De l'esclavage à la coopération : chronique de la dépendance

1 septembre 2021


Texte paru dans le numéro 8 de la revue papier Ballast (septembre 2019)
L’entreprise de conquête amor­cée au XVe siècle par la royau­té espa­gnole a ren­du pos­sible la mise en place d’un « sys­tème-monde » : le capi­ta­lisme. Le socio­logue et mili­tant des quar­tiers popu­laires Saïd Bouamama retrace ici l’his­toire des rap­ports de domi­na­tion et de dépen­dance Nord/Sud, de l’escla­vage à la néo­co­lo­ni­sa­tion. Une syn­thèse indis­pen­sable à la com­pré­hen­sion des luttes et des rap­ports de forces contemporains.

Le 23 mars 2019, le vil­lage d’Ogossagou, au centre du Mali, était le lieu d’un mas­sacre dans lequel périrent atro­ce­ment plus de cent soixante per­sonnes appar­te­nant à la com­mu­nau­té peule. À cette triste occa­sion, les grands médias nous ont abreu­vés une nou­velle fois d’explications cultu­ra­listes et essen­tia­listes, en termes de « guerres eth­niques », d’affrontements « tri­baux », de conflits « ances­traux » entre Dogons et Peuls… Ce type d’explications, aus­si anciennes que la conquête bar­bare du conti­nent amé­ri­cain et l’esclavage ignoble, per­met de mas­quer les causes pro­fondes d’une situa­tion, qui sont de nature éco­no­miques et politiques.

« Ce sys­tème-monde a un nom : le capi­ta­lisme ; et il a une his­toire, dont les dif­fé­rentes phases cor­res­pondent aux dif­fé­rents visages qu’a pris la domi­na­tion : escla­vage, colo­ni­sa­tion, néocolonisation. »

Sur le plan éco­no­mique, l’État malien se carac­té­rise par une dépen­dance totale vis-à-vis de l’Union euro­péenne, ce qui déve­loppe une dua­li­té entre un « Mali utile », dans lequel l’État est encore un mini­mum pré­sent, et un « Mali inutile », délais­sé. Toutes les éco­no­mies dépen­dantes (celles de l’époque colo­niale comme celles d’aujourd’hui) se carac­té­risent en effet par la mise en valeur de cer­taines par­ties du ter­ri­toire natio­nal (celles néces­saires à l’exploitation des res­sources : infra­struc­tures rou­tières, por­tuaires, adduc­tion d’eau, etc.) et le délais­se­ment d’autres (inutiles pour cette exploi­ta­tion). Cela se tra­duit par la dis­pa­ri­tion de l’État de régions entières, et donc la des­truc­tion des bases maté­rielles per­met­tant la construc­tion d’une nation. Sur le plan poli­tique, la pré­sence des troupes fran­çaises et l’ins­tru­men­ta­li­sa­tion de la diver­si­té cultu­relle malienne per­met de divi­ser le pays et de ren­for­cer encore sa dépen­dance vis-à-vis de l’Europe en géné­ral, et de la France en par­ti­cu­lier. Derrière les appa­rences se cache donc la dépen­dance — c’est-à-dire l’imposition d’une logique de fonc­tion­ne­ment éco­no­mique gui­dée par les besoins d’une puis­sance étran­gère et en contra­dic­tion avec les besoins des peuples indi­gènes. Au-delà du Mali, c’est l’ensemble des pays dits du « tiers monde » qui est tou­ché par ce sys­tème de mise en dépen­dance. Il convient de le prendre en compte en le resi­tuant dans son contexte his­to­rique et économique.

L’histoire longue de la domination

Le débar­que­ment de Christophe Colomb sur le conti­nent qui sera appe­lé « amé­ri­cain » marque pour l’humanité entière le pas­sage à une nou­velle ère his­to­rique. Après lui s’enclenche un pro­ces­sus de dépen­dance impo­sé par la vio­lence totale, qui a pour consé­quence le déve­lop­pe­ment d’un « sys­tème-monde1 », c’est-à-dire d’une logique éco­no­mique com­pre­nant un « centre » domi­nant et des « péri­phé­ries » domi­nées2. La longue his­toire de la dépen­dance com­mence avec ces deux facettes en inter­ac­tion : le déve­lop­pe­ment indus­triel et tech­no­lo­gique d’un côté de la pla­nète, et la des­truc­tion des éco­no­mies com­mu­nau­taires, de l’autre. À comp­ter de cette période, nous ne sommes plus dans des his­toires mul­tiples, mais dans des his­toires liées entre elles par la vio­lence. Le déve­lop­pe­ment éco­no­mique des uns a eu comme condi­tion, et comme moyen, la des­truc­tion des éco­no­mies com­mu­nau­taires des pays et peuples trans­for­més en péri­phé­ries de l’Europe. La pau­vre­té des uns ne peut pas s’expliquer sans inter­ro­ger les liens de cau­sa­li­té avec la richesse des autres, de même que le pro­grès des droits sociaux ici n’est pos­sible que par leur néga­tion là-bas. Ce « sys­tème-monde » a un nom : le capi­ta­lisme ; et il a une his­toire, dont les dif­fé­rentes phases cor­res­pondent aux dif­fé­rents visages qu’a pris la domi­na­tion : escla­vage, colo­ni­sa­tion, néocolonisation.

