiques, mais alors qu’est-ce qui a droit d’y entrer ?

Vous aviez avan­cé que, sans tom­ber dans le féti­chisme, le mar­xisme était la « meilleure édu­ca­tion intel­lec­tuelle pos­sible ». Vous sem­blez avoir tout de même pris une cer­taine dis­tance. Inversons donc : sur quel point n’êtes-vous pas, mais alors pas du tout, marxiste ?

« Si l’Autonomie ita­lienne n’entre pas dans nos ima­gi­naires poli­tiques, mais alors qu’est-ce qui a droit d’y entrer ? »

La théo­rie de la valeur, la phi­lo­so­phie de l’Histoire, la poli­tique du dépé­ris­se­ment de l’État — trois fois rien… À ce compte-là, évi­dem­ment, la ques­tion se ren­verse : me reste-t-il quoi que ce soit de mar­xiste dans ces condi­tions ? Ma réponse est oui, et l’essentiel : le maté­ria­lisme comme réa­lisme des forces sociales, et notam­ment comme démo­ra­li­sa­tion posi­tive de la poli­tique, et puis la créa­tion du concept struc­tu­ra­liste de « capi­ta­lisme ». Le capi­ta­lisme, dont Marx crée le concept, comme confi­gu­ra­tion de rap­ports sociaux contra­dic­toires, par-là essen­tiel­le­ment conflic­tuels. Eh bien ça, oui, ça fait une édu­ca­tion intel­lec­tuelle, et une méthode.

Vous assu­mez le sta­tut d’« intel­lec­tuel enga­gé ». Et, en com­pa­gnie de Charles Piaget [ancien syn­di­ca­liste de Lip, ndlr] et des tra­vailleurs Ecopla, avez dit en 2016 vous tenir « à [leurs] côtés ». Sartre a employé la même for­mule et pré­cise qu’il s’est « ran­gé » aux côtés de la classe ouvrière et pay­sanne pour « ten­ter de résoudre [s]a contra­dic­tion », en tant qu’intellectuel bour­geois. Est-ce une « ten­sion », c’est là aus­si son mot, qui trouve quelque écho en vous ?

Aucunement. Sous ce rap­port, je ne me sens aucune ten­sion à résoudre — et encore moins aucune culpa­bi­li­té à expier. Mes ori­gines de classe sont ce qu’elles sont. Elles ne m’inspirent aucune fier­té et aucune honte. Je les prends comme un fait pure­ment positif6, offert à ma propre réflexi­vi­té et à l’objectivation par qui vou­dra — mais je viens d’indiquer que ceux qui le vou­draient man­que­raient en fait de tout pour y pro­cé­der. Je ne peux pas m’empêcher de voir toute la tra­jec­toire de Rancière, depuis La Leçon d’Althusser, comme un long rachat de la « mau­vaise » posi­tion de classe, la posi­tion bour­geoise-pro­fes­so­rale. Qu’on pense les effets sur soi de sa propre posi­tion sociale, c’est assu­ré­ment une exi­gence élé­men­taire de réflexi­vi­té. Mais qu’on en souffre quand c’est celle-là — il y a quand même des posi­tions de classe plus dou­lou­reuses… —, et qu’on la laisse pro­duire ce type d’effet, je ne l’ai jamais bien com­pris (mais l’intéressé me démen­ti­rait peut-être aus­si­tôt et me dirait que je fabule tout à fait). C’est sans doute là l’ef­fet d’un pli des années 1960 et 70, où volaient bas les bruyants pro­cès sur le thème « Comment peut-il par­ler de la classe ouvrière sans être ouvrier ? », et les ten­ta­tives de culpa­bi­li­sa­tion, d’ailleurs résur­gentes, qui ont tou­jours rap­pe­lé quelle part de flic, de pro­cu­reur et de curé il y avait chez cer­tains gau­chistes — du reste inca­pables de sai­sir la dif­fé­rence pour­tant élé­men­taire entre « par­ler de » et « par­ler au nom de ». Parler « au nom de », pour le coup, c’est la chose qu’il ne me vien­drait à aucun moment à l’idée de faire — il fau­drait avoir per­du la boule. C’est d’ailleurs pour­quoi, si je peux par­fai­te­ment endos­ser la caté­go­rie d’intellectuel enga­gé, en aucun cas je ne reven­di­que­rais celle d’intellectuel mili­tant. Être mili­tant, j’ai une petite idée de ce que ça sup­pose de ser­vi­tudes — se lever aux aurores pour trac­ter à l’embauche, être phy­si­que­ment sur les lieux où l’on lutte, pas­ser des mau­vaises nuits d’occupation, bref agir autre­ment qu’en mots. Et je sais que ça n’est pas ce que je fais, je sais quelle est ma place dans la divi­sion du tra­vail poli­tique — seconde.

