Animaux : face à face

17 février 2020


Texte inédit | Ballast

Notre ordre s’en ver­rait tout entier mena­cé, écri­vait Alain dans Les Dieux, dès l’ins­tant où nous accep­te­rions l’i­dée que l’a­ni­mal nous voit. « C’est aux tra­vaux sur la bête que l’homme apprend à ne pas pen­ser. Il se détourne ; et il y a du fana­tisme dans ce mou­ve­ment. L’animal ne peut être un ami, ni même un enne­mi ; n’en par­lons plus, par­lons d’autre chose, ou par­lons sans pen­ser. » En la matière, le phi­lo­sophe ne s’é­tait pas trom­pé. De regards et de pen­sées, il est ques­tion ici à la faveur de trois ren­contres : un ours, un cro­co­dile et un loup. Et celles-ci de tra­cer l’es­quisse d’une autre rela­tion à autrui — poli­tique et poé­tique. ☰ Par Roméo Bondon


Il s’a­gi­rait d’un loup et d’un renard qui défendent leur amour épée en main ; d’un lapin, carotte sous la mous­tache, assis sur la croupe du che­val de l’un ou bien sur celle de l’autre ; d’une mouette rieuse mais dépres­sive et d’un chat fou ; de san­gliers qui finissent tou­jours les côtes à l’air sur la table d’un ban­quet : tous ani­maux de bandes des­si­nées1 — malins seraient ceux qui les recon­naî­traient sans erreur. Mais là n’est pas l’en­jeu. Chacun de ces ani­maux est ou a été sau­vage, domes­tique, nui­sible, de trait et de course, inva­sif ou en dan­ger, gibier, proie, pré­da­teur. Ou un peu de tout cela. À tra­vers les traits qu’on a bien sou­hai­té leur don­ner, c’est une part des repré­sen­ta­tions que l’on se fait d’eux qui prennent vie dans le dessin.

« Une poli­tique oscil­lant entre visible et invi­sible, don­nant sens à l’ac­cueil, pour­rait dès lors être une piste à suivre. »

On peut trou­ver vain de cher­cher la caté­go­rie défi­ni­tive pour décrire tel ou tel ani­mal ; pour cause : c’est en mou­ve­ment que les ani­maux vivent, habitent et meurent. Bien que le gra­phite ou le pin­ceau miment avec pré­ci­sion l’a­gi­ta­tion d’un per­son­nage, c’est immo­bile — autant que soi les regar­dant —, sur une feuille, que l’on croise tout jeune les ani­maux de nos bandes des­si­nées. Notre appré­hen­sion en est déter­mi­née, et ce n’est qu’au gré de ren­contres for­tuites ou pro­vo­quées que nos cer­ti­tudes peuvent évo­luer. Et là, sou­vent, tout s’ef­fondre : le cani­dé ne che­vauche plus l’é­qui­dé comme sur la page de l’al­bum mais est tenu en laisse, pour­chas­sé ou célé­bré, tan­dis qu’au loin l’oi­seau dis­pa­raît en silence. Les mots, alors, manquent pour sai­sir l’am­pleur du désastre. Ça n’est pas seule­ment que l’on ne sait ou ne peut plus voir, comme le pensent cer­tains, mais que les condi­tions de la ren­contre ont changé.

C’est pour cela qu’il convient de prê­ter atten­tion à une série d’ex­pé­riences limites, et en un cer­tain sens radi­cales, afin de sai­sir ce qu’elles disent des rela­tions entre humains et ani­maux2, et ce qu’en disent, en retour, leurs acteurs. Les ren­contres de l’an­thro­po­logue Nastassja Martin avec un ours3, de l’é­co­fé­mi­niste Val Plumwood avec un cro­co­dile4 et du phi­lo­sophe Baptiste Morizot avec un loup5 nous ser­vi­ront de res­sources. Comparer ces dif­fé­rentes expé­riences per­met­tra de défi­nir une poé­tique de la ren­contre indi­vi­duelle entre humains et ani­maux. Celle-ci répond à un contexte sin­gu­lier : les ani­maux concer­nés sont des pré­da­teurs et les ren­contres, qu’elles soient sou­hai­tées ou non, se déroulent dans le milieu de vie de l’a­ni­mal. Si une telle ébauche struc­tu­rale pré­sente des écueils cer­tains, il reste fécond de plon­ger dans le récit comme on peut le faire par­mi les bulles et les cases. Il s’a­gi­ra tou­te­fois de s’ex­traire d’un contexte don­né comme de caté­go­ries écu­lées pour, du poé­tique au poli­tique, inter­ro­ger l’é­preuve col­lec­tive que consti­tue l’in­tru­sion d’a­ni­maux au sein d’une ville, d’un quo­ti­dien, d’une habi­tude — épreuve déci­sive pour défi­nir une vie com­mune avec les ani­maux, dans le contact comme dans le retrait. Une poli­tique oscil­lant entre visible et invi­sible, don­nant sens à l’ac­cueil, pour­rait dès lors être une piste à suivre.