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La violence totale et systémique comme acte de naissance

Les contra­dic­tions éco­no­miques qui tra­vaillent le mode de pro­duc­tion féo­dal en Europe conduisent dès le XIVe siècle à la mon­tée en puis­sance d’une bour­geoi­sie com­mer­ciale. Celle-ci ne dis­pose cepen­dant pas de la masse de capi­taux per­met­tant l’émergence du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, avec son déve­lop­pe­ment indus­triel exten­sif et sa construc­tion d’un mar­ché natio­nal. C’est ce que Marx appelle « l’accumulation pri­mi­tive ». À cette pre­mière phase de déve­lop­pe­ment, les condi­tions ne sont pas réunies pour qu’émerge un nou­veau mode de pro­duc­tion sus­cep­tible de vaincre et de rem­pla­cer le mode de pro­duc­tion féo­dal. Mais la décou­verte de l’or et de l’argent du conti­nent amé­ri­cain va per­mettre à la bour­geoi­sie com­mer­ciale euro­péenne de sor­tir de cette impasse. Comme le sou­ligne Samir Amin, la nais­sance du capi­ta­lisme et sa mon­dia­li­sa­tion vont de pair : « Le sys­tème mon­dial n’est pas la forme rela­ti­ve­ment récente du capi­ta­lisme, remon­tant seule­ment au troi­sième tiers du XIXe siècle lorsque se consti­tuent l’impérialisme (au sens que Lénine a don­né à ce terme) et le par­tage colo­nial du monde qui lui est asso­cié. Au contraire, nous disons que cette dimen­sion mon­diale trouve d’emblée son expres­sion, dès l’origine, et demeure une constante du sys­tème à tra­vers les étapes suc­ces­sives de son déve­lop­pe­ment. En admet­tant que les élé­ments essen­tiels du capi­ta­lisme se cris­tal­lisent en Europe à par­tir de la Renaissance — la date de 1492, amorce de la conquête de l’Amérique, serait la date de nais­sance simul­ta­née du capi­ta­lisme et du sys­tème mon­dial —, les deux phé­no­mènes sont insé­pa­rables3. »

« La mise au tra­vail for­cée des peuples indi­gènes pour la pro­duc­tion d’or et d’argent pré­cède la traite escla­va­giste qui s’appliquera aux peuples africains. »

Avant lui, Marx avait déjà sou­li­gné que le pillage de l’or des peuples indi­gènes du conti­nent amé­ri­cain avait été l’un des deux vec­teurs (le second étant l’expropriation vio­lente des pay­sans, les for­çant à se trans­for­mer en pro­lé­taires contraints de vendre leur force de tra­vail) essen­tiels de l’accumulation pri­mi­tive, don­nant nais­sance au capi­ta­lisme. Dès cette phase ini­tiale, la mise en escla­vage carac­té­rise le nou­veau mode de pro­duc­tion en ges­ta­tion. La mise au tra­vail for­cée des peuples indi­gènes pour la pro­duc­tion d’or et d’argent pré­cède la traite escla­va­giste qui s’appliquera aux peuples afri­cains. Comme le sou­ligne Eric Williams : « Dans les Caraïbes, le terme d’esclavage a été trop exclu­si­ve­ment appli­qué aux Nègres. […] Le pre­mier exemple de com­merce d’esclaves et de main‑d’œuvre escla­va­giste dans le Nouveau Monde ne concerne pas le Nègre mais l’Indien. Les Indiens suc­com­bèrent rapi­de­ment sous l’excès de tra­vail et, comme la nour­ri­ture était insuf­fi­sante, ils mou­raient de mala­dies impor­tées par le Blanc4. » C’est tout le conti­nent euro­péen qui béné­fi­cie de ce pillage, même si l’Espagne consti­tue dans un pre­mier temps le pays à qui est délé­gué le sale bou­lot de mise au pas vio­lente des peuples indi­gènes. La Couronne espa­gnole, endet­tée, redis­tri­bue, par ses rem­bour­se­ments des prêts et des inté­rêts, les fruits de son bri­gan­dage d’État à l’ensemble des banques euro­péennes. Il n’est donc pas abu­sif de consi­dé­rer que l’ensemble des pays qui connaî­tront un déve­lop­pe­ment indus­triel en Europe le doivent pour une part essen­tielle à la des­truc­tion phy­sique d’une par­tie de l’humanité.