[Stéphane Burlot | Ballast]

La condi­tion de l’intellectuel cri­tique, dites-vous, est de cri­tiquer les pou­voirs et de se tenir à dis­tance des par­tis. Daniel Bensaïd avait moqué, dans Une lente impa­tience, l’intellectuel « franc-tireur », le « com­pa­gnon de route » qui tient à pré­ser­ver sa petite liber­té. Comprenez-vous cette critique ?

J’étais ten­té de répondre spon­ta­né­ment oui, mais en fait non. Je pense que c’est une cri­tique qui pro­cède d’un mou­ve­ment d’universalisation de sa propre posi­tion, ce qui est tou­jours une opé­ra­tion sujette à cau­tion. En matière d’intervention intel­lec­tuelle, je ne crois abso­lu­ment pas qu’il y ait une one best way, et, puisque je viens d’employer le mot, la chose à laquelle je crois le plus en cette matière, c’est la divi­sion du tra­vail : la diver­si­té de ses seg­ments, ses com­plé­men­ta­ri­tés. Par exemple, je m’entends sou­vent repro­cher ma posi­tion d’abstention, tout de même rela­tive, disons de rare­té, vis-à-vis des médias. Ne faut-il pas au contraire y aller autant qu’on peut, ne pas aban­don­ner le ter­rain, cogner pour faire exis­ter d’autres dis­cours, etc. ? Les deux posi­tions ne sont contra­dic­toires que si on les uni­ver­sa­lise, or je pense que la divi­sion du tra­vail leur donne une place à cha­cune. En tout cas, il ne me vien­drait pas un ins­tant à l’esprit d’universaliser la mienne. Et de même dans le rap­port aux ins­ti­tu­tions et aux orga­ni­sa­tions de pou­voir. Je pense, là aus­si, qu’il y a une place « au-dehors », que cette place a du sens, et qu’elle com­plète avan­ta­geu­se­ment celle du « dedans », qu’elles se régulent l’une l’autre. Cependant, je conti­nue de croire, en géné­ral, que les ins­ti­tu­tions sont plus fortes que les indi­vi­dus et qu’elles les mangent, qu’elles les digèrent, sans même qu’ils s’en rendent compte. Quoique théo­ri­sant la néces­si­té du fait ins­ti­tu­tion­nel, je pense que la vie dans les ins­ti­tu­tions est, presque aus­si néces­sai­re­ment, une sorte de désastre, une colo­ni­sa­tion, une obtu­ra­tion, par­fois même une mortification.

« J’aurais du mal à renon­cer à la pos­si­bi­li­té de côtoyer des groupes ou des ten­dances de la gauche répu­tées irréconciliables. »

Alors oui, je connais aus­si des excep­tions. D’abord parce qu’il y a quelques ins­ti­tu­tions moins pires que les autres, et parce qu’il y a aus­si quelques indi­vi­dus plus forts que les autres, plus capables de résis­ter à la pha­go­cy­tose, de main­te­nir, envers et contre l’institution, des nuques raides. Que Daniel Bensaïd ait été fait de ce métal, c’est l’un des motifs d’admirer sa per­sonne. Si je pense qu’il y a une contra­dic­tion essen­tielle dans l’expression « intel­lec­tuel mili­tant » (je me rends compte qu’il y aurait énor­mé­ment à dire pour sou­te­nir conve­na­ble­ment cette asser­tion lapi­daire), je vois aus­si que Bensaïd aura déjoué l’oxymore. Il était capable aus­si bien de la hau­teur de vue théo­rique que de la pen­sée stra­té­gique la plus péné­trante. Et d’être par-des­sus le mar­ché un homme d’organisation, conjonc­tion des plus rares en un seul homme de dis­po­si­tions aus­si hété­ro­gènes, peut-être même contra­dic­toires. Deux per­sonnes nous manquent beau­coup ces temps-ci, cha­cune dans leur genre d’ailleurs : Bourdieu et lui. Cependant, comme les excep­tions ne font pas des lois géné­rales, je peux à la fois admi­rer Bensaïd et conti­nuer d’entretenir la plus grande méfiance vis-à-vis des appar­te­nances orga­ni­sa­tion­nelles, non pas en soi bien sûr, mais du point de vue qui est le mien, celui d’un cher­cheur ou d’un intel­lec­tuel, s’il est enga­gé. Je ne peux pas me défaire de l’idée que les ins­ti­tu­tions, les orga­ni­sa­tions, imposent des formes, le plus sou­vent très insi­dieuses, de rétré­cis­se­ment. Quoi qu’elles en aient, les orga­ni­sa­tions pro­duisent des ostra­cismes. Or j’aurais du mal à renon­cer à la pos­si­bi­li­té de côtoyer des groupes ou des ten­dances de la gauche répu­tées irréconciliables.