[Sophie Alyz]

Rejouer le temps du mythe

Tandis qu’il se prê­tait au jeu de l’en­tre­tien-fleuve avec un jeune élève, Claude Lévi-Strauss répon­dit en ces termes lorsque celui-ci lui deman­da de défi­nir le mythe : « Si vous inter­ro­giez un Indien amé­ri­cain, il y aurait de fortes chances qu’il vous réponde : une his­toire du temps où les hommes et les ani­maux n’é­taient pas encore dis­tincts6. » Si l’an­thro­po­logue sous­crit à cette pro­po­si­tion, c’est pour en sou­li­gner l’as­pect tra­gique : vivre avec des sem­blables mais ne pou­voir com­mu­ni­quer avec eux. Certains natu­ra­listes, phi­lo­sophes et eth­no­logues tentent de sai­sir ce moment mythique en une époque qui l’est pour­tant bien peu. Trois récits de ces ten­ta­tives nous semblent les plus révé­la­teurs de ce qui se joue lorsque le temps du mythe est, de manière inten­tion­nelle ou non, remobilisé.

« Si vous inter­ro­giez un Indien amé­ri­cain, il y aurait de fortes chances qu’il vous réponde : une his­toire du temps où les hommes et les ani­maux n’é­taient pas encore dis­tincts. »

« Ce jour-là, le 25 août 2015, l’é­vé­ne­ment n’est pas : un ours attaque une anthro­po­logue fran­çaise quelque part dans les mon­tagnes du Kamtchatka. L’événement est : un ours et une femme se ren­contrent et les fron­tières entre les mondes implosent. Non seule­ment les limites phy­siques entre un humain et une bête, qui en se confron­tant ouvrent des failles sur leur corps et dans leur tête. C’est aus­si le temps du mythe qui rejoint la réa­li­té ; le jadis qui rejoint l’ac­tuel ; le rêve qui rejoint l’in­car­né. » Nastassja Martin assume ici ce qui, pour elle, n’est pas de l’ordre de l’af­fron­te­ment, mais bien de la ren­contre entre deux êtres vivants. Celle-ci a tout du hasard : elle, mar­chant sur un pla­teau gla­cé afin d’é­chap­per un ins­tant à la pres­sion qu’exercent mal­gré eux ses hôtes évènes ; lui, l’ours, loin de toute forêt et rivière, comme errant dans le sens du vent. D’ours, elle n’a ces­sé de rêver les jours pré­cé­dant l’é­vé­ne­ment. « [J]e ne me sens plus vrai­ment moi-même, je me trans­forme en rêve de plus en plus régu­liè­re­ment », écrit-elle alors sur l’un de ses cahiers de notes, seul lien lui pro­met­tant une dis­tance avec ce qu’elle observe et vit, inter­valle qui peu à peu se réduit. Si une date reste gra­vée, la ren­contre est an-his­to­rique et les fron­tières tem­po­relles se brouillent : « […] dans le cas iso­lé de la ren­contre que je relate, les rêves rejoignent l’é­vé­ne­ment, les mythes entrent en réso­nance avec la réa­li­té. » C’est même avec un lieu anté­rieur à l’Histoire qu’elle se sent le plus en adé­qua­tion pour accueillir l’ex­pé­rience qui lui arrive, un lieu que par­court « un temps proche de celui où les humains peignent la scène du puits à Lascaux. Un temps où moi et l’ours, mes mains dans ses poils et des dents sur ma peau, c’est une ini­tia­tion mutuelle ; une négo­cia­tion au sujet du monde dans lequel nous allons vivre ».

Val Plumwood se remé­more éga­le­ment la date de sa ren­contre avec un pré­da­teur, au nord de l’Australie, comme d’un moment ori­gi­nal et ori­gi­nel : c’é­tait un jour de février 1985, tan­dis qu’elle pagayait « à bord de [son] canoë sur les eaux stag­nantes ». La sai­son et les condi­tions météo­ro­lo­giques ins­tallent cepen­dant une dimen­sion mythique cer­taine : « Ce fut là, sous une pluie dilu­vienne réuni­fiant le ciel et la terre, que je fis une ren­contre ini­tia­tique avec un cro­co­dile. » Alors que, comme l’a sou­te­nu l’his­to­rien des reli­gions Mircea Eliade, c’est au sein d’une habi­ta­tion, par un pilier, une colonne ou une ouver­ture don­nant sur le ciel que l’u­nion de la terre avec les cieux se maté­ria­lise dans nombre de cos­mo­go­nies7, c’est pour Val Plumwood une ren­contre ponc­tuelle et inat­ten­due, hors de toute construc­tion humaine, qui assure ce lien mytho­lo­gique. Réécrit à plu­sieurs reprises par l’au­trice, cet évé­ne­ment a pris avec le temps et la répé­ti­tion l’é­pais­seur du rite.