Le capitalisme infantile est indissociable de l’esclavage

Le manque de main‑d’œuvre indi­gène, comme la résis­tance mul­ti­forme des peuples autoch­tones, conduit le nou­veau mode de pro­duc­tion capi­ta­liste à la traite négrière. Cette véri­table indus­trie de déshu­ma­ni­sa­tion est la base éco­no­mique de la révo­lu­tion indus­trielle euro­péenne. Marx res­ti­tue comme suit la place de l’esclavage dans l’industrialisation des États-Unis d’Amérique et du vieux conti­nent : « L’esclavage direct est le pivot de notre indus­tria­lisme actuel aus­si bien que les machines, le cré­dit, etc. […] Sans escla­vage vous n’avez pas de coton ; sans coton vous n’avez pas d’industrie moderne. C’est l’esclavage qui a don­né de la valeur aux colo­nies ; ce sont les colo­nies qui ont créé le com­merce mon­dial ; c’est le com­merce du monde qui est la condi­tion néces­saire de la grande indus­trie méca­ni­sée. Aussi, avant la traite des nègres, les colo­nies ne don­naient à l’ancien monde que très peu de pro­duits et ne chan­geaient pas visi­ble­ment la face du monde5. »

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Ce qui a été appe­lé de manière euro­cen­trique le « miracle euro­péen » du XVIIIe siècle n’est en réa­li­té, d’abord et essen­tiel­le­ment, que la consé­quence d’un crime contre l’humanité dont les effets maté­riels et trau­ma­tiques sont loin d’avoir dis­pa­ru avec l’abolition. De nom­breux tra­vaux contem­po­rains sont venus confir­mer cette place essen­tielle de l’esclavage comme condi­tion de pos­si­bi­li­té de l’accumulation pri­mi­tive, puis de la révo­lu­tion indus­trielle. Sans être exhaus­tifs, nous pou­vons citer : Eric Williams6, Robin Blackburn7, Joseph Inikori8, Michael Perelman9, etc. Il fau­dra attendre les révoltes des esclaves, de plus en plus fré­quentes et de plus en plus radi­cales, pour que se fis­sure le socle reliant déve­lop­pe­ment indus­triel et escla­vage. Toute l’histoire du XVIIIe siècle est mar­quée par ces révoltes, dont les lea­ders sont trop peu connus aujourd’hui et bien sûr pas ensei­gnés : Mackandal à Saint-Domingue10 ; Orookono au Surinam11, Moses Bom Saamp en Jamaïque12, etc. La révo­lu­tion haï­tienne — se déployant de 1791 à 1804 — appa­raît à la fois comme le résul­tat de cette série d’insurrections et le moteur de nou­velles révoltes, par la sym­bo­lique que revêt son carac­tère victorieux.

« C’est la néces­si­té de détruire entiè­re­ment cette réa­li­té pré­co­lo­niale, pour per­mettre la géné­ra­li­sa­tion des rap­ports capi­ta­listes, qui explique la vio­lence coloniale. »

Les pro­grès tech­niques ouvrant désor­mais de nou­velles pos­si­bi­li­tés, l’esclavage sera abo­li en offrant une com­pen­sa­tion aux pro­prié­taires, leur per­met­tant de se moder­ni­ser et/ou de se recon­ver­tir. Aucune indem­ni­sa­tion ne sera en revanche ver­sée aux anciens esclaves, les contrai­gnant ain­si à se vendre comme tra­vailleurs dit « libres » à leurs anciens maîtres. La réa­li­té est bien éloi­gnée du roman de l’« abo­li­tion­nisme » ensei­gné dans nos livres d’histoire, pré­sen­tant la fin de l’esclavage comme une prise de conscience huma­niste et altruiste. La pre­mière figure de l’es­clave, celle de la domi­na­tion dans l’histoire de la mon­dia­li­sa­tion capi­ta­liste, est deve­nue inopé­rante, irréa­liste et non ren­table ; elle cède la place à une autre : celle de l’indigène de la colonisation.

