Cédric Johnson : « Il n’y aura aucune révolution si elle n’engage pas la majorité de la population »


Entretien inédit pour le site de Ballast

À la fin des années 1960, le mili­tant afro-amé­ri­cain Fred Hampton cofon­da la Rainbow Coalition : un front com­po­sé de Noirs socia­listes, de Portoricains mar­xistes, de pro­lé­taires et de révo­lu­tion­naires blancs. En construi­sant un espace plu­rieth­nique et anti­ca­pi­ta­liste, cette coa­li­tion allait bien­tôt deve­nir le « pire cau­che­mar1 » du FBI. Une pers­pec­tive qui n’a rien per­du de son actua­li­té, en France comme aux États-Unis. Nous nous sommes entre­te­nus avec le pro­fes­seur de Science poli­tique et d’Études afro-amé­ri­caines Cédric Johnson, auteur en 2007 de Revolutionaries to Race Leaders. Admirateur des com­bats enga­gés par Luther King et Malcolm X, il n’en reste pas moins scep­tique à l’en­droit de la « nos­tal­gie » de ces années-ci et déplore le manque de prise en charge de la ques­tion de classe dans l’ap­pré­hen­sion des enjeux liés à l’identité.


Commençons par Trump pour mieux l’ou­blier. Sa vic­toire est volon­tiers ana­ly­sée à gauche comme le pro­duit du racisme éta­su­nien et du supré­ma­cisme blanc : est-ce votre lecture ?

Il ne fait aucun doute que Trump a construit sa marque poli­tique sur le racisme. Mais cette his­toire est plus com­plexe que l’explication popu­laire selon laquelle il a été élu par une vague de résur­gence de la supré­ma­tie blanche — une déno­mi­na­tion aujourd’hui uti­li­sée à tort et à tra­vers. Bien avant de débu­ter sa cam­pagne pré­si­den­tielle, Trump a remis en cause la légi­ti­mi­té de la can­di­da­ture d’Obama en pro­cla­mant qu’il n’était pas un citoyen amé­ri­cain. Puis il a lan­cé des invec­tives contre les immi­grés, sou­te­nant que bien des Mexicains étaient des vio­leurs, des tueurs ou des cri­mi­nels, avant d’ajouter que « cer­tains, j’en suis sûr, sont des gens bien ». Durant sa cam­pagne, il a pro­mis de construire un mur le long de la fron­tière États-Unis/Mexique et d’expulser en masse les sans-papiers. Il a insul­té les parents du capi­taine Humayun Khan, tué en Irak. Dès qu’il est entré en fonc­tion, il a inter­dit d’entrée les visi­teurs en pro­ve­nance de pays à majo­ri­té musul­mane — et ce mal­gré les mani­fes­ta­tions mas­sives et les déci­sions de jus­tice, fina­le­ment vic­to­rieuses. Sans oublier, bien sûr, ses décla­ra­tions publiques après la marche des supré­ma­cistes blancs de Charlottesville, laquelle s’est ter­mi­née par la mort de la contre-mani­fes­tante paci­fique Heather Heyer. La rhé­to­rique incen­diaire de Trump, et ses actions pro­vo­ca­trices depuis qu’il est au pou­voir (de même que l’intégration de gens comme Steve Bannon ou Stephen Miller, qu’un de mes amis appelle le « bébé de Goebbels »), ont encou­ra­gé cer­tains élé­ments d’extrême droite. Mais ils ne consti­tuent qu’un pan de l’électorat de Trump.

« Trump a été capable d’engranger l’appui de plus d’électeurs lati­nos que les can­di­dats répu­bli­cains pré­cé­dents, mal­gré sa rhé­to­rique xéno­phobe et anti-mexi­caine. Il a ras­sem­blé 13 % des votes des hommes noirs. »

Avant toute chose, sa coa­li­tion élec­to­rale n’est pas la même que sa coa­li­tion gou­ver­ne­men­tale actuelle (majo­ri­té au Congrès, lob­byistes puis­sants et bailleurs, direc­tion du par­ti, etc.), qui compte une frac­tion plus éclai­rée de la classe des inves­tis­seurs. Ces der­niers savent que l’extrémisme de droite, le racisme, le sexisme, les fron­tières fer­mées, le pro­tec­tion­nisme, la gou­ver­nance par tweets et la rhé­to­rique irres­pon­sable et chau­vine — ce sont là tous les traits dis­tinc­tifs de la pre­mière année de Trump à la pré­si­dence — sont des freins à l’investissement et à la cir­cu­la­tion trans­na­tio­nale du capi­tal. Une bou­tade qu’on pou­vait entendre à gauche aux États-Unis après l’élection était que « tous ceux qui ont voté pour Trump ne sont pas racistes, mais tous ceux qui sont racistes ont voté pour Trump ». C’est une façon utile de pen­ser tout cela. L’idée que Trump a été élu par une vague de résur­gence supré­ma­ciste blanche peut être résu­mée par l’argument de la « réac­tion blanche ». On peut la faire remon­ter à la rhé­to­rique de la « majo­ri­té silen­cieuse » uti­li­sée par Nixon — cette thèse est en par­tie tou­jours vraie. Les Républicains s’appuient sou­vent sur une dénon­cia­tion des immi­grés, des Noirs pauvres et des fémi­nistes pour atti­ser le mécon­ten­te­ment et trou­ver des par­ti­sans dans cer­tains seg­ments de la popu­la­tion. Cela dit, le pro­blème avec l’explication de la « réac­tion blanche » est qu’elle dis­suade de faire une ana­lyse plus appro­fon­die de ce qui est en train de se pas­ser à tel ou tel moment, des motifs plus dis­crets et des inté­rêts his­to­riques sont en jeu.

Trump a été capable d’engranger l’appui de plus d’électeurs lati­nos que les can­di­dats répu­bli­cains pré­cé­dents, mal­gré sa rhé­to­rique xéno­phobe et anti-mexi­caine. Il a ras­sem­blé 13 % des votes des hommes noirs, ce qui est remar­quable… Mettre la focale sur le racisme ne per­met pas de voir com­ment le pro­gramme éco­no­mique de Trump, bien que rétro­grade, a été enten­du chez cer­tains élec­teurs. Évidemment, ses pro­messes de créa­tion d’emploi reposent sur des poli­tiques favo­rables au capi­tal, comme la déré­gu­la­tion, qui exercent plus de pres­sion par le bas sur les salaires et par­ti­cipent du déman­tè­le­ment syn­di­cal. Mais ce que de nom­breux Américains ont enten­du, que ce soit vrai ou non, fut sa pro­messe d’un enga­ge­ment en faveur de la pros­pé­ri­té du pays plus fort que n’importe quelle pro­po­si­tion du camp Clinton, qui pro­met­tait davan­tage encore de ces poli­tiques com­mer­ciales qui ont conduit aux pertes d’emplois. Trump n’a pas fait beau­coup mieux que les deux der­niers can­di­dats répu­bli­cains à la pré­si­dence. Le gros de l’af­faire, et la véri­table cause de sa vic­toire, c’est l’incroyable déraille­ment qu’a été la cam­pagne d’Hillary Clinton. 40 % de l’électorat amé­ri­cain est res­té à la mai­son. Elle n’a tout sim­ple­ment pas su pro­vo­quer la pas­sion. Sa cam­pagne a com­mis des erreurs de cal­culs fatales et des faux pas stra­té­giques dans la der­nière ligne droite de l’élection — à savoir consi­dé­rer que les États du Midwest, la vieille cein­ture sidé­rur­gique et auto­mo­bile allant de la Pennsylvanie jusqu’aux rives du lac Michigan, lui étaient acquis. Il y a, du reste, d’autres élé­ments de cette cam­pagne que l’argument de la « réac­tion blanche » ne rend pas visibles.