[Sophie Alyz]

C’est une dimen­sion rituelle qu’ex­plore lui aus­si Baptiste Morizot dans sa pra­tique phi­lo­so­phique du pis­tage. La réflexi­vi­té ne vient tou­te­fois pas seule­ment dans la ren­contre et ce qui lui fait suite, mais prend place avant, la pré­pare. Le rite est ins­ti­tué avant la ren­contre, de manière inten­tion­nelle, et non par elle, de manière acci­den­telle. Ça n’est pas uni­que­ment de l’é­vé­ne­ment que s’ouvrent les ques­tion­ne­ments, mais aus­si en amont de celui-ci, depuis les lec­tures, les rêves, l’i­ma­gi­na­tion. Ainsi vient-il à la ren­contre « conjoin­te­ment pour tenir le loup loin des bre­bis et com­prendre le moment cri­tique, le drame noc­turne où le loup entre en conflit avec les socié­tés humaines — quand l’a­ni­mal sau­vage attaque l’a­ni­mal domes­tique ». Des caté­go­ries sont iden­ti­fiées, une dra­ma­tur­gie prend place, un dua­lisme s’ins­taure : la ren­contre orga­ni­sée gagne en rigueur ce qu’elle perd en spon­ta­néi­té. L’approche a été infor­mée par l’ex­pé­rience d’une cohorte de pra­ti­quants ou de peuples qu’il consi­dère comme des « diplo­mates8 », puis théo­ri­sée pour répondre à une recherche de sens. À l’in­verse de Val Plumwood, le mythe ne se des­sine pas tan­dis que le temps dilue la vio­lence de la ren­contre, mais est convo­qué avant et pen­dant l’é­vé­ne­ment, pour mieux être ques­tion­né. Toutefois, l’im­pré­vi­si­bi­li­té du com­por­te­ment d’un ani­mal, aus­si nor­ma­li­sé soit-il par des condi­tions exté­rieures, l’ha­bi­tude ou l’é­vo­lu­tion, apporte son lot de sur­prises. Le mythe dès lors s’ac­tua­lise. Et tout com­mence par un regard.

S’apercevoir

« Si nous devions réa­li­ser le bon­heur de tous ceux qui portent figure humaine et des­ti­ner à la mort tous nos sem­blables qui portent museau […], nous n’aurions cer­tai­ne­ment pas réa­li­sé notre idéal. »

« Leurs yeux se ren­con­trèrent9 » : motif lit­té­raire entre tous10, l’é­change de regards entre deux pro­ta­go­nistes a irri­gué le roman moderne. La vue, plus que tout autre sens, est mobi­li­sée par la ren­contre. Il en est de même lors­qu’un des pro­ta­go­nistes n’est pas humain. Val Plumwood, plus que qui­conque, a insis­té sur l’œil du pré­da­teur qu’elle a dû affron­ter. Planche de bois bal­lot­tée par le cou­rant, l’a­ni­mal s’est révé­lé lorsque son regard a croi­sé celui de la phi­lo­sophe. Le temps que leurs routes se rejoignent, elle a eu tout le loi­sir de détailler son inter­lo­cu­teur. « L’œil du cro­co­dile — du cro­co­dile estua­rien géant du nord de l’Australie — est paille­té d’or, rep­ti­lien, magni­fique. Il a trois pau­pières. Il semble vous sou­pe­ser froi­de­ment, comme si vous ne l’im­pres­sion­niez pas et qu’il avait pris la mesure de votre être. Toutefois, une étin­celle éton­nam­ment intense peut l’illu­mi­ner si vous par­ve­nez à sus­ci­ter son inté­rêt. » Attiré par la proie qui glisse sur l’eau à quelques mètres de lui, l’a­ni­mal ne quitte pas la femme du regard : leurs che­mins s’ap­prêtent à converger.

C’est là que Val Plumwood dit s’être rap­pe­lée la place qui serait la sienne dans la chaîne ali­men­taire et le fait qu’elle puisse, elle aus­si, être de la nour­ri­ture. « Au moment où je plon­geais mon regard dans celui du cro­co­dile, je pris pour­tant conscience que j’a­vais négli­gé cet aspect essen­tiel de l’exis­tence humaine lors de mes pré­pa­ra­tifs, et net­te­ment sous-esti­mé la vul­né­ra­bi­li­té qui était la mienne en tant qu’a­ni­mal comes­tible. » Elle sera sai­sie à quatre reprises par les crocs de son assaillant, l’é­co­fé­mi­niste ne s’é­chap­pant que grâce à un arbre auquel elle réus­si­ra à se pendre. La vul­né­ra­bi­li­té inhé­rente à chaque vie, déniée par les condi­tions de vie occi­den­tales, est rap­pe­lée dans la chair même de la phi­lo­sophe. Mais, plus que la mâchoire du cro­co­dile, c’est l’un de ses yeux qui a rete­nu avant tout son atten­tion : « […] l’œil, un lieu depuis lequel par­ler, depuis lequel pen­ser. » Aussi peut-on avan­cer avec elle la pro­po­si­tion sui­vante : che­mi­ner avec un pré­da­teur serait un pas pour une éthique envi­ron­ne­men­tale maté­ria­liste fon­dée sur une approche holis­tique11 des rela­tions inter­spé­ci­fiques. L’autrice l’é­crit en ces termes : « Je pro­pose pré­ci­sé­ment de consi­dé­rer cet ima­gi­naire de la nour­ri­ture et de la mort avec lequel nous avons per­du contact comme une des pierres de touche per­met­tant de ré-ima­gi­ner notre iden­ti­té en termes éco­lo­giques, en tant que membres d’une com­mu­nau­té ter­restre élar­gie et radi­ca­le­ment éga­li­taire. » L’égalité entre les êtres vivants, expres­sion qui en rap­pelle une autre, du géo­graphe liber­taire Élisée Reclus cette fois : « Si nous devions réa­li­ser le bon­heur de tous ceux qui portent figure humaine et des­ti­ner à la mort tous nos sem­blables qui portent museau et ne dif­fèrent de nous que par un angle facial moins ouvert, nous n’aurions cer­tai­ne­ment pas réa­li­sé notre idéal. Pour ma part, j’embrasse aus­si les ani­maux dans mon affec­tion de soli­da­ri­té socia­liste12. » Prémisses dif­fé­rentes mais conclu­sions simi­laires — l’une éco­lo­gique, l’autre politique.