De la France insou­mise à lun­di­ma­tin, média lié au Comité invisible.

Oui. C’est peut-être une tour­nure bizarre, mais je trouve à pen­ser avec égal inté­rêt dans des posi­tions poli­tiques ordi­nai­re­ment don­nées pour incom­pa­tibles, et je n’ai aucune envie d’appartenir exclu­si­ve­ment à une seule. Ce qui ne signi­fie évi­dem­ment pas que la syn­thèse que j’en fais fasse parts égales à toutes ses composantes.

C’est là votre dis­po­si­tion per­son­nelle aux « bords ».

J’ai une détes­ta­tion pour le milieu et les milieux. Et une han­tise pour l’homogène, ou le mono­idéïsme. Alors oui : plu­tôt les bords, les bor­dures et les inter­faces, avoir plus d’une idée, fré­quen­ter plus d’un milieu.

Mais vous ne pour­riez pas mettre ces gens à la même table…

« Sérieusement, vous m’imaginez en deal maker ? De toute manière, je suis bien cer­tain que je serais l’homme poli­tique le plus navrant de l’univers. »

Sérieusement, vous m’imaginez en deal maker ? (rires) De toute manière, je suis bien cer­tain que je serais l’homme poli­tique le plus navrant de l’univers : c’est le genre de chose qui n’entre pas dans ma com­plexion. Dans la série des pro­jec­tions sau­vages, je me sou­viens de ce que j’ai lu me concer­nant pen­dant Nuit Debout : que j’étais en train de faire main basse sur le mou­ve­ment, que j’en tirais les ficelles dans l’ombre, et même que je pré­pa­rais ma can­di­da­ture pré­si­den­tielle. Il n’y a guère d’intensificateur de délire comme l’ex­po­si­tion publique, sur­face pro­jec­tive offerte à toutes les fabri­ca­tions. Mais j’ai répon­du un peu de tra­vers : on peut se retrou­ver à une même table pour autre chose que pas­ser des deals : pour se ren­con­trer. Chose inté­res­sante, si elle est de petite échelle, il y a cette nou­velle com­men­sa­li­té poli­tique : des amis-hôtes qui ont su orga­ni­ser des ren­contres impro­bables. Il en est même sor­ti une ou deux choses.

[Stéphane Burlot | Ballast]

Vous reven­di­quez vou­loir « pro­duire des effets poli­tiques » sans tou­te­fois être un homme poli­tique. Entre nous, et sans modes­tie : pen­sez-vous, au terme de deux décen­nies de publi­ca­tions et d’interventions dans l’espace public, être par­ve­nu à impré­gner le champ poli­tique cri­tique français ?

Je n’en ai pas la moindre idée. En fait je suis inca­pable de répondre à une ques­tion pareille. Je vais sem­bler don­ner une rai­son tout à fait idiote mais c’est la véri­té : je n’habite pas dans Paris mais en ban­lieue, j’ai un bureau à l’EHESS que je n’occupe pas et laisse d’autres uti­li­ser, je tra­vaille chez moi dans une condi­tion d’isolement assez pro­non­cée. Certes, j’ai un ordi­na­teur et une connexion. Et cepen­dant cet éloi­gne­ment phy­sique mini­mal suf­fit à ce que tout ce qui me concerne m’arrive très étouf­fé, amor­ti. C’est là qu’on aper­çoit com­bien la récep­tion de cer­taines infor­ma­tions sup­pose la socia­li­sa­tion phy­sique : dans les lieux de la cir­cu­la­tion. Or je ne bois pas des coups dans les bis­trots du XXe ; je hais la mon­da­ni­té intel­lec­tuelle dîna­toire, lieu par excel­lence de macé­ra­tion des rumeurs et des juge­ments. Donc quant à mesu­rer les effets poli­tiques qu’auraient mes inter­ven­tions, vous voyez comme il m’en manque. La seule manière d’en aper­ce­voir quelque chose, c’est quand je reçois des mails de per­sonnes que je ne connais pas, pour le coup des « bas­cu­lés », des « bifur­quants », et ça c’est tou­jours très émou­vant, ça rachète de tout.