[Stephen James, Courtesy of Steven Kasher Gallery]

À quoi songez-vous ?

Clinton était une cible facile pour le dis­cours de Trump contre le Traité de libre-échange nord-amé­ri­cain (ALENA) et le Partenariat trans-paci­fique (TPP). La branche Clinton du Parti démo­crate pro­meut ces poli­tiques depuis des décen­nies, en dépit de l’opposition des orga­ni­sa­tions de tra­vailleurs. Elle n’a pas pro­po­sé d’alternative au modèle néo­li­bé­ral. Certains se sont tour­nés vers Trump comme vote contre l’approche libre-échan­giste mise en place par les deux der­niers gou­ver­ne­ments démo­crates. Bernie Sanders était un meilleur can­di­dat parce qu’il aurait repré­sen­té une alter­na­tive aux illu­sions pro­tec­tion­nistes de Trump comme à la libé­ra­li­sa­tion du com­merce de Clinton — deux approches favo­rables au capi­tal. Le pro­gramme de gauche popu­liste de Sanders aurait pu rem­por­ter une par­tie du sou­tien que Trump a reçu dans le cœur indus­triel du pays — le Midwest, des États comme le Wisconsin, le Michigan, l’Ohio et la Pennsylvanie : tous ont été déci­sifs dans sa vic­toire dans le col­lège élec­to­ral ; tous avaient été gagnés par Obama en 2008 et 2012.

« Malgré tout son tapage anti-immi­grant, Trump a expul­sé moins de citoyens mexi­cains pen­dant sa pre­mière année qu’Obama pen­dant la sienne. »

Il faut éga­le­ment dire clai­re­ment que Trump « aboie fort mais mord peu » sur une série de sujets. Il a gou­ver­né par des confé­rences de presse non conven­tion­nelles, des posts incen­diaires sur les réseaux sociaux et des décrets. Ses décla­ra­tions publiques et ses actions paraissent impro­vi­sées, ce qui plaît à des pans de la popu­la­tion fati­gués de la tri­an­gu­la­tion et de la dis­si­mu­la­tion des insi­ders de Washington. Trump est l’opposé du poli­ti­cien gou­rou des rela­tions publiques dont chaque mou­ve­ment et chaque mot est basé sur des son­dages et des « groupes témoins ». Les mots et les actions de Trump ont déclen­ché des fureurs heb­do­ma­daires, si ce n’est quo­ti­diennes. Malgré tout son tapage anti-immi­grant, Trump a expul­sé moins de citoyens mexi­cains pen­dant sa pre­mière année qu’Obama pen­dant la sienne. Pour finir, il faut contex­tua­li­ser cet argu­ment racial d’une manière qui ne soit pas une simple accu­sa­tion contre la « classe labo­rieuse blanche » : cela ne reflète pas de réelle sub­jec­ti­vi­té poli­tique mais c’est deve­nu une manière pra­tique pour les gens de gauche de poin­ter du doigt et d’ignorer les tra­vailleurs plu­tôt que d’assumer la res­pon­sa­bi­li­té des poli­tiques désas­treuses des man­dats Clinton et Obama. Il y a une uti­li­té au poi­son anti-immi­gra­tion de Trump, qui contre­carre la posi­tion pro-immi­gra­tion conve­nue que tiennent divers blocs capi­ta­listes de l’industrie de la res­tau­ra­tion, de l’hôtellerie, des lieux d’accueil, du bâti­ment et de l’agriculture : sa posi­tion contra­rie ceux qui ont accueilli à bras ouverts le flux constant de tra­vailleurs vul­né­rables, du Mexique et d’autres pays, parce qu’ils ont énor­mé­ment béné­fi­cié de cette situa­tion. Trump lui-même s’est enri­chi de ce flux dans ses tours condo­mi­nium, ses hôtels, ses casi­nos et tous ses autres inves­tis­se­ments. Sa rhé­to­rique anti-immi­gra­tion a cepen­dant l’effet de dis­traire le public amé­ri­cain, dépla­çant l’indignation des gens loin du capi­tal et de son rôle de pro­duc­tion de misère et de ruine éco­lo­gique. À la place, elle la dirige contre les élites de Washington, Hollywood, les « fake news », les Chinois, les tra­vailleurs mexi­cains, etc. Je ne crois même pas qu’il soit pro­fon­dé­ment atta­ché à cette rhé­to­rique mais il sait que cela lui construit une image. L’effet pro­fond est de frag­men­ter et de dévier les cri­tiques por­tant sur la classe capitaliste.

Nous avions inter­ro­gé Angela Davis en 2014 : elle nous disait que les 10 points du pro­gramme des Black Panthers2 étaient tou­jours d’ac­tua­li­té, et peut-être « plus encore ».

Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue selon lequel rien n’a chan­gé. C’est la ligne domi­nante de nom­breux com­men­ta­teurs et acti­vistes, mais c’est une pers­pec­tive qui crée une gigan­tesque confu­sion quant à ce que nous connais­sons aujourd’hui, socia­le­ment et poli­ti­que­ment. Trop sou­vent, ce genre de pen­sée amène à une impasse poli­tique. L’idée que rien n’a chan­gé est car­ré­ment anhis­to­rique : c’est le fond de com­merce du cynisme poli­tique. Là où je rejoins Angela Davis, c’est que cer­tains des maux que les Black Panthers dénon­çaient — la ghet­toï­sa­tion, la pau­vre­té et les vio­lences poli­cières — sont encore très pré­sents. Mais il faut mesu­rer jusqu’à quel point les choses ont chan­gé. Et consi­dé­rer les limites de l’approche des Panthers dans les années 1960. Il faut avoir à l’esprit que même quand les Panthers étaient à leur apo­gée, la majo­ri­té des pri­son­niers amé­ri­cains était encore blancs — même si les Noirs étaient sur-repré­sen­tés dans la popu­la­tion car­cé­rale. Depuis les grandes heures des Panthers, les tech­niques de police et l’État car­cé­ral ont accru leur capa­ci­té tech­no­lo­gique, leur pou­voir social et, mal­heu­reu­se­ment, leur large sou­tien popu­laire. Les Panthers fai­saient face à des situa­tions qui ont sur­vé­cu jusqu’à pré­sent, mais dans des formes encore plus colos­sales. Pourtant, même main­te­nant, la vio­lence de la police et l’incarcération sont des phé­no­mènes res­sen­tis plus lar­ge­ment que les slo­gans de Black Lives Matter ou la nos­tal­gie des Black Panthers ne le concèdent. Pour beau­coup de mili­tants, il est dif­fi­cile de voir cela — en par­tie du fait du pro­fond res­pect et de la nos­tal­gie qu’ils ont du radi­ca­lisme noir des années 1960, mais aus­si parce que nous livrons un com­bat d’arrière-garde depuis très longtemps.