[Sophie Alyz]

C’est éga­le­ment depuis le regard de l’a­ni­mal obser­vé que naissent les écrits de Baptiste Morizot. À plu­sieurs reprises, il revient sur cette ren­contre, atten­due mais pour­tant sur­pre­nante, faite avec un loup sur un ter­rain mili­taire du Var. Ce n’est alors pas la chaîne ali­men­taire qui est sou­li­gnée, mais une com­mune condi­tion d’apex pré­da­teur à l’hu­main et au loup. À l’af­fût par­mi les pierres, il entend l’a­ni­mal des­cendre la pente qui le sur­plombe. Celui-ci le fixe : « Il m’a exa­mi­né comme un égal. Face à face. » « D’homme à homme », dira-t-il plus loin. D’abord gêné de cette com­pa­rai­son, il se dit ensuite cer­tain que c’est là une clé de ce qui s’est joué entre lui et l’a­ni­mal lorsque ce der­nier a subi­te­ment dis­pa­ru. Dans le regard de l’autre, le cher­cheur trouve un alter ego, pour qui la curio­si­té et l’empathie est per­mise — la pitié, même, si l’on se rap­pelle la défi­ni­tion qu’en donne Rousseau dans son Discours sur l’o­ri­gine et les fon­de­ments de l’i­né­ga­li­té par­mi les hommes : « la répu­gnance à voir souf­frir son sem­blable ». Et par­mi ces sem­blables, Lévi-Strauss l’a sou­li­gné, il y a aus­si les ani­maux13. C’est bien comme tel que le loup qui fait face à Baptiste Morizot est recon­nu : « Le eye contact révèle ce que ces ani­maux com­prennent de ce que nous sommes. Ils nous attri­buent une inté­rio­ri­té nous qui pei­nons tant à leur rendre cette poli­tesse, que leur geste pour­tant appelle : il n’y a qu’une inté­rio­ri­té pour en recon­naître une autre, par­mi les rochers, les forêts, les nuages. » De là l’i­dée sui­vante : pen­ser avec un loup, une recon­nais­sance poli­tique de l’a­ni­mal et un pre­mier pas vers une rela­tion diplo­ma­tique bilatérale.

« D’humain à humain comme d’ours à ours, ce sont deux êtres équi­va­lents qui se sont aper­çus et se sont confrontés. »

C’est aus­si un sem­blable qu’a ren­con­tré Nastassja Martin sur un pla­teau sibé­rien ; mais celui-ci eut comme par­ti­cu­la­ri­té de s’être recon­nu en elle et de ne pas avoir sup­por­té le visage qu’il y vit. Il l’a alors déchi­ré. C’est de cette manière que Vassia, l’un des hôtes de l’an­thro­po­logue dans le Kamtchatka, inter­prète la ren­contre de son amie avec l’ours et son issue : « Un ours qui croise le regard d’un homme cher­che­ra tou­jours à effa­cer ce qu’il y voit. » Effacer non celui ou celle qu’il ren­contre, mais bien ce qu’il per­çoit de l’in­té­rieur du regard dans lequel, mal­gré lui, il plonge. L’homme pour­suit : « C’est pour ça qu’il attaque inévi­ta­ble­ment s’il voit tes yeux. Tu l’as regar­dé dans les yeux, n’est-ce pas ? » Voilà com­ment il explique fina­le­ment l’at­taque : « Les ours, ce qui les dif­fé­ren­cie de nous, c’est qu’ils ne peuvent pas se regar­der en face. » D’humain à humain comme d’ours à ours, ce sont deux êtres équi­va­lents qui se sont aper­çus et se sont confron­tés. Non qu’il y ait une hié­rar­chie entre les vivants ; c’est plu­tôt que cer­tains se répondent avec plus de réso­nance. Ainsi, entrer dans la gueule de l’ours : ne plus com­prendre ce que les genres et les espèces relatent ; entre­voir seule­ment le par­tage d’un évé­ne­ment avec un être qui, à cet ins­tant, cor­res­pond à soi. Et l’é­cho se réper­cute sur des corps — humains ou non —, au sein de pay­sages et de ter­ri­toires par­ta­gés ou disputés.