Le capitalisme de jeunesse est intrinsèquement lié à la colonisation

L’une des carac­té­ris­tiques du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste est qu’il ne peut fonc­tion­ner qu’en s’étendant. La concur­rence achar­née pousse à une exten­sion des rap­ports sociaux capi­ta­listes à l’ensemble de la pla­nète. La colo­ni­sa­tion du XIXe siècle peut dès lors se défi­nir comme l’extension à l’échelle du monde des rap­ports sociaux basés sur la pro­prié­té pri­vée et le pro­fit. Pour ce faire, il fal­lait bien enten­du détruire les rap­ports sociaux indi­gènes et les formes d’organisations sociales et cultu­relles qu’ils avaient engen­drées. Ceux-ci et celles-ci sont, mal­gré une grande diver­si­té de formes, cen­trés sur une logique com­mu­nau­taire agraire, pas­to­rale ou encore fores­tière, dans laquelle pré­do­mine la pro­prié­té col­lec­tive du groupe fami­lial et/ou de la tri­bu et/ou du clan, etc. Le cri­tère cen­tral des choix sociaux est la repro­duc­tion du groupe, avec en consé­quence une logique d’autosuffisance ali­men­taire et une cohé­rence avec les équi­libres de l’écosystème natu­rel. C’est la néces­si­té de détruire entiè­re­ment cette réa­li­té pré­co­lo­niale, pour per­mettre la géné­ra­li­sa­tion des rap­ports capi­ta­listes, qui explique la vio­lence colo­niale. Cette der­nière n’est ni une dérive liée aux per­son­na­li­tés de cer­tains colo­ni­sa­teurs ou de cer­tains États, ni une option par­mi d’autres à laquelle pour­rait s’opposer une illu­soire « colo­ni­sa­tion huma­ni­taire ». Elle est consub­stan­tielle à la colo­ni­sa­tion, comme le rap­pelle Aimé Césaire : « Le colo­nia­lisme est un régime d’exploitation for­ce­née d’immenses masses humaines, qui a son ori­gine dans la vio­lence et qui ne se sou­tient que par la vio­lence13. »

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La néces­si­té impé­rieuse de détruire la pro­prié­té pri­vée de la terre a pu prendre des formes dif­fé­rentes d’un endroit à l’autre (expro­pria­tion, déman­tè­le­ment juri­dique des terres col­lec­tives par l’imposition d’une nou­velle légis­la­tion, mas­sacres de popu­la­tions entières pour faire place nette aux colons, etc.), mais elle a été une constante de « l’œuvre colo­niale ». Le besoin tout aus­si vital pour le colo­nia­lisme de trou­ver de la main‑d’œuvre a pu se décli­ner sous des moda­li­tés diverses (réqui­si­tions, qua­si-escla­vage, code de l’indigénat, etc.), mais il a été un uni­ver­sel de la colo­ni­sa­tion à son stade de jeu­nesse. Bref, la colo­ni­sa­tion sup­pose l’annihilation com­plète de la base maté­rielle des socié­tés colo­ni­sées, et la cho­si­fi­ca­tion de leurs peuples.

« Le capi­tal colo­nial se fruc­ti­fie par le pillage des matières pre­mières et la sur­ex­ploi­ta­tion de la force de tra­vail des colo­nies, pour reve­nir ensuite en Europe assu­rer le miracle indus­triel. »

C’est à ce prix que l’épopée indus­trielle euro­péenne du XIXe siècle a pu se réa­li­ser. Le capi­tal colo­nial se fruc­ti­fie par le pillage des matières pre­mières, d’une part, et la sur­ex­ploi­ta­tion de la force de tra­vail des colo­nies, d’autre part… pour reve­nir ensuite en Europe assu­rer le « miracle indus­triel ». L’historien guya­nais Walter Rodney le décrit dans son ouvrage au titre signi­fi­ca­tif, Et l’Europe sous-déve­lop­pa l’Afrique : « L’histoire du capi­tal euro­péen qui a été inves­ti en Afrique doit être revue. Le capi­tal qui a été inves­ti en Afrique au XIXe siècle s’était consti­tué grâce à l’esclavage. Le flux net de res­sources allait des colo­nies aux métro­poles. Ce qu’on appe­lait béné­fices reve­nait l’année d’après sous forme d’investissements14. » En atteste toute une série de tra­vaux éco­no­miques que la cher­cheuse en sciences poli­tiques Jennifer Pitt résume comme suit : « Les ana­lyses éco­no­miques récentes […], indiquent que la vio­lence et la coer­ci­tion résul­tant de la domi­na­tion colo­niale euro­péenne jouèrent un rôle essen­tiel dans l’énorme crois­sance éco­no­mique inter­ve­nue en Europe […], crois­sance que ne connurent pas les pays qui, comme la Chine, se conten­tèrent de s’adonner au com­merce15. »

L’histoire contemporaine de la domination

Un tel sys­tème ne pou­vait qu’engendrer des résis­tances. De même que les résis­tances à l’esclavage n’ont jamais ces­sé, de la pre­mière cap­ture à l’abolition, les résis­tances à la colo­ni­sa­tion ont carac­té­ri­sé toute l’ère his­to­rique et toute l’aire géo­gra­phique colo­niale, de la conquête aux indé­pen­dances du milieu du XXe siècle. Il fau­dra cepen­dant attendre les fis­sures gran­dis­santes dans l’hégémonie capi­ta­liste mon­diale pour que se modi­fient les rap­ports de force et que le sys­tème de dépen­dance se trouve contraint une nou­velle fois à chan­ger de masque. Nous avons ten­té de res­ti­tuer ailleurs16 ce pro­ces­sus qui — de la Révolution bol­che­vik à la vic­toire contre le nazisme, de Bandung à la Tricontinentale, de Diên Biên Phu au déclen­che­ment de la lutte armée en Algérie et au Cameroun, etc. — a sub­sti­tué à cette forme directe de dépen­dance qu’est le colo­nia­lisme une forme indi­recte : le néocolonialisme.