[Manifestation Black Lives Matter à Londres / Alisdare Hickson]

Oui, les Panthers étaient héroïques. Ils ont osé ima­gi­ner que la frac­tion la plus sub­mer­gée de la classe labo­rieuse urbaine pour­rait mener la révo­lu­tion au cœur du plus puis­sant des pays capi­ta­listes. Ils ont payé un prix ter­rible pour leurs efforts. Des dizaines de Panthers ont été tués par la police dans le pays, et beau­coup d’autres ont été arrê­tés et jetés en pri­son entre la fin des années 1960 et le début des années 1970. Dans le même temps, les Panthers n’ont jamais été capables d’obtenir un consen­te­ment de masse pour le pro­gramme révo­lu­tion­naire qu’ils pro­po­saient. Pour qu’un tel pro­jet l’emporte, l’adhésion et l’appui du peuple est indis­pen­sable. Ils se voyaient comme l’avant-garde mais le rôle de l’avant-garde est d’inciter et de mobi­li­ser les masses pour l’action révo­lu­tion­naire : les Panthers étaient popu­laires, en par­ti­cu­lier dans la Nouvelle gauche, et sans aucun doute dans les com­mu­nau­tés noires dans le pays, mais la popu­la­ri­té n’est pas la puissance.

« Bien que les salaires stag­nent, que le tra­vail soit mono­tone, insa­tis­fai­sant et dif­fi­cile à trou­ver pour des mil­lions d’Américains, nous conti­nuons à per­ce­voir les inté­rêts du capi­tal comme les nôtres. »

Il n’y aura aucune révo­lu­tion aux États-Unis si elle n’engage pas la vaste majo­ri­té de la popu­la­tion. Si on regarde les choses en face, beau­coup d’Américains étaient conte­nus et ras­su­rés par un niveau de vie enviable, une ava­lanche de biens de consom­ma­tion, le diver­tis­se­ment de masse et les acti­vi­tés de loi­sir. Le conser­va­tisme poli­tique ins­til­lé par la socié­té de consom­ma­tion s’est lar­ge­ment accru à l’âge des niches mar­ke­ting inces­santes, des iden­ti­tés névro­tiques de consom­ma­tion [ota­ku-like consu­mer iden­ti­ties], du finan­ce­ment par le cré­dit et de la poli­tique per­for­ma­tive encou­ra­gée par les réseaux sociaux et les vidéos virales. Tout cela milite contre la pen­sée et l’action oppo­sés au pou­voir de la classe capi­ta­liste, ou même contre le fait de voir les inté­rêts du capi­tal comme une force des­truc­trice dans la socié­té. Il semble que nous soyons dans une situa­tion encore pire que celle que Marcuse soup­çon­nait dans L’Homme uni­di­men­sion­nel. Bien que la guerre froide soit ter­mi­née depuis long­temps, que les condi­tions de vie quo­ti­dienne empirent, que les salaires stag­nent, que le tra­vail soit mono­tone, insa­tis­fai­sant et dif­fi­cile à trou­ver pour des mil­lions d’Américains, nous conti­nuons à per­ce­voir les inté­rêts du capi­tal comme les nôtres. Même des moments de rébel­lion comme Occupy Wall Street et Black Lives Matter semblent être des flam­bées tem­po­raires, inca­pables de délo­ger le pou­voir impé­rieux du capi­tal ni d’imposer des limites concrètes à la volon­té de la classe des investisseurs.

Le pro­gramme des Panthers, comme une grande par­tie du radi­ca­lisme noir Black Power, était ancré dans la réa­li­té his­to­rique-démo­gra­phique du ghet­to urbain noir, où, pen­dant une période, tous les Noirs étaient relé­gués mal­gré les dif­fé­rences de niveau d’éducation et de reve­nu. Ce ghet­to noir du milieu du XXe siècle n’existe plus. Ce que l’on observe dans le demi-siècle der­nier, c’est un pro­ces­sus d’exode des classes moyennes noires des villes cen­trales et une re-ségré­ga­tion des pauvres, urbains, noirs. Ce phé­no­mène passe inaper­çu pour les ana­lyses contem­po­raines qui se concentrent sur la ségré­ga­tion raciale et les dis­pa­ri­tés raciales dans la san­té, l’éducation, etc., sans pen­ser de manière sérieuse et nuan­cée la struc­ture et les poli­tiques de classe internes à la popu­la­tion noire. Ces ana­lyses ne désa­grègent que rare­ment la popu­la­tion noire en termes de classes et, sou­vent, mini­misent le pou­voir et le rôle de la classe pro­fes­sion­nelle-mana­gé­riale noire dans la per­pé­tua­tion des poli­tiques néo­li­bé­rales et revan­chardes. Même si le pro­gramme en 10 points des Black Panthers reste à cer­tains égards per­ti­nent aujourd’hui, est-ce que quelqu’un peut sur cette base construire un mou­ve­ment d’adhésion popu­laire ? Dans la classe moyenne noire ? Parmi les mil­lions d’Américains qui ne vivent pas dans des condi­tions d’hyperségrégation urbaine ? Je ne le crois pas.

[Stephen James, Courtesy of Steven Kasher Gallery]

Votre tra­vail récent s’est en effet concen­tré sur les points à vos yeux aveugles d’une cer­taine nos­tal­gie du mou­ve­ment pour les droits civiques. En quoi la com­pré­hen­sion que nous en avons, au sein des divers espaces lut­tant pour l’é­man­ci­pa­tion, serait-elle incomplète ?

Depuis le début des mani­fes­ta­tions Black Lives Matter contre la vio­lence de la police et des « vigi­lants », on observe la résur­gence de la rhé­to­rique anti­co­lo­niale dans le débat public amé­ri­cain. Des mili­tants et des uni­ver­si­taires se sont notam­ment tour­nés vers une ana­lo­gie colo­niale pour com­prendre le malaise social actuel : celle-ci était popu­laire dans les années 1960 et sou­te­nait que les Noirs consti­tuaient aux États-Unis une colo­nie interne qui avait plus en com­mun avec les peuples domi­nés d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Il y a envi­ron deux ans, un de mes amis m’a dit qu’il enten­dait écrire un article uti­li­sant l’analogie colo­niale pour com­prendre Ferguson, dans le Missouri — la ban­lieue à majo­ri­té noire de Saint-Louis où Michael Brown, un Noir de 18 ans désar­mé, a été tué par l’officier de police blanc Darren Wilson. Il y a évi­dem­ment une res­sem­blance : un quar­tier à majo­ri­té noire et pauvre, un arché­type de ségré­ga­tion raciale et une force de police à majo­ri­té blanche. Nous avions eu une conver­sa­tion inté­res­sante mais j’avais vigou­reu­se­ment pris posi­tion contre l’utilité de l’analogie colo­niale dans le cas pré­sent. Au cours de confé­rences et de dis­cus­sions publiques récentes, on m’a deman­dé de don­ner mon opi­nion sur la per­ti­nence de Fanon sur les condi­tions actuelles aux États-Unis. Ces asso­cia­tions sont trop lâches et trop impres­sion­nistes pour être utiles…

« Où cela nous mène-t-il de par­ler des Noirs comme d’une colo­nie inté­rieure ? Quelles sont les solu­tions ? La libé­ra­tion nationale ? »