Habiter la limite

De ces trois récits, deux dimen­sions sup­plé­men­taires peuvent être sou­li­gnées : l’en­ga­ge­ment du corps dans la ren­contre, jus­qu’à son alté­ra­tion pour Nastassja Martin et Val Plumwood, ain­si que le sen­ti­ment d’en­trer dans un ter­ri­toire qui n’est pas le sien. Cette trans­gres­sion tient à l’a­ni­mal concer­né — un pré­da­teur dans les trois cas —, mais aus­si à une concep­tion res­treinte à sa seule appro­pria­tion de la notion de ter­ri­toire. On doit à Vinciane Despret d’a­voir récem­ment fait la généa­lo­gie de cette notion en ce qui concerne les études bio­lo­giques, éco­lo­giques et étho­lo­giques sur les oiseaux14. Pour elle, le ter­ri­toire déborde lar­ge­ment le cadre de lappro­pria­tion : cet usage res­treint à pro­pos des ani­maux est contem­po­rain de son appa­ri­tion en droit, au XVIIIe siècle, et de la dis­pa­ri­tion de l’emploi des com­muns dans les socié­tés rurales. Les recherches sur la ter­ri­to­ria­li­té des oiseaux depuis la nais­sance de ce ques­tion­ne­ment ont mon­tré une mul­ti­tude d’hy­po­thèses qui ont sou­vent dépen­du de cette seule approche, pro­je­tant de façon géné­rale sur le com­por­te­ment des ani­maux des pré­oc­cu­pa­tions humaines (insis­tance sur la séduc­tion, la repro­duc­tion, la défense d’un lieu appro­prié face à un enne­mi etc.). Si un ter­ri­toire peut être défen­du, acca­pa­ré ou assailli, il est avant tout habi­té. Dès lors son approche phy­sique est à examiner.

[Sophie Alyz]

Les ter­ri­toires mis en jeu dans les ren­contres de Nastassja Martin, Val Plumwood et Baptiste Morizot sont appro­chés par un corps soit en mou­ve­ment et aux aguets, soit immo­bile et à l’af­fût. Leur appré­hen­sion dépend ain­si for­cé­ment de l’a­ni­mal ren­con­tré, mais aus­si d’une per­cep­tion pro­pre­ment humaine de celui-ci et de l’i­dée que l’on se fait de son monde. L’anthropomorphisme, patent chez Nastassja Martin et Baptiste Morizot, n’est pas un écueil de leur part ; plu­tôt la retrans­crip­tion depuis leur point de vue de l’é­vé­ne­ment qui a eu lieu. Mais, allant plus loin, ils pos­tulent éga­le­ment qu’un même genre d’af­fect s’est pro­duit pour l’a­ni­mal en face d’eux. Pour Baptiste Morizot, c’est une manière de se mettre à la place de l’a­ni­mal sans tri­cher avec ce qui est per­çu, c’est le recon­naître comme égal. Il rejoint par là le phi­lo­sophe cana­dien Brian Massumi, pour qui l’an­thro­po­mor­phisme (la pro­jec­tion de carac­tères humains sur des ani­maux par iden­ti­fi­ca­tion avec eux), pour peu qu’il soit dis­so­cié de l’an­thro­po­cen­trisme (la pri­mau­té, dans toute situa­tion ou rai­son­ne­ment, des inté­rêts humains sur les non-humains), est une hypo­thèse de tra­vail féconde dans la mesure où elle fait place au qua­li­ta­tif et au sub­jec­tif, aux côtés des études étho­lo­giques ou éco­lo­giques sta­tis­tiques et quan­ti­ta­tives15.

« Raconter ces his­toires de ren­contres sin­gu­lières revien­drait alors à peu­pler par les mots des ter­ri­toires ani­maux qui res­tent peu acces­sibles autrement. »

Baptiste Morizot ajoute que cette piste mène, dans sa mise en récit, à une ouver­ture du sens : « La nar­ra­tion, struc­tu­rel­le­ment, pro­duit un ensau­va­ge­ment séman­tique16. » Raconter ces his­toires de ren­contres sin­gu­lières revien­drait alors à peu­pler par les mots des ter­ri­toires ani­maux qui res­tent peu acces­sibles autre­ment. Les êtres cher­chés fuient, se terrent, se camouflent dans le pay­sage. Les bords de leurs mondes sont autant de seuils plus ou moins opaques selon la connais­sance que l’on en a. Passer les limites de ces ter­ri­toires revient alors à ques­tion­ner d’un même élan celles entre les espèces, les caté­go­ries et les espaces. Les marques lais­sées sur les corps de Val Plumwood et Nastassja Martin sont peut-être la preuve que ce type de ren­contre ne se fait pas sans un coût phy­sique, un coup que le corps doit encais­ser. Si l’an­thro­po­logue fran­çaise écrit avoir sou­hai­té fer­mer ses propres fron­tières, deman­dé « des nuits noires, silen­cieuses, dépeu­plées », le choc avec l’ours a fait de ce monde clos une vaine armure. Pour citer de nou­veau les quelques mots résu­mant l’his­toire, « un ours et une femme se ren­contrent et les fron­tières entre les mondes implosent ». Les limites tant concep­tuelles que géo­gra­phiques sont remo­bi­li­sées, dépla­cées, distordues.