Vraiment, vous ne cher­chez pas à connaître les réper­cus­sions de vos écrits ?

« La mul­ti­tude peut pro­pul­ser des gens au fir­ma­ment et les déchi­que­ter aus­si­tôt après. »

En exa­gé­rant un tout petit peu, je pour­rais dire que je cherche plu­tôt à ne pas les connaître. N’étant pas fait d’une autre étoffe que qui­conque, et aus­si parce que ce sont des choses qui entrent dans le champ de mes réflexions théo­riques, je vois le désastre pos­sible de l’asservissement à la noto­rié­té. Quand elle est de petite échelle, c’est très agréable, et gra­ti­fiant : se faire alpa­guer dans une manif et dis­cu­ter, ou rece­voir de temps en temps ces mails dont je vous par­lais, c’est une joie. Mais dès que ça passe un cap, c’est ter­rible. Et c’est assez simple à com­prendre : la noto­rié­té, c’est un affect com­mun d’amour, or le cona­tus, spon­ta­né­ment, ne cherche rien d’autre que la recon­duc­tion, voire l’extension, de ses joies. Le risque, c’est, sans même s’en rendre compte, de ne se mettre plus à écrire et à par­ler qu’en vue de cette recon­duc­tion, à rete­nir ce qui pour­rait l’entamer, ce qui pour­rait alié­ner de l’amour. C’est ça le désastre. Mais pas seule­ment. Dans la nuit du 31 mars 2016, j’ai quit­té la place de la République vers 4 heures du matin pour ren­trer chez moi dans un état d’angoisse indes­crip­tible : je me suis vu sai­si par la mul­ti­tude — Dieu sait qu’elle n’était pas bien grande. Sauf pour les gens qui sont mus par ce désir incoer­cible, c’est un sen­ti­ment très per­tur­bant, un sen­ti­ment de dépos­ses­sion, de ne plus s’appartenir à soi-même, de deve­nir la chose de la multitude.

Quelques mois après Nuit Debout, des jour­na­listes, per­sua­dés de la réponse qu’ils comp­taient obte­nir, m’ont deman­dé si cette expé­rience avait modi­fié mes concep­tions de phi­lo­so­phie poli­tique. Grande décep­tion de s’en­tendre dire qu’au contraire elle les avait toutes confir­mées. C’est que « ce que peut la mul­ti­tude » est au centre de mes réflexions depuis quinze ans, j’ai donc eu lon­gue­ment le temps d’y pen­ser. Et, en effet, même si ça n’était que sur le papier, je savais de quoi elle est capable : de pro­pul­ser des gens au fir­ma­ment et de les déchi­que­ter aus­si­tôt après. Si je peux m’autoriser un moment pro­mo­tion­nel, il y a dans La Condition anar­chique plu­sieurs pas­sages sur ce sujet, notam­ment sur les noto­rié­tés de réseaux sociaux, ain­si qu’une théo­rie du miracle et de la malé­dic­tion, toutes choses dont la mul­ti­tude a le pou­voir. Sauf à être tota­le­ment incons­cient, on ne se laisse pas empa­rer comme ça par ce genre de forces. Et puis même : on n’en connaît que trop des gens que la noto­rié­té a fait tour­ner du caillou. Moralité : je me tiens à dis­tance de ses échos pour retar­der autant que pos­sible le moment où je vien­drais à pas­ser le 38e parallèle.

[Stéphane Burlot | Ballast]

À défaut de vous pen­cher sur la récep­tion pré­sente, l’idée de « faire œuvre », de pen­ser une cohé­rence, un bloc théo­rique et pra­tique à long terme, vous traverse-t-elle ?

Ça, oui. En tout cas pour ce qui est du bloc théo­rique. Oui, cette idée, elle a été pré­sente du moment où j’ai négo­cié ma bifur­ca­tion spi­no­ziste, où j’ai acquis en très peu de temps la plu­part des idées sur les­quelles je vis encore, où j’ai vu que cette affaire allait me tenir pour un moment, et que je vou­lais au bout du compte la conduire à un point de consis­tance qui la ren­drait en quelque sorte consi­dé­rable — lit­té­ra­le­ment : qui ne peut pas ne pas être consi­dé­rée (après, ce qu’on en fait, c’est une autre his­toire). C’était en 2001–2002 et je me sou­viens m’être expli­ci­te­ment dit que je me don­nais vingt ans sous le décou­page sui­vant : pen­dant cinq ans je vais pas­ser pour fou dans mon milieu (les milieux…) — et ça n’a pas lou­pé ; au bout de dix ans il faut que les gens voient qu’« il y a quelque chose » ; au bout de vingt que ça ait pro­duit des inté­res­sés. C’est à la fois peu et beau­coup comme ambi­tion. C’est une ambi­tion d’inscription. Mais celle-là, je la revendique.