Les ana­lo­gies peuvent être valables, en par­ti­cu­lier dans le tra­vail poli­tique. Par exemple, même si c’était trop sim­pliste pour décrire les dyna­miques des plan­ta­tions, l’analogie de Malcolm X avec « esclave de maison/esclave des champs » a été une cri­tique puis­sante de la dimen­sion conser­va­trice de la marche sur Washington de 1963. En asso­ciant les prin­ci­paux diri­geants du mou­ve­ment pour les droits civiques comme Martin Luther King, Ralph Abernathy, James Farmer et Roy Wilkins aux « esclaves de mai­son », Malcolm don­nait une pré­sen­ta­tion humo­ris­tique de la manière dont les forces les plus mili­tantes du mou­ve­ment étaient muse­lées, ses élites et la Maison-Blanche tenue par Kennedy s’efforçant de faire pas­ser la légis­la­tion sur les droits civiques. La puis­sance de l’analogie colo­niale, au moins pen­dant les années 1960, a été de réorien­ter la pen­sée poli­tique noire et la pra­tique vers une « libé­ra­tion de la colo­nie », tour­nant le dos à la recon­nais­sance de droits civiques for­mels et allant vers une affir­ma­tion effec­tive et signi­fi­ca­tive de l’auto-détermination et de la puis­sance. L’analogie colo­niale trou­vait alors un écho parce que la plu­part des Noirs, quels que soient leur édu­ca­tion et leurs reve­nus, étaient relé­gués au ghet­to noir — bien que sous des condi­tions dif­fé­rentes de celles de la classe pro­fes­sion­nelle-mana­gé­riale noire, qui avait ses propres enclaves dans toutes les villes au long du XXe siècle.

C’était ce ter­ri­toire, le ghet­to noir, que les gens vou­laient reven­di­quer et uti­li­ser comme une base de pou­voir poli­tique. La libé­ra­tion natio­nale a alors conduit au contrôle poli­tique par les Noirs de dizaines de villes amé­ri­caines. Il y avait de grandes attentes sur ce qu’ils pour­raient accom­plir, mais, après 50 ans, nous savons que le régime de gou­ver­ne­ment noir à Cleveland, Newark, Oakland, la Nouvelle-Orléans et de nom­breuses autres villes a ren­con­tré une foule de pro­blèmes, des limites et des bar­rières éco­no­mi­co-struc­tu­relles dans la mise en place du pro­grès que beau­coup atten­daient pour les cir­cons­crip­tions noires. Washington a été gou­ver­née par des Noirs depuis la fin des années 1960 mais la ville a pas­sé quelques-unes des lois pénales et poli­cières les plus sévères de la nation dans les années 1970 et 1980. C’est une his­toire com­plexe, qui ne peut pas être com­prise par des dis­cus­sions en termes de colo­nia­lisme, d’anticolonialisme ou de néo­co­lo­nia­lisme. Il faut de l’analyse. Une ana­lyse qui devrait mener vers des solu­tions viables. Où cela nous mène-t-il de par­ler des Noirs comme d’une colo­nie inté­rieure ? Quelles sont les solu­tions ? La libé­ra­tion natio­nale ? À quoi res­semble (ou res­sem­blait) une poli­tique noire anti­co­lo­niale en pra­tique ? Dans les années 1960, cela a per­mis aux mou­ve­ments noirs de s’aligner sur les luttes anti­co­lo­niales et les nou­veaux gou­ver­ne­ments socia­listes dans le tiers monde mais cela n’a plus les mêmes implications.

[Nam Y. Huh / AP]

Bernie Sanders s’est par­fois vu repro­cher d’être « color­blind » [aveugle à la cou­leur]. Le comprenez-vous ?

Je ne pense pas que son pro­gramme en tant que tel était color­blind. C’était une éti­quette facile pour ses adver­saires, les démo­crates clin­to­niens et les membres du com­men­ta­riat de gauche qui vou­laient dis­cré­di­ter l’approche uni­ver­sa­liste et social-démo­crate de la cam­pagne. Les poli­tiques publiques que Sanders pro­po­saient auraient été mas­si­ve­ment béné­fiques pour la classe labo­rieuse noire et lati­no — par exemple, l’inscription gra­tuite dans les uni­ver­si­tés publiques pour les étu­diants. L’immense majo­ri­té des étu­diants issus de mino­ri­tés qui vont à l’université le font dans des ins­ti­tu­tions publiques et la bar­rière prin­ci­pale à l’obtention d’un bac­ca­lau­réat, pour de nom­breux Américains, est leur capa­ci­té à payer les frais d’inscription et les autres dépenses qui y sont liées. La for­ma­tion uni­ver­si­taire a été mise hors d’atteinte pour des mil­lions d’Américains — en par­ti­cu­lier pour les pro­lé­ta­riats des mino­ri­tés — quand les coûts d’inscription ont explo­sé. Une bonne part de ces coûts viennent des à‑côtés (nou­veaux dor­toirs, des offres de café­té­ria et de res­tau­ra­tion crois­santes, des com­plexes spor­tifs, des espaces de loi­sir) et des coûts admi­nis­tra­tifs en expan­sion. Cet argent n’arrive pas jusqu’aux corps ensei­gnants : de nom­breuses uni­ver­si­tés font désor­mais appels à des ensei­gnants à temps par­tiel et ont accru leur offre de cours en ligne pour cou­per les frais et rat­tra­per les grosses universités.

« C’est une honte que tant de gens de gauche voient encore la popu­la­tion noire des États-Unis de manière si sim­pliste alors que cette popu­la­tion est plus grande que celle du Canada. »

Comme étu­diant de licence, j’étais à la Southern University de Bâton-Rouge. C’est une uni­ver­si­té his­to­ri­que­ment noire ; ma famille et beau­coup d’amis y ont étu­dié. À l’époque, c’était la plus grosse uni­ver­si­té noire, comp­tant près de 10 000 étu­diants, et c’était le seul sys­tème uni­ver­si­taire noir. On avait trois cam­pus : Bâton-Rouge, la Nouvelle Orléans et Shreveport-Bossier City. Quand j’y suis entré à la fin des années 1980, les frais d’inscriptions étaient de moins de 800 dol­lars par semestre. Cela lais­sait l’éducation supé­rieure acces­sible pour beau­coup d’habitants de Louisiane, en par­ti­cu­lier ceux qui vivaient encore chez leurs parents et tra­vaillaient à temps par­tiel, et même à temps plein. En plus, c’é­tait une uni­ver­si­té à l’inscription ouverte : il n’y avait pas d’autre cri­tère que la pos­ses­sion d’un diplôme du secon­daire ou d’une équi­va­lence3. Cela offrait une véri­table oppor­tu­ni­té pour des mil­liers d’étudiants qui n’auraient pas été accep­tés sans cela dans une uni­ver­si­té plus cotée et plus sélec­tive. Dans n’importe quelle classe, on pou­vait être assis à côté de quelqu’un qui tra­vaillait dans une raf­fi­ne­rie des envi­rons, un parent céli­ba­taire d’âge mûr qui reve­nait aux études une fois ses enfants adultes, un cri­mi­nel pro­fi­tant d’une seconde chance ou quelqu’un qui avait été admis à diverses écoles de la Ivy League mais qui déci­dait de res­ter plus près de chez lui. C’étaient tous des étu­diants noirs. Depuis cette époque, les frais d’inscription ont été mul­ti­pliés par 10. L’État a aus­si éle­vé les condi­tions d’inscription et ces deux chan­ge­ments ont réduit les ins­crip­tions et la diver­si­té de classe et d’expériences qui fai­saient de la Southern University et de beau­coup d’autres col­lèges his­to­ri­que­ment noirs des endroits uniques pour faire ses études. C’est ce genre d’étudiants et d’institutions qui béné­fi­cie­raient d’un pro­gramme natio­nal d’accès gra­tuit à l’éducation supérieure.