Ces trois récits nous montrent ain­si des expé­riences à la fois limi­naires et limi­trophes, jouant avec des lignes peu inter­ro­gées, soli­de­ment ancrées dans l’i­ma­gi­naire. On peut suivre pour les bous­cu­ler la piste évo­quée par Jacques Derrida : par la mise en évi­dence d’une « limi­tro­phie », ce der­nier enten­dait étu­dier « ce qui avoi­sine les limites mais aus­si ce qui se nour­rit, s’en­tre­tient, s’é­lève et s’é­duque, se cultive aux bords de la limite […] ce qui pousse et croit à la limite, autour de la limite, en s’en­tre­te­nant de la limite », mais aus­si « ce qui nour­rit la limite, la génère, la com­plique, l’é­lève et la com­plique17 ». Les rela­tions entre humains et non humains sont par là remo­bi­li­sées. Nous avons por­té l’ac­cent sur trois pré­da­teurs, dont la ren­contre tient autant à des contin­gences qu’à une atti­rance pour des êtres qui, par cer­tains aspects, nous res­semblent. Pourtant, si l’on suit les pro­pos éclai­rants de Jean-Christophe Bailly, « chaque ani­mal est un fré­mis­se­ment de l’ap­pa­rence et une entrée dans le monde18 » : se por­ter au-devant de l’a­ni­mal, tout ani­mal, pour en sai­sir le point de vue, « le par­ti pris », est une manière de chan­ger de pers­pec­tive, d’être infor­mé dif­fé­rem­ment par des manières de faire autres qu’­hu­maines19. Néanmoins, si la pos­ture active du pis­teur peut infor­mer sur un rap­port défen­sif de l’a­ni­mal à son ter­ri­toire, pri­vi­lé­gier un simple accueil, comme celui pra­ti­qué par l’ob­ser­va­teur, pour­rait per­mettre d’ac­cé­der à des ani­maux dif­fé­rents, et dif­fé­rem­ment. La curio­si­té n’est pas à pros­crire, au contraire. Peut-être pour­rait-elle trou­ver son sou­la­ge­ment dans une obser­va­tion moins intru­sive et plus réceptive.

[Sophie Alyz]

Par « habi­ter une limite », nous enten­dons ain­si che­mi­ner là où les ani­maux sur­viennent, où par leur sur­gis­se­ment ils inter­rogent : au bord des champs, au sein des villes, à la lisière d’une forêt, auprès d’un ruis­seau. Alors que les pré­da­teurs entre­vus ou étreints par Val Plumwood, Baptiste Morizot et Nastassja Martin informent sur un rap­port exis­ten­tiel et onto­lo­gique au monde, nous pen­sons que notre atten­tion gagne­rait à se por­ter sur ces ani­maux qui ne se cachent pas ou plus, mais habitent là où la pres­sion humaine est la plus forte, s’en accom­mo­dant jus­qu’à s’en ser­vir. Saisir l’in­tru­sion d’a­ni­maux inat­ten­dus au cœur de la cité — san­gliers, renards, per­ruches à col­lier, par­mi tant d’autres — nous per­met d’en­tre­voir ain­si ce que pour­rait être une manière d’ha­bi­ter en com­mun avec ce qui est autre qu’humain.

Accueillir la nuisance : politique du voir

« Saisir l’in­tru­sion d’a­ni­maux inat­ten­dus au cœur de la cité nous per­met de pas­ser du poé­tique au poli­tique, et d’en­tre­voir ain­si ce que pour­rait être une manière d’ha­bi­ter en com­mun avec ce qui est autre qu’humain. »

Tirer les ensei­gne­ments d’un ensemble de ren­contres indi­vi­duelles, de récits bien per­son­nels n’est pas aisé. Certains ani­maux, plus que d’autres peut-être, ou qui ont sim­ple­ment plus que d’autres sus­ci­té la réflexion, invitent à aller du sin­gu­lier au col­lec­tif, d’une poé­tique au poli­tique. Ainsi le loup guet­té puis pis­té par Baptiste Morizot n’est qu’un épi­phé­no­mène dans sa ten­ta­tive diplo­ma­tique auprès d’une espèce en son ensemble. En se foca­li­sant sur un ani­mal par­ti­cu­lier, il choi­sit de for­ma­li­ser ce qu’il consi­dère avant tout comme « un pro­blème géo­po­li­tique », soit le retour d’une puis­sance un temps dis­pa­rue sur le ter­ri­toire fran­çais, et « un pro­blème poli­tique », en ce qu’il est sai­si par des camps oppo­sés16. Actant la cadu­ci­té des modes de ges­tion clas­sique de la faune sau­vage — régu­la­tion par la chasse ou sanc­tua­ri­sa­tion par la pro­tec­tion de l’es­pace —, c’est une approche bila­té­rale qui est pro­po­sée : « La carte du nou­veau mode d’in­te­rac­tion avec le loup, c’est la diplo­ma­tie. Le mode d’in­te­rac­tion, ou che­min de l’ac­tion que l’on peut en déduire, est la négo­cia­tion. » C’est néan­moins de manière asy­mé­trique que s’é­la­bore cette der­nière. La diplo­ma­tie relève d’une « com­pré­hen­sion fine des modes d’exis­tence des autres ani­maux, et l’in­ser­tion dans leurs étho­grammes20 ».