En 2016, vous lan­ciez : « C’est que tout craque dans la socié­té pré­sente, et que le point de rup­ture pour­rait n’être plus si loin. » Deux ans plus tard : « C’est en train de décro­cher par­tout, dans plein de sec­teurs de la socié­té fran­çaise ». Dans quelle mesure l’agitateur, disons même le tri­bun, cherche-t-il à entraî­ner le cher­cheur au long cours et au sang froid ?

« Il se pour­rait que j’entretienne le per­son­nage de l’intervention pour ne pas lais­ser celui de la recherche cou­ler à pic dans la dépres­sion politique… »

Ce sont deux per­son­nages qui coha­bitent de manière par­fois bur­lesque dans la même enve­loppe. En tout cas qui savent et acceptent de ne pas com­po­ser une uni­té par­faite. Comment le pour­raient-ils d’ailleurs ? Les jeux de lan­gage de l’intervention et de la théo­rie sont trop hété­ro­gènes pour coïn­ci­der par­fai­te­ment. Par exemple, je sou­tiens des énon­cés sur le plan de la théo­rie qui deviennent de telles enclumes dans celui de l’intervention que je n’essaie même pas de les y accom­mo­der — alors je glisse. Inversement, il entre dans le registre de l’intervention poli­tique de jouer du per­for­ma­tif, c’est-à-dire de pro­duire des énon­cés déli­bé­ré­ment en excès de ce que l’analyse posi­tive pour­rait sou­te­nir, aux fins de faire éven­tuel­le­ment pré­ci­pi­ter ce qui n’existe pas encore. Des deux per­son­nages, ça n’est donc pas que l’un cherche à entraî­ner l’autre, mais que cha­cun vit sa vie. L’un joue le jeu des affects poli­tiques, l’autre est régu­lé différemment.

« Vient fata­le­ment un moment où les têtes se redressent », avez-vous aver­ti un micro à la main. La pen­sée déter­mi­niste que vous faites vôtre pose, à rebours d’une cri­tique régu­liè­re­ment adres­sée au déter­mi­nisme, une issue de secours, une rup­ture. Mais cette rup­ture prend ici encore l’allure de la fata­li­té ! Pourquoi sommes-nous condam­nés à nous révolter ?

Cas d’illustration par­fait. Ce « fata­le­ment », c’est typi­que­ment l’excès du per­for­ma­tif. En réa­li­té, si je me tenais rigou­reu­se­ment au registre ana­ly­tique-posi­tif, je crois que je som­bre­rais dans un pes­si­misme noir. En défi­ni­tive, il se pour­rait que j’entretienne le per­son­nage de l’intervention pour ne pas lais­ser celui de la recherche cou­ler à pic dans la dépres­sion poli­tique… Quant à votre ques­tion, et d’un point de vue théo­rique, il n’est pas ques­tion de lais­ser reve­nir par la fenêtre le fata­lisme qu’on a chas­sé par la porte : com­ment nous sommes déter­mi­nés et par quoi, c’est une affaire… contin­gente du point de vue de notre enten­de­ment fini. Nous ne sommes donc ni condam­nés ni « fata­li­sés » à la révolte. Pas plus qu’à l’oppression. Ce à quoi nous aurons été déter­mi­nés, nous ne le sau­rons que post fes­tum7. Donc on ver­ra bien jus­qu’où nos dési­rs nous auront portés.


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  1. Sans lieu ni endroit pré­cis.
  2. Disposition natu­relle, tem­pé­ra­ment, humeur.
  3. Caractères propres au com­por­te­ment d’un indi­vi­du par­ti­cu­lier, per­son­na­li­té psy­chique indi­vi­duelle.
  4. Paul Caudel s’est conver­ti au catho­li­cisme à l’âge de 18 ans, à la Noël 1886, alors qu’il se tenait à côté de la sta­tue de la Vierge du Pilier de Notre-Dame de Paris.
  5. Accumulation, infla­tion, crises, de Robert Boyer et Jacques Mistral, PUF, 1978.
  6. Qui peut être posé, qui est de la nature du fait ou se fonde sur les faits.
  7. Après coup, trop tard.

REBONDS

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