Aux États-Unis, il y a beau­coup de gens de gauche dont l’engagement — celui de la pos­ture doc­tri­naire anti­ra­ciste — les empêche de voir la réa­li­té : ils n’ont pas vrai­ment de com­pré­hen­sion utile de la vie poli­tique noire, à savoir les inté­rêts poli­tiques réels, les idéo­lo­gies et les condi­tions maté­rielles en jeu. C’est une honte que tant de gens de gauche voient encore la popu­la­tion noire des États-Unis de manière si sim­pliste alors que cette popu­la­tion est plus grande que celle du Canada, et trois fois plus que celle de la Grèce. Malgré cela, il y a une ten­dance dans cer­tains cercles de gauche à par­ler de la vie poli­tique noire comme uni­fiée et intrin­sè­que­ment pro­gres­siste, si ce n’est révo­lu­tion­naire… Une des choses que nous avons enten­due en boucle pen­dant l’élection de 2016 était que le pro­jet d’une redis­tri­bu­tion uni­ver­selle — qu’elle soit social-démo­crate ou socia­liste — serait tou­jours entra­vée par le racisme aux États-Unis. On a assis­té au déni­gre­ment du New Deal, à des men­songes gros­siers, des omis­sions sur l’effet réel que l’administration Roosevelt a eu sur la popu­la­tion noire et des omis­sions sur la posi­tion de nom­breux lea­ders noirs et de leurs élec­teurs de l’époque par rap­port au New Deal. Une autre stra­té­gie rhé­to­rique pen­dant un moment a été de dire que les sociales-démo­cra­ties euro­péennes ne pou­vaient pas être un modèle pour les États-Unis parce qu’un grand nombre des exemples scan­di­naves et occi­den­taux sont plus eth­ni­que­ment et racia­le­ment homo­gènes. Ce n’est pas vrai, évi­dem­ment, mais à cause de l’anti-intellectualisme de cer­tains seg­ments de la popu­la­tion et de la myo­pie sur l’histoire et la démo­gra­phie des autres pays, cette stra­té­gie a été effi­cace, notam­ment pour aider à court-cir­cui­ter des pro­po­si­tions sérieuses sur des pos­si­bi­li­tés poli­tiques différentes.

[Stephen James, Courtesy of Steven Kasher Gallery]

Vous avez dit un jour qu’il est impos­sible de com­prendre la ques­tion des inéga­li­tés raciales et des vio­lences poli­cières sans uti­li­ser l’outil mar­xiste et maté­ria­liste, sans com­prendre le « pro­ces­sus d’accumulation de capi­tal ». Pourquoi le socia­lisme est-il tou­jours néces­saire pour les appréhender ?

En 1948–1949, aux États-Unis, les Blancs repré­sen­taient plus de 70 % de la popu­la­tion car­cé­rale. Même en 1979, ils consti­tuaient une bonne majo­ri­té des déte­nus — envi­ron 60 % du total de la popu­la­tion car­cé­rale. Malgré une mécon­nais­sance répan­due, aujourd’hui, la majo­ri­té des pri­son­niers n’est pas noire mais com­prend les franges les plus basses de la classe ouvrière : une coupe trans­ver­sale variée qui regroupe des Blancs, des lati­nos et des Noirs dans les mêmes pro­por­tions. Je ne pense pas que nous soyons confron­tés à un nou­veau sys­tème Jim Crow conçu pour répri­mer les Noirs en tant que tels mais plu­tôt à un nou­veau mode de main­tien de l’ordre et d’incarcération visant à gérer les popu­la­tions super­flues. Les racines du main­tien de l’ordre tel que nous le connais­sons remontent à la trans­for­ma­tion du pay­sage urbain et de l’économie poli­tique après la Seconde Guerre mon­diale. Ces chan­ge­ments ont non seule­ment modi­fié l’approche de nom­breux citoyens des pro­blé­ma­tiques de classe, mais l’amélioration des condi­tions maté­rielles de mil­lions d’Américains a sus­ci­té de nou­velles angoisses sur les crimes contre la pro­prié­té. Ainsi, la popu­la­tion a pro­gres­si­ve­ment appor­té son sou­tien à un main­tien de l’ordre plus agres­sif — ce qui était un moyen de pro­té­ger la nou­velle classe moyenne des pauvres des villes. Un mélange d’urbanistes, de per­sonnes ayant des inté­rêts com­mer­ciaux et immo­bi­liers et d’élites poli­tiques se lan­cèrent dans une révo­lu­tion du loge­ment : ils pro­vo­quèrent l’étalement phé­no­mé­nal des villes amé­ri­caines, la déva­lua­tion des biens situés dans les centres-villes et l’expansion de nou­veaux loge­ments sub­ur­bains. La pro­mo­tion de la pro­prié­té pri­vée auprès de la popu­la­tion amé­ri­caine a tou­jours été sous-ten­due par une volon­té politique.

« Le déve­lop­pe­ment des ban­lieues pavillon­naires et toutes les formes de consu­mé­risme trans­for­mèrent l’identité de classe, atta­quant ain­si les vieilles affi­ni­tés eth­niques et pro­lé­ta­riennes des villes. »

Pendant le man­dat du pré­sident Wilson, après la révo­lu­tion d’octobre 1917 en Russie, l’industrie de l’immobilier lan­ça une cam­pagne publi­ci­taire inti­tu­lée « Devenez pro­prié­taire ». Lorsqu’il affir­mait que « les pro­prié­taires endet­tés ne font pas la grève », David Harvey nous rap­pe­lait les inten­tions poli­tiques sous-jacentes. Le gou­ver­ne­ment Wilson approu­va plei­ne­ment cette cam­pagne et se l’appropria. La révo­lu­tion du loge­ment d’après-guerre n’était pas seule­ment une aubaine pour les dif­fé­rents blocs du capi­tal mais s’inscrivait éga­le­ment dans une stra­té­gie de la guerre froide plus large visant à détour­ner le public de cou­rants poli­tiques de gauche socia­listes et des révoltes des tra­vailleurs carac­té­ris­tiques de l’entre-deux-guerres et de la période de la Grande dépres­sion. Les États-Unis s’engagèrent dans une révo­lu­tion du loge­ment qui débu­ta avec le New Deal et se pour­sui­vit après la Seconde Guerre mon­diale sous Truman. Ce pro­ces­sus per­mit à des mil­lions de Blancs et de Noirs de déte­nir un titre de pro­prié­té à leur nom et de rejoindre la nou­velle classe moyenne de consom­ma­teurs. Parallèlement, la majo­ri­té des Noirs les plus pauvres furent relé­gués dans des quar­tiers déva­lués et dété­rio­rés des centres-villes et dans de petites villes du Sud. Le déve­lop­pe­ment des ban­lieues pavillon­naires et toutes les formes de consu­mé­risme trans­for­mèrent l’identité de classe, atta­quant ain­si les vieilles affi­ni­tés eth­niques et pro­lé­ta­riennes des villes et scel­lant la loyau­té des tra­vailleurs qui béné­fi­ciaient le plus de l’ascenseur social et d’une forme de sécu­ri­té à l’égard de la tra­jec­toire de crois­sance emprun­tée pen­dant la guerre froide — dépenses mili­taires, réno­va­tion urbaine et péri­ur­ba­ni­sa­tion, pro­ces­sus auquel cer­taines poli­tiques étaient intrin­sè­que­ment liées. Il s’agissait de poli­tiques qui ségré­guaient à nou­veau les Noirs pauvres des villes en construi­sant des tours de loge­ments sociaux ou des auto­routes et en recou­rant à des pra­tiques telles que le red­li­ning — autant d’éléments qui déva­luaient les quar­tiers des centres-villes et dis­sua­daient les inves­tis­seurs d’y investir.