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Le processus d’imposition du néocolonialisme

Les résis­tances radi­cales à la colo­ni­sa­tion (en par­ti­cu­lier les luttes armées des indé­pen­dan­tistes viet­na­miens, algé­riens et came­rou­nais) s’ac­cé­lèrent dans un contexte de grande muta­tion éco­no­mique dans le fonc­tion­ne­ment des éco­no­mies des prin­ci­pales puis­sances colo­niales. La concur­rence, qui carac­té­rise le mode de pro­duc­tion capi­ta­liste, a conduit logi­que­ment (comme aux États-Unis aupa­ra­vant) à la concen­tra­tion et à la mono­po­li­sa­tion. Lénine17 a décrit admi­ra­ble­ment, dès 1916, l’émergence du capi­tal finan­cier — c’est-à-dire la fusion du capi­tal indus­triel et ban­caire comme résul­tat logique de la concur­rence entre capi­taux. Dans le livre qu’il consacre à ce nou­veau stade mono­po­lis­tique du capi­ta­lisme, qu’il nomme l’« impé­ria­lisme », il décrit ce qui sera appe­lé un demi-siècle plus tard le « néo­co­lo­nia­lisme » : « Cette époque n’est pas seule­ment carac­té­ri­sée par les deux groupes prin­ci­paux de pays : pos­ses­seurs de colo­nies et pays colo­niaux, mais encore par des formes variées de pays dépen­dants qui, nomi­na­le­ment, jouissent de l’indépendance poli­tique, mais qui en réa­li­té, sont pris dans les filets d’une dépen­dance finan­cière et diplo­ma­tique18. »

« Lénine a décrit admi­ra­ble­ment l’émergence du capi­tal finan­cier — c’est-à-dire la fusion du capi­tal indus­triel et ban­caire comme résul­tat logique de la concur­rence entre capitaux. »

L’avancée éta­su­nienne en matière de concen­tra­tion du capi­tal et de mono­po­li­sa­tion éco­no­mique explique que ce soit ce pays qui a en pre­mier déve­lop­pé cette nou­velle forme de dépen­dance avec de nom­breux pays d’Amérique latine qu’il consi­dère comme son « arrière-cour ». Cinquante ans plus tard, l’Europe suit le même che­min en pré­ci­pi­tant des indé­pen­dances for­melles et en les cor­se­tant. Voici ce qu’en dit le lea­der popu­laire maro­cain Mehdi Ben Barka : « Cette orien­ta­tion [néo­co­lo­niale] n’est pas un simple choix dans le domaine de la poli­tique exté­rieure ; elle est l’expression d’un chan­ge­ment pro­fond dans les struc­tures du capi­ta­lisme occi­den­tal. Du moment qu’après la Seconde Guerre mon­diale, l’Europe occi­den­tale, par l’aide Marshall et une inter­pé­né­tra­tion de plus en plus grande avec l’économie amé­ri­caine, s’est éloi­gnée de la struc­ture du XIXe siècle pour s’adapter au capi­ta­lisme amé­ri­cain, il était nor­mal qu’elle adopte éga­le­ment les rela­tions des États-Unis avec le monde ; en un mot qu’elle ait aus­si son Amérique Latine19 ».

Mutation pro­fonde de la struc­ture éco­no­mique et crainte de la radi­ca­li­sa­tion des peuples colo­ni­sés se conjuguent donc dans la décen­nie 1950 pour sus­ci­ter la conver­sion néo­co­lo­niale des prin­ci­paux pays colo­ni­sa­teurs. Les indé­pen­dances de la décen­nie 1960 seront minu­tieu­se­ment pré­pa­rées, les futurs chefs d’État soi­gneu­se­ment sélec­tion­nés et les méca­nismes de la nou­velle dépen­dance conscien­cieu­se­ment éla­bo­rés. La dépen­dance quitte le masque de la « colo­ni­sa­tion » pour prendre celui de la « coopé­ra­tion ». De Gaulle lui-même tient à pré­ci­ser les choses : « L’indépendance réelle, l’indépendance totale, n’appartient en véri­té à per­sonne. Il n’y a pas de poli­tique pos­sible sans la coopé­ra­tion. Il n’y a pas de pays, si grand et si puis­sant qu’il soit, qui puisse se pas­ser des autres20. » Plus cynique, direct et pater­na­liste, son pre­mier ministre Michel Debré s’adresse au futur pré­sident de l’État gabo­nais comme à un petit enfant : « On donne l’indépendance à condi­tion que l’État s’engage, une fois indé­pen­dant, à res­pec­ter les accords de coopé­ra­tion signés anté­rieu­re­ment : il y a deux sys­tèmes qui entrent en vigueur en même temps : l’indépendance et les accords de coopé­ra­tion. L’un ne va pas sans l’autre21. » Tous les chefs d’État afri­cains qui refu­se­ront cette conver­sion néo­co­lo­niale feront l’objet d’assassinats, de coups d’État ou de poli­tiques de désta­bi­li­sa­tion (ce sera le cas de Sylvanus Olympio, Sékou Touré, Modibo Keita, etc.). Derrière la fameuse « coopé­ra­tion » se révèle ce qui sera plus tard appe­lé par François-Xavier Verschave la « Françafrique22 ».