Le phi­lo­sophe décrit le loup comme une espèce cryp­tique, dont le mode d’ap­pa­ri­tion se fait en tant que « pré­sence invi­sible ». Se mettre à la place d’un loup relève de l’ex­per­tise. On repère les traces, les mor­sures sur le bétail ou le gibier, mais peu sont ceux qui peuvent se tar­guer d’a­voir aper­çu l’a­ni­mal en chair et en os. Or depuis quelques années les loups se donnent à voir au bord des routes ou près des sen­tiers : non qu’ils soient plus mena­çants ou affa­més qu’au­pa­ra­vant, mais leur popu­la­tion, plus nom­breuse, ne peut rési­der dans les trop rares domaines lais­sés à la faune. Le carac­tère dis­per­sant de l’es­pèce leur intime éga­le­ment de colo­ni­ser de nou­veaux ter­ri­toires. L’asymétrie diplo­ma­tique, sous la contrainte, s’é­qui­libre en par­tie. Dès lors, ça n’est plus avec une espèce absente qu’il faut par­le­men­ter, mais avec des ani­maux qui se livrent ; non plus un com­pé­ti­teur dis­cret et abs­trait, mais des sem­blables qui s’ouvrent, par leur pré­sence, à la coha­bi­ta­tion. D’une espèce sin­gu­lière à des indi­vi­dus par­ti­cu­liers. Ils gra­vitent désor­mais entre de ce que Sue Donaldson et Will Kymlicka ont qua­li­fié de « sau­vage » d’un côté et de « limi­naire » de l’autre, soit des ani­maux qui ne font pas par­tie de la socié­té humaine comme c’est le cas pour les ani­maux domes­tiques ou d’é­le­vage, et qui ne sont pour autant pas com­plè­te­ment exté­rieurs à cette socié­té21.

[Sophie Alyz]

Il sem­ble­rait que l’ar­ti­fi­cia­li­sa­tion des sols, la frag­men­ta­tion des pay­sages ain­si que l’in­tru­sion tou­jours plus forte des pra­tiques humaines dans les milieux natu­rels entraînent un déve­lop­pe­ment impor­tant des espèces limi­naires. Les images ont pu être fortes : ours polaires assaillant des pou­belles aux abords d’une ville russe, san­gliers trot­ti­nant auprès de tou­ristes sur une plage ou de pas­sants sur une place, renards allant de parc en parc à la recherche d’un lieu sûr où s’a­bri­ter… Les exemples ne manquent pas. C’est dans l’at­ten­tion à ce qui sur­vient auprès de nous que naît le trai­te­ment poli­tique des rela­tions aux ani­maux. Dépasser la ren­contre indi­vi­duelle implique de ne pas seule­ment aller voir, mais aus­si d’ac­cueillir ce qui trouble le cœur géo­gra­phique du poli­tique, la polis. De lais­ser une place à ce rat que l’on abhorre ou à ces goé­lands et mouettes qui sur­volent les villes lit­to­rales, pour pen­ser avec eux, depuis leur ins­crip­tion dans des ter­ri­toires jus­qu’a­lors consi­dé­rés comme stric­te­ment humains.

« De lais­ser une place à ce rat que l’on abhorre ou à ces goé­lands et mouettes qui sur­volent les villes lit­to­rales, pour pen­ser avec eux. »

Être ouvert ne signi­fie pas être dans une attente pas­sive et fleg­ma­tique ; c’est plu­tôt la pos­ture du naïf qui défi­ni­rait le mieux une telle atti­tude. Ainsi de Mattis, le pro­ta­go­niste du roman du Norvégien Tarjei Vesaas, Les Oiseaux. Une pas­sée de bécasses sur­vole un matin le per­son­nage et tout en est trans­for­mé : « Et puis il y eut un petit bruit. Un cri sou­dain, étrange. Et en même temps, il per­çut quelques brefs coups d’ailes rapides, là-haut, en l’air. Puis quelques appels étouf­fés dans un lan­gage d’oi­seau désem­pa­ré. Cela pas­sa au-des­sus de la mai­son. Mais cela pas­sa aus­si juste à tra­vers Mattis22. » Réhabiliter la contem­pla­tion n’est pas faire de toutes et tous des êtres en attente, mais plu­tôt redon­ner sens à l’at­ten­tion, propre à faire accep­ter l’ac­cueil — d’une sen­sa­tion, d’un évé­ne­ment, d’une per­sonne. Ça n’est pas avec de la che­vro­tine que Mattis salua les bécasses, mais avec la place ample qu’il avait gar­dée en lui pour une telle ren­contre. Son désir brû­lant d’en par­ta­ger le récit, avec sa sœur ou les autres vil­la­geois, ajoute à l’ins­tant une durée dans le temps, en soi mais aus­si pour les autres.