Avec quelles conséquences ?

À l’issue de cette trans­for­ma­tion spa­tio-urbaine des années d’après-guerre, la race devint le lan­gage sym­bo­lique domi­nant qui ser­vit de prisme pour com­prendre les inéga­li­tés aux États-Unis. L’association de fac­teurs tels que la pro­prié­té pri­vée, l’accès aux sec­teurs sco­laires situés en ban­lieue pavillon­naire, la pro­tec­tion poli­cière, les allè­ge­ments fis­caux et un cer­tain avan­tage éco­no­mique per­mit de for­mer un socle maté­riel sur lequel repo­saient les idées conser­va­trices de nom­breux Blancs qui finirent par sou­te­nir le néo­con­ser­va­tisme. Mais nous savons que tous n’adoptèrent pas de telles posi­tions conser­va­trices. Un cer­tain carac­tère urbain, l’adhésion à un syn­di­cat, les orga­ni­sa­tions civiques, la reli­gion, les tra­di­tions de mili­tan­tisme au sein des familles et des com­mu­nau­tés ain­si que d’autres fac­teurs idio­syn­cra­tiques conti­nuaient de jouer un rôle dans le façon­ne­ment de l’idéologie et de l’engagement poli­tiques, même dans les ban­lieues pavillon­naires. De la même manière, cer­tains de ces mêmes inté­rêts poli­tiques conser­va­teurs et les pré­oc­cu­pa­tions vis-à-vis de la cri­mi­na­li­té et des valeurs de la pro­prié­té furent éga­le­ment des fac­teurs de cohé­sion pour des Américains de la classe moyenne de diverses ori­gines eth­niques, même s’ils étaient tou­jours fidèles au Parti démo­crate. L’adjectif « blanc » devint syno­nyme de classe moyenne, vivant en ban­lieue rési­den­tielle, res­pec­tueux de la loi, ver­tueux, pro­prié­taire, assi­du au tra­vail et auto­nome tan­dis que « noir » ser­vit d’euphémisme pour pauvre, cita­din, cri­mi­nel, dys­fonc­tion­nel, dému­ni, pares­seux et dépen­dant. Ces termes sont cou­ram­ment employés pour pen­ser les inéga­li­tés et en par­ler aux États-Unis, mais ils ne sont pas pré­cis et ne reflètent pas com­plè­te­ment cet amal­game d’intérêts de classe aux­quels ils font référence.

[Black Lives Matter]

Ceci étant, per­sonne ne peut contes­ter, aux États-Unis comme en France, d’ailleurs, la dis­pro­por­tion eth­nique au sein des prisons.

Ce n’est pas moi qui remet­trai en ques­tion la dimen­sion raciale du main­tien de l’ordre des deux côtés de l’Atlantique Nord ! Pendant les années 1990, des orga­ni­sa­tions de défense des droits civiques ont docu­men­té la nature dis­cri­mi­na­toire des contrôles rou­tiers effec­tués sur la por­tion de l’autoroute Interstate 95, entre l’État du Delaware et la région métro­po­li­taine de Washington. D’autres études empi­riques prouvent l’ampleur du contrôle au faciès, notam­ment en ce qui concerne la pra­tique des « pre­text stops » lar­ge­ment uti­li­sée par les dépar­te­ments de police dans tous les États-Unis. Mais le main­tien de l’ordre com­porte éga­le­ment une dimen­sion de classe. Les Noirs, en tant que groupe, sont confron­tés à diverses formes de dis­cri­mi­na­tion mais les franges les plus basses de la popu­la­tion noire sont les plus sus­cep­tibles d’être sur­veillées, d’être quo­ti­dien­ne­ment prises pour cible, arrê­tées, pour­sui­vies en jus­tice et condam­nées dans le sys­tème de jus­tice pénale. C’est éga­le­ment vrai pour d’autres mino­ri­tés eth­niques. Aux États-Unis, le déno­mi­na­teur com­mun entre les déte­nus est le fait qu’ils aient été au chô­mage au moment de leur arres­ta­tion. Nous devons pré­ci­ser le type d’animosité qui motive les pre­text stops et le main­tien de l’ordre à outrance ; l’accusation de racisme n’est pas assez pré­cise. Nous voyons une idéo­lo­gie de l’under­class à l’œuvre, qui prend par­fois la forme de racisme anti-noir mais qui s’exerce éga­le­ment contre les Blancs, lati­nos, Tongiens, Hmong, Natifs Américains et contre d’autres groupes pauvres.

Qu’entendez-vous par under­class ?

« Aux États-Unis, le déno­mi­na­teur com­mun entre les déte­nus est le fait qu’ils aient été au chô­mage au moment de leur arrestation. »

Il ne s’agit pas d’une classe défi­nie de façon empi­rique ou d’une classe réelle, mais plu­tôt de l’invention d’un argu­ment cultu­rel qui a tout d’abord été pré­sen­té par les libé­raux puis repris par les néo­con­ser­va­teurs pour expli­quer la pau­vre­té urbaine. Selon l’argument pro­po­sé par Daniel Patrick Moynihan et lar­ge­ment accep­té par la socié­té états-unienne, les per­sonnes raci­sées pauvres des villes ne se heurtent pas seule­ment à des obs­tacles struc­tu­rels comme un chô­mage pro­vo­qué par la tech­no­lo­gie et des écoles en situa­tion d’échec, mais leur fléau est dû à une culture dys­fonc­tion­nelle. L’objectif de Moynihan en avan­çant ces argu­ments dans les années 1960 était d’augmenter le sou­tien fédé­ral en faveur des pro­grammes de lutte contre la pau­vre­té. Il était plein de bonnes inten­tions mais ses idées étaient catas­tro­phiques. L’opinion selon laquelle la culture, et non le pou­voir de la classe capi­ta­liste, était res­pon­sable des inéga­li­tés s’est pro­fon­dé­ment enra­ci­née dans la culture amé­ri­caine. En somme, les pauvres seraient les seuls res­pon­sables de leur situa­tion : « Si seule­ment ils avaient une meilleure éthique au tra­vail, avaient moins d’enfants, dif­fé­raient la gra­ti­fi­ca­tion, étaient plus éco­nomes, leur situa­tion s’améliorerait peut-être. » L’idée ne date pas d’hier et on peut faire remon­ter la théo­rie de Moynihan au même type de condam­na­tion morale émise par les indus­triels à l’encontre de la classe ouvrière, et évi­dem­ment aux dia­tribes contre le tra­vail de Frederick Winslow Taylor, le pion­nier de l’organisation scien­ti­fique du tra­vail. Cette mora­li­sa­tion de l’under­class ne se limite pas aux Noirs ou aux lati­nos, mais concerne éga­le­ment l’antipathie dont de nom­breuses per­sonnes font preuve à l’égard de la « classe ouvrière blanche » qui est éga­le­ment tour­née en déri­sion car elle n’aurait pas les bonnes valeurs.