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Les mécanismes du néocolonialisme

Si des logiques simi­laires existent pour les autres puis­sances colo­niales, la France, avec ses « accords de coopé­ra­tion23 », est le pays qui a le plus for­ma­li­sé la nou­velle forme de la dépen­dance. Le conte­nu de ces accords se lit comme un mode d’emploi du néo­co­lo­nia­lisme. Les accords éco­no­miques main­tiennent la zone franc, la mon­naie colo­niale ados­sée au franc fran­çais, le droit de véto sur les ins­ti­tuts « afri­cains » d’émission moné­taire et l’o­bli­ga­tion de dépo­ser les avoirs finan­ciers afri­cains au Trésor fran­çais. Autrement dit, les nou­veaux États indé­pen­dants se voient confis­quer leur sou­ve­rai­ne­té moné­taire. Ces mêmes accords main­tiennent les pri­vi­lèges doua­niers pour les entre­prises fran­çaises, la liber­té totale de trans­fert des béné­fices en France, et obtiennent des garan­ties contre les natio­na­li­sa­tions et l’accès pri­vi­lé­gié aux mine­rais dits « stra­té­giques ». Concrètement, les États afri­cains sont spo­liés de leur sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique, et en par­ti­cu­lier du choix de leur poli­tique de com­merce extérieur.

« Les accords de coopé­ra­tion mutilent ain­si gra­ve­ment la sou­ve­rai­ne­té des États et, encore plus dan­ge­reu­se­ment, celle des populations. »

Les accords de défense, pour leur part, main­tiennent la pré­sence mili­taire fran­çaise dans les anciennes colo­nies et « offrent » une for­ma­tion des cadres mili­taires par l’armée fran­çaise. Le « pré car­ré » fran­çais est ain­si pré­ser­vé en Afrique, et l’armée fran­çaise peut venir au secours des chefs d’État afri­cains quand ceux-ci sont mis en dif­fi­cul­té par la colère de leurs peuples. Enfin, les accords cultu­rels ins­taurent — sous le masque de la fran­co­pho­nie — la langue fran­çaise comme langue natio­nale, et la dépen­dance cultu­relle des élites dont l’imaginaire et les habi­tus res­tent ain­si dura­ble­ment orien­tés vers Paris. Les accords de coopé­ra­tion mutilent ain­si gra­ve­ment la sou­ve­rai­ne­té des États et, encore plus dan­ge­reu­se­ment, celle des popu­la­tions. François-Xavier Verschave le résume fort bien quand il sou­ligne que « les pays fran­co­phones au sud du Sahara ont été, à leur indé­pen­dance, emmaillo­tés dans un ensemble d’accords de coopé­ra­tion poli­tique, mili­taire et finan­cière qui les ont pla­cés sous tutelle24. »

Un tel sys­tème ne pou­vait qu’engendrer un endet­te­ment mas­sif, puis un sur­en­det­te­ment, vis-à-vis des grandes banques des anciennes puis­sances colo­niales, mais aus­si vis-à-vis des banques éta­su­niennes qui ont vu là l’oc­ca­sion d’a­voir leur part du gâteau afri­cain. De grands pro­jets d’infrastructures au pro­fit de l’exportation seront encou­ra­gés, de grands bar­rages — inadé­quats aux besoins locaux mais pour le plus grand plai­sir des mul­ti­na­tio­nales de la construc­tion — seront pro­mus, des dépenses somp­tuaires de dic­ta­teurs seront finan­cées, etc., avec pour résul­tat l’accumulation d’une dette publique fara­mi­neuse. Cette dette nou­velle s’ajoute à la dette plus ancienne sous­crite par les puis­sances colo­niales auprès de la Banque mon­diale, que celle-ci trans­fère, tout sim­ple­ment, aux nou­veaux États. Les anciens colo­ni­sés deviennent ain­si héri­tiers d’une dette contrac­tée pour les exploi­ter et les piller. Ce n’est bien sûr pas par phi­lan­thro­pie que la Banque mon­diale, le FMI et les banques pri­vées occi­den­tales auto­risent ce sur­en­det­te­ment, mais pour dis­po­ser d’un moyen de pres­sion, acti­vable selon leurs intérêts.