Ainsi la contem­pla­tion a‑t-elle cette fonc­tion com­mune avec la poé­sie, celle de détour­ner un regard, de faire chan­ger imper­cep­ti­ble­ment la manière de consi­dé­rer ce qui sur­vient. Du poli­tique, sim­ple­ment esquis­sé faute de conclu­sions satis­fai­santes, nous retour­nons au poé­tique : peut-être est-ce là un aveu d’é­chec, un manque qui ne peut être com­blé. Ou bien est-ce une recon­nais­sance, celle d’une dimen­sion que la poé­sie, mal­gré tout, per­siste à embras­ser de ses mots — mots aux­quels la poli­tique ne doit pas res­ter indif­fé­rente. Derrida l’a for­mu­lé ain­si : « La pen­sée de l’a­ni­mal, s’il y en a, revient à la poé­sie23. »


Illustration de ban­nière et de vignette : Sophie Alyz


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  1. Bestiaire pio­ché dans De capes et de crocs, d’Ayroles et Masbou, Gaston Lagaffe, de Franquin et Astérix et Obélix, de Goscinny et Uderzo.[]
  2. Le terme « ani­mal » a été employé par com­mo­di­té : « non-humain » n’est pas satis­fai­sant car il repro­duit un dua­lisme lais­sant les humains dans un état d’ex­cep­tion ; « autre-qu’­hu­main » convien­drait mieux, mais reste moins com­mode pour une lec­ture fluide. Il convient d’a­jou­ter que si l’on emploie le terme au sin­gu­lier, ce sera tou­jours d’un indi­vi­du sin­gu­lier qu’il sera ques­tion. L’animalité, comme l’ont mon­tré Jacques Derrida et à sa suite Jean-Christophe Bailly, ne cor­res­pond à aucune essence.[]
  3. Nastassja Martin, « Vivre plus loin », Terrain, n° 66, 2016 ; Croire aux fauves, Verticales, 2019.[]
  4. Val Plumwood, « Human Vulnerability and the Experience of Being a Prey », Quadrant, vol. 39, n° 3, 1995 ; The Eye of the Crocodile, ANU Press, 2012, par­tiel­le­ment tra­duit par la revue Terrestres.[]
  5. Baptiste Morizot, Les Diplomates, Wildproject, 2016 ; Sur la piste ani­male, Actes Sud, 2018.[]
  6. Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, De près et de loin, Odile Jacob, 1988.[]
  7. Mircea Eliade, Le Sacré et le Profane, Gallimard, 1965.[]
  8. 15 d’entre eux inter­viennent au cours du livre épo­nyme, Les Diplomates, par­mi les­quels saint François, l’é­tho­logue Konrad Lorenz, l’é­co­logue Lucy King, les chas­seurs amé­rin­diens des plaines, ou encore un des pion­niers de l’é­thique envi­ron­ne­men­tale, le fores­tier Aldo Leopold.[]
  9. Gustave Flaubert, L’Éducation sen­ti­men­tale, Le Livre de poche, 1972.[]
  10. Jean Rousset, Leurs Yeux se ren­con­trèrent — La scène de pre­mière vue dans le roman, José Corti, 1981.[]
  11. Il est à noter que des débats récur­rents ont lieu par­mi les éco­logues à pro­pos de la notion d’é­qui­libre, d’ins­pi­ra­tion holiste ; celle-ci est mise à mal depuis les années 1970 par l’é­mer­gence de l’é­co­lo­gie des per­tur­ba­tions, met­tant en évi­dence la pré­gnance des dés­équi­libres au sein d’un milieu natu­rel don­né. Par ailleurs la notion d’ho­lisme est en elle-même sujette à cau­tion en ce qu’elle nie au sein d’un tout, par son approche englo­bante, les par­ti­cu­la­ri­tés des par­ties.[]
  12. Élisée Reclus, lettre à Richard Health [1884], Les Grands Textes, Flammarion, 2014.[]
  13. Claude Lévi-Strauss, « Jean-Jacques Rousseau, fon­da­teur des sciences de l’homme », Anthropologie struc­tu­rale deux, Plon, 1973.[]
  14. Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Actes Sud, 2019.[]
  15. Brian Massumi, Ce que les bêtes nous apprennent de la poli­tique, édi­tions Dehors, 2019.[]
  16. Baptiste Morizot, Les Diplomates, Wildproject, 2016.[][]
  17. Jacques Derrida, L’Animal que donc je suis, Galilée, 2006.[]
  18. Jean-Christophe Bailly, Le Parti pris des ani­maux, Christian Bourgois, 2013.[]
  19. Sur le pers­pec­ti­visme, voir Eduardo Viveiros de Castro, Métaphysiques can­ni­bales, PUF, 2009.[]
  20. En étho­lo­gie, la science des com­por­te­ments ani­maux, l’é­tho­gramme est la liste exhaus­tive de ces com­por­te­ments pour ce qui est d’un indi­vi­du, d’un groupe ou d’une espèce.[]
  21. Sue Donaldson et Will Kymlicka, Zoopolis, Alma, 2016.[]
  22. Tarjei Vesaas, Les Oiseaux, édi­tions Plein chant, 2012.[]
  23. Jacques Derrida, op. cit.[]

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