En France, l’antiracisme « poli­tique » (en oppo­si­tion à l’antiracisme « moral » et mains­tream) se reven­dique très sou­vent de Malcolm X mais assez peu de Martin Luther King. En 2016, le jour­nal amé­ri­cain Jacobin sou­hai­tait réha­bi­li­ter ce der­nier, injus­te­ment accu­sé, esti­mait-il, de com­plai­sance et de modé­ra­tion. Faut-il encore recon­duire cette oppo­si­tion mythique ?

J’admire à n’en pas dou­ter ces deux hommes et j’ai nour­ri une pas­sion pour les deux per­son­nages : je ché­ris leurs paroles et leurs actions depuis des années. J’enseigne encore leurs dis­cours et leurs écrits à mes élèves et nous avons beau­coup à apprendre de la façon dont ils ont réagi à leur époque, dont ils ont repré­sen­té dif­fé­rentes puis­santes voix contes­ta­taires pen­dant les der­nières années de la ségré­ga­tion exer­cée par les lois Jim Crow. Je suis moins enthou­sias­mé par les efforts déployés pour les réha­bi­li­ter, qui sont le plus sou­vent des ten­ta­tives de mettre des voix his­to­riques à contri­bu­tion afin de cau­tion­ner la poli­tique contem­po­raine. Ce n’est peut-être pas tou­jours le cas et je ne suis pas oppo­sé au fait d’étudier la « Lettre de la pri­son de Birmingham » de Martin Luther King, le « Message to the Grass Roots » de Malcolm X ou d’autres écrits mais nous devons gar­der à l’esprit que ces décla­ra­tions s’inscrivaient dans une cer­taine époque. Ils peuvent nous façon­ner et nous ins­pi­rer mais ne peuvent pas rem­pla­cer notre propre recherche de pers­pec­tives, adap­tée. Les paroles tran­chantes de Malcolm X devraient nous ins­pi­rer, ain­si que sa déter­mi­na­tion à dénon­cer l’hypocrisie de la classe diri­geante amé­ri­caine et la capi­tu­la­tion des chefs de file en place du mou­ve­ment des droits civiques, mais la dis­tance his­to­rique qui nous sépare devrait être claire. Ici, à Chicago, nous avons une uni­ver­si­té nom­mée en l’honneur de Malcolm X. Sa voi­ture 1963 Oldsmobile 98 trône sur le centre d’accueil : elle est expo­sée dans une uni­ver­si­té qui accueille prin­ci­pa­le­ment des étu­diants noirs, au cœur d’une ville mon­diale, à mille lieues du monde auquel Malcolm X était confron­té ou qu’il aurait pu ima­gi­ner de son vivant.

[Stephen James, Courtesy of Steven Kasher Gallery]

Noam Chomsky a affir­mé qu’Obama était « pire » que Bush et Blair en matière de poli­tique étran­gère, en par­ti­cu­lier en Afghanistan et au Pakistan. Comment, une fois pas­sée la sur­prise sym­bo­lique de sa pre­mière élec­tion, com­prendre l’attraction qu’il conti­nue d’exercer sur une par­tie des « progressistes » ?

C’est pré­ci­sé­ment à cause de l’incapacité de nom­breux Américains à pas­ser outre l’« impor­tance his­to­rique » du phé­no­mène Obama qu’il a pu se com­por­ter de manière si rétro­grade à l’échelle natio­nale et inter­na­tio­nale. Obama était hon­nête : il a tou­jours été néo­li­bé­ral et l’a affir­mé dans de nom­breux dis­cours et écrits. Son conser­va­tisme est visible lorsqu’il aborde les thèmes de la race, du crime et de la pau­vre­té urbaine — ce qui est pour le moins para­doxal. Il explique tou­jours les inéga­li­tés amé­ri­caines par plé­thore d’arguments appar­te­nant à la rhé­to­rique de l’under­class. Obama a expo­sé la même vision que ses pré­dé­ces­seurs blancs, celle des Noirs pauvres dépra­vés, mais avec une forme de sin­cé­ri­té et de per­sua­sion qui a fait écho chez cer­tains publics noirs tout en confor­tant un plus large public dans son opi­nion. C’est de cette façon que le pre­mier pré­sident noir a pu être « pire » et s’en tirer. Dans son tra­di­tion­nel dis­cours de la Fête des pères, qu’il pro­non­çait sou­vent du haut d’une chaire dans une église noire, Obama exhor­tait les hommes noirs à être des parents et des modèles plus res­pon­sables. La réac­tion d’Obama aux fusillades de masse offre une com­pa­rai­son révé­la­trice de son approche unique de la vio­lence urbaine noire. Face aux deux formes de vio­lence liée aux armes à feu, il plai­dait typi­que­ment en faveur d’une réforme légis­la­tive — des véri­fi­ca­tions plus strictes des anté­cé­dents des consom­ma­teurs d’armes à feu. Il insis­tait sou­vent sur le rôle joué par le puis­sant lob­by des armes et par un Congrès obs­ti­né dans le main­tien du sta­tu quo, avant de deman­der le sou­tien de ce der­nier afin de réfor­mer le sys­tème actuel et d’améliorer la sécu­ri­té publique.

« C’est pré­ci­sé­ment à cause de l’incapacité de nom­breux Américains à pas­ser outre l’impor­tance his­to­rique du phé­no­mène Obama qu’il a pu se com­por­ter de manière si rétro­grade à l’échelle natio­nale et internationale. »