[Real Fun, Wow!]

Dès les débuts de la décen­nie 1980, les États afri­cains sont dans l’impossibilité de rem­bour­ser leur dette et contraints de contrac­ter de nou­veaux prêts pour faire face à leurs échéances. Ceux-ci seront certes accor­dés, mais avec des « condi­tion­na­li­tés » défi­nies par les fameux « plans d’ajustement struc­tu­rel » (PAS). Ces plans imposent une spé­cia­li­sa­tion vers des pro­duits d’exportation, une réduc­tion dras­tique des ser­vices publics, une ouver­ture accrue des fron­tières doua­nières et du com­merce exté­rieur, la sup­pres­sion des sub­ven­tions publiques pour les pro­duits de pre­mière néces­si­té, la pri­va­ti­sa­tion des entre­prises publiques, la liber­té de mou­ve­ment des capi­taux, etc. Outre le poids exor­bi­tant de la dette (entre 30 et 50 % des bud­gets natio­naux25), les PAS ont pour effet de rendre les éco­no­mies afri­caines de plus en plus extra­ver­ties. Ils ont aus­si pour résul­tat la perte de tous les acquis sociaux des indé­pen­dances. En effet, après la longue nuit colo­niale, l’attente des popu­la­tions était telle (en matière de sco­la­ri­sa­tion, d’accès à la san­té, à la terre, etc.) que même les pou­voirs les plus réac­tion­naires avaient été contraints d’a­mé­lio­rer les condi­tions d’existence de la popu­la­tion. Aussi timides soient-elles, ces avan­cées sont consi­dé­rées comme exces­sives par les gen­darmes du néo­co­lo­nia­lisme que sont le FMI et la Banque mondiale.

« Aussi timides soient-elles, ces avan­cées sont consi­dé­rées comme exces­sives par les gen­darmes du néo­co­lo­nia­lisme que sont le FMI et la Banque mondiale. »

À cette poli­tique de pré­da­tion com­mune à toutes les puis­sances impé­ria­listes, s’ajoutent des poli­tiques spé­ci­fiques tout aus­si iniques de l’Union Européenne. Les « accords de par­te­na­riat éco­no­mique » de celle-ci ont comme objec­tif, comme le résume l’économiste Jean-Christophe Defraigne, « de créer plu­sieurs zones de libre-échange au sein du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique), ce qui devrait per­mettre aux mul­ti­na­tio­nales euro­péennes d’opérer plus effi­ca­ce­ment au niveau régio­nal26 ». Autrement dit, il s’agit de mettre en concur­rence « libre et non faus­sée » la mul­ti­na­tio­nale euro­péenne du pou­let avec le petit pro­duc­teur malien, ou les enseignes de la grande dis­tri­bu­tion avec le petit com­mer­çant séné­ga­lais. Le Centre natio­nal de coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment (CNCD), une ONG belge, en a éva­lué les effets pré­vi­sibles : « Une ouver­ture des éco­no­mies entraî­ne­ra une perte esti­mée entre 26 et 38 % des recettes doua­nières à l’horizon 2022. Ouverture à sens unique, d’ailleurs : l’Afrique n’a rien, ou presque, à expor­ter, sinon des matières pre­mières (agri­coles, pétro­lières, métal­lur­giques), dont elle dépos­sède ses propres géné­ra­tions futures pour un béné­fice qua­si nul. L’inverse n’est pas vrai. Les inves­tis­se­ments étran­gers connaissent en Afrique un “retour sur inves­tis­se­ment” record (40 %), ce qui fait de la région une manne féconde pour les pré­da­teurs27. »

Comme le sou­li­gnait Aimé Césaire en 1954 : « Le colo­nia­lisme n’est pas mort. Il excelle, pour se sur­vivre, à renou­ve­ler ses formes28. » Les famines, disettes, guerres et autres mal­heurs qui accablent les peuples afri­cains ne sont pas le résul­tat d’un quel­conque ata­visme, ni de cultures soi-disant aller­giques au déve­lop­pe­ment ou à la ratio­na­li­té, de pseu­do-guerres eth­niques ou tri­bales, d’une pré­ten­due aller­gie à l’Histoire. Ces catas­trophes humaines sont le résul­tat logique des dépen­dances rapaces qui, de l’esclavage à la coopé­ra­tion en pas­sant par la colo­ni­sa­tion, ont per­mis le finan­ce­ment de l’accumulation pri­mi­tive du capi­ta­lisme à ses débuts, la révo­lu­tion indus­trielle du XVIIIe siècle, l’expansion éco­no­mique des deux siècles sui­vants, et conti­nuent aujourd’hui à enri­chir les action­naires des mul­ti­na­tio­nales et des banques.


Illustrations de ban­nière et de vignette : Real Fun, Wow !


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  1. Immanuel Wallerstein, Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des sys­tèmes-monde, Paris, La Découverte, 2006.[]
  2. Ces concepts de « centre » et de « péri­phé­rie » ont été déve­lop­pés par Samir Amin : Le Développement inégal. Essai sur les for­ma­tions sociales du capi­ta­lisme péri­phé­rique, Éditions de Minuit, 1973.[]
  3. Samir Amin, L’Histoire glo­bale, une pers­pec­tive afro-asia­tique, Éditions des Indes savantes, 2013, p. 20.[]
  4. Eric Williams, Capitalisme et escla­vage, Présence Africaine, 1968, p. 19.[]
  5. Karl Marx, Lettre à Annenkov du 28 décembre 1846, Lettres sur le Capital, Éditions sociales, 1964, p. 33.[]
  6. Op. cit.[]
  7. Robin Blackburn, The Making of New World Slavery. From Baroque to the Modern 1492–1800, Verso, 1997.[]
  8. Joseph E. Inikori, Africans and the Industrial Revolution in England. A Study in International Trade and Economic Development, Cambridge University Press, 2002.[]
  9. Michael Perelman, The Invention of Capitalism : Classical Political Economy and the Secret History of Primitive Accumulation, Duke University Press, 2000.[]
  10. François Mackandal diri­gea plu­sieurs rébel­lions dans la colo­nie fran­çaise de Saint-Domingue (l’actuel Haïti). Arrêté et condam­né, il est brû­lé vif sur la place publique en 1758, soit 33 ans avant la révo­lu­tion haï­tienne de 1791 qui débou­cha sur la pre­mière répu­blique noire.[]
  11. Orookono diri­gea une grande insur­rec­tion au XVIIe siècle au Surinam. Son épo­pée fut ren­due célèbre par la publi­ca­tion d’un roman, en 1688, par l’écrivaine anglaise Aphra Behn qui affirme avoir été témoin des faits. L’insurrection est noyée dans le sang et Orookono meurt sous le sup­plice du démem­bre­ment, pour l’exemple.[]
  12. Zumbi Dos Palmares est un diri­geant d’un qui­lom­bo (royaume auto­nome fon­dé par des esclaves en fuite). Il mène leur résis­tance pen­dant quinze ans, de 1680 à 1695, après quoi il est fait pri­son­nier et déca­pi­té.[]
  13. Aimé Césaire, Le Colonialisme n’est pas mort, La Nouvelle Critique, n° 51, jan­vier 1954, p. 11.[]
  14. Walter Rodney, How Europe Underdeveloped Africa, Black Classic Press, 2012, p. 230.[]
  15. Jennifer Pitt, Naissance de la bonne conscience colo­niale. Les libé­raux fran­çais et bri­tan­niques et la ques­tion impé­riale (1770–1870), Éditions de l’Atelier, 2008, pp. 30–31.[]
  16. Saïd Bouamama, Figures de la révo­lu­tion afri­caine, La Découverte, 2014.[]
  17. Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capi­ta­lisme, Œuvres com­plètes, t. XXII, Éditions de Moscou, p. 222.[]
  18. Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capi­ta­lisme, op. cit., p. 284.[]
  19. Mehdi Ben Barka, Option révo­lu­tion­naire au Maroc. Écrits poli­tiques 1957–1965, Syllepse, 1999, pp. 229–230.[]
  20. Charles De Gaulle à l’assemblée fédé­rale du Mali, 13 décembre 1959, Chroniques de la Communauté, La Documentation fran­çaise, 1959, p. 6.[]
  21. Michel Debré, Lettre adres­sé à Léon Mba, 15 juillet 1960, cité dans Alfred Grosser, La Politique exté­rieure de la Ve République, Fondation natio­nale des sciences poli­tiques, 1965, p. 74.[]
  22. François-Xavier Verschave, La Françafrique : le plus long scan­dale de la République, Stock, 1998.[]
  23. Pour un expo­sé exhaus­tif des accords de coopé­ra­tion et de leurs évo­lu­tions dans le temps, voir mon livre Manuel stra­té­gique de l’Afrique, t. I et II, Investig’action, 2018.[]
  24. François-Xavier Verschave, La Françafrique : le plus long scan­dale de la République, op. cit., p. 74.[]
  25. Éric Toussaint, La Bourse ou la Vie, la finance contre les peuples, Syllepse, 1999.[]
  26. Jean-Christophe Defraigne, Introduction à l’économie euro­péenne, Louvain-la-Neuve, 2013, p. 364.[]
  27. Erik Rydberg, Les APE : visées com­mer­ciales de l’Union euro­péenne, Les Cahiers de la Coopération Internationale, n° 11, mai 2009, p. 11.[]
  28. Aimé Césaire, Le Colonialisme n’est pas mort, op. cit. p. 29.[]

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