La mala­die était l’un des thèmes récur­rents de ses dis­cours sur la vio­lence armée. Toutefois, dif­fé­rence fon­da­men­tale, dans le cas d’une fusillade de masse, il met­tait en avant la san­té men­tale fra­gile du tueur iso­lé et invi­tait les parents, les ensei­gnants et les membres de la com­mu­nau­té à être atten­tifs aux signes avant-cou­reurs et à aider les per­sonnes dépres­sives et qui néces­sitent des soins de san­té men­tale. Mais à chaque fois qu’il abor­dait le pro­blème de la vio­lence urbaine, il insis­tait sur la mala­die cultu­relle, les pré­ten­dues patho­lo­gies de l’ensemble des noirs pauvres des villes. Pendant la pré­si­dence d’Obama, le pro­blème de la vio­lence urbaine noire l’a plus d’une fois tou­ché de près lorsque plu­sieurs vagues de vio­lences de rue ont secoué sa ville d’origine d’adoption, Chicago. En 2009, moins d’un an après le début de son pre­mier man­dat, Derrion Albert, un élève exem­plaire de 16 ans, a été tué lors d’un affron­te­ment entre deux bandes rivales à Chicago. L’incident a été fil­mé avec un télé­phone por­table et les ter­ribles images du spec­ta­teur inno­cent qui se fait matra­quer à mort à coups de tra­verse de bois ont for­te­ment contras­té avec la cou­ver­ture média­tique du voyage du couple Obama à Copenhague, où ils défen­daient la can­di­da­ture de Chicago aux Jeux olym­piques. Au début de son second man­dat, Obama a de nou­veau été confron­té à un meurtre très média­ti­sé d’une ado­les­cente noire inno­cente. Cette fois-ci, Hadiya Pendleton, 15 ans, a été abat­tue alors qu’elle était dans un parc avec des amis à à peine plus d’un kilo­mètre de la rési­dence des Obama à Hyde Park. Une semaine aupa­ra­vant, elle avait défi­lé comme majo­rette avec la fan­fare de son lycée lors de la seconde inves­ti­ture du pré­sident. La Première dame Michelle Obama a repré­sen­té la Maison-Blanche lors des funé­railles et fait un éloge funèbre. Après l’événement, le Black Youth Project 100 a dif­fu­sé une péti­tion qui exhor­tait Obama à venir à Chicago afin de pro­non­cer un dis­cours sur la vio­lence armée ; il a cédé et a fait un dis­cours à la Hyde Park Career Academy en février 2013. Il y fait allu­sion au rôle joué par les condi­tions éco­no­miques et demande une modeste aug­men­ta­tion du salaire mini­mum natio­nal avant d’en venir à son cock­tail habi­tuel de solu­tions : édu­ca­tion paren­tale plus effi­cace, pri­va­ti­sa­tion des écoles et modi­fi­ca­tion des com­por­te­ments. Obama a mini­mi­sé les éven­tuels effets de l’intervention publique et a valo­ri­sé le rôle joué par la socié­té civile et par le mar­ché, d’une façon qu’on aurait été en droit d’attendre des Républicains de Reagan il y a quelques dizaines d’années. Je ne com­prends pas com­ment qui­conque à gauche peut sym­pa­thi­ser avec ces pro­pos uni­que­ment car ils ont été tenus par un homme poli­tique noir. Ce seul fait montre le pou­voir et le dan­ger que repré­sente la figure d’Obama et explique en par­tie pour­quoi il n’a pas ren­con­tré davan­tage d’opposition.

Les intel­lec­tuels et les mili­tants noirs mar­xistes, socia­listes ou anar­chistes aux­quels vous aimez à vous réfé­rer res­tent peu connus et peu pré­sents en librai­rie. Comment expli­quer cette relégation ?

De nos jours, il existe un déses­poir et une alié­na­tion sociale immenses aux États-Unis. Je dis cela en étant plei­ne­ment conscient de la pro­messe de connec­ti­vi­té que de nom­breuses per­sonnes voient dans les médias sociaux et de l’optimisme sus­ci­té chez cer­tains par les mani­fes­ta­tions popu­laires contre le trum­pisme — à savoir les marches natio­nales des femmes, les mani­fes­ta­tions qui réclament le retrait des monu­ments confé­dé­rés des lieux publics, les mani­fes­ta­tions de Black Lives Matter et tout le reste. Toutes ces évo­lu­tions sont impor­tantes mais aucune ne s’est cris­tal­li­sée en une force capable de gal­va­ni­ser des gens à même de contes­ter le capi­tal de manière signi­fi­ca­tive. Cette confu­sion, cette panique et cette alié­na­tion sociales sont des excrois­sances de la néo­li­bé­ra­li­sa­tion, un retour en arrière : c’est une des­truc­tion du salaire social, des biens et des ser­vices publics, mais aus­si des liens plus anciens qui unis­saient la classe ouvrière en lui confé­rant une iden­ti­té poli­tique et un pou­voir social. Dans de telles périodes où les gens se démènent pour sur­vivre, le natio­na­lisme noir et les appels à « la race en pre­mier4 » s’enracinent plus pro­fon­dé­ment. Nous pou­vons faire remon­ter les ori­gines du marasme actuel au triomphe du capi­tal pen­dant l’après-guerre et à la manière donc la classe diri­geante a refa­çon­né la culture et le mode de vie amé­ri­cains à son image. L’élection de Trump repré­sente un appro­fon­dis­se­ment de ces contra­dic­tions et nous ne pou­vons pas aller de l’avant si nous accep­tons la logique de l’identitarisme.


Traduit de l’an­glais par Jean Ganesh et Maude Morrisson.
Photographie de ban­nière : Rainbow Coalition


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  1. Selon les mots de Bobby Lee, cofon­da­teur de la Rainbow Coalition : voir son inter­view dans SolidaritiesAREA Chicago, n° 3, sep­tembre 2006.[]
  2. 1 – Nous vou­lons la liber­té. Nous vou­lons le pou­voir de déter­mi­ner la des­ti­née de notre Communauté Noire. 2 – Nous vou­lons le plein emploi pour notre peuple. 3 – Nous vou­lons que cesse le pillage de la com­mu­nau­té noire par les capi­ta­listes. 4 – Nous vou­lons des loge­ments décents, aptes à abri­ter des êtres humains. 5 – Nous vou­lons l’éducation pour notre peuple qui expo­se­rait la véri­table nature déca­dente de la socié­té amé­ri­caine. 6 – Nous vou­lons que tous les hommes noirs soient exemp­tés du ser­vice mili­taire. 7 – Nous vou­lons une fin immé­diate aux meurtres et aux bru­ta­li­tés de la police. 8 – Nous vou­lons la liber­té pour tous les Noirs déte­nus dans les pri­sons et péni­ten­ciers fédé­raux, d’État, de com­té et muni­ci­paux. 9 – Nous vou­lons que tous les Noirs, lorsqu’ils com­pa­raissent devant un tri­bu­nal, soient jugés par un Jury com­po­sés de leurs pairs, ou par des gens issus de leurs com­mu­nau­tés noires, comme le sti­pule la Constitution des États-Unis. 10 – Nous vou­lons de la terre, du pain, des loge­ments, un ensei­gne­ment, de quoi nous vêtir, la jus­tice et la paix, et comme notre objec­tif prin­ci­pal : un plé­bis­cite super­vi­sé par l’Organisation des Nations Unies se dérou­lant dans la « colo­nie » noire, et auquel ne pour­ront par­ti­ci­per que des sujets noirs « colo­ni­sés », afin de déter­mi­ner la volon­té du peuple noir quant à sa des­ti­née natio­nale.[]
  3. Graduate Equivalency Diploma : GED.[]
  4. Original : « race-first appeals ».[]

REBONDS

☰ Lire notre entre­tien avec Saïd Bouamama : « Des Noirs, des Arabes et des musul­mans sont par­tie pre­nante de la classe ouvrière », mai 2018
☰ Lire notre entre­tien avec le Comité Adama : « On va se battre ensemble », mai 2018
☰ Lire notre tra­duc­tion : « Pour un monde socia­liste — Huey P. Newton (Black Panther Party) », décembre 2017
☰ Lire notre entre­tien avec Angela Davis : « S’engager dans une démarche d’intersectionnalité », décembre 2017
☰ Lire notre tra­duc­tion « Femmes, noires et com­mu­nistes contre Wall Street — par Claudia Jones », décembre 2017
☰ Lire notre tra­duc­tion « Anarchisme et révo­lu­tion noire », Lorenzo Kom’boa Ervin, décembre 2017
☰ Lire notre article « Résister à Trump par le bas », Richard Greeman , jan­vier 2017
☰ Lire notre tra­duc­tion « Luther King : plus radi­cal qu’on ne le croit ? », Thomas J. Sugrue, mars 2015


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